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Med Sci (Paris)
Volume 40, Novembre 2024
Les Cahiers de Myologie
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Page(s) | 6 - 8 | |
Section | Mise Au Point | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024128 | |
Published online | 18 November 2024 |
L’actionnabilité clinique des gènes
Un concept d’actualité dans le cadre des maladies rares et une première évaluation objective pour les myopathies
The clinical actionability of genes: A concept for rare diseases and the first objective assessment for myopathies
1
Filnemus, laboratoire de génétique moléculaire, CHU Montpellier, Montpellier, France
2
Sorbonne Université, Inserm, Institut de Myologie, Centre de recherche en myologie, Paris, France
3
Service de pathologies neuromusculaires, Hôpital de la Timone, Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, Marseille, France
4
Aix-Marseille Université, Inserm, Marseille Medical Genetics, U1251 ; Département de Génétique Médicale, Hôpital Timone Enfants, APHM, Marseille, France
5
Centre de référence des maladies neuromusculaires et de la SLA, CHU La Timone Filnemus, Euro-NMD, AIX-Marseille Université
6
Laboratoire de Génétique Moléculaire, CHU Montpellier, PhyMedExp, Université de Montpellier, Inserm, CNRS, Montpellier
*
martin.krahn@univ-amu.fr
**
mireille.cossee@inserm.fr
Le séquençage à haut débit a introduit le concept de « gènes actionnables ». Ces gènes sont liés à des pathologies pour lesquelles des traitements ou des prises en charge spécifiques existent. Un diagnostic génétique précis est donc crucial pour initier des interventions précoces qui peuvent prévenir ou retarder l’évolution de maladies rares. Le séquençage à haut débit a considérablement augmenté les capacités d’analyse génétique, mais il a également entraîné une augmentation des demandes d’analyses, allongeant les délais de rendu des résultats. Une priorisation des analyses devient nécessaire, surtout lorsque des « gènes actionnables » sont suspectés. Pour les myopathies, un travail national a identifié 63 gènes actionnables, impliqués dans des pathologies pour lesquelles peuvent être initiés un traitement ciblé et/ou une prise en charge précoce, améliorant ainsi le pronostic des patients. Malgré des avancées, de nombreuses maladies rares restent sans traitements spécifiques, soulignant l’importance continue de la recherche et de l’innovation en génétique médicale.
Abstract
High-throughput sequencing has introduced the concept of “actionable genes”. These genes are linked to diseases for which specific treatments or care exist. Accurate genetic diagnosis is therefore crucial for initiating interventions that can prevent or delay the progression of rare diseases. High-throughput sequencing has considerably increased the capacities of genetic analyses, but it has also led to an increase in requests for analyses, lengthening the time taken to obtain results. It is becoming necessary to prioritize analyses, especially when “actionable genes” are suspected to be implicated. In the case of myopathies, a French national study has identified 63 actionable genes, implicated in diseases for which a targeted treatment and/or priority care can be initiated, thereby improving the patient’s prognosis. Despite advances, many rare diseases remain without specific treatments, underlining the continuing importance of research and innovation in medical genetics.
© 2024 médecine/sciences – Inserm
© E. Pion
Vignette : Le diagnostic génétique précis des pathologies dues à des mutations des gènes actionnables permet des interventions pouvant prévenir ou retarder l’évolution de maladies musculaires rares. (Schéma généré avec BioRender.com)
Avec l’utilisation du séquençage à haut débit, le concept de « gènes actionnables » a émergé. Il s’agit de gènes impliqués dans des pathologies pour lesquelles il existe un traitement et/ou une prise en charge spécifiques qui pourront être initiés en cas de diagnostic génétique précis. Cette notion s’est beaucoup développée avec la généralisation des analyses génétiques par séquençage à haut débit. Celui-ci a constitué, ces dernières années, une révolution majeure dans le domaine du diagnostic génétique, par une augmentation sans précédent des capacités d’analyse de notre patrimoine génétique.
Il y a quelques années, les analyses génétiques étaient limitées à un ou quelques gènes par patient, en fonction de l’orientation diagnostique (parmi les environ 5 000 gènes connus pour être impliqués en pathologie humaine, notre génome en comportant un total d’environ 20 000).
Grâce aux nouvelles technologies de séquençage à haut débit, il est maintenant devenu possible d’analyser rapidement et de manière simultanée des dizaines ou centaines de gènes pour un patient, ce qui a permis une augmentation du rendement diagnostique. Un diagnostic génétique de précision ainsi établi est essentiel pour la prise en charge du patient, le conseil génétique sur le plan familial (notamment le risque de récurrence) et d’éventuelles démarches de diagnostic prénatal voire préimplantatoire. Il est à souligner cependant que, malgré des progrès constants, de nombreuses maladies rares d’origine génétique restent sans ressources thérapeutiques spécifiques.
Aussi, l’importante augmentation des capacités de séquençage implique aujourd’hui une augmentation majeure du nombre de demandes d’analyses réalisées quasi-exclusivement dans le secteur hospitalier public. Il en résulte sur le plan national un allongement des délais de rendu de résultats individuels dans les principaux centres hospitaliers proposant ces approches diagnostiques, avec une réflexion et une réorganisation actuellement engagées.
Dans cette situation, une priorisation des analyses peut s’avérer nécessaire lorsque la suspicion diagnostique chez un patient peut impliquer un « gène actionnable » : en cas d’identification de variant(s) pathogène(s) dans un tel gène, un traitement spécifique peut alors être initié, permettant de prévenir l’apparition ou de retarder, voire de stabiliser, l’évolution d’une maladie. Il apparaît ainsi évident que tout retard de diagnostic génétique dans une telle situation peut avoir des conséquences sur l’évolution de la pathologie du patient, par retard d’initiation du traitement spécifique.
Des études menées depuis 2013, initiées notamment par l’American College of Medical Genetics and Genomics (ACMG), ont permis de caractériser des « gènes actionnables » dans différents domaines de maladies génétiques, comme par exemple les troubles congénitaux du rythme cardiaque, certaines formes héréditaires de cancers ou de maladies métaboliques, ou encore certaines formes d’épilepsies [1]. Dans le même objectif, et pour la première fois sur le plan international, un travail national a été mené pour caractériser des « gènes actionnables » dans le domaine des myopathies, coordonné par le Pr Martin Krahn (service de Génétique médicale/APHM/AMU) et le Dr Mireille Cossée (laboratoire de Génétique moléculaire du CHU Montpellier), en lien avec la Filière de santé maladies rares neuromusculaires Filnemus (coordonnée par le Pr Shahram Attarian, APHM/AMU ; coordination de projet Emmanuelle Pion). Ce travail a impliqué les Centres de référence/compétence maladies rares des différents CHU en France, ainsi que les neuf laboratoires effectuant le diagnostic génétique des myopathies [2].
Une classification semi-quantitative établie par l’organisme Clinical Genome Resource (ClinGen ; 2018) [3] permet d’évaluer « l’actionnabilité » clinique des gènes au travers de quatre indicateurs (gravité de la maladie ; pénétrance/probabilité de la maladie ; efficacité de l’intervention ; nature de l’intervention dont effets secondaires) combinés à l’indication du niveau de preuve (Figure 1). Sur cette base, 63 gènes actionnables ont été identifiés, comme par exemple des gènes responsables de myopathies métaboliques pouvant bénéficier de traitements enzymatiques substitutifs ou ceux de syndromes myasthéniques congénitaux accessibles à des traitements spécifiques ciblant la jonction neuromusculaire [4, 5].
Figure 1 Description des gènes actionnables. Définitions, implications, critères d’actionnabilité et exemples de gènes actionnables. |
Ces gènes actionnables devront dorénavant être analysés avec une notion de priorisation, dans le cadre des analyses réalisées dans les laboratoires de biologie médicale de référence agréés pour le diagnostic des myopathies, et également sur les deux plateformes nationales de séquençage à très haut débit du plan France médecine génomique 2025 (https://pfmg2025.aviesan.fr/).
Dans cette optique, une coordination de cette initiative au sein de Filnemus a été mise en place, en interaction avec le projet TREATABOLOME (https://treatabolome.org) développé dans le cadre du projet européen Solve-RD (coordonné par le Dr Gisèle Bonne, Centre de recherche en myologie, Paris). Le Treatabolome est une base de données et un portail web permettant d’interroger, au moment du diagnostic moléculaire, les traitements disponibles au niveau des gènes/variants, et ce afin de limiter les délais d’accès aux traitements pour les patients atteints de maladies rares [6]. Cette base de données est alimentée via des revues systématiques de la littérature (SLR pour systematic literature review) des traitements existants ; des revues établies pour des groupes spécifiques de maladies rares. Un guide pour la rédaction de ces SLR est disponible afin de générer des ensembles de données FAIR (pour Findable, Accessible, Interoperable, Reusable, c’est-à-dire accessibles, comprises, échangeables et réutilisables) conformes [7]. Actuellement, le Treatabolome comporte les données issues de sept SLR [5, 8–12] dans le domaine neuromusculaire, dont 33 des 63 gènes actionnables de myopathies (Tableau 1).
Liste de 36 gènes actionnables dans le domaine des myopathies ayant un score d’actionnabilité > 9 avec en rouge ceux présents dans le Treatabolome.
Nos objectifs sont maintenant de connecter le Treatabolome aux outils de tri des variants au sein des laboratoires de diagnostic génétique de Filnemus, et de compléter les SLR pour les gènes actionnables de myopathies non encore disponibles dans le Treatabolome.
Par ailleurs, certains gènes actionnables de myopathies retenus dans le cadre de ce projet de Filnemus seront inclus dans le projet de recherche PERIGENOMED (coordonné par le Pr Laurence Faivre du CHU de Dijon) qui est le projet pilote national d’évaluation du dépistage génétique néonatal par séquençage de génomes complets.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des tableaux
Liste de 36 gènes actionnables dans le domaine des myopathies ayant un score d’actionnabilité > 9 avec en rouge ceux présents dans le Treatabolome.
Liste des figures
Figure 1 Description des gènes actionnables. Définitions, implications, critères d’actionnabilité et exemples de gènes actionnables. |
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