Free Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 40, Novembre 2024
Les Cahiers de Myologie
Page(s) 6 - 8
Section Mise Au Point
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2024128
Published online 18 November 2024

© 2024 médecine/sciences – Inserm

© E. Pion

Vignette : Le diagnostic génétique précis des pathologies dues à des mutations des gènes actionnables permet des interventions pouvant prévenir ou retarder l’évolution de maladies musculaires rares. (Schéma généré avec BioRender.com)

Avec l’utilisation du séquençage à haut débit, le concept de « gènes actionnables » a émergé. Il s’agit de gènes impliqués dans des pathologies pour lesquelles il existe un traitement et/ou une prise en charge spécifiques qui pourront être initiés en cas de diagnostic génétique précis. Cette notion s’est beaucoup développée avec la généralisation des analyses génétiques par séquençage à haut débit. Celui-ci a constitué, ces dernières années, une révolution majeure dans le domaine du diagnostic génétique, par une augmentation sans précédent des capacités d’analyse de notre patrimoine génétique.

Il y a quelques années, les analyses génétiques étaient limitées à un ou quelques gènes par patient, en fonction de l’orientation diagnostique (parmi les environ 5 000 gènes connus pour être impliqués en pathologie humaine, notre génome en comportant un total d’environ 20 000).

Grâce aux nouvelles technologies de séquençage à haut débit, il est maintenant devenu possible d’analyser rapidement et de manière simultanée des dizaines ou centaines de gènes pour un patient, ce qui a permis une augmentation du rendement diagnostique. Un diagnostic génétique de précision ainsi établi est essentiel pour la prise en charge du patient, le conseil génétique sur le plan familial (notamment le risque de récurrence) et d’éventuelles démarches de diagnostic prénatal voire préimplantatoire. Il est à souligner cependant que, malgré des progrès constants, de nombreuses maladies rares d’origine génétique restent sans ressources thérapeutiques spécifiques.

Aussi, l’importante augmentation des capacités de séquençage implique aujourd’hui une augmentation majeure du nombre de demandes d’analyses réalisées quasi-exclusivement dans le secteur hospitalier public. Il en résulte sur le plan national un allongement des délais de rendu de résultats individuels dans les principaux centres hospitaliers proposant ces approches diagnostiques, avec une réflexion et une réorganisation actuellement engagées.

Dans cette situation, une priorisation des analyses peut s’avérer nécessaire lorsque la suspicion diagnostique chez un patient peut impliquer un « gène actionnable » : en cas d’identification de variant(s) pathogène(s) dans un tel gène, un traitement spécifique peut alors être initié, permettant de prévenir l’apparition ou de retarder, voire de stabiliser, l’évolution d’une maladie. Il apparaît ainsi évident que tout retard de diagnostic génétique dans une telle situation peut avoir des conséquences sur l’évolution de la pathologie du patient, par retard d’initiation du traitement spécifique.

Des études menées depuis 2013, initiées notamment par l’American College of Medical Genetics and Genomics (ACMG), ont permis de caractériser des « gènes actionnables » dans différents domaines de maladies génétiques, comme par exemple les troubles congénitaux du rythme cardiaque, certaines formes héréditaires de cancers ou de maladies métaboliques, ou encore certaines formes d’épilepsies [1]. Dans le même objectif, et pour la première fois sur le plan international, un travail national a été mené pour caractériser des « gènes actionnables » dans le domaine des myopathies, coordonné par le Pr Martin Krahn (service de Génétique médicale/APHM/AMU) et le Dr Mireille Cossée (laboratoire de Génétique moléculaire du CHU Montpellier), en lien avec la Filière de santé maladies rares neuromusculaires Filnemus (coordonnée par le Pr Shahram Attarian, APHM/AMU ; coordination de projet Emmanuelle Pion). Ce travail a impliqué les Centres de référence/compétence maladies rares des différents CHU en France, ainsi que les neuf laboratoires effectuant le diagnostic génétique des myopathies [2].

Une classification semi-quantitative établie par l’organisme Clinical Genome Resource (ClinGen ; 2018) [3] permet d’évaluer « l’actionnabilité » clinique des gènes au travers de quatre indicateurs (gravité de la maladie ; pénétrance/probabilité de la maladie ; efficacité de l’intervention ; nature de l’intervention dont effets secondaires) combinés à l’indication du niveau de preuve (Figure 1). Sur cette base, 63 gènes actionnables ont été identifiés, comme par exemple des gènes responsables de myopathies métaboliques pouvant bénéficier de traitements enzymatiques substitutifs ou ceux de syndromes myasthéniques congénitaux accessibles à des traitements spécifiques ciblant la jonction neuromusculaire [4, 5].

thumbnail Figure 1

Description des gènes actionnables. Définitions, implications, critères d’actionnabilité et exemples de gènes actionnables.

Ces gènes actionnables devront dorénavant être analysés avec une notion de priorisation, dans le cadre des analyses réalisées dans les laboratoires de biologie médicale de référence agréés pour le diagnostic des myopathies, et également sur les deux plateformes nationales de séquençage à très haut débit du plan France médecine génomique 2025 (https://pfmg2025.aviesan.fr/).

Dans cette optique, une coordination de cette initiative au sein de Filnemus a été mise en place, en interaction avec le projet TREATABOLOME (https://treatabolome.org) développé dans le cadre du projet européen Solve-RD (coordonné par le Dr Gisèle Bonne, Centre de recherche en myologie, Paris). Le Treatabolome est une base de données et un portail web permettant d’interroger, au moment du diagnostic moléculaire, les traitements disponibles au niveau des gènes/variants, et ce afin de limiter les délais d’accès aux traitements pour les patients atteints de maladies rares [6]. Cette base de données est alimentée via des revues systématiques de la littérature (SLR pour systematic literature review) des traitements existants ; des revues établies pour des groupes spécifiques de maladies rares. Un guide pour la rédaction de ces SLR est disponible afin de générer des ensembles de données FAIR (pour Findable, Accessible, Interoperable, Reusable, c’est-à-dire accessibles, comprises, échangeables et réutilisables) conformes [7]. Actuellement, le Treatabolome comporte les données issues de sept SLR [5, 812] dans le domaine neuromusculaire, dont 33 des 63 gènes actionnables de myopathies (Tableau 1).

Tableau I.

Liste de 36 gènes actionnables dans le domaine des myopathies ayant un score d’actionnabilité > 9 avec en rouge ceux présents dans le Treatabolome.

Nos objectifs sont maintenant de connecter le Treatabolome aux outils de tri des variants au sein des laboratoires de diagnostic génétique de Filnemus, et de compléter les SLR pour les gènes actionnables de myopathies non encore disponibles dans le Treatabolome.

Par ailleurs, certains gènes actionnables de myopathies retenus dans le cadre de ce projet de Filnemus seront inclus dans le projet de recherche PERIGENOMED (coordonné par le Pr Laurence Faivre du CHU de Dijon) qui est le projet pilote national d’évaluation du dépistage génétique néonatal par séquençage de génomes complets.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Axeen EJT, Olson HE. Neonatal epilepsy genetics. Semin Fetal Neonatal Med 2018 ; 23 : 197. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Krahn M, Biancalana V, Cerino M, et al. A national French consensus on gene lists for the diagnosis of myopathies using next-generation sequencing. Eur J Hum Genet 2019 ; 27 : 349. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Berg JS, Foreman AKM, O’Daniel JM, et al. A semiquantitative metric for evaluating clinical actionability of incidental or secondary findings from genome-scale sequencing. Genet Med 2016 ; 18 : 467. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Vecten M, Pion E, Bartoli M, et al. Objective evaluation of clinical actionability for genes involved in myopathies: 63 genes with a medical value for patient care. Int J Mol Sci 2022 ; 23 : 8506. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Thompson R, Bonne G, Missier P, et al. Targeted therapies for congenital myasthenic syndromes: systematic review and steps towards a Treatabolome. Emerg Top Life Sci 2019 ; 3 : 19. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Bonne G. The Treatabolome, an emerging concept. J Neuromuscul Dis 2021 ; 8 (3) : 337–339. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  7. Atalaia A, Thompson R, Corvo A, et al. A guide to writing systematic reviews of rare disease treatments to generate FAIR-compliant datasets: building a Treatabolome. Orphanet J Rare Dis 2020 ; 15 (1) : 206. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  8. Atalaia A, Ben Yaou R, Wahbi K, et al. Laminopathies’ treatments systematic review: a contribution towards a ‘Treatabolome’. J Neuromuscul Dis 2021 ; 8 (3) : 419–439. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  9. Desaphy JF, Altamura C, Vicart S, Fontaine B. Targeted therapies for skeletal muscle ion channelopathies: systematic review and steps towards precision medicine. J Neuromuscul Dis 2021 ; 8 (3) : 357–381. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  10. Manta A, Spendiff S, Lochmüller H, Thompson R. Targeted therapies for metabolic myopathies related to glycogen storage and lipid metabolism: a systematic review and steps towards a ‘Treatabolome’. J Neuromuscul Dis 2021 ; 8 (3) : 401–417. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  11. Tiet MY, Lin Z, Gao F, et al. Targeted therapies for Leigh syndrome: systematic review and steps towards a ‘Treatabolome’. J Neuromuscul Dis 2021 ; 8 (6) : 885–897. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  12. Jennings MJ, Lochmüller A, Atalaia A, Horvath R. Targeted therapies for hereditary peripheral neuropathies: systematic review and steps towards a ‘Treatabolome’. J Neuromuscul Dis 2021 ; 8 (3) : 383–400. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

Liste des tableaux

Tableau I.

Liste de 36 gènes actionnables dans le domaine des myopathies ayant un score d’actionnabilité > 9 avec en rouge ceux présents dans le Treatabolome.

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Description des gènes actionnables. Définitions, implications, critères d’actionnabilité et exemples de gènes actionnables.

Dans le texte

Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.

Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.

Initial download of the metrics may take a while.