Open Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 39, Number 6-7, Juin-Juillet 2023
Page(s) 530 - 536
Section M/S Revues
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2023084
Published online 30 June 2023

© 2023 médecine/sciences – Inserm

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Vignette (© Norma Beatriz Romero).

Les cellules souches et la régénération musculaire

Les muscles squelettiques, qui représentent environ 40 % de la masse corporelle totale chez l’homme, assurent plusieurs fonctions vitales : la locomotion, la respiration, la posture, la thermogenèse et l’homéostasie énergétique. Le tissu musculaire est très plastique, ce qui lui permet de s’adapter aux stimulus environnementaux et/ou physiologiques. Il possède également la capacité de se régénérer à la suite d’une blessure. Les cellules souches musculaires, aussi appelée cellules satellites, à l’origine des cellules musculaires, transitent entre différents états : quiescence, prolifération et différenciation. En cas de blessure musculaire, d’exercice intense ou de maladie, la régénération musculaire se fonde sur la fonction de ces cellules souches musculaires. Celles-ci sont rapidement mobilisées pour proliférer et se différencier afin de réparer les fibres musculaires endommagées [1]. En l’absence de dommage, ces cellules souches restent quiescentes : elles ne prolifèrent pas et leur métabolisme de base est très faible. Lors de dommages musculaires, des changements sont induits dans leur microenvironnement local (ou niche), à l’origine de signaux qui provoquent leur activation et leur sortie de quiescence. Activées, les cellules souches prolifèrent et se transforment en myoblastes, des cellules précurseurs myogéniques qui vont ensuite se différencier en myocytes. Les myocytes vont alors fusionner, soit entre eux, pour former de nouvelles myofibres, soit avec des fibres préexistantes [1]. Des mécanismes régulateurs spécifiques des cellules souches musculaires, ou extrinsèques, ont été identifiés, impliquant en particulier des molécules de signalisation et la matrice extracellulaire [1]. Récemment, des liens entre l’état métabolique de la cellule souche musculaire et sa régulation épigénétique ont été établis. Nous synthétiserons ci-dessous les connaissances actuelles sur l’interrelation entre les modifications d’histones et les voies métaboliques mises en jeu dans les cellules souches musculaires quiescentes, ainsi que sur les changements métaboliques et épigénétiques qui entraînent l’activation de ces cellules en réponse à une blessure.

Hétérogénéité du métabolisme des cellules souches quiescentes

Les cellules souches musculaires représentent une population de cellules très rares au sein du muscle squelettique. Leur étude au niveau moléculaire est donc difficile. Cependant, l’amélioration des méthodes de purification de ces cellules, couplée à des techniques de biologie moléculaire adaptées pour les cellules en très petit nombre, ont permis d’étudier l’état métabolique des cellules souches musculaires, tant à l’état quiescent qu’en période d’activation. Ces études ont montré que, quiescentes, les cellules souches musculaires n’étaient pas toutes équivalentes : certaines sous-populations sont en effet moins engagées dans une voie de différenciation et possèdent un potentiel de régénération plus important [2, 3]. Ces observations ont suggéré l’existence d’une certaine hiérarchie entre cellules souches musculaires, comme cela a été observé pour plusieurs autres types de cellules souches adultes, tels que les cellules souches hématopoïétiques [4]. Certaines sous-populations de cellules souches ont en effet un potentiel d’auto-renouvellement plus élevé, et leur activité métabolique est plus faible que celle d’autres cellules souches plus différenciées [2].

Les cellules souches quiescentes sont des cellules en phase G0 du cycle cellulaire. Lors de leur activation, elles entrent en phase G1 et effectuent un cycle cellulaire. Le temps nécessaire pour compléter ce premier cycle cellulaire, lorsque la cellule souche est activée, est d’environ 25 à 30 heures ; les cycles cellulaires suivants seront plus courts (10 heures) [2]. Parmi les cellules quiescentes, certaines sont dans un état particulier, l’état d’alerte (ou GALERT) : bien que ces cellules demeurent quiescentes et ne sont donc pas en cycle, elles sont légèrement plus volumineuses et sont un peu plus actives au niveau transcriptionnel que les cellules en phase G0 ( Figure 1 ) [5, 6]. Lors de leur activation, les cellules GALERT nécessiteront moins de temps pour compléter leur premier cycle cellulaire. Au niveau métabolique, elles présentent une activité mitochondriale plus importante et génèrent plus d’ATP que les cellules restées en phase G0. Leur métabolisme et leur activité transcriptionnelle demeurent néanmoins beaucoup plus restreints que ceux des cellules souches activées et en cycle. Au niveau fonctionnel, les cellules souches en état GALERT présentent une capacité à régénérer un muscle endommagé plus importante que les cellules en phase G0 [5]. La transition de l’état G0 vers l’état GALERT nécessite l’activation de la voie mTORC1 (mammalian target of rapamycin complex 1), une voie de signalisation qui joue un rôle essentiel dans la synthèse protéique, la synthèse des lipides, la croissance cellulaire, la prolifération et la régulation de l’autophagie.

thumbnail Figure 1.

Représentation schématique du cycle cellulaire des cellules souches musculaires. Le cycle cellulaire est un processus étroitement régulé en fonction de quatre phases : G1, S, G2 et M. En état de quiescence, appelé phase G0, les cellules souches musculaires ne se divisent pas et ne se différencient pas en cellules musculaires. Cet état de quiescence est réversible, ce qui signifie que les cellules souches musculaires peuvent être activées en réponse à un stimulus extérieur et réintégrer le cycle cellulaire en phase G1, soit directement, soit par une phase intermédiaire appelée GALERT. L’activation de la voie mTORC1 joue un rôle important dans la transition d’un état G0 vers un état GALERT. Après leur activation, la majorité des cellules souches vont s’engager dans la différenciation, tandis que d’autres sortiront du cycle cellulaire pour revenir en état de quiescence pour reconstituer le pool de cellules souches quiescentes (figure réalisée à l’aide de BioRender.com).

Les cellules souches musculaires quiescentes représentent donc une population hétérogène, tant en ce qui concerne leurs capacités transcriptionnelles et métaboliques que leur capacité de régénération tissulaire. Toutefois, ces cellules demeurent beaucoup moins actives métaboliquement, comparativement aux cellules souches activées qui prolifèrent. Pour s’activer, ces cellules requièrent donc une augmentation importante de biosynthèse d’ARN, de protéines et autres macromolécules.

Métabolisme des cellules souches musculaires quiescentes et activées

Les cellules souches musculaires présentent une forte flexibilité métabolique, ce qui leur permet de s’adapter lors de leur passage de l’état quiescent à l’état activé. Ces transitions d’états s’accompagnent de changements importants en besoins énergétiques.

Le métabolisme des cellules souches quiescentes et des cellules souches activées est influencé par de nombreux facteurs, tels que les quantités d’hormones ou de facteurs de croissance, de glucose et d’oxygène dans leur environnement. Une étude récente, comparant les transcriptomes des cellules dans ces deux états, a révélé des différences dans leur métabolisme énergétique [7]. La Figure 2 illustre les besoins énergétiques des cellules souches quiescentes et des cellules souches activées.

thumbnail Figure 2.

Changements métaboliques associés à l’activation de la cellule souche musculaire. À la suite d’une blessure et/ou d’un stress, les cellules souches musculaires sont rapidement activées pour réparer ou remplacer les fibres endommagées. Ces cellules ont une étonnante flexibilité métabolique leur permettant de passer de l’état de quiescence à l’état activé. Cette activation s’accompagne d’une augmentation du métabolisme énergétique. En état de quiescence (repos), les besoins énergétiques des cellules sont très faibles et majoritairement obtenus par l’oxydation des acides gras (β-oxydation). En réponse à un stimulus extérieur, les cellules souches s’activent, ce qui augmente l’activité métabolique nécessaire à leur prolifération et à leur différenciation afin de réparer les fibres endommagées. L’activation des cellules souches est accompagnée d’une forte activité glycolytique, entraînant un remodelage de la chromatine et une augmentation importante de l’expression des gènes (figure réalisée à l’aide de BioRender.com).

Lorsqu’elles sont quiescentes, les cellules souches utilisent principalement l’oxydation des acides gras (ou β-oxydation) pour remplir leurs besoins énergétiques. Une étude a ainsi montré que les cellules souches avaient une capacité plus importante à former des colonies myogéniques in vitro lorsqu’elles étaient cultivées en présence de galactose, un produit de l’hydrolyse du lactose favorisant l’utilisation de la phosphorylation oxydante mitochondriale [8]. Comparativement aux cellules quiescentes, les cellules souches activées ont une activité métabolique beaucoup plus élevée ; elles sont en cours de maturation et prolifèrent massivement. Dans ces cellules, l’activité mitochondriale est fortement augmentée [5, 7, 9], en raison de la demande énergétique accrue. La glycolyse est aussi augmentée, et semble être la voie métabolique prédominante de ces cellules [7, 9].

Lors de l’activation, l’augmentation rapide des besoins énergétiques de la cellule souche nécessite des changements métaboliques importants. Parmi ces modifications, le processus d’autophagie est induit. Il s’agit d’un mécanisme de dégradation et de recyclage cellulaire par lequel des composants intracellulaires, tels que des agrégats protéiques et des organites dysfonctionnelles, sont séquestrés dans des vésicules spécifiques, les autophagosomes, puis dégradés après fusion de ces vésicules avec les lysosomes. La réutilisation des petites molécules résultant de la dégradation de ces composants cellulaires est importante pour maintenir l’homéostasie cellulaire et pour permettre à la cellule de répondre à ses besoins métaboliques qui se modifient. Un niveau basal d’autophagie est ainsi essentiel pour maintenir l’homéostasie des cellules souches musculaires [7, 10]. En effet, l’inhibition spécifique du processus d’autophagie dans les cellules souches musculaires chez la souris, par la délétion du gène Atg7 (autophagy- related 7), codant une protéine essentielle pour la formation et l’élongation de l’autophagosome, induit des dysfonctionnements mitochondriaux et du stress oxydant. Ces changements favorisent la sénescence des cellules [10], un état caractérisé par un arrêt irréversible du cycle cellulaire, ce qui élimine ainsi la capacité de régénération musculaire.

Les cellules souches quiescentes semblent présenter un niveau basal d’autophagie très faible. En revanche, des marqueurs d’autophagie ont été détectés très précocement lors de leur activation, avant même qu’elles aient complété leur premier cycle cellulaire [11]. L’inhibition pharmacologique de l’autophagie retarde significativement le temps d’entrée en cycle des cellules souches quiescentes [11]. L’autophagie contribuerait donc à l’apport énergétique qui est requis par la cellule souche lorsqu’elle est activée, même si ce mécanisme n’est pas le mécanisme principal de production d’énergie par ces cellules. L’autophagie jouerait néanmoins un rôle important dans la régulation métabolique et pour maintenir l’intégrité des cellules souches, y compris en ce qui concerne leur capacité à entrer et à sortir de l’état de quiescence. Toutefois, beaucoup d’inconnues persistent quant à la façon dont l’autophagie influence l’état métabolique et quant aux mécanismes impliqués dans la transition d’un état G0 vers un état G1.

Les changements épigénétiques reliés à l’activation des cellules souches musculaires

Les techniques qui ont été développées permettent désormais non seulement d’étudier les processus métaboliques des cellules souches musculaires, mais aussi de comprendre leur état épigénétique et l’impact que peut avoir leur environnement sur la transcription de leurs gènes. Les différents types de cellules souches, tant embryonnaires qu’adultes, sont caractérisés par la présence de gènes bivalents, des gènes qui possèdent simultanément la marque de méthylation de la lysine 4 de l’histone 3 (H3K4me3), associée à une activation de la transcription, et la marque de méthylation de la lysine 27 de l’histone 3 (H3K27me3), normalement associée aux gènes transcriptionnellement inactifs [12]. Dans les cellules souches musculaires, les gènes qui possèdent ces marques bivalentes codent principalement des molécules régulatrices du développement, dont plusieurs facteurs de transcription, comme les gènes homéotiques HOX [13]. Cette caractéristique agit vraisemblablement comme une « mémoire épigénétique », d’où une certaine plasticité de la cellule souche [12]. La reprogrammation génétique de ces cellules en cellules souches pluripotentes induites (iPSC) est ainsi beaucoup plus efficace quand elle est effectuée avec des cellules souches adultes plutôt qu’avec des cellules différenciées [14, 15]. La présence de gènes bivalents dans les cellules souches musculaires suggère que ces cellules conservent leur potentiel d’adopter des destins alternatifs non myogéniques. Lors de l’activation, très peu de gènes perdent leur état bivalent [13]. C’est en effet au stade de myoblaste que la bivalence sera résolue.

Une autre caractéristique de l’état épigénétique des cellules souches musculaires est le relâchement de leur chromatine qui est moins compacte et est donc plus permissive pour la transcription. Dans les cellules souches musculaires quiescentes, près de la moitié des gènes présentent la marque permissive H3K4me3, et sont donc prêts à être transcrits [13]. En revanche, très peu de gènes possèdent la marque répressive H3K27me3. Lors de l’activation, l’identité et le nombre de gènes portant la marque H3K4me3 ne varient cependant pas. Par contre, la présence de la marque répressive H3K27me3 est fortement augmentée. Cette marque épigénétique est corrélée à une augmentation de l’expression de la méthyltransférase EZH2 (enhancer of zeste homolog 2), l’enzyme responsable de la méthylation de la lysine 27 des histones [13]. L’état de la chromatine devient alors moins permissif.

Alors que la marque répressive H3K27me3 permet d’expliquer comment la cellule souche musculaire restreint son potentiel lors de l’activation, l’absence de variation de la marque permissive H3K4me3 durant l’activation suggère que d’autres marques d’histones contribuent à la nécessaire augmentation de l’expression de certains gènes. Une augmentation de l’acétylation des histones a été observée lors de l’activation des cellules souches musculaires [7, 16]. Cet accroissement de l’acétylation est corrélé à la transition du métabolisme oxydant vers la glycolyse, un changement qui s’accompagne d’une augmentation de la production d’acétyl-CoA. La glycolyse transforme en effet le glucose en pyruvate, qui à son tour est métabolisé par le complexe enzymatique pyruvate déshydrogénase (PDH) pour produire de l’acétyl-CoA. Cet acétyl-CoA sera utilisé exclusivement par la mitochondrie, via le cycle de l’acide tricarboxylique (TCA), ou cycle de Krebs, qui génère du citrate. Le citrate en excès est ensuite exporté vers le cytosol via la navette citrate-pyruvate, où il sera transformé à nouveau en acétyl-CoA qui servira à l’acétylation des histones dans le noyau cellulaire. L’acétylation des histones, par les histones acétyl transférases (HAT), est à l’origine d’un relâchement de la chromatine qui permet aux facteurs de transcription de se lier efficacement à l’ADN pour stimuler la transcription de certains gènes en fonction des besoins de la cellule [17, 18]. D’autres mécanismes épigénétiques pourraient également influencer la transition entre la quiescence et l’activation des cellules souches musculaires comme la méthylation de l’ADN, des modifications des queues d’histones, ou encore l’interaction de la chromatine avec d’autres protéines. L’importance de ces mécanismes dans l’activation de la cellule souche, de même que leur lien avec le métabolisme, restent à déterminer.

La sirtuine, un effecteur important du métabolisme des cellules souches musculaires

Les sirtuines forment une famille d’enzymes particulièrement dépendantes du NAD+. Il s’agit de désacétylases, des enzymes qui catalysent la suppression des groupements acétyles des histones mais aussi des autres protéines [19]. La sirtuine SIRT1, la désacétylase la plus étudiée, est un acteur clé du métabolisme mais aussi de la régulation épigénétique. Elle joue un rôle pivot dans les processus moléculaires associés à la quiescence et à l’activation des cellules souches musculaires ( Figure 3 ).

thumbnail Figure 3.

SIRT1 contrôle des processus cellulaires impliqués dans la quiescence et l’activation des cellules souches musculaires. SIRT1 fait partie de la famille des sirtuines, des désacétylases dépendantes du NAD+, impliquées dans la régulation de l’expression génique. La cellule souche musculaire quiescente privilégie l’oxydation des acides gras pour ses besoins énergétiques. Ce mécanisme est régulé, entre autres, par SIRT1 qui active PGC1 (peroxisome proliferator-activated receptor-gamma coactivator)-1α, dont la désacétylation est nécessaire pour son activité dans l’oxydation des acides gras. Lorsque la cellule souche s’active, une des premières étapes est l’induction de l’autophagie, également dépendante de SIRT1. Dans la cellule activée, la glycolyse entraîne une augmentation des niveaux de NADH, au détriment du NAD+, ce qui inhibe SIRT1, et une augmentation des niveaux d’acétyl-CoA. Ces changements favorisent l’acétylation des histones, ce qui augmente l’expression des gènes (figure réalisée à l’aide de BioRender.com).

Dans les cellules souches quiescentes, la présence de NAD+ stimule l’activité de SIRT1, dont le principal substrat est la lysine 16 de l’histone H4 (H4K16) [19, 20]. SIRT1 a d’autres cibles protéiques, comme le PGC (peroxisome proliferator-activated receptor-gamma coactivator)-1a, un régulateur important du métabolisme énergétique cellulaire, dont la désacétylation est nécessaire pour son activité lors de l’oxydation des acides gras [21]. SIRT1 serait également un régulateur positif de l’autophagie dans les cellules musculaires. Elle active la voie AMPK (5’ adenosine monophosphate-activated protein kinase) [22, 23], qui promeut l’autophagie [24, 25], et désacétyle ATG7. SIRT1 régule également négativement la voie de signalisation mTORC1 - S6K1 (S6 kinase 1) [26, 27], voie qui est nécessaire à l’entrée des cellules souches musculaires dans l’état GALERT (Figure 1) [5]. Lors de la quiescence, l’activité élevée de SIRT1 inhiberait ainsi la voie mTORC1 et donc l’entrée des cellules en phase GALERT. Dans les cellules quiescentes, la présence de SIRT1 serait donc importante pour l’oxydation des acides gras via la désacétylation de PGC1-a, et pour maintenir l’état de quiescence. L’induction de l’autophagie, étape précoce de l’activation des cellules souches, semble reposer également sur l’activité de SIRT1 [11].

Lors de l’activation des cellules souches musculaires, la glycolyse et, en conséquence, le cycle de Krebs, génère la production de NADH (forme réduite du nicotinamide adénine dinucléotide [NAD]) à partir du NAD+, ce qui entraîne une diminution de la disponibilité de NAD+. La transition vers la glycolyse, entraînant la diminution des niveaux de NAD+ en faveur du NADH, et donc la perte d’activité de SIRT1 [7], serait à l’origine d’une augmentation de l’acétylation des différents substrats normalement désacétylés par SIRT1.

L’accumulation d’acétyl-CoA causée par la glycolyse, couplée à la diminution de l’activité de SIRT1, induirait des changements épigénétiques, en particulier des modifications d’acétylation d’histones, dont H4K16 [7, 16]. Cette marque modifie la structure de la chromatine [28-30] et est associée à l’activation transcriptionnelle des gènes [31]. Les souris dont les cellules souches musculaires ont été inactivées pour le gène Sirt1, présentent une augmentation de la marque H4K16Ac et un niveau transcriptionnel plus élevé de certains gènes [7]. De même, lorsque l’activité de SIRT1 est inhibée, le niveau d’acétylation de ATG7 est augmenté dans les cellules musculaires, et le flux autophagique est alors diminué [11]. Les souris dont le gène Sirt1 a été inactivé, présentent un retard dans l’activation des cellules souches musculaires, associé à une diminution de leur activité mitochondriale [11]. Elles présentent également des défauts de régénération musculaire [7]. Comment SIRT1 régule l’état épigénétique et l’état métabolique des cellules souches musculaires reste cependant à découvrir.

Perspectives : vieillissement, restriction calorique, hétérogénéité des cellules satellites

Des liens clairs entre métabolisme et régulation épigénétique des cellules souches musculaires ont donc été établis. Le vieillissement des cellules souches musculaires s’accompagne d’altérations mitochondriales et métaboliques [9, 3235] ().

(→) Voir la Nouvelle de F. Guillaumond et al., m/s n° 2, février 2009, page 136

Au niveau épigénétique, la présence de la marque répressive H3K27me3 est augmentée dans les cellules souches musculaires des souris âgées [13], ce qui contribue probablement à la perte progressive de leur fonction. Les sirtuines semblent être au centre des régulations métaboliques et épigénétiques qui contrôlent l’activation des cellules souches musculaires, au centre de la réparation musculaire. L’état d’acétylation des histones dans les cellules satellites de souris âgées n’a pas encore été déterminé. L’activité des sirtuines est diminuée au cours du vieillissement, en raison des changements métaboliques à l’origine d’une réduction des niveaux de NAD+ [33, 36] ().

(→) Voir la Synthèse de A. Mayeuf et F. Relaix, m/s n° 5, mai 2011, page 521 et la Synthèse de A. Mayeuf-Louchart, m/s hors série n° 2, décembre 2020, page 10

Chez la souris âgée, le rétablissement des niveaux de NAD+ permet d’augmenter le nombre de cellules satellites ainsi que leur capacité à régénérer un muscle endommagé [32]. La restriction calorique (jeûne intermittent ou diète) qui semble être bénéfique pour retarder le vieillissement et éviter l’apparition de maladies associées avec l’âge [37], est associée à une augmentation du nombre de cellules souches musculaires et de leur capacité régénérative [8, 38]. Il serait intéressant dans de futures études d’analyser les effets épigénétiques d’une restriction calorique sur les cellules souches musculaires.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Représentation schématique du cycle cellulaire des cellules souches musculaires. Le cycle cellulaire est un processus étroitement régulé en fonction de quatre phases : G1, S, G2 et M. En état de quiescence, appelé phase G0, les cellules souches musculaires ne se divisent pas et ne se différencient pas en cellules musculaires. Cet état de quiescence est réversible, ce qui signifie que les cellules souches musculaires peuvent être activées en réponse à un stimulus extérieur et réintégrer le cycle cellulaire en phase G1, soit directement, soit par une phase intermédiaire appelée GALERT. L’activation de la voie mTORC1 joue un rôle important dans la transition d’un état G0 vers un état GALERT. Après leur activation, la majorité des cellules souches vont s’engager dans la différenciation, tandis que d’autres sortiront du cycle cellulaire pour revenir en état de quiescence pour reconstituer le pool de cellules souches quiescentes (figure réalisée à l’aide de BioRender.com).

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thumbnail Figure 2.

Changements métaboliques associés à l’activation de la cellule souche musculaire. À la suite d’une blessure et/ou d’un stress, les cellules souches musculaires sont rapidement activées pour réparer ou remplacer les fibres endommagées. Ces cellules ont une étonnante flexibilité métabolique leur permettant de passer de l’état de quiescence à l’état activé. Cette activation s’accompagne d’une augmentation du métabolisme énergétique. En état de quiescence (repos), les besoins énergétiques des cellules sont très faibles et majoritairement obtenus par l’oxydation des acides gras (β-oxydation). En réponse à un stimulus extérieur, les cellules souches s’activent, ce qui augmente l’activité métabolique nécessaire à leur prolifération et à leur différenciation afin de réparer les fibres endommagées. L’activation des cellules souches est accompagnée d’une forte activité glycolytique, entraînant un remodelage de la chromatine et une augmentation importante de l’expression des gènes (figure réalisée à l’aide de BioRender.com).

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thumbnail Figure 3.

SIRT1 contrôle des processus cellulaires impliqués dans la quiescence et l’activation des cellules souches musculaires. SIRT1 fait partie de la famille des sirtuines, des désacétylases dépendantes du NAD+, impliquées dans la régulation de l’expression génique. La cellule souche musculaire quiescente privilégie l’oxydation des acides gras pour ses besoins énergétiques. Ce mécanisme est régulé, entre autres, par SIRT1 qui active PGC1 (peroxisome proliferator-activated receptor-gamma coactivator)-1α, dont la désacétylation est nécessaire pour son activité dans l’oxydation des acides gras. Lorsque la cellule souche s’active, une des premières étapes est l’induction de l’autophagie, également dépendante de SIRT1. Dans la cellule activée, la glycolyse entraîne une augmentation des niveaux de NADH, au détriment du NAD+, ce qui inhibe SIRT1, et une augmentation des niveaux d’acétyl-CoA. Ces changements favorisent l’acétylation des histones, ce qui augmente l’expression des gènes (figure réalisée à l’aide de BioRender.com).

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