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Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 12, Décembre 2024
Épigénétique : développement et destin cellulaire
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Page(s) | 885 - 891 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024175 | |
Published online | 20 December 2024 |
Retour sur la constitution du concept d’épigénétique
A Second Look at the Origins of the Concept of Epigenetics’
SPHERE (sciences, philosophie, histoire), UMR 7219, CNRS, université Paris-Cité, Paris, France
Encore aujourd’hui, l’épigénétique demeure un domaine de la biologie difficile à définir. Son essor spectaculaire depuis une vingtaine d’années s’est en effet parfois accompagné de discours radicaux, mettant en avant la fin du « tout génétique », voire l’insuffisance de la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. Cet article souhaite revenir sur le moment de constitution du concept moderne d’épigénétique afin de montrer que, loin d’avoir été en rupture avec les savoirs acquis de la biologie, l’épigénétique doit être vue comme en parfaite continuité avec le développement de la génétique moléculaire. La nécessité de mécanismes épigénétiques a en effet été théorisée plusieurs décennies avant leur mise en évidence expérimentale.
Abstract
Even today, ‘epigenetics’ is a rather difficult field to define. The explosive growth of epigenetics over the last twenty years is sometimes seen as a revolutionary event in the life sciences, a paradigm shift that would devalue genetics or the standard view of the evolutionary synthesis. The aim of this paper is to place this controversial issue in its historical context. Building on the excellent work of David Haig, I will show that in the late 1950s, the modern concept of epigenetics emerged as an extension of the nascent theory of molecular biology. Given that genetic information was assimilated to the DNA sequence, and that each cell of an organism was supposed to possess a complete genome, it was thought that certain as yet undiscovered molecular mechanisms were necessary to regulate gene expression. These hypothetical “epigenetic systems”, which would not modify the DNA sequence, should also have heritable effect on gene expression, which would explain the stability of cell differentiation during embryogenesis.
© 2024 médecine/sciences – Inserm
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Vignette (© Biorender.com).
Le terme « épigénétique », que ce soit le nom (epigenetics) ou l’adjectif (epigenetic) anglais, occupe aujourd’hui une place considérable dans le discours biologique, à tel point qu’on a pu parler d’épidémie pour caractériser la fulgurante montée en puissance de ce vocable dans les publications scientifiques [1]. L’épigénétique, très rapidement, est également devenue un sujet d’intérêt en dehors même du giron strictement scientifique. Auprès du grand public, cette possible nouvelle branche de la biologie serait porteuse d’une promesse : que notre destinée ne soit pas, après tout, inscrite dans le marbre de nos gènes1. L’épigénétique serait d’une certaine manière en rupture avec la biologie géno-centrée du xxe siècle et annoncerait un changement de paradigme dans les sciences du vivant [2], y compris en ce qui concerne la théorie de l’évolution [3–5]. Tant et si bien que ce champ d’études désignerait le nouvel horizon des connaissances biologiques et son développement considérable au cours des vingt dernières années signifierait une forme de dépassement (voire de ringardisation) de la génétique.
Dans de telles situations, où les déclarations se signalent par leur radicalité, l’histoire permet souvent une prise de recul salutaire. C’est pourquoi, en prenant appui sur les travaux de David Haig [1,6], cet article souhaite reconsidérer la constitution du concept d’épigénétique à la lumière de l’essor de la biologie moléculaire au cours des années 1950. Nous verrons que loin d’avoir été une révolution postgénétique anticipée par Conrad Waddington (voir plus loin), l’épigénétique, en tant que concept (qu’il s’agira de définir précisément), a au contraire été en quelque sorte déduit de la théorie génétique elle-même. Aussi, à l’exact opposé de l’image courante que l’on se fait de l’épigénétique, il faut comprendre la formation de ce concept comme un des rares cas dans l’histoire de la biologie où la théorie a fonctionné de manière prédictive : grâce à la mise en place du cadre de la biologie moléculaire, on a pu penser l’existence de mécanismes épigénétiques de régulation de l’activité des gènes plusieurs décennies avant que ceux-ci ne soient effectivement mis en évidence. Cette configuration épistémologique, relativement courante en physique (notamment en physique des particules), est exceptionnelle en biologie, et doit conduire à relativiser la portée révolutionnaire de l’épigénétique moderne.
Des mots et des choses en biologie
Un des enseignements de l’histoire des sciences est que les mots et les choses ne se recouvrent pas nécessairement : le mot peut exister sans la chose, et inversement. Un même terme peut ainsi renvoyer à des concepts parfois très différents et un même concept peut au contraire être désigné par plusieurs vocables. L’histoire de la biologie offre pléthore d’exemples à ce sujet. Par exemple, on trouve souvent sous la plume de Claude Bernard le terme « évolution », à tel point que certains historiens ont suggéré que l’un des fondateurs de la physiologie expérimentale, contemporain de Charles Darwin, était lui-même partisan de la transformation des espèces. Une telle lecture est un contre-sens total : chez Claude Bernard, « évolution » renvoie systématiquement au développement embryonnaire et jamais à l’évolution des espèces. Au mitan du xixe siècle, il utilisait ce mot daté dans son sens originel, celui de « révélation » progressive d’une organisation biologique déjà en puissance dans l’œuf. C’est précisément pour cette raison que Charles Darwin fut longtemps rétif à l’emploi du terme évolution et préférait désigner sa théorie comme théorie de la « descendance avec modification », afin de limiter les possibilités de malentendus.
Le risque d’une relation ambigüe entre le mot et la chose est rendu d’autant plus important que certains scientifiques forment des termes à foison, afin de s’assurer qu’au moins quelques-uns résistent à l’épreuve du temps et leur garantissent une part de postérité. L’histoire de la biologie offre à nouveau quelques exemples remarquables de tels épisodes d’inflation terminologique. Le zoologiste allemand Ernst Haeckel, un des grands soutiens à la théorie de l’évolution dès les années 1860, proposa une quantité considérable de termes, dont la plupart furent oubliés presque immédiatement. Certains, comme celui d’« oecologie », finirent par s’imposer mais au prix d’un changement de sens assez significatif. En effet, la zoologie haeckelienne ne faisait guère de place aux idées de population et d’interactions biotiques qui furent ensuite au fondement de l’écologie moderne.
Que signifiait « épigénétique » pour Conrad Waddington ?
L’embryologiste britannique Conrad Waddington fut, de ce point de vue, un peu le Haeckel du xxe siècle. Lui aussi ne fut jamais timide quand il fut question de proposer de nouveaux termes censés désigner de nouvelles manières de concevoir tel ou tel aspect des processus vitaux. Certains sont devenus d’usage courant car ils sont effectivement solidaires d’un concept à la fois nouveau et compris comme toujours scientifiquement pertinent, au premier rang desquels celui de canalisation développementale. La plupart ont disparu car leur utilité a finalement été jugée insuffisante (qui se souvient de la « biologie diachronique » ou des « chréodes » ?). Il existe cependant un troisième cas de figure, comme le montre l’histoire du terme et du concept d’« épigénétique » (epigenetics), qu’il proposa sous sa forme nominative dans un article de semi-vulgarisation dès 1942 [7] (sous sa forme adjectivale, « epigenetic » en anglais, le terme est beaucoup plus ancien et renvoie initialement au processus d’épigenèse, c’est-à-dire à l’idée d’une formation progressive de l’embryon à partir d’un œuf au sein duquel cette organisation ne préexiste pas).
Conrad Waddington est de ce fait souvent cité comme le père de l’épigénétique moderne (Voir par exemple [8]) et ce d’autant plus qu’il était lui-même critique de certains aspects de la théorie darwinienne de l’évolution (la Synthèse moderne, ou « Modern Synthesis ») et de la nouvelle biologie moléculaire [9,10]. Pour qui souhaite insister sur la dimension possiblement révolutionnaire de l’épigénétique, discipline qui irait à contre-courant des anciens paradigmes, pouvoir s’appuyer sur l’aura de Waddington est précieux. Mais cela se justifie-t-il ? Il y a peu de doutes sur le fait que Waddington a été le premier à introduire ce terme dans le langage biologique. Pour autant, il existe un écart substantiel entre ce que la plupart des biologistes entendent aujourd’hui par « épigénétique » et ce que Waddington souhaitait désigner à l’époque par ce néologisme.
Même si le terme demeure ambigu [1,11], une définition opératoire s’est stabilisée depuis la seconde moitié des années 1990 : l’épigénétique, au sens strict, consiste dans « l’étude des changements héritables (mitotiquement et/ou méiotiquement) de l’activité des gènes qui ne peuvent être expliqués par des changements dans la séquence de l’ADN » [12]. En tant que discipline, l’épigénétique se concentre donc sur la pluralité de mécanismes moléculaires qui permettent la transmission d’un patron de régulation de l’activité des gènes luimême solidaire d’un phénotype cellulaire. Ce qu’il s’agit d’expliquer, fondamentalement, c’est comment des cellules génétiquement identiques peuvent, au cours du développement embryonnaire, produire des tissus différenciés de manière stable et souvent irréversible. Dans les années 1940, il était bien sûr encore inenvisageable de concevoir les gènes comme des portions d’ADN dont la fonction consisterait dans la production séquentielle de protéines. On ne doit donc pas s’attendre à trouver un tel degré de précision dans les premiers textes où le terme fait son apparition. Dans son article bien connu de 1942, dont le titre luimême est déjà un néologisme (« The Epigenotype »), Waddington poursuivait une quête entamée quelques années auparavant et qu’il partageait avec de nombreux autres jeunes chercheurs (comme, par exemple, Boris Ephrussi) : relier, enfin, l’embryologie expérimentale (son propre domaine de compétence) et la génétique chromosomique (à laquelle il s’était initié au Caltech [California Institute of Technology], au sein du laboratoire de Thomas Morgan2). En d’autres termes, la centralité des gènes étant acquise, comment ceux-ci, par le truchement de l’embryogenèse, produisent-ils le phénotype ? C’est pour désigner ce lien à construire entre embryologie expérimentale et génétique morganienne que Conrad Waddington forme le terme d’épigénétique. Selon lui, il était temps désormais de s’intéresser aux processus causaux qui, partant du génotype, « provoquent des effets phénotypiques ». Cet ensemble de processus qui prend place entre le génotype et le phénotype, et que l’embryologie expérimentale a progressivement révélé durant l’entredeux-guerres, il les désigne comme l’ « épigénotype ». Dans ce cadre, l’épigénétique se définit comme la discipline qui étudie et caractérise l’épigénotype.
Cette première définition n’est pas incompatible avec notre concept moderne. Elle est simplement beaucoup moins précise et extrêmement large, ce qui en 1942 pouvait se comprendre compte tenu de l’absence de connaissances sur la structure et la fonction des gènes. Dans la décennie suivante, Waddington confirma l’extension considérable des phénomènes que l’épigénétique devait étudier. Par exemple, en 1952, il publia un ouvrage de synthèse intitulé The Epigenetics of Birds, et prit bien soin de préciser, dès la page de couverture, que l’épigénétique est « la science concernée par l’analyse causale du développement » [13]. Ce que font les gènes est une question quasiment absente du livre, largement dévolu aux processus morphogénétiques aux échelles cellulaires et tissulaires. Dans les années 1950, Waddington continuait de réfléchir comme un embryologiste traditionnel et ne montra qu’un intérêt assez limité (et plutôt tardif) à propos du fait que les gènes étaient désormais compris comme des séquences de nucléotides à même de coder la structure primaire des protéines. En bref, il identifiait « épigénétique » et « biologie du développement ». En outre, durant la seconde moitié de cette décennie, il fit lui-même un usage finalement parcimonieux de ce nouveau terme. En 1956, il publia un nouveau livre, cette fois-ci sobrement intitulé Principles of embryology [14]. Julian Huxley, dans une recension de l’ouvrage, s’étonne d’ailleurs de l’absence du néologisme « épigénétique » dans le titre étant donné que, selon Waddington, l’épigénétique est bien « la science du processus développemental en général », ce qui est précisément le sujet du livre [15].
C’est donc dans le contexte de l’embryologie expérimentale la plus classique que Conrad Waddington forma le vocable « épigénétique » pour signifier la nécessité de rattacher les processus développementaux à l’action des gènes. Néanmoins, la question des mécanismes moléculaires de l’action des gènes ne fut pour lui jamais vraiment centrale et dans ses ouvrages successifs, il devait se contenter d’utiliser le terme « épigénétique » dans une acception très vague pour désigner l’ensemble des processus cellulaires et tissulaires responsables de la structuration progressive de l’organisme. Durant cette période, l’usage de ce nouveau vocable demeura très confidentiel, probablement parce que son utilité conceptuelle était tout compte fait assez faible.
Le cytoplasme contre le noyau dans le contexte de la biologie moléculaire naissante
C’est en fait dans un autre contexte que fut formé le concept moderne d’épigénétique, ou tout du moins un concept congruent avec celui-ci [6]. À compter de 1953, l’essor de la biologie moléculaire fut proprement explosif. En moins d’une décennie, les découvertes s’enchaînèrent à un rythme sans précédent : modèle en double hélice de l’ADN, mécanisme semi-conservatif de la réplication, code génétique, processus de synthèse des protéines (transcription et traduction), modalités de la régulation (négative) de l’activité des gènes, etc. [16]. Au cours de cette période de forte effervescence théorique et expérimentale, la question des rôles respectifs du noyau et du cytoplasme dans la différenciation cellulaire continuait d’être vivement débattue.
À côté du système génétique nucléaire, il était alors courant de postuler l’existence d’autres systèmes héréditaires, logés cette fois-ci dans le cytoplasme, et qui commanderaient les fonctions les plus essentielles de la cellule. Les biologistes intéressés par ces questions se concevaient comme des généticiens mais contestaient, comme les embryologistes l’avaient fait auparavant, le monopole du noyau et des gènes chromosomiques [17]. Dans cette querelle scientifiquement très productive, Tracy Sonneborn (aux États-Unis) et Boris Ephrussi (en Europe) jouèrent le rôle de figures de proue. À l’université d’Indiana, Sonneborn et ses collaborateurs avaient montré qu’il existait de nombreuses caractéristiques des paramécies qui, tout en étant héréditaires, échappaient au contrôle du noyau. Le concept, aujourd’hui totalement oublié, de « plasmagène » – littéralement « gène cytoplasmique » – était alors un outil commode pour rendre compte de ce type de résultat. À Paris, puis dans les nouveaux laboratoires de Gif-sur-Yvette, le groupe d’Ephrussi, au sein duquel Piotr Slonimski tint une place de choix, s’était lui consacré à l’étude des levures et notamment à la manière dont le phénotype « petite colonie » était transmis de génération en génération. Là encore, les résultats étaient en contradiction avec les prévisions mendéliennes et semblaient bien plutôt indiquer un déterminisme cytoplasmique. À ce moment-là de l’histoire, c’était donc une distinction de nature topographique qui opérait le partage entre deux types d’hérédité cellulaire : une hérédité nucléaire et une hérédité cytoplasmique. Il était postulé que seule une meilleure compréhension des mécanismes d’hérédité cytoplasmique, et des relations de ceuxci avec les mécanismes nucléaires, permettrait de résoudre le problème de la différenciation cellulaire et partant de l’ontogenèse [18].
Un premier pas : la critique de la distinction « géographique » par David Nanney
C’est dans cette ambiance d’intense réflexion sur la part respective du noyau et du cytoplasme dans l’hérédité cellulaire que prit corps l’ancêtre de notre concept d’épigénétique. L’essentiel se joua en trois temps au cours d’une brève période, entre 1956 et 1958. À la fin du mois de juin 1956, alors que l’effervescence liée à la publication du modèle en double hélice de l’ADN se faisait toujours ressentir, se tint à l’université Johns Hopkins de Baltimore un grand colloque international consacré aux « Bases chimiques de l’hérédité » [19]. Beaucoup des grands noms de la nouvelle biologie moléculaire y participèrent, comme George Beadle, Seymour Benzer, François Jacob, James Watson ou Francis Crick. David Nanney, jeune cytologiste formé auprès de Tracy Sonneborn, y donna une présentation dont le titre semblait bien en droite ligne avec les préoccupations de son directeur de thèse : « Le rôle du cytoplasme dans l’hérédité » [20].
Toutefois, David Nanney s’y montre étonnamment critique envers la distinction strictement topographique ou « géographique » (terme qu’il emploie) entre hérédité nucléaire et hérédité cellulaire. Selon lui, il serait autrement plus profitable de caractériser les systèmes héréditaires par leurs mécanismes moléculaires plutôt que par leur localisation au sein de la cellule. Nanney prend également en compte, comme beaucoup à ce moment, les résultats obtenus par King et Briggs en 1955 et qui montraient que le noyau, au cours de la gastrulation, subissait lui-même une différenciation irréversible [21]. Autrement dit, il était désormais difficilement concevable que le cytoplasme soit seul responsable de la différenciation cellulaire, ce qui affaiblissait d’autant le bien-fondé d’une distinction géographique. Pour Nanney, il était plus plausible d’imaginer que les gènes eux-mêmes – souvent compris jusque-là comme des entités quasiment intouchables, des « dictateurs » en quelque sorte épargnés par le bouillonnement moléculaire de la cellule – étaient en fait soumis à une régulation physiologique qui devait pouvoir être « perpétuée » d’une manière ou d’une autre par hérédité. Ce qui affleure dans la conclusion de sa présentation, c’est bien l’idée, encore vague et peu spécifiée, d’une hérédité cellulaire épigénétique consistant dans la transmission mitotique d’un schéma de régulation de l’activité des gènes.
Boris Ephrussi convaincu !
Si Boris Ephrussi était bien présent à Baltimore, il n’y avait présenté aucun résultat et s’était contenté de présider une des nombreuses sessions de ce grand raout de la génétique moléculaire. En mars 1958, près de deux ans plus tard, c’est lui cette fois-ci qui organisa une nouvelle rencontre internationale dans les laboratoires de génétique de Gif-sur-Yvette. Celle-ci avait été pensée comme un manifeste en faveur de l’« hérédité extra-chromosomique », le titre de ce nouveau colloque3. Outre bien sûr Tracy Sonneborn et Boris Ephrussi, on y retrouve David Nanney et François Jacob, mais aussi Jacques Monod, André Lwoff ou Guido Pontecorvo, preuve de la centralité de ce débat pour la jeune biologie moléculaire. Notons que Waddington fut également invité mais qu’il dut renoncer à venir, ratant du même coup l’acte fondateur du concept d’épigénétique !
Les archives de David Nanney offrent des renseignements précieux pour reconstituer ce qui s’y est joué4. À la fin de la première journée, Boris Ephrussi conclut les débats en appelant à ce que les partisans du rôle du cytoplasme rassemblent leur force pour contester le monopole du noyau qui semblait s’accroître chaque jour avec l’essor de la biologie moléculaire. Bien qu’intimidé par l’hôte des lieux (comme la plupart des personnes qui l’ont un jour côtoyé), Nanney se résolut à prendre la parole pour souligner l’extrême faiblesse d’une distinction conceptuelle fondée sur des critères uniquement topographiques. C’est à ce moment qu’il détailla sa conception de la régulation de l’activité des gènes et qu’il proposa une distinction alternative : celle entre des systèmes génétiques et des systèmes de contrôle « paragénétiques », étant entendu que les uns et les autres pouvaient exister dans le noyau comme dans le cytoplasme. Guido Pontecorvo lui fit alors remarquer que le terme « paragénétique » n’était pas très heureux d’un point de vue étymologique et qu’il serait sans doute préférable de lui substituer celui d’« épigénétique », même si le sens originel conféré à celui-ci par Waddington s’en trouvait ainsi singulièrement subverti. Notons au passage que, ayant d’abord jeté son dévolu sur « paragénétique », Nanney lui-même n’était pas parti des réflexions proposées par Waddington au cours de la décennie précédente.
Boris Ephrussi resta d’abord muet à la proposition de Nanney. Ce n’est que trois jours plus tard, lorsqu’il prononça l’allocution de clôture, qu’il reconnut – au grand étonnement des participants – que son jeune collègue avait raison et qu’il était nécessaire, pour que les questions progressent, d’abandonner la distinction classique entre hérédité nucléaire et hérédité cytoplasmique. Ephrussi fut à ce point convaincu qu’il s’appropria complètement les idées de Nanney lorsqu’il rédigea sa présentation « The cytoplasm and somatic cell variation » qu’il devait donner lors d’un colloque consacré aux modalités de la variation cellulaire somatique qui allait se tenir à Gatlinburg (Tennessee, États-Unis) un mois après celui de Gif-sur-Yvette [22]. Tracy Sonneborn, à la lecture du texte d’Ephrussi, fut fou de rage, car à ce moment Nanney n’avait encore rien publié concernant sa distinction entre génétique et épigénétique. Il s’assura alors que les Proceedings of the National Academy of Sciences seraient en mesure de faire paraître un texte de Nanney avant que les actes du colloque de Gatlinburg ne soient eux-mêmes publiés. C’est bien ce qu’il advint, et le 8 mai 1958, Sonneborn eut la satisfaction de transmettre à la revue le texte « Epigenetic control systems » que Nanney avait rédigé au cours des trois semaines précédentes [23].
Le texte fondateur de David Nanney
Le texte de David Nanney est bien un jalon majeur dans la constitution du concept d’épigénétique et montre de manière évidente que ce concept doit être vu en complète continuité – et non pas en rupture – avec la génétique moléculaire. C’est au moment même où Nanney élaborait sa propre distinction que Francis Crick soulignait une dimension fondamentale de la notion de gène qui émergeait de la nouvelle biologie moléculaire : un gène peut jouer une action causale à l’échelle de la cellule du fait de la séquence des nucléotides qu’il porte et qui constitue une « information génétique » à même de spécifier la structure primaire des protéines [24]. Enfin on commençait à comprendre, à l’échelle moléculaire la plus fine, ce que recouvrait la vieille expression de l’« action des gènes ». C’est cette idée centrale qui est au fondement du raisonnement de Nanney : les systèmes génétiques consistent dans l’expression d’une information codée sous la forme d’une séquence de nucléotides. À partir de là, on peut donc distinguer les systèmes génétiques des systèmes épigénétiques. Ces derniers fonctionnent selon d’autres principes moléculaires et sont impliqués dans « la détermination des spécificités [génétiques] qui doivent être exprimées dans une cellule donnée ». Autrement dit, les systèmes épigénétiques contrôlent, à la manière d’un « homéostat épigénétique », l’expression des systèmes génétiques.
Quelle pouvait être la nature moléculaire de ces systèmes épigénétiques ? Dans la seconde moitié des années 1950, cette question était d’une redoutable difficulté étant donné l’état encore largement inachevée de la biologie moléculaire et la pauvreté des données expérimentales. David Nanney, comme beaucoup à ce moment-là, essaya de mettre à contribution les modèles de type « steady-state » en s’appuyant sur la proposition théorique faite par Max Delbrück dès l’été 1948. Ce dernier, lors d’un colloque international organisé à Royaumont par le CNRS (avec le soutien déterminant de la Fondation Rockefeller), avait en effet contesté l’hypothèse alors très en vogue des plasmagènes [25]. Pour lui, ce type d’hypothèse, qui nécessitait de postuler l’existence de particules concrètes douées de certaines propriétés spécifiques, était trop peu parcimonieux pour être scientifiquement fécond. On pouvait très bien expliquer les phénomènes d’hérédité cytoplasmique sans y avoir recours, c’est-à-dire sans introduire de nouvelles entités. Un type d’hypothèse moins onéreux consistait à imaginer que certaines voies de synthèse moléculaire puissent constituer des boucles de rétroaction positive et ainsi perpétuer de manière stable tel ou tel phénotype cellulaire, quand bien même le stimulus initial n’est plus présent. Quelques années plus tard, grâce au modèle de l’opéron lactose, la réalité de ce genre d’hérédité cellulaire fut expérimentalement avérée [26,27]. Notons que, encore aujourd’hui, certains biologistes continuent d’intégrer ce type de mécanismes au sein des mécanismes épigénétiques [28].
David Nanney était par conséquent très limité dans ce qu’il lui était permis d’envisager concrètement en termes de processus de contrôle de l’activité des gènes. Malgré cela, sa réflexion se distingue par trois autres aspects, qui anticipent de manière étonnante des développements parfois nettement ultérieurs du concept d’épigénétique. Nanney comprit d’abord que l’état de contrôle d’un gène pouvait lui-même être perpétué d’une cellule mère à une cellule fille. C’est très clairement l’idée d’une hérédité épigénétique qui se trouve à plusieurs reprises exprimées dans ce texte, même si l’expression n’est nulle part employée. C’est ce type d’hérédité qui, selon Nanney, devait rendre compte de la différenciation cellulaire. Cette hérédité épigénétique, cette « mémoire cellulaire » comme on la désignait parfois à ce moment, montrait cependant deux différences significatives vis-à-vis de l’hérédité génétique : elle était d’une stabilité moindre et pouvait être induite de manière spécifique par des stimulus environnementaux. Enfin, dans un passage particulièrement remarquable, Nanney formule l’hypothèse que certains de ces systèmes épigénétiques pourraient se localiser directement « sur » les chromosomes et ainsi transmettre de manière mendélienne les phénotypes qu’ils contrôlent. Ce faisant, il dessinait une première ébauche du concept d’épimutation5.
Au-delà de David Nanney : Joshua Lederberg et l’« information épinucléique »
À la lumière du riche contenu de l’article de David Nanney, on peut maintenant revenir au texte de Boris Ephrussi, « The cytoplasm and somatic cell variation ». Rappelons que celui-ci fut écrit en réaction aux propos de Nanney à Gif, mais sans qu’Ephrussi ait à sa disposition le texte qui fut finalement rédigé par Nanney. De manière très explicite, Ephrussi commence par payer sa dette envers Nanney : les idées de celui-ci, celles exprimées à Gif, ont grandement « influencé » ses propres conceptions, qui en « portent la marque ». Désormais pleinement convaincu de la faiblesse de la distinction « géographique » standard, Ephrussi y embrasse on ne peut plus clairement la distinction entre mécanismes génétiques et mécanismes épigénétiques : une classification fondée sur la nature moléculaire des mécanismes en jeu lui semble toucher à un aspect plus fondamental de la réalité. Il y indique aussi que, tout compte fait, la différenciation cellulaire pourrait bien reposer sur des mécanismes épigénétiques. Bref, pour l’essentiel, Boris Ephrussi se range aux conceptions de David Nanney.
Cependant, le texte le plus intéressant issu de ce troisième colloque n’est pas celui de Boris Ephrussi. C’est en effet Joshua Lederberg qui allait produire la conceptualisation la plus poussée sur ces questions. Dans un commentaire général à propos des présentations qu’il a pu entendre, il commence par noter que le terme « épigénétique » n’est pas le choix le plus heureux, étant donné le sens très différent que Waddington lui a conféré depuis quelques années [29]. Remarquons d’ailleurs que Waddington était tout à fait prêt à laisser ce terme aux biologistes moléculaires et cellulaires [1], signe que luimême avait bien conscience qu’il avait introduit une terminologie peu utile pour la biologie du développement.
Surtout, c’est Joshua Lederberg qui allait élaborer, dans ce bref texte, une définition du concept qui rejoint, autant qu’il était possible à l’époque, son usage actuel le plus significatif. Il y distingue en effet l’information « nucléique », c’est-à-dire la séquence des nucléotides de l’ADN, et l’information « épinucléique », d’une nature différente. Bien que l’on ne pût rien savoir, en 1958, de la nature de cette dernière, il était au moins possible de la définir par défaut, en soulignant ce qu’elle n’était pas. Aussi pour Lederberg, l’information épinucléique devait résider dans « un aspect de la configuration des acides nucléiques autre que la séquence nucléotidique ».
Notons enfin que le terme « épinucléique », s’il s’était finalement imposé, aurait probablement évité l’équivocité problématique de celui d’« épigénétique ». En effet, la dimension contestataire de l’épigénétique, souvent tirée en épingle, vient aussi du fait que le préfixe « épi » semble sous-entendre (pour le grand-public, mais parfois aussi pour certains biologistes) un corps de connaissances qui se situeraient « au-delà » ou « au-dessus » de la génétique, en cours de dépassement. Une telle ambiguïté, régulièrement mise à profit par les tenants de la révolution de l’épigénétique [30], aurait été impossible si le terme de Lederberg – qui par ailleurs pose d’autres problèmes – avait prévalu.
Épilogue
Incontestablement, le concept d’épigénétique, comme étude des phénomènes d’hérédité cellulaire n’impliquant pas la séquence des nucléotides de l’ADN, n’est pas né des spéculations de Conrad Waddington mais de la génétique moléculaire elle-même. Dès que l’hérédité génétique fut théorisée comme la transmission d’une séquence, il apparut à certains que des mécanismes moléculaires d’un autre ordre – inconnaissables à l’époque – devaient permettre l’expression différentielle de l’information génétique. Étant donné la stabilité de la différenciation cellulaire, ces schémas de régulation devaient euxmêmes être relativement stables et héritables, au moins à l’échelle de quelques divisions. Il faut donc comprendre l’épigénétique comme un des rares cas dans l’histoire de la biologie où la théorie (ici celle de la biologie moléculaire) a produit une déduction nécessaire qui ne se vérifia sur un plan expérimental que près de quarante ans plus tard, au cours des années 1990. Ceci rend difficilement tenable les discours actuels qui font de l’épigénétique un savoir révolutionnaire qui serait en rupture avec les acquis de la génétique. Cela montre également que le concept d’épigénétique, malgré l’extrême hétérogénéité de ses emplois, n’est pas un terme sans valeur. Il désigne un authentique concept biologique, celui dont David Nanney et Joshua Lederberg ont dessiné, avec une préscience remarquable, les contours les plus significatifs.
Il ne faudrait pas pour autant penser que, étant donné ce qui fut accompli en 1958, la route fut ensuite un long fleuve tranquille. Dans les années 1960, la biologie moléculaire était une science constituée sur le plan théorique, mais très limitée sur le plan pratique. Durant une quinzaine d’années, les outils du génie génétique firent défaut à son développement. On ne put donc dans l’immédiat pas faire grand-chose de ces « mécanismes épigénétiques » qui étaient largement hors de portée. Dans la seconde moitié des années 1970, quand émergea l’idée que la méthylation des bases de l’ADN pourrait contrôler de manière stable l’expression de l’information génétique [31,32], les spéculations de David Nanney, Boris Ephrussi et Joshua Lederberg avaient été en partie oubliées. Le terme « épigénétique », dans ce contexte, ne fit un retour – d’abord très timide – qu’à la fin des années 1980, et en mettant à nouveau Conrad Waddington au premier plan (voir par exemple [33]) ! Ce qui ne fit rien pour simplifier ce qui s’était joué, du point de vue de la théorie biologique, avec l’essor de l’épigénétique.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Le concept apparaît définitivement dans le texte beaucoup plus tardif de Robin Holliday, The Inheritance of Epigenetic Defects [33].
Références
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