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Med Sci (Paris)
Volume 40, Novembre 2024
Les Cahiers de Myologie
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Page(s) | 17 - 21 | |
Section | Prix SFM | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024161 | |
Published online | 18 November 2024 |
Effets de l’exercice physique sur les maladies musculaires
Effects of physical exercise in muscular dystrophies
Sorbonne Université, Inserm, Institut de Myologie, Centre de recherche en myologie, Paris, France
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boulinguiez.alexis@gmail.com
Les myopathies constituent un groupe hétérogène de maladies caractérisées par une faiblesse et une dégénérescence progressive des muscles. Alors que ces maladies impactent fortement la qualité de vie des patients, de plus en plus d’études précliniques et cliniques suggèrent que des exercices physiques adaptés sont bénéfiques pour atténuer certains symptômes et améliorer plusieurs paramètres fonctionnels. Cette brève revue de la littérature évoque l’avancée actuelle des recherches sur les effets de l’exercice physique chez l’Homme dans diverses maladies musculaires, en explorant son impact sur les mécanismes moléculaires, la force, l’endurance, la fonction musculaire et la qualité de vie.
Abstract
Myopathies are a heterogeneous group of diseases characterized by progressive muscle weakness and degeneration. While muscle diseases have a major impact on patients’ quality of life, a growing number of pre-clinical and clinical studies suggest that adapted physical exercise is beneficial in alleviating some symptoms and improving some functional parameters. This brief review of the literature discusses the current state of research about the effects of exercise in humans with various muscle diseases, exploring its impact on molecular mechanisms, muscle strength, endurance, function and the quality of life.
© 2024 médecine/sciences – Inserm
© A. Boulinguiez (avec Biorender)
Diversité des maladies musculaires
Les myopathies constituent un groupe hétérogène de maladies musculaires caractérisées par une faiblesse et une dégénérescence progressive des muscles. Ces affections ont des origines diverses. Certaines résultent de mutations génétiques comme dans la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), la dystrophie myotonique de type 1 (DM1) ou encore la dystrophie musculaire oculopharyngée (DMOP), tandis que d’autres ont des composantes inflammatoires idiopathiques comme dans les myopathies auto-immunes inflammatoires (myosites). L’âge d’apparition des symptômes varie considérablement d’une maladie musculaire à l’autre, pour certaines dès l’enfance ou l’adolescence (par exemple la DMD ou la dystrophie musculaire facioscapulo-humérale ou FSHD) et pour d’autres plus tard, à l’âge adulte (par exemple la myosite à inclusions (IBM) ou la DMOP). En outre, les maladies musculaires peuvent affecter des groupes de muscles spécifiques, comme dans le cas de la FSHD (visage, épaules, bras) et de la DMOP (pharynx, paupières, atteinte proximale des membres), ou avoir une atteinte plus large affectant tous les muscles, comme dans le cas de la DMD.
Les effets bénéfiques de l’exercice physique au niveau moléculaire
Or, de manière intéressante, l’exercice physique peut moduler – améliorer, inverser ou atténuer – certaines altérations – défauts calciques, inflammation, stress oxydant, protéostase, dégénération, etc. – caractéristiques des pathologies musculaires (Figure 1).
Figure 1 Représentation schématique des acteurs dérégulés dans les maladies du muscle et pouvant être modulés par l’exercice physique (réalisée avec l’aide du logiciel BioRender). |
Les altérations des voies de l’homéostasie calcique perturbent la signalisation intracellulaire du calcium, contribuant à la dégénérescence et à la faiblesse musculaires [1]. Des exercices de neuf semaines obtenus par stimulation électrique du quadriceps ou via une presse à cuisses, à respectivement 40 et 90 % de la force maximale, chez des sujets âgés de 70 ans, ont réduit la surcharge calcique et favorisé des niveaux de calcium intracellulaire plus équilibrés, minimisant ainsi les dommages et les dysfonctionnements musculaires du quadriceps [2]. L’inflammation chronique et l’infiltration de cellules immunitaires contribuent à la détérioration des fibres musculaires, à la fibrose et à l’altération de la régénération dans de nombreuses dystrophies musculaires. Un protocole de développé-couché de six semaines à raison de trois exercices par semaine a favorisé la production de cytokines anti-inflammatoires [3]. Par opposition, les niveaux de cytokines pro-inflammatoires sont réduits chez les participants d’une cohorte ayant une activité physique comparativement aux participants sédentaires [4].
L’augmentation du stress oxydant et le dysfonctionnement mitochondrial contribuent à la fatigue, à la faiblesse et à la dégénérescence des muscles dans les maladies musculaires [5]. Des exercices d’endurance répétés stimulent la biogenèse mitochondriale [6] et une session de cyclisme d’intensité croissante jusqu’à épuisement renforce les défenses antioxydantes [7]. De plus, un exercice d’endurance à haute intensité chez des athlètes améliore la fonction mitochondriale [8].
L’altération de certains acteurs de l’homéostasie protéique (par exemple le protéasome, l’autophagie ou les chaperonnes) dans plusieurs maladies musculaires (IBM, DMOP [9]) conduit à l’agrégation protéique [10, 11]. De plus, la dérégulation de la balance synthèse/dégradation protéique dans plusieurs pathologies musculaires (DMD, FSHD) participe à l’atrophie et au dysfonctionnement des muscles [12]. Un protocole de répétitions d’extension de la jambe à 30 et 90 % de la force maximale et jusqu’à l’arrêt volontaire des participants a activé les voies de synthèse des protéines [13], et un exercice de la jambe progressif jusqu’à épuisement a favorisé l’autophagie [14], un processus de contrôle de l’homéostasie protéique.
Les défauts dans les mécanismes de régénération musculaire exacerbent la dégénérescence du muscle. Le stress mécanique et la contraction musculaire induits par divers protocoles d’exercice aigus et chroniques activent les cellules satellites [15]. Une augmentation du nombre de cellules satellites et de l’expression de la myogénine a été observée suite à un exercice de course en descente de haute intensité de 4 semaines chez des coureurs d’endurance [16].
Par ailleurs, les effets positifs de l’exercice sur un certain nombre d’autres voies moléculaires n’ont pour l’instant été démontrés que dans des modèles animaux.
Ainsi, les mutations dans les gènes codant les protéines du complexe dystroglycane (DGC pour dystrophin-glycoprotein complex), telles que la dystrophine, les sarcoglycanes et les dystroglycanes, compromettent l’intégrité du sarcolemme, ce qui augmente la susceptibilité aux lésions musculaires. Une course sur tapis roulant de 30 minutes, à huit mètres par minute, à raison de trois jours par semaine, pendant 12 semaines, chez des souris âgées de 24 semaines, favorise la régulation des composants du DGC, renforce le sarcolemme et améliore la stabilité de la membrane, réduisant ainsi le risque de lésions des fibres musculaires du muscle gastrocnémien pendant la contraction [17].
La fibrose excessive et le remodelage des tissus contribuent à la rigidité musculaire, aux contractures et à l’altération de la fonction dans les stades avancés de nombreuses dystrophies musculaires [18]. Un exercice quotidien de 30 minutes, à 17 mètres par minute, sur un tapis roulant incliné à – 20°, durant deux semaines, module les voies fibrogéniques, réduit le dépôt de collagène et favorise le remodelage de la matrice extracellulaire, atténuant ainsi la fibrose dans un modèle murin de la myopathie inflammatoire chronique [19].
La déficience en protéine de survie des motoneurones (SMN pour survival motor neuron) cause la destruction du motoneurone à l’origine de l’amyotrophie spinale. Une session de course sur tapis roulant, à trois mètres par minute, jusqu’à épuisement, améliore la transcription de la SMN et en corrige son épissage dans le muscle tibial antérieur d’une souris modèle de l’amyotrophie spinale [20].
Exemples de bénéfices de l’exercice physique chez des patients atteints de maladies neuromusculaires
À ce jour, 70 essais cliniques explorant les effets de l’exercice physique sur les maladies musculaires ont été menés ou sont en cours de réalisation. Une majorité d’entre eux cible des patients atteints de DMD. Néanmoins, il existe un large panel de protocoles d’exercices physiques envisageables et adaptables en fonction de la pathologie et du patient. Sans être exhaustifs, nous détaillerons pour diverses maladies neuromusculaires des protocoles ayant montré des effets bénéfiques.
Les dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker (DMB) sont des maladies génétiques dues à des mutations dans le gène qui code la dystrophine, ce qui entraîne son absence (DMD) ou son dysfonctionnement (DMB) et donc une dégénérescence et une faiblesse progressives de l’ensemble des muscles de l’organisme. Divers protocoles d’exercices ont montré des bénéfices chez des patients atteints de DMD (13 essais cliniques [21]) et de DMB (9 essais cliniques [22]). Toutefois, alors que l’exercice long, de faible intensité, qui favorise l’amélioration de l’endurance (exercice dit en aérobie), semble globalement bénéfique, ceux de haute intensité et de résistance (dits en anaérobie, c’est-à-dire court, de haute intensité et favorisant le développement de la force musculaire) sont délétères du fait de la sollicitation excessive de la membrane du sarcolemme, fragilisée en l’absence de dystrophine [21].
Par exemple, un exercice de 40 minutes de vélo à bras, trois jours par semaine, pendant huit semaines, a augmenté la force de certains muscles de l’épaule et le score ambulatoire (NSAA pour North star ambulatory assessment), et réduit le temps nécessaire pour passer de la position couchée à la position debout [23]. Par ailleurs, un exercice de résistance isométrique modérée des jambes via un appareil de flexion durant 12 semaines a amélioré la force musculaire développée et la fonction ambulatoire de jeunes malades atteints de DMD, sans signe de dommage musculaire [24]. Chez des patients atteints de BMD, un protocole de 12 mois de cyclisme ergométrique a amélioré la force des muscles des jambes, l’endurance ainsi que la puissance et la VO2max [25].
L’amyotrophie spinale (SMA) est une maladie neuromusculaire due à des mutations dans le gène SMN1. Elle est caractérisée par une faiblesse musculaire progressive due à la dégénérescence des motoneurones et se manifeste majoritairement dès l’enfance. Un programme d’exercices de résistance d’intensité progressive pendant 12 semaines, comprenant trois sessions par semaine et ciblant plusieurs groupes musculaires, a été testé chez neuf enfants atteints de SMA de type II et III. Il a montré une bonne tolérance, une absence de douleur et une tendance à l’amélioration de la force et de la fonction motrice [26]. La DM1 est une maladie génétique due à des expansions de triplets dans le gène DMPK. C’est une maladie complexe, caractérisée entre autres par une faiblesse musculaire, une myotonie et des manifestations systémiques. Un programme de 12 semaines, combinant plusieurs exercices des jambes, a montré une amélioration de la force musculaire développée et de la vitesse de la marche chez des patients atteints de DM1 [27]. De même, un entraînement aérobique (vélo) de 12 semaines améliore la VO2max et la fonction musculaire via l’augmentation de la biogenèse mitochondriale, sans toutefois de modification de la force générée [28]. Des exercices ciblant les muscles de la main de patients DM1 ont augmenté la force et la performance après 12 semaines [29].
La FSHD est liée à l’expression aberrante de la protéine toxique DUX4 et se caractérise par une atrophie et une faiblesse progressive des muscles du visage, des épaules et des bras. Un programme combiné d’entraînements en aérobie et de résistance [30], ainsi qu’un programme d’entraînement par intervalles de haute intensité de huit semaines (3 × 10 minutes/semaine) sur un vélo ergomètre [31], ont tous deux montré des effets positifs sur la fonction musculaire de patients atteints de FSHD.
Les dystrophies musculaires des ceintures (LGMD pour Limb girdle muscular dystrophy) sont un groupe de maladies musculaires génétiques liées à des mutations dans de nombreux gènes (α, β ou g-sarcoglycanes, dysferline, etc.) et caractérisées par la faiblesse et l’atrophie des muscles entourant les épaules et les hanches, connus sous le nom de muscles des ceintures. Des programmes d’exercices ciblés, axés sur le renforcement musculaire et l’endurance, contribuent à maintenir ou à améliorer la fonction musculaire, la mobilité et la qualité de vie globale des personnes atteintes de LGMD R1 (ex-LGMD 2A), R9 (ex-LGMD 2I) et R12 (ex-LGMD 2L) [32]. En outre, une activité physique régulière contribue également à préserver la mobilité et la souplesse des articulations, ce qui peut être particulièrement important pour les personnes atteintes de LGMD qui peuvent souffrir de raideurs et de contractures articulaires.
Enfin, les effets bénéfiques de différents protocoles d’exercices ont également été rapportés dans la myasthénie auto-immune [33], la myopathie de Bethlem [34], la myotonie congénitale [35], les myopathies métaboliques (maladie de McArdle, maladie de Pompe) [36–38], les myopathies idiopathiques inflammatoires telles que la dermatomyosite juvénile, l’IBM et la polymyosite [39], ce qui souligne le caractère potentiellement universel du bénéfice de l’exercice physique sur les maladies musculaires.
Limites de l’exercice physique
Si l’exercice physique est généralement bénéfique pour de nombreuses personnes atteintes de dystrophies musculaires, il existe certaines situations et conditions dans lesquelles l’exercice, en particulier lorsqu’il est de haute intensité, peut être délétère. Par exemple, dans la dystrophie musculaire des ceintures liée à la dysferline (LGMD R2), la pratique sportive à haut niveau conduit à des symptômes précoces et à un phénotype plus sévère [40]. Certaines myopathies métaboliques telles que la maladie de McArdle ou le déficit en myophosphorylase impliquent des déficiences du métabolisme énergétique susceptibles d’être aggravées, en particulier lors d’exercices de haute intensité. Ainsi, une activité physique intense ou prolongée peut déclencher des crampes musculaires, une myoglobinurie (présence de myoglobine dans les urines) et une rhabdomyolyse (dégradation rapide du tissu musculaire), entraînant des lésions musculaires et des complications rénales potentielles [41]. Des troubles tels que la paralysie périodique, qui impliquent un dysfonctionnement des canaux ioniques dans les cellules musculaires, peuvent entraîner des épisodes de faiblesse musculaire ou de paralysie déclenchés notamment par des exercices intenses [42]. Dans les stades avancés des dystrophies musculaires progressives telles que la DMD ou la BMD, pour lesquelles la faiblesse musculaire et la dégénérescence sont sévères, l’exercice excessif ou trop intense pourrait exacerber les lésions musculaires, la fatigue et le déclin fonctionnel. Enfin, certaines personnes atteintes de dystrophies musculaires associées à une cardiomyopathie [43] ou à une atteinte cardiaque peuvent être limitées dans leur pratique de l’exercice à haute intensité. Il peut en effet imposer des contraintes supplémentaires au cœur et potentiellement exacerber les symptômes ou les complications cardiaques.
Conclusions et directions futures
Il existe un faisceau d’arguments scientifiques soulignant les effets bénéfiques de l’exercice physique dans plusieurs maladies musculaires. Ceci suggère la pertinence de l’exploration des effets de l’exercice physique dans d’autres maladies musculaires (par exemple dans la DMOP pour laquelle nous avons récemment montré les bénéfices de l’exercice en anaérobie chez un modèle murin [44], la myopathie à némaline, etc.). L’exercice physique pourrait ainsi être une stratégie thérapeutique universelle pour les maladies musculaires et être combiné avec les traitements (pharmacologiques, thérapies géniques et cellulaires) disponibles ou en cours de développement, pour obtenir des effets additifs et/ou synergiques. De plus, l’exercice physique peut exercer des effets pléiotropes sur les dystrophies musculaires en favorisant la santé musculaire, l’amélioration fonctionnelle et le bien-être général des personnes malades. Cependant, les effets spécifiques de l’exercice peuvent varier en fonction du type et du stade d’évolution de la dystrophie, ainsi que des caractéristiques individuelles du patient. Par conséquent, une prescription d’exercices personnalisée et un suivi attentif sont essentiels pour optimiser les bénéfices de l’exercice tout en minimisant les risques potentiels chez les patients.
Les effets bénéfiques de l’exercice physique sont aussi manifestes au niveau global (métabolisme, sommeil, psychisme, réponse immunitaire, etc.), ce qui permet une amélioration générale de la santé des patients. Si la plupart des stratégies thérapeutiques développées aujourd’hui sont spécifiques à chaque myopathie et aux besoins individuels du patient (thérapie génique, thérapie cellulaire, approche pharmacologique), la recherche sur les effets de différents protocoles d’exercices physiques tels que l’entraînement à la résistance, en endurance, et l’étude de différentes intensités et volumes sont encore nécessaires afin de garantir l’efficacité de l’exercice physique pour traiter les malades et soulager les symptômes. L’exercice physique pourrait alors être considéré comme une approche thérapeutique complémentaire aux stratégies de traitements classiques.
Remerciements
Alexis Boulinguiez remercie chaleureusement la Société française de myologie (SFM) pour l’attribution du prix Impulsion 2022.
Les auteurs remercient l’AFM-Téléthon, l’Inserm, Sorbonne Université et l’Institut de Myologie qui soutiennent leurs recherches.
Prix SFM
Alexis Boulinguiez a reçu le prix Impulsion lors des journées de la Société française de myologie (SFM) 2022.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
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