Open Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 4, Avril 2024
Page(s) 343 - 350
Section M/S Revues
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2024038
Published online 23 April 2024

© 2024 médecine/sciences – Inserm

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Vignette (© Frédéric Thomas).

De l’origine du cancer et des défenses anti-cancer

D’où vient le cancer ? Le processus biologique qui conduit à cette maladie est présent dans toutes les classes de vertébrés, y compris chez des espèces emblématiques disparues comme les dinosaures du Jurassique [1-3]. Le cancer se manifeste également chez les invertébrés, tels que les insectes, les mollusques et les cnidaires, comme les hydres [4, 5]. Il a en réalité fait son apparition il y a environ un milliard d’années, au moment de l’émergence des organismes multicellulaires à la fin du Précambrien (les plus anciens fossiles de cancer connus datent de 240 millions d’années chez les tortues [6], 1,7 millions d’années chez les êtres humains [7]). À ce stade, la vie sur terre a évolué d’organismes unicellulaires vers des organismes plus complexes, les métazoaires, véritables communautés de clones fonctionnant ensemble, composées de milliers, de millions, voire de milliards de cellules génétiquement identiques. Pour cela, ces cellules activent différentes parties de leur génome pour se spécialiser et travailler en synergie grâce à une répartition des tâches [8]. Une fois cette logique de fonctionnement coopératif efficace établie, la sélection naturelle a favorisé les entités coopératives les plus performantes, celles qui in fine arrivaient à maximiser leur succès reproducteur. Cela passe par la capacité à exceller dans la recherche de ressources, à éviter les prédateurs, les parasites, séduire des partenaires sexuels etc. mais, avant, il y a la nécessité de maintenir la fonctionnalité de l’organisme. Pour cela, la sélection naturelle au cours de l’évolution des organismes multicellulaires a favorisé d’une part des adaptations renforçant la cohésion et la communication entre les cellules afin d’harmoniser leur fonctionnement collectif et, d’autre part, des adaptations visant à éviter, à contrôler ou à éradiquer les cellules qui ne participaient pas à cet effort collectif, rétablissant ainsi un fonctionnement unicellulaire. Ces adaptations, sélectionnées au cours de millions d’années, ont grandement contribué à la remarquable diversification des organismes multicellulaires que nous connaissons aujourd’hui.

L’avantage de ce fonctionnement collectif est sa plus grande efficacité par rapport à l’unicellularité. Mais son inconvénient est qu’il reste, comme tous les systèmes collectifs, vulnérables aux « tricheurs ». On parle de tricherie lorsqu’un individu bénéficie des avantages d’un système coopératif sans assumer sa part de contribution nécessaire au bon fonctionnement de ce système. Ainsi, l’une des principales contraintes dans l’évolution vers la multicellularité fonctionnelle a été d’amener certaines de nos cellules à renoncer à leur propre capacité de reproduction. C’est, en « monnaie darwinienne », un énorme sacrifice, puisque en général c’est la maximisation de la reproduction qui est la cible de la sélection naturelle. La logique fonctionne, toutefois, car les cellules somatiques, non reproductives, favorisent néanmoins la transmission de leurs gènes, indirectement, grâce aux cellules sexuelles en charge de la reproduction, avec qui elles partagent le même génome. Il arrive parfois que certaines cellules somatiques, qui n’ont pas vocation à participer à la reproduction, tentent malgré tout de le faire. Si le conflit d’intérêt qui en résulte n’est pas réprimé, cela peut conduire à une tumeur puis à un cancer. Comme ce problème existe depuis l’aube de la multicellularité, la sélection a favorisé dès cette période l’évolution d’adaptations anti-cancer capables de réprimer efficacement ces « rebellions cellulaires » [9]. Cependant, les cellules cancéreuses sont également des entités vivantes, soumises à l’évolution gouvernée par la sélection naturelle. En conséquence, elles ont la capacité de développer en temps réel des adaptations qui leur permettent de contourner les défenses anti-cancer. C’est précisément ce qui se produit lorsqu’un cancer progresse. Ironiquement, c’est donc ce même processus, la sélection naturelle, qui encourage d’une part la mise en place de défenses contre le cancer, mais qui, d’autre part, pousse la maladie à évoluer jusqu’à devenir invasive. La sélection naturelle ne possède pas de sens moral ; elle favorise simplement les entités les plus efficaces pour se reproduire, qu’elles soient bénéfiques ou néfastes. La transition de l’unicellularité à la multicellularité dans l’histoire de la vie ne s’est pas produite une seule fois, mais a eu lieu à environ une douzaine de reprises depuis le Précambrien. Les avantages liés à la multicellularité ont joué un rôle essentiel dans la promotion de cette transition. Mais à chaque fois, le dilemme « social » évoqué précédemment s’est posé faisant du cancer une maladie présente dans tous les groupes d’organismes multicellulaires [3].

Comme nous l’avons évoqué, le cancer est une maladie ancestrale, mais c’est paradoxalement une nouvelle histoire à chaque fois. En effet, dans l’immense majorité des cas le cancer n’est pas transmissible (mais voir plus loin). De ce fait, toute la diversité génétique, épigénétique, cytogénétique, qui se met en place au cours de la tumorigenèse, disparaît avec le décès de l’hôte (mort du cancer ou d’une autre raison). Le cancer doit ainsi « réinventer la roue » à chaque fois [10]. À partir d’une cellule qui se désolidarise du système collectif vers un système coopératif complexe, évolue un écosystème (la tumeur solide) avec de fortes similarités entre les organes, les individus et même les espèces. D’un point de vue évolutif, les explications d’un tel phénomène invoquent des convergences évolutives (seules les cellules cancéreuses capables de se structurer ainsi échappent aux défenses anti-cancer) [11], ou la réactivation de programmes génétiques ancestraux datant du précambrien (l’hypothèse atavique du cancer) [12, 13].

Les organismes multicellulaires sont soumis à la pression de la sélection naturelle depuis leurs origines pour lutter contre les cellules cancéreuses, tandis que les cellules cancéreuses ont une histoire évolutive relativement courte, avec une durée de vie maximale de quelques années au sein de leur hôte. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que les organismes hôtes soient hautement efficaces dans la lutte contre les cellules cancéreuses, car ils sont depuis longtemps adaptés à faire face à un ennemi qui réapparaît systématiquement à chaque nouvelle génération [14]. Ainsi, globalement, les organismes multicellulaires ont plus rarement des cancers à un stade avancé, tout au moins tant qu’ils sont reproducteurs. Par contre, en phase post reproductive, les cancers sont plus fréquents car la sélection naturelle ne maintient plus aussi sûrement l’efficacité des défenses anti-cancer [15]. Le corollaire à ce raisonnement est que si l’on augmente les risques de cancers, par exemple au travers d’un environnement oncogène, on se place dans une situation où les défenses anti-cancer mises en place au cours de l’évolution ne sont plus en adéquation avec le risque [16, 17]. Les cancers deviennent alors plus fréquents qu’attendu, comme par exemple chez les canidés domestiqués et chez les êtres humains [18]. C’est dans ce cadre conceptuel écologique et évolutif à présent bien établi que ces dernières années, un nombre croissant de chercheurs se sont intéressés aux mécanismes de défense anti-cancer au sein des espèces animales moins prédisposées au cancer que l’espèce humaine. En effet, il est intéressant de noter que, bien que les cancers soient omniprésents chez les organismes multicellulaires, des variations significatives existent entre les espèces. Indirectement, cela suggère que certaines espèces, pour des raisons encore en cours d’exploration, détiennent des sortes de « secrets » anti-cancer les rendant capables de prévenir, d’éradiquer ou même de tolérer davantage les tumeurs. L’identification de ces adaptations comporte un enjeu évident : cela pourrait inspirer de nouvelles thérapies pour la prévention ou le traitement des cancers. Mais quel est l’état d’avancement des recherches dans ce domaine ?

Le paradoxe de Peto

L’ensemble des recherches sur la résistance au cancer dans le monde animal s’articule autour du concept connu sous le nom de « paradoxe de Peto ». La logique sous-jacente est la suivante : si l’initiation d’un cancer repose principalement sur une cellule qui dysfonctionne, alors un organisme de grande taille, composé de nombreuses cellules (par exemple, une baleine bleue Balænoptera musculus possédant sept millions de fois plus de cellules qu’une souris Mus musculus domesticus) et ayant une longue espérance de vie (une baleine bleue peut vivre près de cent ans, tandis qu’une souris domestique a une espérance de vie de trois à quatre ans) devrait être davantage prédisposé au cancer. En effet, chaque division cellulaire est associée à un risque de mutations conduisant à une lignée cancéreuse. Au sein d’une même espèce, cette prédiction trouve souvent confirmation : les individus de plus grande taille sont généralement plus vulnérables au cancer que leurs congénères plus petits. Des recherches chez l’homme et chez le chien suggèrent que les risques de cancer sont fréquemment en corrélation positive avec la taille des individus [19]. Cependant, cette corrélation semble s’effacer lorsqu’on examine les diverses espèces : les recherches ne révèlent aucune corrélation entre l’occurrence du cancer, la taille corporelle et la durée de vie. Ainsi, les baleines et les éléphants, malgré leur imposante stature, ne présentent pas une prévalence accrue de tumeurs, suggérant implicitement une remarquable résistance au cancer. Ce paradoxe trouve son explication une fois de plus dans le processus évolutif, selon lequel les espèces de grande taille et à longue durée de vie ont pu survivre et persister jusqu’à aujourd’hui en développant, par le biais de la sélection naturelle, des mécanismes de défense robustes contre le cancer. Imaginons que les baleines, avec mille fois plus de cellules que les êtres humains, subissent mille fois plus de cas de cancer, elles n’auraient probablement pas survécu jusqu’à présent. Ainsi, il est pertinent d’explorer, au sein du fonctionnement et de l’ADN de certaines espèces soigneusement sélectionnées, les stratégies que la sélection naturelle a privilégiées pour résoudre le défi du cancer1.

À ce jour, l’étude la plus importante ayant testé le paradoxe de Peto est celle qui a été menée par Orsolya Vincze et al. (Université de Montpellier) et publiée en 2022 dans la revue Nature [20]. Cette étude s’est intéressée à la faune sauvage captive (en zoos), plus précisément à 191 espèces de mammifères pour lesquelles des informations de santé (dont la présence de cancer) avaient été récoltées (dans la base de données Species3602). Après avoir corrigé les données par les différents effets potentiellement confondants liés aux conditions de vie dans les zoos, les principaux enseignements de ce travail ont été : 1) le risque de mortalité par cancer est en effet très variable entre espèces, allant dans ce jeu de données de 0 % à 57,4 % chez le Kowari, un petit marsupial carnivore originaire d’Australie ; 2) le risque de mortalité par cancer est supérieur à 10 % chez 41 espèces : le cancer n’est pas une maladie limitée à l’homme et aux animaux domestiques, il peut concerner un grand nombre d’espèces dès lors qu’elles vivent assez longtemps (ce qui est facilité dans les zoos) ; 3) il existe un fort signal phylogénétique : les cancers sont plus fréquents chez les carnivores que chez les primates ou les artiodactyles3, malgré le fait remarquable qu’il existe chez ces derniers des espèces de grande taille ; 4) enfin, concernant le paradoxe de Peto, l’étude confirme l’absence de relation entre la taille, la longévité et le risque de cancer. Plus récemment, l’idée que la logique du paradoxe de Peto devrait en réalité s’appliquer à d’autres traits que la taille et la longévité a été avancée [22]. Dès lors qu’un trait est susceptible de favoriser le cancer, alors que dans les faits ce n’est pas le cas, il est fort probable que la sélection naturelle soit intervenue pour expliquer ce résultat décalé par rapport à la prédiction. C’est le cas, par exemple, avec les différents types de placentation chez les mammifères, qui varient en termes d’invasivité. On aurait pu s’attendre à ce que les espèces ayant les placentations les plus invasives (placenta de type hémochorial4) soient davantage sujettes aux cancers métastatiques, car les cellules cancéreuses auraient, en quelque sorte, à leur disposition une boîte à outils déjà parfaitement adaptée à l’invasion. Cependant, en utilisant le même jeu de données que précédemment sur la faune sauvage captive, l’analyse montre que ce n’est pas le cas. En d’autres termes, les espèces ayant conservé une placentation invasive ont simultanément sélectionné des mécanismes limitant les risques de cancers métastatiques.

Quels sont les mécanismes anti-cancer impliqués ?

Les études précédentes suggèrent qu’il existe dans le règne animal des solutions naturellement sélectionnées pour limiter le développement des cancers. Mais que sait-on réellement des mécanismes mis en œuvre ? Il y a eu ces dernières années diverses études portant sur différentes espèces, en particulier les rats-taupes, les éléphants, les baleines, les placozoaires, les xénarthres, ou encore les chauves-souris.

Le cas du rat-taupe

Les principaux travaux de recherche concernant les rats-taupes ont été menés par l’équipe de Vera Gorbunova et Andrei Seluanov (Université de Rochester, Rochester États-Unis) [23-25]. Les rats-taupes nus (Heterocephalus glaber, Figure 1) sont connus pour leur résistance exceptionnelle au cancer, une caractéristique qui a suscité un intérêt considérable en oncologie. Plusieurs caractéristiques biologiques de ces animaux pourraient contribuer à leur capacité à éviter le développement de tumeurs. Par exemple, les fibroblastes du rat-taupe nu ont montré l’existence de deux mécanismes indépendants d’inhibition du contact cellulaire. Ces mécanismes impliquent des voies de régulation spécifiques, telles que celles impliquant les protéines TP53 (tumor protein 53), pRb (retinoblastoma protein), et les inhibiteurs de kinases dépendant des cyclines p16 et p27, qui peuvent jouer un rôle crucial dans la prévention du cancer. Les mêmes auteurs montrent aussi que dans les cellules pré-cancéreuses hyperplasiques, la perte de méthylation induit la transcription de rétrovirus endogènes et la mort des cellules par la voie de l’interféron [26]. Les rats-taupes nus semblent également présenter des adaptations du métabolisme oxydant. Leur métabolisme favoriserait l’utilisation du glucose plutôt que de la phosphorylation oxydante, ce qui pourrait réduire le stress oxydant et potentiellement limiter les dommages à l’ADN, contribuant ainsi à la résistance au cancer. Les rats-taupes nus ont également une durée de vie exceptionnellement longue (jusqu’à 30 ans) par rapport à d’autres rongeurs de taille similaire. Cette longévité pourrait être liée à des mécanismes de réparation de l’ADN plus efficaces ou à une meilleure résistance au vieillissement cellulaire, sans que cela ait été démontré. Par ailleurs, les mêmes chercheurs furent aussi fortement intrigués par la viscosité des cultures ex vivo des cellules isolées de cette espèce, due à un acide hyaluronique très dense produit par les cellules et sécrété dans la matrice extracellulaire. Cela empêcherait les cellules de s’agglutiner pour former des tumeurs. Afin de confirmer que cet acide hyaluronique est effectivement responsable de la résistance au cancer chez les rats-taupes nus, les chercheurs ont entrepris de bloquer la production de cette molécule chez 80 individus. Les résultats ont révélé que les cellules ont manifesté une tendance à se regrouper, suggérant ainsi la possibilité d’une formation de tumeurs (voir [27]). Selon ces auteurs, il est possible que la première raison de la sélection pour produire un acide hyaluronique si particulier ne soit pas la protection contre le cancer, mais plutôt une adaptation au milieu souterrain. En effet, afin de préserver leur peau nue des blessures qui pourraient se produire lorsqu’ils se déplacent dans les tunnels étroits creusés avec leurs dents, la sélection naturelle les a progressivement pourvus d’un tégument d’une extraordinaire plasticité. La protection contre les cancers pourrait être ici un sous-produit bénéfique d’une autre adaptation. Il existe d’autres espèces de rats-taupes résistantes au cancer, notamment le rat-taupe aveugle du plateau du Golan (Spalax golani) et le rat-taupe aveugle des montagnes de Judée (Spalax judaei). Les chercheurs pensaient initialement trouver les mêmes mécanismes de défenses que chez le rat-taupe nu, mais ce ne fut pas le cas. Ils ont isolé quelques cellules des rongeurs et les ont cultivées pendant plusieurs passages, induisant ainsi un nombre de divisions cellulaires au-delà de ce qui se produit naturellement dans les organes des animaux. Au-delà de la vingtième multiplication, les cellules ont cependant commencé à subir une mortalité rapide [28]. L’analyse des cellules mourantes a dévoilé qu’elles avaient commencé à produire et à libérer de l’interféron-β (IFN-β), déclenchant une nécrose massive. Ainsi, dès que les cellules dépassent un seuil critique de multiplication, leur mort par nécrose est activée. Il est remarquable de constater que des mécanismes proximaux différents ont été sélectionnés pour conférer, dans tous les cas, une résistance aux processus cancéreux. Cela illustre une convergence évolutive, où des contextes écologiques similaires ont conduit à des adaptations semblables, même si celles-ci n’impliquent pas les mêmes mécanismes.

Le cas de l’éléphant

La résistance des éléphants au cancer a été associée à des caractéristiques génétiques particulières, notamment une amplification du nombre de copies du gène TP53. La protéine codée par le gène TP53 est connue pour son rôle crucial dans la suppression des tumeurs et la réparation de l’ADN endommagé. Or, les éléphants d’Afrique (Loxodonta africana) et d’Asie (Elephas maximus) possèdent de multiples copies de ce gène (une vingtaine), tandis que l’homme n’en possède qu’une. En cas de dommages à l’ADN, le gène TP53 est activé pour contrôler la réponse cellulaire, pouvant entraîner la mort cellulaire programmée (par apoptose) des cellules endommagées, prévenant ainsi le développement de tumeurs. Toutefois, la fonctionnalité de ces copies surnuméraires de TP53 présentes chez l’éléphant reste encore débattue [29]. Récemment, des chercheurs de l’université de Chicago (États-Unis) ont fait une découverte surprenante concernant les éléphants : la réactivation d’un « gène zombie » appelé LIF6 [30]. Alors que le gène LIF, qui code un facteur inhibiteur de leucémie, est généralement présent en une seule copie dans le génome des mammifères, les éléphants en possèdent dix. Cependant, à l’exception de LIF6, ces copies supplémentaires sont des pseudogènes et ne sont pas fonctionnelles, car elles ont accumulé au fil du temps des mutations les empêchant de produire correctement la protéine. Le gène LIF6, quant à lui, est un pseudogène redevenu fonctionnel, favorisant la destruction des cellules cancéreuses par apopotose. L’activité de ce gène demeure néanmoins sous le contrôle du gène TP53.

thumbnail Figure 1.

Le rat-taupe nu (ou rat-taupe glabre, Heterocephalus glaber), un rongeur vivant en Afrique de l’Est, n’est pas sujet au cancer (photo provenant de la banque d’images 123RF, 195992843).

Le cas des xénarthres

Chez les xénarthres (comprenant les paresseux, les tatous et les fourmiliers), plusieurs lignées ont évolué indépendamment, avec de grands corps, une longue durée de vie et un risque intrinsèque réduit de cancer. Les travaux récents de Juan Manuel Vazquez et al. (université de Californie, États-Unis) [31] montrent que ce risque réduit de cancer coïncide avec des explosions de duplications de gènes suppresseurs de tumeurs dans les lignées originales de xénarthres5 et de pilosidés6. Chez les paresseux, les cellules se multiplient extrêmement lentement et chez les xénarthres, en général, les cellules ont une susceptibilité accrue aux agents endommageant l’ADN. La prévalence du cancer est donc extrêmement faible chez les xénarthres, avec une quasi-absence de cancer chez les tatous. La duplication des gènes suppresseurs de tumeurs aurait ainsi joué, chez les xénarthres, un rôle clé dans l’évolution de la taille corporelle remarquablement grande, d’une part, et dans la réduction du risque de cancer, d’autre part, en faisant de ce groupe de mammifères des résistants exceptionnels au cancer.

Le cas des placozoaires

En 2021, l’équipe de Carlo Maley Arizona (Cancer Evolution Center, Arizona State University, États-Unis) a exposé le placozoaire7 Trichoplax adhaerens à des doses élevées de rayons X, afin d’étudier la façon dont cette espèce gérait la présence de cellules mutées [54]. T. adhaerens s’est révélé avoir une remarquable capacité à supporter des niveaux élevés d’irradiation, en montrant une résilience face aux dommages de l’ADN. Lorsque ces organismes sont exposés aux rayons X, ils réagissent en expulsant des grappes de cellules qui finissent par mourir. Ils expulsent en quelque sorte de leur corps les cellules potentiellement dangereuses. Cette exposition aux radiations entraîne également une suractivité des gènes impliqués dans la réparation de l’ADN et dans le processus d’apoptose.

Le cas des chauves-souris

Les travaux réalisés sur les chauves-souris montrent que ces animaux sont résistants au cancer en raison d’au moins deux éléments spécifiques : 1) la réduction de la signalisation impliquant l’hormone de croissance et l’insuline-like growth factor-1 (IGF-1) et 2) des modifications de productions des micro-ARN [25]. L’hormone de croissance et IGF-1 jouent un rôle crucial dans la croissance cellulaire et le contrôle du métabolisme. Des taux élevés de ces molécules sont souvent associés à la croissance tumorale et au développement du cancer. La réduction de la signalisation par l’hormone de croissance et IGF-1 chez les chauves-souris pourrait donc contribuer à prévenir la croissance tumorale.

Les micro-ARN sont de petites molécules d’ARN qui contribuent au contrôle de l’expression des gènes. Des changements dans les profils de micro-ARN produits peuvent avoir un impact sur la régulation génique, y compris dans le contexte du cancer. Les chauves-souris semblent présenter des modifications spécifiques touchant leurs profils de micro-ARN qui pourraient jouer un rôle dans la prévention du cancer. Chez la chauve-souris moustachue mésoaméricaine (Pteronotus mesoamericanus), une analyse génomique a identifié une modulation positive touchant l’expression de 33 gènes suppresseurs de tumeurs et de 6 gènes de réparation de l’ADN. Cette régulation pourrait contribuer à leur faible taux de cancer et à leur grande longévité [32].

Le cas des cétacés

Les cétacés, qui englobent plusieurs espèces emblématiques en termes de taille (comme la baleine bleue, Balænoptera musculus dont la longueur moyenne est de 25 à 27 m pour un poids de 130 tonnes) et de longévité (plus de 200 ans pour la baleine boréale Balaena mysticetus), ont fait l’objet de plusieurs études. Ces recherches n’ont pas systématiquement révélé la présence de copies surnuméraires de gènes suppresseurs de tumeurs : par exemple, aucune amplification de tels gènes n’a été retrouvée chez le petit rorqual Balaenoptera acutorostrata [33], chez la baleine boréale Balaena mysticetus [34], le cachalot Physeter macrocephalus [35], ou encore la baleine à bosse Megaptera novaeangliae [36]. Néanmoins, selon l’étude de Di Sun et al. [37] portant sur 22 espèces de cétacés, les gènes présentant une évolution corrélée avec la taille du corps sont principalement impliqués dans la surveillance immunitaire, la suppression des tumeurs et le développement d’hyper-tumeurs (voir plus loin). En ce qui concerne le système immunitaire, les auteurs suggèrent que la première cible de la sélection ne serait pas nécessairement la défense contre les processus cancéreux, mais plutôt la nécessité de lutter contre les infections parasitaires. Ces infections sont souvent exacerbées chez les espèces de grande taille, qui fréquentent une plus grande diversité d’habitats, notamment les eaux douces et salées. Les infections peuvent survenir à un âge précoce et représenter une menace à court terme, contrairement aux cancers, qui sont plus rarement mortels à court terme. Ainsi, l’urgence évolutive serait de gérer la contrainte parasitaire, et la résistance accrue au cancer serait, ici encore, un sous-produit d’autres adaptations. L’hypothèse des hyper-tumeurs est à la fois peu connue et originale. Initialement proposée en 2007 [38], cette hypothèse repose sur l’idée que l’une des façons de lutter contre une tumeur est de permettre à d’autres tumeurs de s’installer à l’intérieur de la tumeur originale conformément au principe selon lequel « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Ainsi, contrairement à la logique du paradoxe de Peto, qui suggère que la résistance au cancer augmente avec la taille ou la longévité de l’animal, l’hypothèse des hyper-tumeurs propose qu’au-delà d’une certaine taille ou longévité, il pourrait être évolutivement avantageux d’arrêter d’activer certaines défenses anticancéreuses. Ainsi, les cellules cancéreuses, en tant que « tricheuses », pourraient tirer profit du système cancéreux dont elles sont issues, ce qui in fine affaiblirait la tumeur d’origine.

Enfin, grâce à l’abondance croissante des génomes d’espèces disponibles pour la communauté scientifique, la génomique comparative est en train de devenir un outil très efficace pour étudier l’évolution des défenses anticancéreuses dans le monde animal, notamment l’existence de convergences évolutives (e.g. [39-41]). Par exemple, l’étude de Ulhas Nair et al. [40], portant sur 193 espèces de vertébrés, dont des mammifères, des oiseaux, des poissons et des reptiles, a révélé que les gènes les plus conservés chez les espèces présentant des taux élevés de cancer étaient principalement liés aux fonctions métaboliques. En revanche, les gènes plus conservés chez les espèces présentant des taux faibles de cancer étaient associés à la régulation du cycle cellulaire, à la réparation de l’ADN et à la réponse immunitaire. Ces approches comparatives tendent également à renforcer l’idée que les espèces animales dotées d’une grande masse corporelle ont développé des mécanismes cellulaires spécifiques pour prévenir l’accumulation de mutations et maintenir la stabilité génétique. Cela pourrait expliquer l’absence d’augmentation de l’incidence du cancer malgré une exposition prolongée à des facteurs mutagènes potentiels. Il est donc essentiel de noter qu’il existe une vulnérabilité différentielle des espèces animales au cancer. Les espèces de grande taille ou à longue durée de vie ne sont pas plus sujettes au cancer, et diverses solutions au paradoxe de Peto ont été identifiées (voir aussi pour synthèses [42, 43]). Cela n’est pas surprenant étant donné que des espèces de grande taille sont apparues à plusieurs reprises dans l’histoire des organismes multicellulaires.

Prendre en compte l’ensemble des contraintes écologiques

Pour comprendre l’évolution des défenses anti-cancéreuses dans le monde animal, il est indispensable de prendre en compte l’ensemble des contraintes qui s’appliquent aux animaux dans les écosystèmes réels. Par définition, dans le monde vivant, les défenses anti-cancer ne peuvent être qu’optimales et jamais maximales. En effet, elles ne sont pas la seule priorité pour les organismes, et il existe de ce fait des compromis ou des contraintes. Par exemple, dans des environnements écologiquement instables, une sélection positive en faveur d’une augmentation du taux de mutations germinales nécessaires pour générer une plus grande diversité a pu apparaître (stratégie dite du bet-hedging, ou stratégie de minimisation des risques8). Mais cette stratégie peut, en retour, favoriser plus tard dans la vie, le développement de cancers [44]. Également, la sélection naturelle favorise avant tout la reproduction et non la survie, ce qui signifie qu’une reproduction plus efficace sera toujours favorisée même si cela augmente le risque de cancers par la suite [45]. Chez les diables de Tasmanie (Sarcophilus harrisii), des marsupiaux carnivores d’Australie, l’accès à des partenaires sexuels implique des combats et des morsures, ce qui expose les individus au risque de contamination horizontale par le cancer transmissible et mortel DFTD (devil facial tumour disease, ou en français tumeur faciale transmissible du Diable de Tasmanie)9 (Figure 2). Une stratégie consistant à éviter les interactions agressives avec d’autres individus pourrait réduire les risques de contamination mais une telle stratégie n’est vraisemblablement pas optimale du point de vue de l’évolution. En effet, même si de tels individus vivaient plus longtemps, étant épargnés par le DFTD, ils ne pourraient transmettre leurs gènes faute d’accouplement. Du point de vue de la sélection naturelle, il est préférable de se battre pour se reproduire, même au risque de mourir plus tôt du cancer. Une autre contrainte à considérer est que des adaptations anti-cancéreuses « trop » efficaces pourraient entraîner d’importants dégâts collatéraux, tels que des maladies auto-immunes. Cette contrainte évolutive a certainement constitué, et continue de constituer, un frein majeur par rapport à la possible sélection d’adaptations anti-cancéreuses plus puissantes.

thumbnail Figure 2.

Le diable de Tasmanie Sarcophilus harrisii. A. Individu sain ; B. Individu porteur d’une petite tumeur faciale transmissible DFTD1 (devil facial tumour disease) ; C. et D. Individu porteur d’une importante tumeur DFTD1 (crédit photo, Frédéric Thomas).

Notons toutefois, qu’il a par ailleurs été montré (chez la souris) que la présence de copies surnuméraires de TP53 procurait une résistance augmentée au cancer sans pour autant entraîner de dommages collatéraux [46] (voir aussi [47]).

Certaines adaptations (comme une forte croissance en début de vie, ou une plus forte agressivité) peuvent également reposer sur des variants génétiques impliqués dans des processus de pléiotropie antagoniste, ce qui signifie qu’ils sont retenus par la sélection naturelle en raison de l’avantage qu’ils confèrent en début de vie, même s’ils favorisent le développement de cancers par la suite [48].

Enfin, même si d’un point de vue médical les applications sont limitées, il convient de souligner que la sélection naturelle a aussi retenu des solutions particulières dans la faune sauvage pour éviter les risques oncogéniques ou en atténuer la gravité. Par exemple, les mésanges et les gobemouches vivant autour de Tchernobyl sélectionnent des nids placés dans les zones les moins irradiées [49]. Les mouches drosophiles atteintes de cancer préfèrent rejoindre un environnement social qui réduit la vitesse de progression de la maladie [50]. Enfin, de plus en plus de travaux chez la drosophile [51], les hydres [52] ou les diables de Tasmanie [53], montrent que les animaux atteints de cancers ont certes une espérance de vie plus courte, mais que bon nombre d’entre eux augmentent leurs efforts de reproduction immédiats, avant de mourir. Cette adaptation, connue dans le cadre des interactions hôtes-parasites, semble donc également exister dans les interactions avec les tumeurs, ce qui permet de maximiser le nombre de descendants malgré la maladie.

Les habitats nouvellement mutagènes

La quasi-totalité des écosystèmes de la planète est aujourd’hui confrontée à des substances mutagènes. Comprendre et anticiper les mécanismes par lesquels les animaux vont faire face à cette contrainte écologique inédite dans leur histoire représente un véritable enjeu. Selon une étude récente réalisée par Antoine Dujon et collaborateurs (en cours de publication), les animaux exposés à des environnements anormalement mutagènes risquent, dans un premier temps, de suractiver leurs défenses anti-cancéreuses. Mais cette stratégie n’est pas sans coût : elle consomme des ressources qui leur sont par ailleurs nécessaires. Il s’agit alors d’un « piège darwinien », au sens où cette activation systématique de défenses sélectionnées dans des contextes moins mutagènes va se retrouver mal adaptée face à une menace devenue anormalement fréquente. Dans des cas extrêmes, cela conduira à l’épuisement des organismes, même si, finalement, peu de cancers seront observés. Sur des expositions plus longues, on peut s’attendre à des ajustements en termes de comportement, avec, comme évoqué précédemment, des reproductions plus précoces dans la vie de l’animal. Enfin, à long terme, on peut s’attendre à ce que la sélection favorise des adaptations anti-cancéreuses plus efficaces, telles que l’apparition de copies surnuméraires de gènes suppresseurs de tumeurs.

Conclusion

Le risque de survenue d’un cancer concerne l’ensemble du règne animal. Un éventail de solutions a été retenu par la sélection naturelle, avec plusieurs convergences évolutives. L’exploration de ces solutions s’avère aussi intéressante que prometteuse, offrant l’espoir d’identifier de nouvelles approches thérapeutiques en oncologie humaine.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiés dans cet article.

Remerciements

Les recherches scientifiques du CREEC/CANECEV sont soutenues financièrement par le CNRS, l’université Deakin, l’université de Tasmanie, ainsi que par l’ANR et la Famille Hoffmann.


1

Les placozoaires sont des animaux plats de taille millimétrique qui utilisent des battements ciliaires et la sécrétion de mucus pour se mouvoir. Ils se nourrissent d’algues et d’autres eucaryotes microbiens.

2

Il est pertinent de noter que les biologistes oeuvrant dans le domaine de la médecine évolutionniste appliquent ce raisonnement à l’égard de diverses maladies. En effet, de nombreuses espèces animales, en raison de leur morphologie, physiologie ou écologie, devraient normalement être sujettes à certaines maladies (par exemple, la girafe pourrait être sujette à l’hypertension artérielle, certaines musaraignes se nourrissant de nectar fermenté à l’alcoolisme, etc.), mais cela ne se produit pas. On constate alors que la sélection naturelle a favorisé l’évolution de solutions compensatoires pour atténuer ces risques, offrant ainsi des pistes prometteuses pour accélérer les recherches en santé humaine (voir [21] pour synthèse).

4

Les artiodactyles sont un ordre de mammifères ongulés caractérisés par la présence de doigts pairs (généralement deux ou quatre) sur leurs membres. Ces animaux comprennent une grande variété d’espèces, notamment les ruminants (comme les vaches, les chèvres, et les moutons), les porcs, les hippopotames, et plusieurs autres.

5

Qualifie les placentations, dont celle des êtres humains, où les villosités choriales sont au contact direct du sang maternel dans la chambre intervilleuse.

6

Les xénarthres forment un super-ordre de mammifères placentaires, présents de nos jours uniquement en Amérique.

7

Les pilosidés ou pilosa forment un ordre de mammifères placentaires du super-ordre des xénarthres. Il comprend les fourmiliers et les paresseux.

8

Les placozoaires sont des métazoaires présentant un plan d’organisation particulièrement simple. Ces minuscules animaux aplatis ne présentent ni symétrie, ni bouche, ni tube digestif, ni système nerveux.

9

Que l’on peut traduire par la maxime « ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier ».

10

Ce cancer semble provenir d’un individu. Il se serait ensuite propagé à la manière d’un agent infectieux.

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Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Le rat-taupe nu (ou rat-taupe glabre, Heterocephalus glaber), un rongeur vivant en Afrique de l’Est, n’est pas sujet au cancer (photo provenant de la banque d’images 123RF, 195992843).

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Le diable de Tasmanie Sarcophilus harrisii. A. Individu sain ; B. Individu porteur d’une petite tumeur faciale transmissible DFTD1 (devil facial tumour disease) ; C. et D. Individu porteur d’une importante tumeur DFTD1 (crédit photo, Frédéric Thomas).

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