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Med Sci (Paris)
Volume 39, Number 8-9, Août–Septembre 2023
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Page(s) | 625 - 631 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2023096 | |
Published online | 11 September 2023 |
Plasticité structurelle et mécanique du pore nucléaire
Structural and mechanical plasticity of the nuclear pore
Laboratoire de physique, CNRS UMR 5672, école normale supérieure de Lyon, université de Lyon, F-69342 Lyon, France
Le pore nucléaire, qui peut être vu comme la porte (d’entrée et de sortie) du noyau cellulaire, joue un rôle central dans de nombreux processus, dont la régulation génique. C’est une structure complexe et dynamique. Il est composé de plus de trente protéines présentes en de multiples copies. C’est sur lui que repose le transport sélectif et orienté des ARN et des protéines. Des études récentes montrent qu’il est susceptible d’adapter sa structure globale à l’état de la cellule. La plasticité structurelle et mécanique du pore nucléaire apparaît ainsi importante pour son fonctionnement, mais aussi dans le développement de maladies comme le cancer ou les infections virales.
Abstract
The nuclear pore, which can be seen as the gateway to the cell nucleus, is central to many processes including gene regulation. It is a complex and dynamic structure composed of more than 30 proteins present in multiple copies that allows the selective and directional transport of RNA and proteins. As shown by recent studies, it is able to adapt its overall structure to the state of the cell. These results suggest that the structural and mechanical plasticity of the nuclear pore is important for its function but also in the development of cancer or viral infections.
© 2023 médecine/sciences – Inserm
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Vignette (© Fabien Montel).
Structure et dynamique interne du pore nucléaire
Le pore nucléaire est une structure impliquée dans différents processus cellulaires, allant de la régulation génétique [1–3] (→) aux infections virales [4] et au cancer [5]. Sa structure (Figure 1A) est aujourd’hui de mieux en mieux connue, mais sa dynamique reste délicate à évaluer, du fait de sa grande complexité [6–10]. Ce pore est composé de plus de trente protéines, appelées nucléoporines, qui sont présentes en de multiples copies (de 8 à 32). Ce complexe de 60 MDa (6 × 104 kDa) a, chez l’homme, un diamètre extérieur de 130 nm et un canal central (ou luminal) qui mesure 64 nm. À l’intérieur, un réseau extrêmement dynamique de protéines hydrophobes, nommées FG-Nup, pour phénylalanine (F)-glycine (G) - nucléoporines, forme une barrière flexible et sélective [11].
(→) Voir la Synthèse de C. Dargemont, m/s n° 12, décembre 2002, page 1237, et la Nouvelle de E. Fabre, m/s n° 5, mai 2006, page 483
Figure 1. Structure et fonction du pore nucléaire. A. Le pore nucléaire est une structure complexe consistant en trois anneaux concentriques (interne, cytoplasmique et nucléaire). Chez la levure, il comprend au total 550 protéines (les nucléoporines) et totalise une masse moléculaire de 52 MDa. Le centre du pore est encombré d’un réseau de protéines dynamiques et intrinsèquement non structurées, les FG-Nup (en rose), qui sont à l’origine de sa sélectivité et de sa directionnalité. Les diamètres interne et externe du pore nucléaire sont, respectivement, de 64 et 130 nm chez l’homme (figure adaptée de [9]) B. L’import nucléaire de protéines (nommées ici cargos, en bleu) est induit par l’association avec un transporteur, l’importine (en rouge), via un signal peptidique spécifique (nuclear localization sequence, NLS, en mauve). Le complexe formé diffuse à travers le réseau de FG-Nup (en vert) pour atteindre la face nucléaire du pore. Cargo et importine sont alors séparées par compétition avec RanGTP. Cela conduit à la libération du cargo dans le noyau et à la formation d’un complexe RanGTP + importine qui est par la suite exporté et recyclé dans le cytoplasme par une autre voie non indiquée ici. |
Dans le cytoplasme, la sélectivité du transport est due à la reconnaissance des protéines à importer dans le noyau par des protéines médiatrices, appelées transporteurs ou karyophérines [11]. Ces protéines transporteuses se lient aux protéines à importer (que nous nommerons cargo dans la suite de ce texte) grâce un signal spécifique (nuclear localization sequence ou NLS). Sous la forme de complexe, cargo + transporteur, la protéine à transporter peut ensuite se lier au réseau de FG-Nup et ainsi diffuser dans le pore (Figure 1B). Dans le cas du transport vers le noyau, le sens du transport est dû à une protéine compétitrice, RanGTP (Ran, fixée au GTP). Cette protéine sépare le cargo de son transporteur lorsque le complexe a atteint, par diffusion, l’extrémité nucléaire du pore.
Ce couplage entre sélection des cargos, reposant sur l’affinité, et orientation du transport, permet un flux important de macromolécules (protéines, ARN messagers) à travers le pore nucléaire. Les expériences de fractionnements et de spectroscopie de masse, réalisées par le groupe de Michael Rout (Rockefeller University, New York, États-Unis), ont permis d’évaluer le trafic à travers le pore [6]. Les mesures qui ont été effectuées établissent qu’en moyenne, plus de cent protéines et plusieurs ribosomes sont échangés de manière sélective et directionnelle à chaque instant, par un seul pore nucléaire. On pense aujourd’hui que c’est le caractère dynamique du réseau interne de FG-Nup qui confère au pore une forte sélectivité, mais également une dynamique interne compatible avec un flux de matière important [12, 13].
Variabilité du pore nucléaire
Au-delà de la conservation générale de la forme du pore nucléaire entre les différentes espèces, des variations de tailles et de densités importantes ont été observées (Figure 2). En effet, alors que le diamètre extérieur du pore nucléaire humain est de 130 nm, celui du pore nucléaire de la levure ne mesure que 97 nm. La profondeur du pore est également variable entre espèces, avec une variation de 30 % entre le pore de l’homme et celui de l’amibe Dictyostelium discoideum, un bactérivore eucaryote [14]. Des études menées chez la levure, les plantes et les vertébrés suggèrent que la composition des complexes formant le pore nucléaire (nuclear pore complex, NPC) peut également varier au sein du même organisme, selon le type de cellule, l’étape du cycle cellulaire et le stade de développement [15, 16]. Les pores nucléaires présentent également des variations structurelles au sein d’une même enveloppe nucléaire [16, 17].
Figure 2. Architecture de l’enveloppe et du pore nucléaire (NPC). Schémas décrivant l’enveloppe nucléaire et la structure du pore nucléaire de fibroblastes humains (en orange), de Dictyostelium discoideum (en jaune) et des ovocytes de Xenopus laevis (en vert). A. Distribution et densité des pores nucléaires dans 1 μm2. B. Comparaison des trois structures moyennes dérivées des cellules et organismes correspondants (figure adaptée de [18]). |
Plasticités moléculaire et structurelle du pore nucléaire
Le pore nucléaire est généralement décrit comme une structure statique de symétrie octogonale (ou symétrie axiale d’ordre 8). Pourtant, de nombreuses études démontrent que ce complexe moléculaire est susceptible d’adapter sa structure à l’état de la cellule1.
Les premiers résultats qui ont suggéré une telle capacité d’adaptation du pore nucléaire sont des images de microscopie électronique réalisées par Christopher Akey (Boston University, Boston, États-Unis) [19]. Ces images ont montré que le pore pouvait prendre différentes formes, de symétrie et de diamètres variables. Par des techniques de biochimie, les études de modifications post-traductionnelles ont par ailleurs montré que les pores nucléaires pouvaient être modifiés de façon permanente, et ainsi être doués de différentes propriétés de transport [20, 21].
D’autre études [22–25] ont suggéré une variabilité intrinsèque très forte du pore nucléaire. Ainsi, la microscopie à force atomique, qui permet de sonder, grâce à une pointe nanométrique, la morphologie et la mécanique locale, a montré l’existence de pores nucléaires présentant une symétrie 7 ou 92 [23]. Cette technique a par ailleurs mis en évidence le fait que la structure interne du pore, et donc le réseau de FG-Nup, était variable d’un pore à l’autre, au sein d’une même membrane cellulaire.
Le développement des techniques de super-résolution optique nous a permis d’étudier l’évolution de la structure du pore nucléaire au cours du développement [16]. Ces techniques de super-résolution optique, telle que le dSTORM (direct stochastic optical reconstruction microscopy), permettent en effet de marquer et de visualiser, dans les conditions physiologiques, des structures biologiques dont les dimensions sont de quelques dizaines de nanomètres. Elle possède donc une résolution dix fois plus grande que la microscopie de fluorescence conventionnelle ; dans l’étude que nous avons réalisée, la résolution atteint latéralement 17 nm. L’ovocyte de Xénope, à différents stades de son développement, a été utilisé. Les enveloppes nucléaires provenant des cellules extraites par microdissection, ont été étalées sur une surface de verre. Grâce à cette approche, il a été possible de quantifier les pores de ces enveloppes nucléaires et de comparer leur structure et leur organisation au cours du développement de l’ovocyte. Ainsi, nous avons observé que les pores nucléaires s’assemblaient progressivement entre eux au cours du développement de l’ovocyte, sous la forme de nano-domaines organisés en deux dimensions selon une maille carrée. L’influence du stade de développement sur les rayons intérieur et extérieur du pore a ensuite été évaluée. Pour cela, l’intérieur du pore, via le réseau de FG-Nup, et la partie du pore en interaction directe avec la membrane nucléaire, ont été marqués. Les images obtenues ont montré que le pore nucléaire subissait au cours du développement une réorganisation globale de sa structure, associée à une réduction significative de son diamètre.
Plus récemment, le développement de la cryo-microscopie électronique à haute résolution a permis d’accéder à la structure atomique de la partie rigide du pore nucléaire. En fonction de l’état de stress cellulaire, chez l’homme comme chez la levure [9, 10], l’anneau luminal (central) du pore est susceptible de s’étendre ou de se contracter (Figure 3). Par exemple, la déplétion de la cellule en ATP, ou l’induction d’un choc osmotique plus ou moins important, sont à l’origine d’une constriction du pore nucléaire. La résolution atomique de cette technique a également permis de révéler que cette constriction était liée à un changement global de conformation, analogue à la fermeture d’un diaphragme d’appareil photographique. L’étude du transport passif a par ailleurs montré que ces variations de structure du pore nucléaire sont associées à une réduction du trafic des protéines. En suivant le transport d’une protéine fluorescente, il a en effet été observé que l’induction d’un stress cellulaire conduisait à la modification du flux diffusif de molécules vers le noyau [10]. Ce lien entre la structure du pore et sa capacité de transport montre ainsi l’importance de la plasticité du pore nucléaire dans la compréhension des mécanismes de régulation génétique (expression, en entrée, et transcription, en sortie). La modulation du diamètre du pore nucléaire est également accompagnée d’une modulation de l’épaisseur de l’enveloppe nucléaire, suggérant un lien mécanique entre tension dans la membrane et ouverture du pore, ce qui permet d’envisager une régulation mécanique du transport entre noyau et cytoplasme.
Figure 3. Plasticité nucléaire induite par le stress cellulaire et la déplétion énergétique. Un choc hyperosmotique et une déplétion énergétique (en ATP) peuvent induire une réorganisation du pore nucléaire et, en particulier, une modification de son diamètre. Ce changement de structure s’accompagne d’une modification de ses propriétés de transport passif (figure adaptée de [10]). |
Influence de la mécanique cellulaire dans la structure de pore nucléaire
L’impact du stress mécanique sur la régulation du transport effectué par le pore nucléaire a été étudié, notamment par le groupe de Pere Roca-Cusachs (Institute for Bioengineering of Catalonia, Barcelone, Espagne) [26,27]. Ces auteurs ont en effet montré que l’application directe de force de traction sur la membrane cellulaire (Figure 4) induisait la translocation du cytoplasme vers le noyau de la protéine YAP (yes-associated protein) [26], un activateur transcriptionnel mécanosensible qui joue un rôle essentiel dans le cancer, la régénération et le contrôle de la taille des organes. L’exposition à un environnement rigide conduit les cellules à établir une connexion mécanique entre le noyau et le cytosquelette, ce qui permet aux forces exercées sur les adhérences focales de la cellule d’atteindre le noyau. La transmission de ces forces produit un aplatissement du noyau cellulaire, ce qui étire les pores nucléaires, réduit leur résistance mécanique au transport moléculaire, et augmente l’importation de YAP dans le noyau. Plus récemment, cette mécano-sensibilité du transport nucléo-cytoplasmique a été généralisée à la translocation nucléaire d’autres protéines, naturelles et synthétiques [27]. Un lien entre stabilité moléculaire des cargos et transport à travers le pore nucléaire a également été montré.
Figure 4. Mécano-sensibilité du transport nucléo-cytoplasmique. A. Sur les substrats mous, le noyau est mécaniquement découplé du substrat et n’est pas soumis à des forces. L’importation et l’exportation de YAP à travers les pores nucléaires sont équilibrées. B. Sur les substrats rigides, des adhérences focales et des fibres de stress se forment, appliquant des forces au noyau et l’aplatissant. Cela étire et courbe les pores nucléaires, exposant le côté cytoplasmique et entraînant une augmentation de l’import de YAP (figure adaptée de [26]). |
Adaptabilité du réseau de FG-Nup et virus
Outre les modifications affectant la structure conformationnelle de l’anneau luminal du pore nucléaire, le réseau interne de FG-Nup peut également s’adapter à l’environnement. Un rôle des transporteurs dans la structure interne du réseau, a en effet été révélé. Plusieurs approches, développées in vitro, utilisant des protéines FG-Nup purifiées et greffées sur une surface [28–30], ont ainsi montré l’influence de la présence des transporteurs sur la structure du réseau formé par ces FG-Nup : selon la concentration de transporteurs, et pour une gamme de concentrations physiologiques, un effondrement ou une extension du réseau de FG-Nup sont observés. Des résultats qui ont été reproduits et modélisés dans des travaux théoriques et des simulations moléculaires [30, 31].
L’importance biologique de l’adaptation du réseau interne de FG-Nup a été révélée par des études portant sur l’import de particules virales dans le noyau de cellules infectées [32, 33]. En utilisant des capsides virales de tailles contrôlées et dont le nombre de NLS, et par conséquent l’affinité pour le pore nucléaire, était prédéterminé, Edward Lemke et al. et Anton Zilman et al. ont montré que le transport nucléaire ne pouvait être compris que si l’on considérait le pore comme une barrière énergétique reposant sur deux facteurs : (1) le coût énergétique pour déformer le réseau de FG-Nup, qui dépend du diamètre de la particule virale et (2) l’énergie gagnée par l’association du virus avec le pore. Le transport dépend donc du nombre de NLS présents à la surface du pore. Comprendre la structure et la déformation du réseau de FG-Nup apparaît ainsi primordial pour expliquer comment les infections virales, et plus largement les maladies liées au transport nucléo-cytoplasmique, peuvent se réaliser.
Un cas extrême de déformation du réseau de FG-Nup a été mis en évidence dans le cas de l’import du virus de l’immunodéficience humaine (VIH-1) [34] (→). On pensait en effet que la capside conique de ce virus était trop large pour être importée telle quelle dans le noyau, son diamètre minimum étant de 60 nm pour un diamètre du pore nucléaire de 64 nm, sans compter le réseau de FG-Nup. Une décapsidation partielle était donc supposée pour que l’importation du virus dans le noyau soit possible. Des résultats récents, combinant des analyses de microscopies optique et électronique, ont permis de capturer l’état structurel des capsides du virus dans des lymphocytes T infectés [4] et ont montré que le diamètre du NPC était en fait suffisant pour l’importation des capsides intactes, le réseau de FG-Nup étant profondément déformé afin de permettre le passage de la capside virale (Figure 5). Notons que le diamètre de la partie rigide du pore nucléaire n’est pas modifié lors de l’entrée du virus.
Figure 5. Import nucléaire du VIH-1. Superposition de la structure de la capside mature du VIH-1 déterminée à partir de virions intacts (en violet) sur le modèle structurel in cellulo du pore nucléaire mesuré dans des cellules infectées (en bleu clair). On observe que le diamètre du canal central du pore est suffisamment large pour permettre le transport de la capside intacte du VIH-1 à la condition d’une déformation extrême du réseau FG-Nup (non représenté) (figure adaptée de [4]). |
Plasticité du pore nucléaire et maladies
Les mécanismes qui permettent à la cellule d’induire les changements conformationnelles et structurelles du pore nucléaire restent encore aujourd’hui inconnus. On pourrait supposer que la régulation de l’incorporation de certaines protéines du pore nucléaire produit des changements conformationnels. On pourrait également envisager des modifications allostériques au sein des protéines déjà présentes dans le pore, qui seraient à l’origine d’une modification de sa structure globale. Les mutations des nucléoporines sont souvent associées à des défauts de développement [35] et à des maladies comme la fibrillation artérielle [36] et la maladie de Charcot [37]. Les phénotypes qui en résultent sont généralement interprétés comme les conséquences d’une perturbation de l’activité du transport nucléaire. Cependant, des résultats récents suggèrent que les NPC auraient d’autres fonctions, dans l’organisation de la chromatine et la régulation des gènes, dont certaines pourraient être indépendantes du transport nucléaire [15]. Dans le cas du cancer, des défauts de transport nucléaire ont été détectés dans de nombreux types de cellules [5]. Ces défauts peuvent affecter des voies de signalisation régulant le transfert dans et hors du noyau de molécules telles que TP53 (tumor protein 53) [38, 39] ou la β-caténine [40, 41], ou la machinerie d’importation et d’exportation nucléaire elle-même. Dans certains cas, certains facteurs de transport nucléaire sont surproduits. Dans d’autres cas, les translocations chromosomiques perturbent les protéines structurelles du pore nucléaire [42–45], ce qui conduit à une surproduction de protéines et à la transformation de la cellule. Les fusions de Nup98 avec des régulateurs de la transcription et de la signalisation cellulaire sont peut-être les exemples les plus étudiés d’altérations des Nup à l’origine d’affections chez l’homme, dont plusieurs types de leucémie [44, 46-49]. Nup98 interagit physiquement avec l’histone acétyltransférase CBP (CREB-binding protein)/p300 [45], une interaction qui semble très importante pour son rôle dans la cancérogenèse. Dans la leucémogenèse, la fusion oncogénique de Nup98 avec l’histone méthyltransférase NSD1 (nuclear receptor binding-SET domain protein 1) est à l’origine d’une activation aberrante, d’une hyperacétylation et d’un recrutement de p300 sur les gènes Hox-A [50].
La compréhension des mécanismes de la perturbation du transport nucléo-cytoplasmique et de la transformation est un sujet de recherche désormais très important. Le rôle de la plasticité du pore nucléaire reste cependant à définir pour de nombreuses maladies. Pour autant, l’utilisation du transport nucléo-cytoplasmique comme cible thérapeutique semble, aujourd’hui, une piste encourageante [51].
(→) Voir la Nouvelle de N.J. Arhel, m/s n° 5, mai 2021, page 549
Conclusion
Au-delà de la vision statique qui a longtemps prévalue pour décrire le pore nucléaire, les recherches récentes ont montré son caractère adaptatif et la grande variété de ses structures qui coexistent dans les enveloppes des noyaux de nos cellules. Les implications de ces nouveaux résultats sont nombreuses, tant d’un point de vue fondamental, pour la compréhension des mécanismes de régulation de l’expression génique, que pour celle de nombreuses maladies. Une perspective de ces recherches intégrant la physique, la biologie et la chimie porte notamment sur la compréhension de la sélectivité du pore nucléaire. Le milieu intracellulaire est constitué de quelques protéines ayant une affinité forte pour le pore nucléaire, et d’autres, nombreuses, ayant une affinité faible. Pour autant, la présence de ses compétiteurs ne ralentit pas le flux de molécules importées. Ce processus ne peut être compris que si l’on considère le transport à travers le pore nucléaire que comme un compromis évolutif, qui maximise le flux de matière et la sélectivité du transport [13, 52, 53].
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
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Liste des figures
Figure 1. Structure et fonction du pore nucléaire. A. Le pore nucléaire est une structure complexe consistant en trois anneaux concentriques (interne, cytoplasmique et nucléaire). Chez la levure, il comprend au total 550 protéines (les nucléoporines) et totalise une masse moléculaire de 52 MDa. Le centre du pore est encombré d’un réseau de protéines dynamiques et intrinsèquement non structurées, les FG-Nup (en rose), qui sont à l’origine de sa sélectivité et de sa directionnalité. Les diamètres interne et externe du pore nucléaire sont, respectivement, de 64 et 130 nm chez l’homme (figure adaptée de [9]) B. L’import nucléaire de protéines (nommées ici cargos, en bleu) est induit par l’association avec un transporteur, l’importine (en rouge), via un signal peptidique spécifique (nuclear localization sequence, NLS, en mauve). Le complexe formé diffuse à travers le réseau de FG-Nup (en vert) pour atteindre la face nucléaire du pore. Cargo et importine sont alors séparées par compétition avec RanGTP. Cela conduit à la libération du cargo dans le noyau et à la formation d’un complexe RanGTP + importine qui est par la suite exporté et recyclé dans le cytoplasme par une autre voie non indiquée ici. |
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Figure 2. Architecture de l’enveloppe et du pore nucléaire (NPC). Schémas décrivant l’enveloppe nucléaire et la structure du pore nucléaire de fibroblastes humains (en orange), de Dictyostelium discoideum (en jaune) et des ovocytes de Xenopus laevis (en vert). A. Distribution et densité des pores nucléaires dans 1 μm2. B. Comparaison des trois structures moyennes dérivées des cellules et organismes correspondants (figure adaptée de [18]). |
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Figure 3. Plasticité nucléaire induite par le stress cellulaire et la déplétion énergétique. Un choc hyperosmotique et une déplétion énergétique (en ATP) peuvent induire une réorganisation du pore nucléaire et, en particulier, une modification de son diamètre. Ce changement de structure s’accompagne d’une modification de ses propriétés de transport passif (figure adaptée de [10]). |
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Figure 4. Mécano-sensibilité du transport nucléo-cytoplasmique. A. Sur les substrats mous, le noyau est mécaniquement découplé du substrat et n’est pas soumis à des forces. L’importation et l’exportation de YAP à travers les pores nucléaires sont équilibrées. B. Sur les substrats rigides, des adhérences focales et des fibres de stress se forment, appliquant des forces au noyau et l’aplatissant. Cela étire et courbe les pores nucléaires, exposant le côté cytoplasmique et entraînant une augmentation de l’import de YAP (figure adaptée de [26]). |
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Figure 5. Import nucléaire du VIH-1. Superposition de la structure de la capside mature du VIH-1 déterminée à partir de virions intacts (en violet) sur le modèle structurel in cellulo du pore nucléaire mesuré dans des cellules infectées (en bleu clair). On observe que le diamètre du canal central du pore est suffisamment large pour permettre le transport de la capside intacte du VIH-1 à la condition d’une déformation extrême du réseau FG-Nup (non représenté) (figure adaptée de [4]). |
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