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Med Sci (Paris)
Volume 41, Octobre 2025
40 ans de médecine/sciences
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| Page(s) | 18 - 29 | |
| Section | Infectiologie | |
| DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2025127 | |
| Published online | 10 October 2025 | |
Pandémies et antibiorésistance
Menaces sur la santé globale au temps de l’Anthropocène
Pandemics and antibiotic resistance: threats to global health in the age of the Anthropocene
Institut Pasteur, Paris, France Collège de France, Paris, France
Médecine/sciences a quarante ans, le SIDA à peine plus. Il secoua notre génération bercée par des succès qui, depuis un siècle, semblaient consolider l’espoir d’un contrôle prochain des « grandes endémies ». Dix ans plus tôt, la variole avait pu être déclarée éradiquée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le réveil fut brutal…
Le retour des pandémies
Était-ce vraiment une surprise ?
Une succession régulière de pandémies nous avait offert, avec un siècle de recul, un modèle de tous les déterminants d’une émergence pandémique « moderne » : la grippe [1]. De la grippe « russe » de 1889-1891, à la grippe « espagnole » de 1918-1919, la grippe « asiatique » de 1957, la grippe de « Hong Kong » de 1968, la menace de grippe « aviaire » de 1997 et la grippe « porcine » de 2009-2010, le fait pandémique s’est maintenu sur un mode soutenu en dépit de la révolution pasteurienne et de l’invention des vaccins et des agents anti-infectieux, faisant de la grippe un modèle d’émergence infectieuse et d’entrée en régime endémique, illustrant ce que Charles Nicolle1 baptisait le « génie des maladies infectieuses ».
Peut-on donc parler d’un « retour des pandémies » selon la définition du règlement sanitaire international : une « urgence sanitaire de portée internationale », à savoir la diffusion brutale, massive et intercontinentale d’un pathogène nouveau, essentiellement viral et zoonotique, contre lequel ne peuvent s’opposer initialement ni une immunité populationnelle préexistante, ni un vaccin, ni un médicament efficace ?
La réponse est clairement OUI. En effet, en dépit du contrôle par l’hygiène et la vaccination de nombreuses endémies millénaires au cours du xxe siècle, de nouvelles pandémies ou « presque-pandémies » – SIDA, SRAS2, grippe porcine, Ebola, Covid-19, Mpox3 – sont apparues ces 50 dernières années. Plus encore, du fait de l’Anthropocène [2], des « environnements pandémogènes » se sont étendus sur la planète. Un exemple typique de la multiplication de ces foyers favorables aux sauts d’espèce fut l’épidémie d’encéphalites humaines à virus Nipah en 1999 en Malaisie, suite au télescopage, dans ce village, d’une agriculture intensive et déforestatrice ayant chassé des populations de chauves-souris frugivores de leur habitat forestier naturel vers des vergers proches de l’agglomération, par ailleurs lieu d’élevage porcin intensif [3]. Le virus pouvait dès lors, après deux sauts d’espèces successifs, infecter les équarrisseurs des abattoirs locaux. Il est clair que l’explosion des transports aériens intercontinentaux ces dernières décennies, offre un vecteur extraordinairement efficace à ces virus zoonotiques, et les changements climatiques rapidement évolutifs laissent planer une inquiétante incertitude sur la dynamique à venir de ces émergences.
Débriefing d’une pandémie : que nous a appris la Covid-19 ?
À distance de la pandémie, on peut modestement faire un bilan de ce qu’elle nous a appris sur nous-mêmes, sur notre société, notre gouvernance, notre système de santé et sur l’importance de la mobilisation scientifique en temps de pandémie [4]. Sous beaucoup d’aspects, le bilan est mitigé, en particulier dans ce qu’on pourrait appeler la dialectique de confiance entre état et citoyens ; s’il en était besoin, la Covid-19 a crûment révélé et aggravé des fractures. Un des lieux où a sévi cette crise de confiance est l’hôpital, qui se remet doucement de son traumatisme. Comment a-t-on pu prendre, dans notre pays, la submersion des réanimations et des services, en général, comme paramètre décisionnel des confinements [5] ?
En plus de ce constat de la vulnérabilité hospitalière, la Covid-19 a aussi mis en lumière de sérieuses vulnérabilités au sein des populations des régions industrialisées : vieillissement et inégalités sociales, certes, mais aussi la constatation qu’une proportion non négligeable de la population adulte jeune n’est pas en bonne santé : obésité et hypertension artérielle incontrôlées, absence d’activité physique ont émergé comme des comorbidités préoccupantes.
Face à ce crash test, la science, en revanche, a été au rendez-vous du contrôle de la pandémie. Les recherches fondamentale, clinique et pharmaceutique ont apporté des contributions décisives qui, audelà de la Covid-19, ont offert à la médecine l’occasion d’un véritable « saut quantique » [6].
Trois faits majeurs dominent : la concrétisation des immenses progrès du diagnostic moléculaire, grâce au séquençage de nouvelle génération et à leur combinaison avec la modélisation mathématique de la dynamique épidémique ; la capacité, grâce à la biologie de synthèse, de développer un vaccin dans le temps d’une pandémie ; et, enfin, la possibilité de détecter très tôt les bases génétiques de la prédisposition de certains individus, sans comorbidités évidentes, à développer une forme grave de maladie infectieuse.
Diagnostic moléculaire, modélisation de la dynamique épidémique et émergence de l’épidémiologie évolutionniste, théorique et expérimentale
Il existe une évidente logique à agréger ces trois disciplines. Fondé sur le séquençage de nouvelle génération, le diagnostic moléculaire de SARS-CoV-2 sur des échantillons pathologiques peut être effectué en quelques jours, avant l’isolement primaire ; le séquençage de son ARN est mis immédiatement à la disposition de la communauté scientifique internationale, permettant en bloc le développement de tests PCR de diagnostic, l’identification de la séquence codante de la protéine Spike – connue depuis la pandémie de SRAS pour être l’antigène protecteur dominant des Coronavirus – et sa synthèse pour développer des tests sérologiques et lancer la course au développement d’un vaccin. En Europe, au tout début de la pandémie de Covid-19, les données épidémiologiques recueillies étaient parcellaires et insuffisantes pour consolider rapidement une politique efficace de contrôle de la circulation virale. Les autorités sanitaires et politiques manquaient de bases décisionnelles et la population percevait mal l’importance de la menace. C’est dans ces premières semaines d’incertitude que la modélisation mathématique de la dynamique épidémique, basée sur des équations différentielles et des modèles géométriques, alimentée par des données constamment réactualisées, a permis de préciser la date de début de l’épidémie, l’incidence cumulée, mais aussi de définir des scénarios « optimistes » et « pessimistes » sur la base desquels des décisions ont pu être prises, comme les dates de début et de fin des confinements. Il convient de souligner l’expérience bâtie au Royaume Uni depuis des décennies dans ce domaine de pointe de l’épidémiologie4. En France, les modélisations produites par le groupe de Simon Cauchemez furent décisives [7].
En résumé, cette modélisation mathématique a pu produire, sur la base du recueil des données de terrain les plus récentes, des projections à court terme – une à deux semaines – qui se sont avérées très utiles pour les autorités sanitaires, y compris pour le choix des groupes prioritaires pour certaines interventions comme la vaccination. La modélisation avait fait son entrée dans la panoplie des outils de contrôle épidémique lors de la pandémie de SRAS en 2002-2003 [8]. On a par ailleurs vu se développer durant la pandémie de Covid-19, une approche microbiologique de l’anticipation de poussées épidémiques par la détection en PCR quantitative de SARS-CoV-2 dans les eaux usées urbaines en amont des stations de retraitement. La remontée du virus y signalait, avec plusieurs jours d’avance, un rebond épidémique5. Nous reviendrons sur le suivi des microbiomes/viromes urbains comme indicateurs à venir de l’évolution du microbiome urbain « global sous les effets des « stresseurs » de l’Anthropocène et du changement climatique. Cet angle virologique de l’anticipation permet une transition avec ce qui a été un autre grand déterminant de la dynamique de la pandémie de Covid-19 : l’apparition de variants de SARS-CoV-2, ainsi que l’impact de la vaccination rapidement disponible [9]. Le phénomène était anticipé du fait de la fréquence mutationnelle élevée des coronavirus et des expériences vétérinaires lors de campagnes de vaccination contre la bronchite du poulet. Ces variants α, β, γ, puis Omicron, se succédant dans une population humaine en cours de construction de son immunité globale, ont inquiété à chacune de ces étapes, ne sachant pas a priori si le « destin » de ces variants en émergence serait de gagner ou perdre en virulence et/ ou en contagiosité. Les capacités croissantes de séquençage devenues disponibles permirent un suivi génomique comparatif, donc évolutif des variants dominants. Les biologistes de l’évolution s’emparèrent dès lors de l’analyse de l’évolution de ces génomes en regard des modifications successives de virulence et de contagiosité, mettant ainsi en place à côté, voire intégrée avec la modélisation mathématique épidémique, une épidémiologie évolutionniste théorique qui permit, par exemple, d’anticiper que la tendance des variants à venir accentuerait une tendance à l’apparition/sélection de variants de moins en moins pathogènes et de plus en plus infectieux donc transmissibles [10]. C’est grâce à Omicron, dont le R0 était 5 fois supérieur à celui du virus initial et nettement moins virulent, que la population chinoise mal vaccinée et naturellement peu exposée du fait de mesures drastiques de confinement, a pu sortir sans désastre majeur de la pandémie. Il n’est pas certain que ce profil évolutif « favorable » soit la règle pour tout nouveau virus pandémique, c’est ce que l’épidémiologie évolutionniste expérimentale pourra nous dire avec les limites éthiques qui s’imposent, avec la génération de mutants « gain of fonction » (GOF)6, à partir de virus pathogènes.
Le développement rapide de vaccins
Il faut se rendre à l’évidence, si deux vaccins candidats ont fait la course en tête – un vaccin adéno-recombinant et un vaccin ARNm – le vaccin ARNm a largement prit le dessus [11], pour devenir, du moins dans les pays occidentaux, le leader quasi exclusif de cette compétition titanesque par les moyens humains et techniques engagés, ainsi que par la dimension gigantesque des financements publics engagés en une période de quelques mois. Le vaccin ARNm a très vite montré sa capacité d’induire des anticorps neutralisants anti-protéine Spike à des titres quasi aussi élevés que les vaccins protéiques « adjuvantés » qui sont arrivés trop tard. Il entraînait aussi une bonne réponse en lymphocytes T garante d’un complément de protection par destruction des cellules infectées par le SARS-CoV-2. La tolérance apparaissait satisfaisante, achevant de mettre au vert les principaux signaux. Rétrospectivement, trois facteurs majeurs ont contribué au succès de ce nouveau vaccin. Les deux premiers sont scientifiques. Ils ont illustré à quel point l’intégration des acquis de la recherche fondamentale, technologique et clinique peut contribuer dans l’urgence à résoudre un problème aigu de santé publique, sur la base de la découverte de l’ARNm 60 ans auparavant [12, 13] et des progrès de la biologie de synthèse. Deux facteurs ont été déterminants : premièrement, la démonstration qu’une substitution de bases pseudo-uridine dans la séquence du brin codant d’ARN le stabilisait et augmentait sa durée de vie, donc son rendement traductionnel, et diminuait son effet pro-inflammatoire, donc ses effets secondaires potentiels [14, 15] ; et, deuxièmement, la démonstration de la capacité de certaines nanoparticules lipidiques (LNP) à assurer une vectorisation optimale vers les cellules présentatrices d’antigènes ainsi qu’un effet adjuvant [16]. Le troisième facteur de succès fut le télescopage inédit des trois phases d’études cliniques et des étapes décisionnelles des agences de régulation, réduisant considérablement le temps habituellement requis pour l’accès d’un vaccin au marché, et la capacité d’États coalisés à mobiliser près de 20 milliards de dollars de financements publics afin d’engager le cercle vertueux du développement de ce vaccin innovant auprès des industriels concernés et garantir son utilisation [17].
Il y aura ainsi un avant et un après vaccination anti-Covid par ARNm [18]. Non seulement ce succès renforce l’utilisation de la vaccination ARNm dans son domaine d’application initial, la vaccinothérapie du cancer, mais elle relance aussi son utilisation dans le traitement substitutif de certaines maladies génétiques, ce qui fut en fait le rationnel du développement initial de cette méthode afin de pallier certains risques iatrogènes des techniques actuelles.
Pour rester dans le domaine des maladies infectieuses, il est clair que la vaccination ARNm a pris une position de choix dans le contrôle des maladies infectieuses émergentes connues, particulièrement les zoonoses virales (grippe, coronaviroses, Ébola) et les infections virales vectorielles connues (Zika, Chikungunya), ainsi que d’autres totalement nouvelles. Cette approche vaccinale est appelée à évoluer et même à débloquer des situations d’échec comme la vaccination contre le cytomégalovirus (CMV) et la recherche d’un vaccin exprimant des antigènes protecteurs invariants contre la grippe saisonnière [19]. Si les coûts de production peuvent être maîtrisés, ces vaccins pourraient aussi prendre leur place en médecine vétérinaire, particulièrement en cette période où les sauts d’espèces successifs chez les mammifères du sérotype H5N1 du virus de la grippe suscitent de vives inquiétudes.
Pour être complet, il convient, sinon de modérer un enthousiasme justifié, du moins de dresser une feuille de route pour la prise en charge d’un certain nombre de faiblesses apparues au cours de cette campagne inédite de contrôle de la pandémie de Covid-19.
Points faibles de la vaccination ARNm et les pistes possibles de remédiation
Comme pour tout développement vaccinal, la connaissance du ou des antigènes protecteurs est l’incontournable préalable. Le choix de la protéine Spike du SARS-COV-2 – en particulier son site de liaison au récepteur cellulaire ACE-2 – comme antigène protecteur de choix était clair depuis les travaux réalisés sur le virus SARS-CoV, suite à la pandémie de SRAS en 2002-2003, soulignant au passage l’utilité de maintenir une recherche post-pandémie [20]. En l’absence de cette connaissance préalable, le temps d’identification de l’antigène protecteur dominant aurait sans doute prolongé de plusieurs mois la mise à disposition du vaccin, même si de nouvelles approches comme la « vaccino-génomique » [21] et l’obtention d’anticorps monoclonaux humains neutralisants à partir de lymphocytes B mémoire [22] permettent aujourd’hui une reconnaissance efficace et « rapide » – quelques mois – d’antigènes protecteurs, particulièrement pour des virus émergents [23]. Ces dernières approches permettent en parallèle d’offrir des possibilités d’approche séropréventive, voire sérothérapeutique, comme cela a pu être déployé pour la protection des formes graves de Covid-19 chez des sujets immunodéprimés ou atteints de sévères co-morbidités, en l’absence initiale de médicaments antiviraux efficaces [24]. La Covid 19 et la prise en charge efficace, thérapeutique et prophylactique, de l’infection par le virus respiratoire syncytial (VRS) du nourrisson par le Nirservimab [25] ont marqué un retour assez fracassant de la « vieille sérothérapie » – certes réactualisée – dans le contrôle des maladies infectieuses. La place qu’elle sera amenée à prendre, en des temps de croissance de l’incidence de la résistance aux agents anti-infectieux reste à déterminer.
L’ensemble des points soulevés montre à quel point l’état de préparation aux épidémies et pandémies à venir dépendra largement de la capacité de développer rapidement et déployer largement un vaccin efficace. Les familles de virus susceptibles d’émerger ou de ré-émerger sont connues même si l’on n’est jamais à l’abri d’une surprise : virus influenza aviaires, coronavirus, virus Ebola, de Crimée-Congo, Nipah, Hendra, Lyssavirus, Dengue, Zika, Chikungunya, Mpox, West Nile, encéphalite japonaise et d’autres…, tous zootiques, et certains transmis par des insectes vecteurs. C’est beaucoup, mais les connaissances et les technologies actuellement disponibles, si nous pouvons les fédérer à l’échelle internationale, soutenus par des partenariats public-privé à la hauteur des nécessités, nous rendent en théorie capables de relever le défi, pour chacune des familles virales, de connaître les principaux antigènes protecteurs, et de disposer des anticorps monoclonaux neutralisants pertinents afin que le moment venu, vaccin prêt, voire stocké ou non, les organismes sanitaires puissent bénéficier d’un vaccin dans les délais les plus brefs possibles afin de réaliser le rêve de « tuer la pandémie dans l’œuf ». La même approche devrait valoir pour des médicaments antiviraux spécifiques de ces familles virales, ayant constaté l’échec du repositionnement de molécules existantes à l’occasion de la pandémie de Covid-19. Il convient à ce sujet d’aborder le problème du continent africain qui a montré durant la crise pandémique de Covid-19 sa totale dépendance de l’étranger en regard de la production de vaccins et de médicaments. Une initiative panafricaine se fait jour, visant à accéder à 60 % de souveraineté dans la production de vaccins dans les années 2030 ; un objectif jusqu’alors non atteint par GAVI, l’alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation7.
Autant de défis vitaux à relever que la « pandémie » de mercantilisme, de nationalisme et de bellicisme qui atteint la planète risque de transformer en rêves irréalistes.
Vaccin anti-maladie ou vaccin anti-infection ?
Dans les mois qui suivirent la mise en route de la campagne de vaccination, alors que cet angle n’avait pu être exploré dans des études cliniques de phase 2 et 3 menées au pas de charge, il devint progressivement évident que le vaccin à ARNm anti-SARS-CoV-2 prévenait avec une extraordinaire efficacité les symptômes cliniques, en particulier les formes graves de la maladie, mais pas l’infection elle-même, ou insuffisamment, n’affectait pas la colonisation des voies aériennes supérieures et n’influençait donc que partiellement la circulation du virus. Vaccin anti-maladie donc, à effet protecteur systémique, cette dualité s’accentua avec les mois alors qu’apparaissaient des variants successifs dont le R0 ne faisait qu’augmenter, mais dont la virulence diminuait. L’immunité de groupe et le passage stable du R0 sous le seuil épidémique finirent donc très probablement par s’établir sous l’effet conjugué de la vaccination, particulièrement chez des sujets âgés et atteints de comorbidités, et de la circulation persistante protégeant le reste de la population par une infection naturelle rhino-pharyngée généralement pauci- ou asymptomatique. Ceci sera à méditer dans le futur en cas d’émergence de pandémies virales à transmission aérienne. L’état de préparation devrait prendre en compte l’addition d’un vaccin muqueux au vaccin systémique afin de rapidement couper la circulation virale [26]. C’est cette complexité inédite que reflète sans doute la résurgence récente de la coqueluche qui, dans un contexte global d’immunisation par un vaccin bien toléré mais anti-maladie induisant une mémoire relativement courte, voit – en l’absence de rappels suffisants – la circulation résiduelle à bas bruit de Bordetella pertussis maintenir l’immunité globale. Dans un tel modèle, les stricts confinements de la période Covid-19 ont interrompu cette circulation, entraînant une « dette immunitaire » en partie responsable de la réémergence post-Covid-19 de la coqueluche [27].
Pour clore sur les performances du vaccin ARNm SARS-CoV-2
L’expérience a montré que la mémoire B induite par la primovaccination était assez courte mais demeurait fonctionnelle lors d’une infection à SARS-CoV-2 intercurrente et s’allongeait significativement suite aux rappels [28]. Cette amélioration est tempérée par le fait que le réajustement de l’antigène vaccinal aux variants successifs révélait « en direct » un phénomène connu sous le nom « d’empreinte antigénique » selon lequel les anticorps neutralisants restaient de manière dominante dirigés contre la protéine Spike de la souche Wuhan originale de SARS-CoV-2 [29]. Il est temps que l’immunologie fondamentale s’empare de la vaccinologie…
Un déterminisme génétique des formes graves de Covid-19
Pour la première fois, grâce à des approches éprouvées d’épidémiologie génétique, un support génétique des phénotypes sévères d’une maladie transmissible a pu être identifié pendant la pandémie. Environ 15 % des formes sévères de Covid-19 sont associées à des mutations localisées surtout sur le chromosome X, expliquant la plus grande incidence de ces formes graves chez l’homme. Ces mutations sont localisées sur des gènes impliqués dans la détection de l’ARN monocaténaire de SARS-CoV-2, comme TLR7 [30] et dans la régulation de la réponse anti-replicative virale de première ligne assurée par les Interférons de type 1. Ces mutations concernent par exemple une diminution de la production de ces Interférons de type 1 ou la dérégulation de la production d’anticorps anti-IFN de type 1 [31].
Conclusion
Pour conclure ce chapitre, la mobilisation sans précédent de la communauté scientifique contre la pandémie de Covid-19 a été un accélérateur inédit du progrès des sciences biomédicales. Elle a permis l’émergence ou le développement décisif de stratégies médicales innovantes dans un temps record [6]. Un avant et un après sanitaire, scientifique, certes, mais aussi en sciences humaines et sociales, anthropologiques, économiques et politiques. Jamais l’intégration en une vision globale n’était apparue aussi essentielle.
Des sujets de réflexion au-delà de la pandémie de Covid-19
Vulnérabilité des grandes métropoles au risque microbiologique en regard de l’urbanisation galopante et du changement climatique
Sur fond de changement climatique en évolution rapide, on s’interroge sur l’impact des éléments de ce changement, particulièrement le réchauffement et les catastrophes météorologiques sur les écosystèmes microbiens8. Dans ce contexte, les grandes métropoles sont particulièrement vulnérables aux risques microbiens[32].
La population mondiale a franchi la barre des 8 milliards en octobre 2022 et 56 % des habitants de la planète vivent actuellement en zone urbaine, soit près de 5 milliards de citadins. Sauf renversement drastique de tendance, le pourcentage devrait atteindre 75 % en 2050…
Sur les 20 métropoles de plus de 15 millions d’habitants de la planète, la moitié sont situées dans des pays à produit intérieur brut (PIB) moyen ou faible, ces dernières souffrant d’insuffisantes infrastructures sanitaires et des effets délétères de pollutions multiples et incontrôlées, en particulier aériennes. Déjà fragiles, ces métropoles s’avèrent extrêmement vulnérables aux effets du changement climatique : canicules, risque de submersion, épisodes de précipitations massives avec inondations.
Dans ces contextes, quelle est plus précisément la nature de ces vulnérabilités urbaines au risque épidémique ? Les grands marchés intra-urbains, particulièrement en Extrême-Orient, sont des sources confirmées d’émergence virale potentiellement pandémique. La densité de population, en particulier dans les transports en commun ou lors de rassemblements, est un déterminant puissant de transmission, amplifiée à l’échelle de la planète via les hubs aéroportuaires associés aux grandes métropoles. La pauvreté urbaine et périurbaine est aussi un déterminant majeur de transmission et de gravité des épidémies.
Le réchauffement climatique élargit même au Nord, l’espace vital d’arthropodes vecteurs d’agents infectieux comme les arbovirus (Dengue, Zika, Chikungunya). L’établissement de cycles vectoriels urbains est à la source de l’extension du virus West Nile aux USA. La végétalisation des villes indispensable à l’élimination des îlots de chaleur renforce ce risque et doit donc être menée avec rigueur. Une explosion, y compris urbaine, de Chikungunya à La Réunion a été observé après le passage du cyclone Garance9.
Jamais le risque de choléra n’a été aussi élevé du fait de l’accroissement thermique et des excès de pluviosité modifiant pH, salinité et densité zooplanctonique des eaux estuariennes, toutes conditions favorables à la prolifération de ce pathogène environnemental qu’est Vibrio cholerae. Les observations satellitaires consolident l’extension constante des zones de vulnérabilité côtières, y compris vers de hautes latitudes dans les deux hémisphères. Les grands « couloirs urbains » qui se construisent sur la côte sud de l’Afrique occidentale entre Nigéria et Côte d’Ivoire, sont particulièrement vulnérables [33].
Les changements climatiques – élévation moyenne des températures et canicules, évènements de pluviosité massives mettent à l’épreuve les systèmes et réseaux de collecte des eaux usées urbaines, leur épuration et les circuits de distribution d’eau potables ; l’eau distribuée risque d’être altérée en qualité chimique et microbiologique [34]. L’OMS anticipe dans les 10 ans à venir une augmentation d’au moins 10 % de l’incidence des infections entériques [35]. Les points de vulnérabilité de collecte, épuration et redistribution des eaux urbaines sont la corrosion des collecteurs en béton par la croissance en biofilms de bactéries impliquées dans le cycle du soufre, tels les membres du genre Thiobacter producteurs d’acide sulfurique acidifiant et dissolvant la matrice du béton. Les pluies massives peuvent submerger temporairement les capacités fonctionnelles des stations d’épuration [36]. Enfin, les immenses réseaux de distribution d’eau potable sont soumis au risque obstructif, corrosif et infectieux de biofilms constitués d’espèces bactériennes étableis en biofilms comme Chromobacterium violaceum mais aussi d’autres microorganismes : champignons, algues et lichens. Ces biofilms résistent au « flushing » et à la chloration. Des expériences de reconstitution en laboratoire de systèmes de distribution d’eau ensemencés par des échantillons réels montrent qu’une augmentation progressive d’une dizaine de degrés de la température de l’eau circulante induit un accroissement massif de la quantité et de la diversité des microorganismes identifiés [37]. Cette modélisation des risques du réchauffement climatique souligne le risque infectieux encouru en particulier par les sujets aux extrêmes de la vie et les patients immunodéprimés. Ces conditions sont retrouvées dans les grands centres hospitaliers urbains, comme en ont témoigné par le passé des crises graves impliquant la diffusion anadémique10 de Legionella pneumophila.
Le poids de l’ensemble de ces vulnérabilités urbaines est à l’évidence appelé à croître inexorablement dans les décennies à venir. Les vulnérabilités étant connues et les risques anticipés, demeure leur remédiation. La plupart des mesures sont préventives, souvent évidentes, mais nécessitant un cadre multidisciplinaire intégrant sciences fondamentales et sciences humaines et sociales.
Une approche vaut cependant d’être considérée : le suivi prospectif du métagénome des microbiomes urbains. Les progrès combinés du séquençage de nouvelle génération et de la bio-informatique – désormais accessibles grâce à l’IA – permettent de dresser un atlas temporellement évolutif des écosystèmes microbiens représentant des interfaces clés en matière sanitaire (lieux publics, transports en commun, eaux usées, air intérieur et extérieur. De telles approches permettent surveillance, anticipation et suivi d’impacts comme les accidents climatiques. C’est en fait la seule façon, par exemple, de répondre à la question de l’évolution des écosystèmes microbiens sous l’effet du réchauffement climatique. Des travaux de référence existent déjà : le métagénome des microbiomes urbains comparatifs de 60 cités, montrant des signatures spécifiques de métropoles, une circulation intense de bactéries – éventuellement nouvelles ou antibiorésistantes – de virus – certains nouveaux – et de champignons [38] ; changement dans une ville chinoise de l’écosystème aérien après un épisode caniculaire caractérisé par un déséquilibre vers des bactéries sporulées [39] ; veille à Naïrobi (Kenya) à la survenue d’échange de microorganismes -éventuellement pathogènes – sur des « hot spots » urbains de rencontres homme-animaux domestiques – animaux (oiseaux) sauvages [40]. Cependant, l’approche la plus directement informative sur le « microbiome urbain global » sera l’étude prospective des eaux usées en amont des stations d’épuration. Elle a fait ses preuves en France avec le programme OBEPINE déjà cité11. Cette approche a permis de révéler dans plusieurs pays la circulation de souches de mutants/ recombinants virulents d’OPV, le vaccin polio oral vivant atténué type Sabin12 [41].
Cette stratégie est actuellement renforcée par l’introduction d’une analyse globale métagénomique des échantillons permettant à terme un suivi du « microbiome humain urbain global ». L’approche peut être doublée d’un suivi par spectrométrie de masse de la consommation de médicaments, en particulier d’antibiotiques. Une cartographie urbaine de la consommation d’antibiotiques et d’autres molécules à effets antimicrobiens, ainsi que de l’évolution de l’antibiorésistance, peut ainsi être envisagée.
Crise de l’eau et insécurité alimentaire dues aux événements climatiques
Altérant massivement la qualité des terres arables, extrême pauvreté et conflits armés, avec leurs flots de réfugiés, sont une autre cause majeure d’épidémies : effondrement des soins primaires avec incapacité d’assurer les campagnes du programme élargi de vaccination, mais aussi des campagnes de vaccination urgentes comme celles contre Ebola et Mpox en République Démocratique du Congo. Rappelons aussi que c’est la conjonction sécheresse, extrême pauvreté et instabilité politique qui, suite à l’extrême insécurité alimentaire a massivement accru le « bush hunting » augmentant les contacts humains avec des primates et les contaminations par le virus Ebola. Les mouvements de populations, y compris transfrontaliers à la recherche d’aliments ont fait le reste pour disséminer l’épidémie à une large portion de l’Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2015, touchant aussi les zones urbaines [42]. Il est encore difficile d’évaluer les conséquences sanitaires de la décision irresponsable de l’Administration néoconservatrice américaine de suspendre les financements de l’OMS et de l’aide sanitaire, humanitaire et scientifique aux pays du Sud. L’Europe pourra-t-elle et dans quelle mesure compenser pour cette perte ?
Conclusion
Il est clair que l’homme, victime première du risque infectieux, est pour beaucoup responsable des principaux déterminants de ce risque renouvelé caractéristique de l’Anthropocène : agriculture et élevage intensifs, déforestation, effet de serre, intensification du trafic aérien intercontinental, urbanisation galopante, inégalité du partage des ressources, dégradation de la biodiversité, y compris microbienne. Une vision « une santé » s’impose pour établir les bases d’une prévention globale et durable. Le chaos mondial qui se profile ne prête guère à l’optimisme, d’autant qu’une autre crise menace depuis ces quatre dernières décennies…
La crise de l’antibiorésistance
Un lourd bilan, une crise globale
Selon Santé publique France, chaque année, environ 130 000 infections dues à des bactéries antibiorésistantes surviennent en France et plus de 5 500 patients en décèdent, l’équivalent de l’hécatombe annuelle due à la grippe. En Europe, la mortalité annuelle est évaluée à environ 30 000. L’antibiorésistance pèse donc très lourd sur la Santé publique et un rapport alarmant de l’OMS en 2014 en faisait même la première cause de mortalité à venir sur la planète en 2050, et sonnait de nouveau l’alarme cinq ans plus tard, incluant les tuberculoses causées par des bacilles multirésistants aux antituberculeux13.
Les microbes « se rebiffent »
L’antibiorésistance est une réponse naturelle du monde microbien, mais la crise de l’antibiorésistance est due à leur mauvais usage. Sa solution est donc leur bon usage, mais il ne suffit pas de le dire14…
La crise de l’antibiorésistance a débuté dès la mise sur le marché des premiers antibiotiques [43] . Dès la fin des années 1960, on observa que la résistance bactérienne aux antibiotiques utilisés dans la décennie précédente – streptomycine, chloramphenicol, tétracycline et sulfamides – augmentait en proportion de la production et de la consommation croissantes de ces molécules [44]. On oublie souvent qu’à peine la pénicilline découverte par Fleming, Abraham et Chain avaient identifié dès 1940 la première pénicillinase bactérienne [45].
Il n’est pas d’exemple que des résistances ne soient apparues vis-à-vis d’un nouvel antibiotique, même si cela a pu prendre plusieurs années pour la vancomycine [46]. La survenue et l’extension de l’antibiorésistance, qui touche des molécules naturelles, hémi-synthétiques et synthétiques, illustrent à la fois l’énorme pression sélective inédite imposée dès le milieu du xxe siècle par l’irruption des antibiotiques en médecine humaine, particulièrement en milieu hospitalier où se concentrait l’essentiel des malades traités.
Une extraordinaire « boîte à outils génétique », un « résistome » évolutif quasi-inépuisable garantissent, au sein d’écosystèmes microbiens humains ou extra-humains complexes, l’émergence sous pression antibiotique sélective de souches résistantes susceptibles de diffusion interhumaine ou animal-homme.
À cette pression sélective massive, car globalement mal maîtrisée, le monde bactérien a répondu par une extraordinaire plasticité génétique qui caractérise les procaryotes en regard des eucaryotes : fréquence mutationnelle supérieure permettant l’échappement des cibles, amplification et mutation adaptative de gènes codant des enzymes naturelles de dégradation d’antibiotiques comme les beta-lactamines – ces beta-lactamases naturelles étant probablement impliquées dans la régulation des écosystèmes microbiens environnementaux – de la même manière, mobilisation de gènes codant des enzymes altérant des cibles fréquentes d’antibiotiques comme les ribosomes. Ces systèmes et bien d’autres constituent un « résistome » évalué à environ 20 000 gènes sur la globalité des milliers de génomes bactériens actuellement séquencés [47]. À ce « résistome » virtuellement inépuisable, qui inclut les pompes à efflux permettant la résistance aux métaux lourds dans des environnements pollués et agissant tout aussi efficacement sur la chasse des antibiotiques, le monde bactérien ajoute l’extraordinaire capacité de transfert horizontal de matériel génétique. La génétique moléculaire naissante allait trouver là un champ d’application formidable, décrite chez les Entérobactéries dès le début des années 1960 [48]. Stanley Falkow le théorisa dans les années qui suivirent avec un accent sur les « épisomes », éléments extra-chromosomiques auto-replicatifs et souvent auto-transférables, éventuellement entre espèces bactériennes différentes [49]. Les déterminants et supports génétiques du transfert horizontal s‘avérèrent rapidement complexes et imbriqués. S’ajoutait en effet la transformation naturelle permettant l’acquisition d’ADN chromosomique de bactéries étrangères par des bactéries dites « compétentes » comme Streptococcus pneumoniae partageant la même niche écologique. C’est ainsi que se construisit par étapes successives la résistance « mosaïque » du pneumocoque à la pénicilline par acquisition/recombinaison/substitution -en provenance de Streptococcus mitis et d’autres streptocoques orauxde gènes codant pour des penicillin-binding proteins (PBP) impliquées dans la synthèse du peptidoglycane de la paroi bactérienne et de faible affinité pour cet antibiotique [50].
Les éléments génétiques dispersés du « résistome » deviennent ainsi disponibles pour les bactéries auxquelles hommes et animaux sont exposés. Ces gènes de résistance sont capturés sur des éléments génétiques mobiles [51]. Deux catégories d’éléments génétiques mobiles dominent, capables de sauter d’un châssis génétique et de s’intégrer dans un autre (jumping elements) : les intégrons piratent les gènes de résistance et les fonctionnalisent, leur permettant d’aller s’intégrer, grâce à une recombinase caractéristique, dans des éléments génétiques mobiles plus complexes comme les transposons ou directement sur des plasmides auto-transférables (Figure 1). Il en existe plusieurs familles, mais c’est surtout le groupe 1 qui est impliqué dans l’antibiorésistance [52].
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Figure 1. Intégration fonctionnelle des éléments génétiques mobiles assurant capture, fonctionnalisation et transfert horizontal de gènes d’antibiorésistance au sein des écosystèmes bactériens. Donor strain : souche donneuse ; Receptor strain : souche receuveuse. ATBR : gène de résistance à un antibiotique, ICE : éléments intégratif conjugatif ; OriT : origine de transfert. Figure : © Celine Loot, Institut Pasteur. |
Les transposons ont évolué comme des systèmes de capture d’intégrons à partir de séquences génétiques capables de s’exciser et s’insérer sur la base de la reconnaissance de courtes séquences nucléotidiques inversées répétées homologues (IRS) reconnues par une transposase clé du processus de translocation (insertion sequences ou IS). En tant que telles, , au-delà des mutations ponctuelles, les IS jouent un rôle important dans l’évolution adaptative des génomes bactériens en inactivant certains gènes ou en fonctionnalisant d’autres par apport de promoteurs. Il n’est pas surprenant que ces IS, éminemment translocables, aient servi de châssis pour la construction de transposons dont il existe aussi plusieurs familles chez les bactéries à Gram négatif et positif. La récente mise en évidence de transposons associés au système CRISPR-Cas9 montre à quel point ces éléments génétiques interviennent dans la résistance bactérienne à des agressions, qu’il s’agisse d’antibiotiques ou de virus. Un transposon peut porter plusieurs gènes de résistance à différents antibiotiques. On les retrouve sur des plasmides autant que sur le chromosome [53].
L’emboitage progressif de ces systèmes conduit, sous pression sélective soutenue, à l’apparition de « lego » modulaires monstrueux dont on peut quasiment retracer l’historique architectural, associant IS, intégrons enchevêtrés dans des transposons éventuellement délétés de leurs séquences de transposition, mais pouvant être complémentés en cis ou trans par d’autres transposons fonctionnels. Ce sont de véritables « pièges à intégrons » [54]. C’est au sein d’une telle structure que fut identifiée NDM1 (New Delhi metallo-beta-lactamase-1) dans une souche nosocomiale de Klebsiella pneumoniae, une carbapénèmase qui rendait inefficace toute beta-lactamine [55]. Ce n’était qu’un début [56] et l’extension hospitalière et environnementale de souches produisant ces beta-lactamases continue [57].
Un monde microbien déjà en « économie de guerre » avant l’offensive antibiotique ?
Il y a cependant plus fascinant : ces modules génétiques monstrueux ont sans doute commencé à s’assembler dès l’ère pré-antibiotique, en présence d’autres « stresseurs ». En témoigne la présence, dans certains de ces modules, des gènes de résistance aux métaux lourds comme le mercure ou l’arsenic [58].
Ces composés furent largement utilisés comme antiseptiques dans les siècles précédant l’irruption des antibiotiques et ont « légué » aux bactéries qui leur ont succédé les outils de base de la résistance aux antibiotiques. Le monde microbien humain était donc déjà en « économie de guerre » avant l’offensive des antibiotiques…
Cette « économie de guerre » microbienne s’est largement concentrée – du moins initialement – sur une catégorie de bactéries particulièrement robustes et adaptées à l’écosystème hospitalier où ces bactéries sont souvent multirésistantes et hébergent des gènes de résistance aux antibiotiques les plus récents.
Ces bactéries, pour l’essentiel groupées sous le terme « ESKAPE » (Enterococcus faecium, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa, Enterobacter cloacae), sont parmi les agents les plus redoutables d’infections hospitalières – comme développé dans l’article joint d’Asmaa Tazi – et leur multirésistance quasi systématique peut mener à des impasses thérapeutiques totales.
« L’union fait la force » : les biofilms
Le risque de ces infections est aggravé par le fait que ces bactéries s’organisent le plus souvent en biofilms au site infectieux [59], qu’il s’agisse ou non d’un dispositif invasif ou d’une prothèse, mais tout autant sur des surfaces biotiques (valves cardiaques, par exemple). En fait, plus de la moitié des bactéries des écosystèmes terrestres sont organisées en biofilms, cette « organisation « sociale » est un moyen majeur de résilience de ces écosystèmes. Cette organisation en communautés sédentarisées, enchâssée dans une matrice protectrice constituée de polyosides, protéines et ADN bactériens représente une barrière physico-électrique à la pénétration des antibiotiques. Par ailleurs, au sein de ces biofilms, les bactéries sont en situation métabolique hétérogène, certaines à l’état de « persisters » sont tolérantes à des antibiotiques bactéricides. Cet état de résistance non génétique repose essentiellement sur des situations de dormance métabolique rendant l’antibiotique inopérant. Ces situations doivent être comprises, car elles peuvent permettre une reprise de l’infection après arrêt de l’antibiothérapie [60].
Vers une remédiation à l’antibiorésistance, est-ce le chemin qui est difficile ou le difficile qui est le chemin ?
Le poids que ces infections hospitalières font peser sur la santé publique – poids humain et poids économique – est énorme : surmortalité et morbidité, allongement des durées d’hospitalisation, isolement de patients, fermeture de lits.
La prise de conscience de cette situation critique a mené, depuis plusieurs décennies, à l’adoption de mesures strictes de prévention en milieu hospitalier fondées sur le suivi de bonnes pratiques d’utilisation des antibiotiques (pertinence et rationalité microbiologique, parcimonie) et d’une prévention « impitoyable » de la circulation interhumaine – en particulier manuelle – des microorganismes. L’application stricte de ces mesures n’est malheureusement pas universellement partagée et des pratiques comme le « tourisme médical » contribuent à la circulation intercontinentale de bactéries ESKAPE multirésistantes.
Cette situation critique justifie un appel à la science afin de consolider un contrôle durable. On peut en privilégier un certain nombre :
La découverte d’approches moléculaires assurant la désintégration des biofilms et l’élimination de la « réfractance » aux antibiotiques des bactéries « planctonisées », comme évoqué ci-dessus [61].
La phagothérapie décrédibilisée dans les années 1940 par le manque de rigueur des études cliniques qui avaient tenté de l’imposer et surtout l’arrivée des antibiotiques, pourrait faire son retour à condition de sélectionner des cocktails de bactériophages hautement lytiques afin d’échapper à la survenue rapide de mutations dans les récepteurs des surface bactérienne [62]. Tout aussi importante sera la problématique de l’accessibilité des bactériophages aux foyers infectieux qui se limite à des infections de surface cutanée ou muqueuse (brûlures, dispositifs de respiration assistée, infections ostéoarticulaires chroniques fistulisées). La biodisponibilité systémique des phages est en effet aléatoire, mais les indications proposées permettraient une économie significative d’antibiotiques au long cours.
La sérothérapie et la vaccination méritent d’être revisitées à l’aune des progrès de ces disciplines qui les sous-tendent comme la vaccinogénomique, la biologie de synthèse et les méthodes d’identification des anticorps neutralisants à partir de lymphocytes B mémoire.
Ces approches demeurent trop timides, largement faute de soutien financier et industriel, mais aussi du fait d’échecs répétés de vaccins tels les candidats anti-staphylococciques [63].
Il existe aussi des approches carrément innovantes, même si elles ne sont pas, elles aussi, exemptes d’obstacles. En cas de portage intestinal d’une bactérie porteuse d’un ou plusieurs facteurs de résistance préoccupants (ex. K. pneumoniae NDM1), une approche radicale est le transfert fécal, c’est-à-dire, après élimination du microbiote intestinal résident, l’implantation d’une flore microbienne de donneur humain dépourvue de microorganismes multirésistants. Cette stratégie a ses lourdeurs, ses risques et surtout ses échecs [64]. Le succès du transfert fécal dans le traitement des récidives de colites à Clostridium difficile en fait néanmoins le premier exemple de l’émergence de la « médecine microbienne » [65].
Dans le cadre du portage intestinal d’une bactérie porteuse de facteurs de résistance « préoccupants », une approche plus ciblée, encore au stade préclinique, consiste à éliminer spécifiquement les séquences de résistance, voire la bactérie résistante elle-même, sans affecter le reste du microbiote intestinal (« in vivo genome editing »). Cette stratégie est un autre exemple d’utilisation du système CRISPR-Cas9 et par là même une nouvelle facette de la « médecine microbienne ». Ce système capable de cliver les deux brins d’une séquence d’ADN grâce à leur guidage par de petits ARN aisément programmables pour cibler n’importe quelle séquence permet dans ce cas de cibler un gène de résistance d’intérêt et d’amener à la destruction du plasmide qui le porte, voire de la bactérie ellemême si le gène de résistance est chromosomique [66]. L’approche peut d’ailleurs s’élargir aux bactéries virulentes, éventuellement résistantes comme les Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (MRSA) [67]. Le succès clinique de cette stratégie audacieuse reste à démontrer.
En dépit d’approches alternatives très créatives, la nécessité impérieuse demeure de découvrir de nouveaux antibiotiques et de les « sanctuariser » pour un usage hospitalier raisonné. Cette nécessité se heurte depuis trois décennies à une « panne des antibiotiques ». Les causes en sont complexes, mais une cause principale est que tous les « low hanging fruits », molécules naturelles issues des microorganismes producteurs classiques (Penicillium, Actinomyces…) ont été cueillis. Deux perspectives s’offrent donc :
Élargir considérablement la base de recherche de microorganismes susceptibles de produire des molécules antibiotiques de cibles et de modes d’action originaux. Ceci nécessite d’élargir considérablement la diversité des écosystèmes telluriques et océaniques explorés, c’est le modèle « Tara Océan » [68].
Changer d’échelle dans la conception de molécules de synthèse en combinant génomique comparative et édition de génomes microbiens pour identifier de nouvelles cibles ou en ciblant des enzymes clés de fonctions vitales (la transcription, la traduction, la synthèse des membranes et des parois microbiennes), puis analyse structurale à haute résolution, des sites catalytiques et « drug design » de molécules neutralisant ces sites [69]. Ces approches ont un coût qui nécessite de la part de la recherche académique et pharmaceutique des rééquilibrages, voire des arbitrages, en regard des investissements dans d’autres secteurs, plus financièrement rentables, de la médecine.
Primum praevenire15
En fait, le premier défi de la lutte contre l’antibiorésistance demeure largement, y compris hors des limites de l’hôpital, le contrôle de l’utilisation aberrante des antibiotiques en élevage (porcin, bovin, aviaire et piscicole) et de leur rejet « sauvage » dans l’environnement. On alerte depuis longtemps sur l’augmentation de la prévalence d’isolats microbiens antibiorésistants dans les écosystèmes telluriques et aquatiques [70]. Dans un concept « One Health », « les antibiotiques, ce n’est pas automatique » quelles que soient les circonstances… Ces pratiques bannies par l’Union européenne (UE) depuis une vingtaine d’années restent monnaie courante dans de nombreuses régions de la planète. Il est d’ailleurs intéressant de lire ce commentaire laudatif de collègues américains sur les politiques de régulation de l’UE : « L’Europe a été à l’avant-garde de la lutte contre la pollution aux antibiotiques et la crise de la résistance aux antibiotiques. Elle a rapidement reconnu la nécessité d’investir dans la recherche et les politiques dès le début des années 2000, avec la mise en œuvre du “Plan d’action One Health de l’UE contre la résistance aux antimicrobiens (RAM)” en juin 2017. Cela a fait de l’UE une région de référence en matière de bonnes pratiques, stimulant la recherche, le développement et l’innovation, et influençant l’agenda mondial. » [71].
Si l’on additionne les rejets des sites d’élevage intensif, les rejets incontrôlés des complexes géants de production des molécules de base et l’élimination dans les eaux usées urbaines, on estimait en 2015 à au moins 100 000 tonnes d’antibiotiques non dégradés - surtout triméthoprime et quinolones – qui étaient rejetées intactes chaque année dans l’environnement [72]. Dix ans plus tard, on parle possiblement de 500 000 à 1 million de tonnes annuellement… Effet de l’anthropocène, l’antibiotique est passé du statut de « molécule miracle » au xxe siècle à celui de « polluant environnemental » au xxie siècle !
Une étude récente utilisant des techniques très sensibles de spectrométrie de masse a révélé la présence de concentrations sub-inhibitrices d’antibiotiques dans 65 % des cours d’eau à différents endroits de la planète [73]. Certains travaux ont pu démontrer l’effet néfaste de ces antibiotiques sur la santé des écosystèmes aquatiques concernés. En retour, cette imprégnation antibiotique environnementale à doses sub-inhibitrices procure un avantage sélectif aux bactéries antibiorésistantes au sein d’un écosystème [73].
Une crise peut en cacher une autre
Mais vue sous cet angle écologique, la crise planétaire de l’antibiorésistance ne cache-t-elle pas une autre crise tout aussi préoccupante pour la santé humaine et animale ? Bien que largement ignorée par l’argumentaire écologique contemporain : la réduction de la diversité des microbiomes, en particulier du microbiome intestinal humain [74]. Mais ceci est une autre histoire… contée dans un récent numéro de Médecine/Sciences [65].
Conclusion
Les défis présents et à venir des maladies infectieuses et plus largement de l’interface homme-microbes vont bien au-delà de l’émergence des pandémies et de l’antibiorésistance. Ces deux grands arbres cachent une forêt qu’Asmaa Tazi traite de manière précise et exhaustive dans son article « miroir ». Elle montre aussi combien la microbiologie clinique a été bouleversée ces quarante dernières années par une succession de révolutions conceptuelles et technologiques qui ont rendu méconnaissables les laboratoires hospitaliers pour quelqu‘un qui les aurait fréquentés au temps où émergeait médecine/sciences. Gageons que ces révolutions vont se poursuivre, en parallèle des progrès de la vaccinologie et de la thérapeutique pour consolider la prise en charge et le contrôle des maladies infectieuses. Trois mots pour conclure : hygiène, prévention et partage.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article
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Philippe Sansonetti
Membre du comité éditorial depuis 2022.
Philippe Sansonetti est docteur en médecine, infectiologue ; il s’est tourné vers la recherche au cours de son Internat en suivant les cours de l’Institut Pasteur confortés par un stage post-doctoral aux Etats Unis. Ses travaux pionniers menés à l’Institut Pasteur sur le déchiffrage du dialogue moléculaire établi entre bactéries pathogènes et leur hôte ont fondé la discipline de « microbiologie cellulaire ». Son modèle de référence, Shigella, l’agent de la dysenterie, l’a amené à développer des candidats vaccins contre cette maladie et à s’intéresser à la santé des enfants dans les régions défavorisées. Plus récemment, il s’est intéressé aux symbioses microbiennes et à leur rôle dans la santé et le développement de l’enfant. En 2008, Philippe Sansonetti a été élu au Collège de France où il a tenu jusqu’en 2020 la chaire de microbiologie et maladies infectieuses. Il est actuellement professeur émérite à l’Institut Pasteur et au Collège de France, membre de l’Académie des sciences, de l’US National Academy of Sciences, de la Royal Society et de l’Académie des Sciences Allemande Leopoldina. Il a reçu plusieurs prix scientifiques dont le Prix Louis Jeantet de Médecine et le Grand Prix de l’INSERM. Il a écrit plusieurs ouvrages dont Le Retour des Épidémies, Vaccins, Tempête Parfaite et Microbes sans frontières.
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Figure 1. Intégration fonctionnelle des éléments génétiques mobiles assurant capture, fonctionnalisation et transfert horizontal de gènes d’antibiorésistance au sein des écosystèmes bactériens. Donor strain : souche donneuse ; Receptor strain : souche receuveuse. ATBR : gène de résistance à un antibiotique, ICE : éléments intégratif conjugatif ; OriT : origine de transfert. Figure : © Celine Loot, Institut Pasteur. |
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