Open Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 41, Number 1, Janvier 2025
Page(s) 40 - 46
Section M/S Revues
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2024192
Published online 31 January 2025

© 2025 médecine/sciences – Inserm

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Vignette (© Biorender)

La peau

La peau, l’organe le plus étendu du corps humain, est constituée de trois couches tissulaires, l’épiderme, le derme et l’hypoderme, qui lui confèrent quatre fonctions essentielles : protectrice, régulatrice, sensitive et métabolique. En effet, la peau joue un rôle de barrière et protège contre les agressions extérieures, qu’elles soient physiques, chimiques ou infectieuses [1]. Elle régule les échanges entre le milieu intérieur et l’extérieur du corps, en particulier les échanges thermiques via la vasodilatation, la vasoconstriction et la production de sueur. La peau permet également la perception d’informations provenant de l’extérieur grâce à l’innervation sensitive assurée par des mécanorécepteurs, des thermorécepteurs, des nocicepteurs1 et des pruricepteurs2 [2] ().

(→) Voir ia Synthèse de G. Debroas et al., m/s5 mal 2018, page 432

Enfin, elle a une fonction métabolique, grâce aux adipocytes de l’hypoderme qui représentent une importante réserve d’énergie, et parce qu’elle est impliquée dans la production de substances essentielles, comme la vitamine D. Lorsque la peau subit des dommages, suite à une blessure ou une intervention chirurgicale, la barrière cutanée est rompue. Des mécanismes complexes, appelés cicatrisation, se mettent alors en place afin de rétablir son intégrité.

La cicatrisation

La cicatrisation des plaies est un processus physiologique qui se caractérise par un enchaînement d’évènements bien précis nécessitant une coordination de différents types cellulaires impliqués afin de rétablir l’intégrité de la barrière cutanée. La cicatrisation est composée de quatre grandes phases successives et chevauchantes : l’hémostase, la phase inflammatoire, la phase proliférative et la phase de remodelage [3, 4] (Figure 1).

thumbnail Figure 1.

Les quatre phases de la cicatrisation. La cicatrisation se compose de 4 phases : l’hémostase, l’inflammation, la prolifération et le remodelage. De nombreux acteurs moléculaires et cellulaires sont impliqués dans ce processus afin de réparer le tissu lésé en stoppant le saignement, dégradant les pathogènes et stimulant la prolifération et la migration de plusieurs types de cellules cutanées. (Figure réalisée avec Biorender et adaptée de [4]).

L’hémostase

L’hémostase est la première phase de la cicatrisation. Elle se met en place dans les heures qui suivent la blessure et permet de stopper le saignement. Immédiatement après la blessure, la vasoconstriction intervient afin d’empêcher les pertes de sang. Les plaquettes, qui circulent dans le flux sanguin, s’activent, se fixent à la paroi vasculaire via le collagène alors exposé, et forment un bouchon appelé bouchon plaquettaire [5]. De nombreuses cytokines et facteurs de croissance, tels que l’EGF (epidermal growth factor), l’IL-1 (interleukine 1) et le PDGF (platelet derived growth factor) sont relargués, ce qui induit l’activation des étapes suivantes de la cicatrisation, notamment la réponse immunitaire [6].

La phase inflammatoire

La réponse inflammatoire permet le recrutement de différents types de cellules immunitaires afin de nettoyer la plaie de possibles agents pathogènes et des débris cellulaires. C’est une étape clé qui prévient l’infection afin que la plaie ne progresse pas vers un phénotype chronique. Les premières cellules recrutées sont les polynucléaires neutrophiles dont la fonction principale est de piéger les microbes et de les éliminer par phagocytose, par la production de pièges extracellulaires (ou neutrophil extracellular traps, NET) ou par la libération du contenu cytotoxique de leurs granules cytoplasmiques (dégranulation). Les polynucléaires neutrophiles sécrètent également des cytokines et des chimiokines qui permettent le recrutement sur le site d’autres cellules immunitaires [7] comme les monocytes circulants qui, au niveau de la lésion se différencient en macrophages pro-inflammatoires de type M1. Comme les polynucléaires neutrophiles, les macrophages pro-inflammatoires participent à l’élimination des débris et sécrètent des cytokines pro-inflammatoires. Ils se différencient ensuite en macrophages anti-inflammatoires de type M2, et sécrètent des facteurs de croissance qui stimulent les cellules endothéliales pour former un nouvel endothélium [8]. Les macrophages font ainsi le lien entre la phase inflammatoire et la phase suivante, la phase proliférative.

La phase proliférative

La phase proliférative se met en place quelques jours après la blessure. Cette phase permet la réparation des tissus endommagés et la formation de nouveaux tissus, notamment le tissu de granulation qui remplacera le derme. Celui-ci est formé d’une nouvelle matrice extra-cellulaire constituée de collagènes, de protéines matricielles et de protéoglycannes, qui sont produits majoritairement par les myofibroblastes : des fibroblastes activés. Ces cellules vont aussi contracter la plaie et ainsi participer à sa fermeture [9]. De nouveaux vaisseaux sanguins sont formés afin d’acheminer les nutriments et permettre l’oxygénation des tissus nécessaires à la prolifération des cellules [6]. Les kératinocytes migrent sur le lit de la plaie où ils prolifèrent afin de reconstituer un épiderme et une barrière cutanée fonctionnels [10, 11].

La phase de remodelage

Cette phase débute dans les semaines qui suivent la survenue de la blessure et peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Au cours de cette phase, les myofibroblastes disparaissent par apoptose, le réseau vasculaire régresse, le tissu de granulation est dégradé et la composition de la matrice extracellulaire est modifiée [6].

Les plaies chroniques

Une plaie qui ne guérit pas en six semaines est considérée comme chronique. Les plaies chroniques sont des lésions cutanées qui ne progressent pas vers la cicatrisation et qui persistent souvent en phase inflammatoire, ne permettant pas aux cellules épithéliales de refermer l’épiderme, l’exposant ainsi au risque d’infections. En France, en 2012, les plaies chroniques concernaient plus de 650 000 personnes [12]. Leur prévalence est en augmentation, avec un coût pour l’Assurance maladie de plusieurs milliards d’euros, ce qui en fait un problème de santé publique majeur. Les plaies chroniques nécessitent des interventions multiples, parfois lourdes, pouvant aboutir à une amputation. Des carcinomes peuvent également apparaître et des infections bactériennes persistantes peuvent être à l’origine de la formation de biofilms résistants aux antibiotiques. La mise en place de nouveaux traitements pour ces plaies est donc nécessaire. Plusieurs laboratoires s’intéressant au plasma froid généré à pression atmosphérique (CAP), pour cold atmospheric pressure plasma, ont révélé les effets bénéfiques de cette approche thérapeutique sur la cicatrisation [4, 13].

Le plasma froid à pression atmosphérique

Le plasma correspond au quatrième état de la matière. Il s’agit d’un gaz ionisé (électriquement neutre) obtenu grâce à un apport d’énergie à la matière, qui peut être thermique, électrique ou électromagnétique. C’est l’état le plus commun de l’univers : il compose 99 % de la masse visible. Il est présent dans le noyau des étoiles et dans les nébuleuses ; on le trouve aussi sur Terre où il est responsable de phénomènes comme les aurores boréales. Le plasma génère différents éléments, comme de la lumière (rayons ultraviolets, visibles et infrarouges), des radiations thermiques, des champs électromagnétiques, des ions et des espèces réactives de l’oxygène et de l’azote (RONS pour reactive oxygen and nitrogen species) [14].

Certains plasmas peuvent être générés avec des températures qui n’excèdent pas 40 °C. Ces plasmas, dits froids, générés sous la pression atmosphérique, sont appelés CAP et ont été proposés pour des applications biomédicales [13, 15]. De par leur température peu élevée, ils sont en effet compatibles avec la viabilité des tissus. Ce type de plasma inhibe la prolifération de plusieurs espèces bactériennes et est donc principalement utilisé dans le cadre d’une décontamination [16]. Mais certaines études ont montré que des traitements par ces plasmas, de durée adaptée ou à des doses optimisées, présentaient une activité anticancéreuse en augmentant, in vitro comme in vivo, l’apoptose des cellules cancéreuses et en inhibant leur migration [17, 18] ().

(→) Voir la Nouvelle de M. Vandamme et al., m/s n° 2, février 2012, page 154

Le plasma pouvant également agir sur la peau [19] et présentant des propriétés cicatrisantes, un traitement direct par CAP a été proposé pour soigner les plaies chroniques. In vitro, le CAP stimule en effet la migration des fibroblastes et des kératinocytes et induit la production et la sécrétion de cytokines, comme le TNF-α (tumor necrosis factor alpha), l’IL-1α et l’IL-8 [4, 20-22]. In vivo, dans des modèles précliniques, chez le rat et la souris, le traitement par CAP accélère la cicatrisation de plaies cutanées, et stimule la ré-épithélialisation [4, 20, 23, 24]. Chez l’homme, des essais cliniques ont montré le potentiel thérapeutique du CAP sur des plaies chroniques, comme des ulcères du pied des patients diabétiques ou des ulcères de pression [25-27]. Cependant, à fortes doses, le traitement par CAP peut présenter des effets négatifs et il est difficile de traiter, avec les jets de plasma, de grandes surfaces de manière homogène. D’autres méthodes, comme les décharges à barrière diélectrique3, permettent de traiter de telles surfaces, mais la cible à traiter, qui doit être très proche de la zone de décharge, est alors fortement exposée au champ électrique.

Récemment, une alternative au traitement direct par CAP a été proposée [28, 29]. Il s’agit d’une méthode utilisant, non plus l’application directe du CAP sur le site à traiter, mais des solutions biologiques préalablement activées par le plasma. Ces milieux activés sont appelés PAM (plasma-activated medium), PAL (plasma-activated liquid) ou PTL (plasma-treated liquid) (Figure 2 et Tableau I). Différents milieux biologiques peuvent ainsi être activés : un milieu de culture cellulaire, une solution tampon comme le PBS (phosphate-buffered saline), un hydrogel, ou encore l’eau. Cette méthode permet de conserver dans le milieu activé, les ions et les RONS produits par le plasma, en s’affranchissant de ses effets directs potentiellement néfastes, tels que les rayonnements ultraviolets et infrarouges, les radiations thermiques et les champs électromagnétiques.

thumbnail Figure 2.

Schéma d’un dispositif à jet de plasma générateur du PAM. Le fl ux de gaz circule dans un dispositif tubulaire diélectrique sur lequel des électrodes sont enroulées. Lorsque le gaz rencontre le champ électrique, le plasma est généré. Un liquide, placé sous la plume du jet de plasma, va être activé et des ions et des espèces réactives de l’azote et de l’oxygène vont être générés. Le PAM (plasma-activated medium) peut être appliqué in vitro sur des cellules ou in vivo sur des plaies. (Figure réalisée avec Biorender).

Afin d’étudier les effets du PAM sur la cicatrisation, différents milieux activés ont été appliqués in vitro sur les types cellulaires cutanés impliqués dans ce processus, tels que les kératinocytes, les fibroblastes ou les cellules endothéliales, et in vivo dans des modèles précliniques.

Tableau I.

Comparaison des traitements par CAP et par PAM. CAP: cold atmospheric pressure plasma ; PAM : plasma-activated medium.

Améliorer la cicatrisation par traitement par PAM

Effet sur les acteurs cellulaires

In vitro, l’eau activée par le plasma inhibe la prolifération de différentes espèces bactériennes colonisant communément les plaies, telles que Pseudomonas aeruginosa, Escherichia coli, Salmonella paratyphi-B et Staphylococcus aureus. In vivo, ce traitement réduit également l’abondance des bactéries au niveau de plaies réalisées expérimentalement sur le dos des souris [30].

Le PAM pourrait également agir tout au long du processus de cicatrisation, notamment sur les différents acteurs cellulaires et moléculaires qui y participent (Figure 3). Néanmoins, les résultats des études portant sur l’effet de ce type de traitement sur les kératinocytes, sur les fibroblastes et sur les cellules endothéliales sont difficilement généralisables. En effet, les approches utilisées sont très hétérogènes, tant en ce qui concerne les paramètres du plasma, le temps d’activation des milieux (et donc la dose fournie), le gaz utilisé (air, argon ou hélium), que le type de cellules traitées (lignées cellulaires ou cellules primaires).

thumbnail Figure 3.

Schéma récapitulatif de l’action du PAM. Le PAM induit la formation de RONS qui vont agir en inhibant la prolifération bactérienne, en stimulant la production de VEGF qui va supporter l’angiogenèse, ainsi que celle des intégrines et des MMP et en induisant la phosphorylation de FAK et de la paxilline, favorisant la migration cellulaire. FAK : focal adhesion kinase ; MMP : matrix metalloproteinases ; PAM : plasma-activated medium ; RONS : reactive oxygen and nitrogen species ; VEGF : vascular endothelial growth factor. (Figure réalisée avec Biorender).

En ce qui concerne le temps d’activation des milieux, les traitements par des milieux activés pendant un temps long (et donc avec de fortes doses de plasma) ont des effets néfastes sur les cellules, entraînant un arrêt du cycle cellulaire et leur apoptose. Au contraire, les traitements avec des milieux activés pendant des temps courts semblent avoir des effets bénéfiques, notamment en stimulant la migration cellulaire. Concernant l’effet du traitement par PAM sur les cellules, des résultats contradictoires ont été rapportés. Dans une étude, le traitement de la lignée de fibroblastes humains GM00637 par le milieu de culture activé a conduit à une diminution de la viabilité et à l’arrêt du cycle cellulaire [31]. En revanche, pour d’autres études utilisant des fibroblastes primaires et soit du milieu DMEM activé soit de l’eau activée, aucun impact n’a été observé sur la viabilité des cellules [32, 33]. Pour les kératinocytes, les observations sont tout autant contradictoires. Selon Lee et al. [33], le PAM (eau) n’est pas cytotoxique et n’affecte pas la prolifération de la lignée de kératinocytes HaCaT et des kératinocytes primaires, mais augmente leur migration. En revanche, d’après Duchesne et al. [34], le traitement par PAM (milieu de culture) ne modifie pas la migration des kératinocytes HaCaT. En ce qui concerne les cellules endothéliales, Kang et al. [35] ont montré que le PAM favorise la prolifération des cellules HUVEC (human umbilical vein endothelial cells), ainsi que la formation de tubes endothéliaux : l’arborescence et l’épaisseur des vaisseaux sont plus importantes après traitement.

Il est donc difficile de prédire, a priori, l’effet que produira un traitement par PAM selon le type de cellules utilisées. Une autre préoccupation est la composition des PAM appliqués dans les différentes études. Une meilleure caractérisation chimique des milieux employés reste donc nécessaire afin de définir leur mode d’action.

Effet sur les acteurs moléculaires

Le PAM induit une augmentation de la production de VEGF (vascular endothelial growth factor), un facteur de croissance nécessaire à l’expansion des cellules endothéliales. In vitro, le traitement de cellules HUVEC par PAM conduit à une augmentation de l’expression de son ARN messager [35]. In vivo, une augmentation de l’expression de VEGF est observée, au niveau des blessures de la peau du dos des souris, cinq et huit jours après le traitement par PAM [36].

Le traitement par PAM de cellules HaCaT, HUVEC et BEAS - 2 B (une lignée cellulaire épithéliale bronchique humaine) augmente également l’expression et l’activité de plusieurs autres molécules impliquées dans la cicatrisation. C’est le cas des MMP (matrix metalloproteinases) qui participent au remodelage du tissu endommagé par la plaie et facilitent la migration des cellules stromales en dégradant les composants de la matrice extracellulaire, comme MMP-2 [33, 35, 37], MMP-1 et MMP-9 [32, 37].

Les intégrines ou des kinases, comme FAK (focal adhesion kinase) et Src, font partie des points focaux d’adhérence des cellules à leur support. Ces protéines participent ainsi à la modification du cytosquelette nécessaire à la migration des cellules lors de la cicatrisation. Après traitement par PAM, l’expression des intégrines β1 et β3 et les niveaux de phosphorylation de FAK (p-FAK) et de la paxilline (p-paxilline), qui s’associent dans le complexe d’adhérence focale, augmentent dans les cellules HaCaT, notamment à proximité du cytosquelette d’actine [33]. C’est également le cas dans les cellules HUVEC et BEAS-2B dans lesquelles une augmentation des niveaux de p-FAK et de p-Src est observée. En revanche, l’expression de la E-cadhérine, une protéine impliquée dans l’adhérence cellulaire et la transition épithélio-mésenchymateuse, diminue dans ces deux types cellulaires [35, 37]. Les cellules perdant leur phénotype adhérant, la cicatrisation est ainsi favorisée.

Mécanismes d’action des PAM

Les espèces réactives de l’oxygène et de l’azote (RONS) produites par le plasma seraient à l’origine des effets que l’on observe sur les cellules vivantes [38]. En agissant sur diverses voies de signalisation, les RONS participent au contrôle de l’adhérence et de la migration cellulaire, et interviennent dans la réponse immunitaire. Le traitement par PAM de kératinocytes HaCaT est à l’origine d’une augmentation de la production intracellulaire et mitochondriale de RONS. L’expression de NOX3 (NADPH oxidase 3), l’enzyme responsable de la production des espèces réactives de l’oxygène, est également accrue après traitement, et le potentiel mitochondrial est réduit [33]. La chélation des espèces réactives de l’oxygène permet de retrouver une migration cellulaire basale et réduit l’expression des acteurs impliqués dans la migration, tels que MMP-2, l’intégrine β1, p-FAK et p-paxilline, qui est augmentée par le PAM [33]. Les RONS présentes dans le PAM seraient donc à l’origine de la stimulation de la migration cellulaire que l’on observe après traitement.

En parallèle, l’expression de gènes associés à la réponse au stress oxydant, notamment la voie du NRF2 (nuclear factor erythroid 2-related factor 2), est accrue après traitement par PAM. Le traitement de cellules HaCaT provoque en effet la translocation de NRF2 dans le noyau cellulaire, conduisant ainsi à l’augmentation de l’expression de HMOX1 (heme oxygenase 1) et de NQO1 (NADPH dehydrogenase quinone 1), deux enzymes de détoxification des RONS [39].

Effet des PAM in vivo

Quelques études ont montré l’effet du PAM sur la cicatrisation in vivo. L’application de PAM sur des plaies cutanées réalisées sur le dos de souris ou de rats permet en effet une fermeture plus rapide de la plaie avec une ré-épithélialisation accélérée et une réduction de l’infiltrat inflammatoire [30, 33, 37].

Applications à d’autres affections cutanées

Plusieurs applications du PAM pour d’autres affections de la peau ont été suggérées. Le PAM inhibe en effet l’activation de la voie de signalisation de NF-κB (nuclear factor-kappa B) et donc la production de cytokines pro-inflammatoires. Son utilisation est donc envisageable dans des situations allergiques ou inflammatoires. Le traitement par PAM de mastocytes ou de kératinocytes HaCaT, préalablement activés, respectivement par un mélange d’ionophore calcique A23187 / phorbol-12-myristate-13-acetate ou par l’IL-4, réduit la réponse pro-inflammatoire des cellules en limitant leur production d’IL-6 et de TNF-α [40]. De même, sur la peau de patients atteints de vitiligo4, et dans un modèle murin de la maladie, un hydrogel formé avec de l’eau activée par jet de plasma et appliqué en topique améliore les lésions, diminue l’infiltrat inflammatoire et la sécrétion de facteurs pro-inflammatoires, comme l’IL-17, et restaure la distribution des mélanocytes folliculaires [41].

Le PAM pourrait par ailleurs avoir des propriétés intéressantes dans le cadre des cancers de la peau. Plusieurs études ont en effet montré que le traitement par PAM conduisait à une baisse de la viabilité et à l’apoptose de cellules cancéreuses dérivées de carcinomes cutanés et de mélanomes [16, 18, 37]. Le PAM potentialiserait également l’activité pro-apoptotique sur ces mêmes cellules, de molécules dérivées de l’indirubine5 [42].

L’utilisation du PAM semble donc avoir de nombreuses applications potentielles, en particulier en dermatologie, pour favoriser la cicatrisation mais également pour d’autres affections inflammatoires. Cependant, des études approfondies restent nécessaires afin d’en comprendre les mécanismes d’action au niveau moléculaire.

Remerciements

Les auteurs prient leurs collègues dont les travaux n’ont pas pu être cités, compte tenu du format limité de cet article, de bien vouloir les excuser. Ils remercient l’action COST (European Cooperation in Science and Technology) CA20114 PlasTHER Therapeutical Applications of Cold Plasmas, ainsi que la Société Française de Dermatologie, le laboratoire ARCHIMED et la société K STORES pour leurs soutiens. Solène Roux bénéficie d’un contrat doctoral de l’université de Toulouse et de la région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.


1

Récepteur sensoriel de la douleur qui fait naître un message nerveux lorsqu’il est stimulé.

2

Récepteurs spécifiques du prurit.

3

Décharge électrique créée entre deux électrodes séparées par un matériau non conducteur (diélectrique) comme par exemple, le verre, des céramiques ou le vide.

4

Le vitiligo est une maladie auto-immune chronique, liée à un dysfonctionnement du système immunitaire et des mélanocytes, au cours de laquelle des taches dépigmentées (blanches) apparaissent sur la peau.

5

L’indirubine, un isomère structural du colorant indigo, est le principe actif d’un remède chinois utilisé pour le traitement de la leucémie myéloïde chronique. C’est un inhibiteur du protéasome.

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Liste des tableaux

Tableau I.

Comparaison des traitements par CAP et par PAM. CAP: cold atmospheric pressure plasma ; PAM : plasma-activated medium.

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Les quatre phases de la cicatrisation. La cicatrisation se compose de 4 phases : l’hémostase, l’inflammation, la prolifération et le remodelage. De nombreux acteurs moléculaires et cellulaires sont impliqués dans ce processus afin de réparer le tissu lésé en stoppant le saignement, dégradant les pathogènes et stimulant la prolifération et la migration de plusieurs types de cellules cutanées. (Figure réalisée avec Biorender et adaptée de [4]).

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Schéma d’un dispositif à jet de plasma générateur du PAM. Le fl ux de gaz circule dans un dispositif tubulaire diélectrique sur lequel des électrodes sont enroulées. Lorsque le gaz rencontre le champ électrique, le plasma est généré. Un liquide, placé sous la plume du jet de plasma, va être activé et des ions et des espèces réactives de l’azote et de l’oxygène vont être générés. Le PAM (plasma-activated medium) peut être appliqué in vitro sur des cellules ou in vivo sur des plaies. (Figure réalisée avec Biorender).

Dans le texte
thumbnail Figure 3.

Schéma récapitulatif de l’action du PAM. Le PAM induit la formation de RONS qui vont agir en inhibant la prolifération bactérienne, en stimulant la production de VEGF qui va supporter l’angiogenèse, ainsi que celle des intégrines et des MMP et en induisant la phosphorylation de FAK et de la paxilline, favorisant la migration cellulaire. FAK : focal adhesion kinase ; MMP : matrix metalloproteinases ; PAM : plasma-activated medium ; RONS : reactive oxygen and nitrogen species ; VEGF : vascular endothelial growth factor. (Figure réalisée avec Biorender).

Dans le texte

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