Issue
Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 11, Novembre 2024
Nos jeunes pousses ont du talent !
Page(s) 873 - 875
Section Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2024155
Published online 10 December 2024

© 2024 médecine/sciences – Inserm

L’actualité scientifique vue par les étudiants du Master Biologie Santé, module physiopathologie de la signalisation, Université Paris-Saclay

Équipe pédagogique

Karim Benihoud (professeur, Université Paris-Saclay)

Sophie Dupré-Crochet (professeure, Université Paris-Saclay)

Olivier Guittet (maître de conférences, Université Paris-Saclay)

Philippe Robin (maître de conférences, Université Paris-Saclay)

karim.benihoud@universite-paris-saclay.fr

sophie.dupre@universite-paris-saclay.fr

Série coordonnée par Claire Deligne et Sophie Sibéril

 

Les organites sont des structures cellulaires délimitées par des membranes phospholipidiques. Ils possèdent diverses fonctions assurant la vie des cellules, et ont, notamment, pour rôle d’isoler et de concentrer des protéines et des métabolites pour assurer la spécificité de certaines réactions chimiques au sein d’une même cellule. Par exemple, l’ATP est produit par le cycle de Krebs à la suite de réactions de phosphorylation oxydante réalisées par des enzymes spécifiques au niveau des mitochondries. La délimitation spatiale des organites est la condition sine qua non pour assurer leur spécificité de fonction. Toutefois, ces organites ont besoin d’échanger certains composants pour communiquer entre eux et assurer le bon fonctionnement de la cellule. Des sites de contact membranaires permettant la communication entre différents organites ont récemment été découverts [1, 2]. Chez la levure, les contacts entre le réticulum endoplasmique et les mitochondries sont ainsi assurés par le complexe de protéines ERMES (ER-mitochondria encounter structure) permettant les échanges de phospholipides d’origine membranaire entre ces deux organites [3]. Les sites de contact membranaires sont généralement révélés en fusionnant les protéines impliquées dans la liaison entre les deux organites (tethering factors) à des protéines fluorescentes comme la GFP (green fluorescent protein). Afin de visualiser la diversité des sites de contact membranaires et le réseau qu’ils forment dans la cellule, Kakimoto et al. ont développé une méthode utilisant des sondes GFP fragmentées (Split-GFP), dans laquelle chacun des deux fragments de la GFP est fusionné à une protéine membranaire spécifique de l’organite au niveau des sites de contact membranaires [4].

Le système Split-GFP permet de visualiser les sites de contact membranaires

Le système Split-GFP repose sur l’extrême stabilité structurale des protéines fluorescentes de la famille de la GFP. Les GFP sont constituées de 11 feuillets α, qui forment un tonneau, et d’une hélice alpha centrale, qui porte le chromophore. Cette structure est nécessaire pour que le chromophore soit fluorescent. Il est possible d’exprimer, d’une part, la partie qui contient les feuillets 1 à 10 (GFP1-10) ainsi que l’hélice alpha, et de l’autre, le feuillet 11 (GFP11) (Figure 1). Ces deux fragments s’autoassembleront dans la cellule, à condition qu’ils soient à une distance proche du nanomètre, afin de former une GFP fonctionnelle, qui émettra une fluorescence verte après excitation.

thumbnail Figure 1.

Schéma du système Split-GFP au niveau d’un site de contact membranaire chez la levure. Le site de contact membranaire entre le réticulum endoplasmique et la mitochondrie est assuré par le complexe ERMES (ER-mitochondria encounter structure). Il est formé de quatre protéines distinctes chez la levure : Maintenance of mitochondrial morphology protein 1 (Mmm1), Mitochondrial distribution and morphology protein 12 (Mdm12), Mitochondrial distribution and morphology protein 34 (Mdm34) et Mitochondrial distribution and morphology protein 10 (Mdm10). Le complexe ERMES permet d’assurer les échanges de phospholipides entre les mitochondries et le réticulum endoplasmique. Les feuillets 1-10 (le gros fragment) de la GFP sont fusionnés avec la protéine Tom71 qui est une protéine membranaire de la mitochondrie. L’autre fragment, composé du feuillet 11, est fusionné à la protéine Ifa38 qui est une protéine membranaire du réticulum endoplasmique. Lorsque les membranes du réticulum et de la mitochondrie se rapprochent, grâce au complexe ERMES, le feuillet GFP11 se lie dans la structure « tonneau » des feuillet GFP1-10. La protéine GFP est alors reconstituée et émettra une fluorescence si elle est excitée. Ainsi, la fluorescence émise témoignera de la présence d’un site de contact membranaire.

Dans une première étude, les auteurs ont utilisé le système Split-GFP pour révéler les sites de contact membranaires [4]. Dans ce système, la GFP1-10 et la GFP11 ont été fusionnées à Ifa38 et Tom71, deux protéines ancrées respectivement à la membrane du réticulum endoplasmique et à la membrane de la mitochondrie. Le signal GFP est reconstitué uniquement au niveau des sites de contact membranaires entre les organites lorsque les protéines sont suffisamment proches. Pour contrôler que cette fluorescence rend bien compte des contacts entre organelles, les auteurs ont comparé la distribution de la fluorescence du système Split-GFP avec celle du complexe ERMES dans lequel une protéine, Mmm1, est fusionnée avec une GFP entière. Pour cela, les plasmides contenant les séquences codant les protéines de fusion ont été respectivement transfectés dans des cellules de levures ou dans des cellules HeLa. L’expression des protéines de fusion et leur proximité permet la reconstitution de la GFP et donc l’observation de ces derniers par microscopie à fluorescence. Cette stratégie permet de suivre la formation des sites de contact membranaires avec une résolution spatiale à l’échelle d’une dizaine de nanomètre (en fonction du système optique utilisé), qui est plus précise que celle résultant des expériences de co-localisation classiques réalisées par immunocytochimie (dont la résolution est celle de la microscopie optique, soit d’environ 250 nm). Reconstituée à partir de ses deux fragments, la GFP ne peut pas se dissocier. Cependant, les protéines de fusion étant très fortement sur-exprimées, cela conduit à la formation d’interactions artificielles et irréversibles mais aussi à une altération de la morphologie des organites, notamment des mitochondries. Le signal fluorescent est également diffus et très variable d’une cellule à l’autre, rendant difficile la quantification. Ces résultats, non représentatifs de la réalité en conditions physiologiques, montrent la nécessité de contrôler les niveaux d’expression des protéines de fusion [5].

Dans la seconde partie de l’étude, les auteurs ont voulu améliorer cette approche fondée sur l’utilisation du système Split-GFP pour mettre en évidence les sites de contact membranaires, dans des conditions plus physiologiques [5]. Cette optimisation a reposé sur la réduction des niveaux d’expression de la sonde Split-GFP en intégrant la séquence codant les composants du système Split-GFP dans le génome des cellules, en aval de promoteurs dont l’expression est constitutive et régulée.

Optimisation de la technique Split-GFP : vers une approche plus physiologique

Comme décrit précédemment, les auteurs ont utilisé des protéines membranaires spécifiques des organites d’intérêt, en l’occurrence Tom71 (ancrée à la membrane externe de la mitochondrie) et Ifa38 (ancrée à la membrane du réticulum endoplasmique). Dans une première étape, des plasmides codant la protéine de fusions de Tom71 avec les feuillets 1-10 de la GFP et la protéine de fusions de Ifa38 avec le feuillet-11 de la GFP ont été utilisés (Figure 1). Les constructions codant les protéines d’intérêt / Split-GFP ont été intégrées par recombinaison homologue [6], à la place des gènes de levure URA3 (pour la construction codant Tom71-GFP1-10) et LEU2 (pour la construction codant Ifa38-GFP11), qui sont exprimés de manière constitutive dans les levures. Les signaux de fluorescence observés dans ces conditions sont plus faibles qu’une expression plasmidique, confirmant que l’intégration dans le génome des constructions Split-GFP permet d’obtenir un niveau d’expression des protéines plus physiologique. Les résultats montrent aussi que les artefacts dus à la surexpression des protéines de fusion sont réduits et la visualisation des sites de contact membranaires (qui apparaissent sous la forme de points fluorescents plus localisés) est améliorée [7].

Un système Split-GFP inductible pour les cellules humaines

Les auteurs ont ensuite développé un système d’expression des protéines de fusion inductible par la doxycycline dans des cellules HeLa (cellules épithéliales humaines) dans le but de contrôler le niveau d’expression des sondes Split-GFP et de pouvoir quantifier dans le temps l’évolution des sites de contact membranaires [5]. Avec cette nouvelle approche, les auteurs ont voulu, à nouveau, réduire, autant que possible, les artefacts causés par la surexpression protéique au niveau des sites de contact membranaires. Cette technique permet d’observer les sites de contact membranaires tels qu’ils sont à un temps t. Le modèle a été testé pour analyser l’interaction entre la protéine du réticulum endoplasmique ERj1 (ER-resident J-domain protein 1) et celle de la membrane externe de la mitochondrie Tom70 (translocase of outer membrane 70). Suite à l’induction de l’expression des protéines de fusion par la doxycycline, la majorité des sites de contact membranaires ont été observés sous forme de points, la forme physiologique attendue au niveau des sites de contact membranaires, ce qui valide qualitativement cette stratégie. De plus, cette approche permet d’observer la vitesse et la localisation de la formation des sites de contact membranaires en temps réel.

Une stratégie prometteuse pour mieux comprendre les sites de contacts membranaires et les pathologies qui en dépendent

Ainsi, les auteurs ont pu améliorer la stratégie Split-GFP, déjà décrite, pour la rendre plus efficace pour visualiser les sites de contact membranaires, en réduisant les effets indésirables causés par la surexpression protéique. Cette stratégie peut être utilisée qualitativement pour visualiser la morphologie des sites de contact membranaires, aussi bien que quantitativement via la mesure des intensités de fluorescence des GFP au niveau des sites de contact membranaires pour en estimer leur nombre. Par ailleurs, les auteurs ont pu mesurer des variations de fluorescence au niveau de ces sites de contact membranaires à l’aide d’une lignée knock out (KO) pour des tethering factors du complexe ERMES. Cela montre que cette approche peut également permettre de comprendre le rôle de certaines protéines présentes au niveau de ces sites de contact membranaires et éventuellement d’en identifier de nouvelles. En effet, la majorité des protéines impliquées dans les sites de contact membranaires est encore inconnue aujourd’hui. Finalement, cette stratégie permettrait aussi de détecter des pathologies dans lesquelles on observe l’altération des sites de contact entre organites, comme dans le diabète de type 2 [8], et pouvoir peut-être contribuer au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques pour le traitement de ces maladies.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Eisenberg-Bord M, Shai N, Schuldiner M, Bohnert M. A Tether Is a Tether Is a Tether: Tethering at Membrane Contact Sites. Dev Cell 2016 ; 39 : 395–409. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Cohen S, Valm AM, Lippincott-Schwartz J. Interacting organelles. Curr Opin Cell Biol 2018 ; 53 : 84–91. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Kornmann B. The endoplasmic reticulum-mitochondria encounter structure: coordinating lipid metabolism across membranes. Biol Chem 2020 ; 401 : 811–20. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Kakimoto Y, Tashiro S, Kojima R, et al. Visualizing multiple inter-organelle contact sites using the organelle-targeted split-GFP system. Sci Rep 2018 ; 8 : 6175. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Tashiro S, Kakimoto Y, Shinmyo M, et al. Improved Split-GFP Systems for Visualizing Organelle Contact Sites in Yeast and Human Cells. Front Cell Dev Biol 2020 ; 8 : 571388. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Gietz RD, Schiestl RH. High-efficiency yeast transformation using the LiAc/SS carrier DNA/PEG method. Nat Protoc 2007 ; 2 : 31–4. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  7. Kornmann B, Currie E, Collins SR, et al. An ER-mitochondria tethering complex revealed by a synthetic biology screen. Science 2009 ; 325 : 477–81. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  8. Madec AM, Perrier J, Panthu B, Dingreville F. Role of mitochondria-associated endoplasmic reticulum membrane (MAMs) interactions and calcium exchange in the development of type 2 diabetes. Int Rev Cell Mol Biol 2021 ; 363 : 169–202. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Schéma du système Split-GFP au niveau d’un site de contact membranaire chez la levure. Le site de contact membranaire entre le réticulum endoplasmique et la mitochondrie est assuré par le complexe ERMES (ER-mitochondria encounter structure). Il est formé de quatre protéines distinctes chez la levure : Maintenance of mitochondrial morphology protein 1 (Mmm1), Mitochondrial distribution and morphology protein 12 (Mdm12), Mitochondrial distribution and morphology protein 34 (Mdm34) et Mitochondrial distribution and morphology protein 10 (Mdm10). Le complexe ERMES permet d’assurer les échanges de phospholipides entre les mitochondries et le réticulum endoplasmique. Les feuillets 1-10 (le gros fragment) de la GFP sont fusionnés avec la protéine Tom71 qui est une protéine membranaire de la mitochondrie. L’autre fragment, composé du feuillet 11, est fusionné à la protéine Ifa38 qui est une protéine membranaire du réticulum endoplasmique. Lorsque les membranes du réticulum et de la mitochondrie se rapprochent, grâce au complexe ERMES, le feuillet GFP11 se lie dans la structure « tonneau » des feuillet GFP1-10. La protéine GFP est alors reconstituée et émettra une fluorescence si elle est excitée. Ainsi, la fluorescence émise témoignera de la présence d’un site de contact membranaire.

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