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Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 11, Novembre 2024
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Page(s) | 810 - 812 | |
Section | Nouvelles | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024141 | |
Published online | 10 December 2024 |
Migration des cellules gonadotropes durant l’embryogenèse hypophysaire
Rôle des facteurs de transcription NEUROD1 et NEUROD4
Transcription factors NEUROD1 and NEUROD4 in the migration of gonadotrope cells during pituitary embryogenesis
1
Université Paris Cité, CNRS UMR 8251, Inserm ERL U1133, Unité de biologie fonctionnelle et adaptative, Paris, France
2
Université Paris Cité, CNRS, UMR7592 Institut Jacques Monod, Paris, France
3
Centre de recherche en cancérologie de Lyon, Inserm U1052, CNRS UMR 5286, Centre Léon Bérard, Université Lyon1, Lyon, France
4
Institut NeuroMyoGène, CNRS UMR 5310, Inserm U1217, UCBL Lyon 1, Faculté de médecine et de pharmacie, Lyon, France
L’hypophyse est une glande endocrine complexe comportant cinq types de cellules productrices d’hormones. La fonction de reproduction de cette glande est sous le contrôle des cellules gonadotropes, qui sécrètent les hormones LH (luteinizing hormone) et FSH (follicle stimulating hormone). Ces cellules s’organisent en réseaux tridimensionnels au cours de l’embryogenèse hypophysaire [1], une structuration vraisemblablement essentielle à la fonction gonadotrope et à la fertilité [2]. Le mécanisme de la mise en place des réseaux de cellules gonadotropes est encore mal compris. Le résultat d’une étude récente sur l’expression des gènes dans les cellules gonadotropes au cours du développement embryonnaire de l’hypophyse humaine a montré que le facteur de transcription NEUROD1 était exprimé transitoirement par les cellules gonadotropes au moment même de la mise en place des réseaux formés par ces cellules [3]. NEUROD1 appartient à la famille des facteurs NEUROD/G, qui comprend de nombreux facteurs essentiels à la différenciation cellulaire, mais aussi à la prolifération, la survie et la migration cellulaire [4]. Les facteurs de cette famille ont également été associés à la mise en place des réseaux de neurones [4]. Chez la souris, NEUROD1 et deux autres facteurs homologues, NEUROD4 et ASCL1, sont impliqués dans la différenciation de plusieurs lignages hypophysaires, dont celui des cellules gonadotropes [5]. Ces facteurs pourraient donc être impliqués dans la mise en place des réseaux de cellules gonadotropes. Afin de tester cette hypothèse, nous avons mis à profit un modèle in vitro composé de trois types cellulaires, représentant chacun une étape majeure de la différenciation gonadotrope : les cellules αT1-1, un modèle de cellules progénitrices ; les cellules αT3-1, un modèle de cellules gonadotropes immatures ; les cellules LβT2, un modèle de cellules gonadotropes matures.
Les facteurs de transcription NEUROD1 et NEUROD4 sont impliqués dans la migration des cellules gonadotropes immatures
En mettant à profit le modèle in vitro de différenciation des cellules du lignage gonadotrope, nous avons montré que, parmi les gènes de la famille des facteurs NEUROD/G, seuls les facteurs NEU-ROD1 et NEUROD4 sont exprimés dans ces cellules [6]. L’analyse a révélé aussi le caractère transitoire de cette expression, maximale dans les cellules immatures αT3-1, et qui devient quasi indétectable dans les cellules matures LβT2. Afin d’étudier le rôle de ces facteurs de transcription dans les cellules gonadotropes immatures, nous avons ensuite supprimé ces deux facteurs dans les cellules αT3-1 par la méthode CRISPR/Cas9 [6]. L’analyse in silico des gènes cibles potentiels de NEUROD1 et NEUROD4 a montré que ces facteurs pourraient contrôler les adhérences focales [6], des structures dynamiques, successivement assemblées et dissociées, qui permettent aux cellules d’adhérer à leur support de migration et de se déplacer. Par vidéomicroscopie, nous avons constaté que la suppression des facteurs NEUROD1 et NEUROD4 inhibe la mobilité des cellules et augmente leur adhérence au support [6]. En accord avec ce constat, nous avons ensuite mis en évidence l’accumulation des adhérences focales dans ces cellules, et montré qu’elle s’accompagne d’un défaut d’activité locale de la kinase c-Src [6], une protéine essentielle pour la dynamique et la maturation de ces structures [7]. L’ensemble de ces résultats indique que les facteurs NEU-ROD1 et NEUROD4 jouent un rôle majeur dans la migration des cellules gonadotropes immatures en contrôlant leurs adhérences focales (Figure 1).
Figure 1. Schéma du rôle de NEUROD1 et NEU-ROD4 dans le contrôle de la mobilité des cellules gonadotropes immatures. La migration des cellules est régie par la dynamique de leurs adhérences focales, qui sont assemblées à l’avant du front de migration et démantelées à l’arrière. Dans les cellules gonadotropes immatures, cette dynamique est sous le contrôle des facteurs de transcription NEUROD1 et NEUROD4 qui, en contrôlant la synthèse du récepteur NTRK3 (neurotrophic receptor tyrosine kinase 3), permettent l’activation de la kinase c-Src. Une fois c-Src activée, elle est localisée dans les adhérences focales, où elle permet leur maturation et leur démantèlement. Ce mécanisme de régulation est mobilisé au cours de l’embryogenèse pour permettre la colonisation du tissu hypophysaire par les cellules gonadotropes. |
La mobilité des cellules gonadotropes immatures est contrôlée par le récepteur NTRK3
Puisque la kinase c-Src est essentielle à la dynamique des adhérences focales, nous avons recherché si le défaut d’activité de cette kinase pouvait expliquer l’altération de la mobilité des cellules gonadotropes privées de NEUROD1 et NEUROD4. Pour ce faire, nous avons surexprimé une forme active ou une forme inactive de c-Src dans ces cellules, et constaté que seule la surexpression de la forme active leur permettait d’être de nouveau mobiles [6]. Afin d’identifier les mécanismes moléculaires responsables du défaut d’activation de c-Src dans ces cellules, nous avons recherché des anomalies d’expression de gènes impliqués dans son activation. Nous avons ainsi découvert que le gène Ntrk3 (neurotrophic receptor tyrosine kinase 3), qui code un récepteur à domaine tyrosine kinase activant directement c-Src [8], n’était plus exprimé dans ces cellules. En réintroduisant le récepteur NTRK3 dans ces cellules, nous avons montré son implication dans le contrôle de la migration cellulaire par les facteurs NEUROD1 et NEUROD4 [6]. Enfin, l’analyse de la distribution des cellules gonadotropes dans l’hypophyse d’embryons de souris invalidés pour Ntrk3 a montré une répartition très anormale de ces cellules, confirmant ainsi l’importance de la voie NEUROD1/4 NTRK3 c-SRC dans l’organisation des réseaux de cellules gonadotropes [6] (Figure 1).
Perspectives
Cette découverte du rôle des facteurs de transcription NEUROD1 et NEUROD4 dans la migration embryonnaire des cellules gonadotropes immatures et leur positionnement correct au sein de l’hypophyse ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre l’origine d’anomalies de la différenciation du lignage gonadotrope susceptibles de conduire à une infertilité d’origine hypophysaire.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
- Budry L, Lafont C, El Yandouzi T, et al. Related pituitary cell lineages develop into interdigitated 3D cell networks. Proc Natl Acad Sci USA 2011 ; 108 : 12515–20. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
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- Zhang S, Cui Y, Ma X, et al. Single-cell transcriptomics identifies divergent developmental lineage trajectories during human pituitary development. Nat Commun 2020 ; 11 : 5275. [Google Scholar]
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- Ando M, Goto M, Hojo M, et al. The proneural bHLH genes Mash1, Math3 and NeuroD are required for pituitary development. J Mol Endocrinol 2018 ; 61 : 127–38. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Le Ciclé C, Pacini V, Rama N, et al. The Neurod1/4-Ntrk3-Src pathway regulates gonadotrope cell adhesion and motility. Cell Death Discov 2023 ; 9 : 327. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Brunton VG, Avizienyte E, Fincham VJ, et al. Identification of Src-specific phosphorylation site on focal adhesion kinase: dissection of the role of Src SH2 and catalytic functions and their consequences for tumor cell behavior. Cancer Res 2005 ; 65 : 1335–42. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Jin W, Yun C, Hobbie A, et al. Cellular transformation and activation of the phosphoinositide-3-kinase-Akt cascade by the ETV6-NTRK3 chimeric tyrosine kinase requires c-Src. Cancer Res 2007 ; 67 : 3192–200. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
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Liste des figures
Figure 1. Schéma du rôle de NEUROD1 et NEU-ROD4 dans le contrôle de la mobilité des cellules gonadotropes immatures. La migration des cellules est régie par la dynamique de leurs adhérences focales, qui sont assemblées à l’avant du front de migration et démantelées à l’arrière. Dans les cellules gonadotropes immatures, cette dynamique est sous le contrôle des facteurs de transcription NEUROD1 et NEUROD4 qui, en contrôlant la synthèse du récepteur NTRK3 (neurotrophic receptor tyrosine kinase 3), permettent l’activation de la kinase c-Src. Une fois c-Src activée, elle est localisée dans les adhérences focales, où elle permet leur maturation et leur démantèlement. Ce mécanisme de régulation est mobilisé au cours de l’embryogenèse pour permettre la colonisation du tissu hypophysaire par les cellules gonadotropes. |
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