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Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 11, Novembre 2024
Les microbes, l’Anthropocène et nous
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Page(s) | 858 - 863 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024147 | |
Published online | 10 December 2024 |
Sols urbains et biodiversité microbienne
Urban soils and microbial biodiversity
INRAE, UMR Agroécologie, Dijon, France
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pierre-alain.maron@inrae.fr
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lionel.ranjard@inrae.fr
Conscientes de la dégradation de leur environnement, les villes s’engagent dans une transition vers des modèles de développement durable. Elles s’appuient sur la recherche de solutions favorisant le « retour de la nature en ville » plébiscité par les citadins désireux d’améliorer leur cadre de vie. Le sol étant le support de cette nature, il existe un enjeu de connaissances pour définir les pratiques de gestion et les modalités de conception permettant d’optimiser son fonctionnement. Parmi ces connaissances, celles relatives à l’écologie et la diversité microbienne du sol sont essentielles. Les microorganismes sont en effet à la base de nombre des services essentiels à la durabilité des systèmes urbains.
Abstract
Aware of the degradation of their environment, cities engage in a transition towards sustainable development models. They are based on the search for solutions promoting the “return of nature to the city”, which is acclaimed by citizen wishing to improve their living environment. As a support of this nature, there is a knowledge issue regard soil to define management practices and design methods to optimize its functioning. Among this knowledge, that relating to the ecology and microbial diversity of the soil is essential since microorganisms are responsible for many of the services essential to the sustainability of urban systems. This article provides a brief overview of knowledge on the microbial diversity of urban soils and the tools available to assess it. It also presents examples of ongoing projects to study soil biodiversity in major French cities.
© 2024 médecine/sciences – Inserm
Article publié sous les conditions définies par la licence Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), qui autorise sans restrictions l’utilisation, la diffusion, et la reproduction sur quelque support que ce soit, sous réserve de citation correcte de la publication originale.
Vignette (© Philippe Sansonetti).
La révolution démographique opérée au siècle dernier a vu le nombre d’habitants de la Terre passer de 3 milliards en 1960 à 8 milliards aujourd’hui. Cette croissance se poursuit puisque, selon les prévisions, nous serons plus de 9 milliards à l’horizon 2050 ! La majorité de cette population est déjà concentrée dans les villes et cette évolution de l’homme en tant « qu’espèce urbaine » devrait se confirmer à l’avenir. Le développement rapide des systèmes urbains s’est accompagné de nombreuses externalités négatives, comme la multiplication des déchets, la production d’espaces de relégation1, l’artificialisation des sols et l’extension des villes sur des terres arables, le développement d’îlots de chaleurs, et des atteintes à la biodiversité [1]. Ce constat d’une dégradation importante de la qualité de l’environnement urbain impose aujourd’hui un changement des méthodes de conception et de gestion des espaces urbains dans une recherche de durabilité. Il conduit à orienter les politiques d’aménagement vers le « retour de la nature en ville » et le développement du concept de « ville durable ». Longtemps opposées, la nature et la ville cherchent une nouvelle façon de coexister, et la présence de la nature en ville s’impose aujourd’hui comme un élément clé dans l’évaluation de la qualité de vie des citadins.
Cette transition requiert une meilleure connaissance de l’écologie de l’écosystème urbain, et en particulier du sol. En effet, le sol est une source précieuse de fonctions et de services clés pour la durabilité des écosystèmes urbains (dépollution, transformations des cycles biogéochimiques, fertilité, stockage de carbone, etc.), dont beaucoup sont assurés par la biodiversité qu’il héberge. De tous les organismes peuplant le sol, ce sont les microorganismes qui représentent la composante la plus importante en termes d’abondance et de diversité. Les microorganismes contribuent également de façon très importante à l’ensemble des fonctions à la base des services écosystémiques assurés par le sol. Mieux connaître la qualité biologique, et plus précisément microbiologique, des sols urbains représente donc un enjeu pour améliorer les services portés par la biodiversité et optimiser le fonctionnement et la durabilité des systèmes urbains. Dans cet article, nous ferons un bref état des lieux des connaissances sur la diversité microbienne des sols urbains et sur les outils disponibles pour l’évaluer. Nous présenterons ensuite des exemples des recherches en cours pour étudier la biodiversité des sols des grandes métropoles françaises.
Biodiversité et services rendus par les sols
La recherche sur la biodiversité des sols a connu une croissance très forte depuis les années 2000, ce qui a permis de générer un grand nombre de connaissances sur l’écologie des communautés d’organismes peuplant cet écosystème complexe. Ainsi, il est aujourd’hui clair que le sol est un écosystème vivant et riche en biodiversité. Avec une biodiversité estimée à 59 % [2] de la biodiversité de la planète, il est même considéré comme la troisième frontière biotique2. Cette biodiversité regroupe des organismes qui sont souvent classés selon leur taille, avec la macrofaune (vers de terre, carabe, fourmis, etc.), la mésofaune (collembole, acariens, diptères, etc.), la microfaune (nématodes, protozoaires, etc.) et les microorganismes (bactéries, champignons, virus) (Figures 1) [3].
De tous les organismes vivants dans le sol, c’est dans le monde de « l’infiniment petit » que l’on trouve la diversité biologique la plus importante. Grâce à une extraordinaire capacité d’adaptation génétique aux variations de leur environnement, les microorganismes (principalement les bactéries et les champignons) ont colonisé, sans exception, l’ensemble des sols de notre planète. Cette répartition ubiquitaire s’explique par l’extraordinaire diversité qui caractérise le monde microbien, de l’ordre de 1 million d’espèces de bactéries et 100 000 espèces de champignons par gramme de sol. Au-delà de la diversité génétique, ces communautés représentent également une part très importante de la biomasse vivante dans les écosystèmes. On peut citer pour exemple la biomasse microbienne du sol qui peut atteindre 2 à 10 tonnes de carbone par hectare, soit l’équivalent d’une dizaine de bovins pâturant sur la même surface !
Cette richesse formidable confère au sol une valeur patrimoniale de plus en plus reconnue. Au-delà de cette dimension patrimoniale, l’énorme diversité des organismes du sol représente également un formidable moteur du fonctionnement du sol et donc des fonctions à la base des services qu’il peut fournir pour le bienêtre des sociétés humaines. Chaque groupe d’organismes contribue à l’un ou plusieurs de ces services, les microorganismes intervenant dans toutes les fonctions d’intérêt (Figure 2).
Figure 2. Implication de la biodiversité dans les fonctions biologiques du sol et liens avec les problématiques environnementales associées. MO : Matière organique. |
Parmi les fonctions et services que le sol peut fournir pour le bien-être des populations urbaines, ceux de production végétale ou d’habitat pour héberger de la biodiversité sont parmi les plus identifiés dans un contexte de développement de l’agriculture urbaine, d’aménagement de toits végétalisés ou encore de gestion plus extensive et écologique de jardins et d’espaces verts.
Les sols urbains, les parents pauvres des connaissances en microbiologie du sol
Les travaux de recherche sur la biodiversité des sols que nous avons évoqués se sont concentrés sur les espaces ruraux (naturels et agricoles), ne s’intéressant que de façon très marginale aux écosystèmes urbains. Une étude bibliographique récente a ainsi montré que, sur l’ensemble des travaux portant sur l’écologie des sols, seuls 4 % s’intéressaient aux sols urbains [4]. Dans les villes, les régimes de perturbations élevés, associés aux activités humaines, et la multiplicité des usages entraînent une forte hétérogénéité des sols [5]. Cette mosaïque urbaine est ainsi caractérisée par des gradients d’anthropisation des sols [6, 7] en lien avec une variation des niveaux de polluants, de fertilité des sols ou de fragmentation du paysage [8], les sols urbains étant fréquemment perturbés ou construits [6]. Ces sols sont formés au cours du processus d’urbanisation et l’action de l’homme représente le facteur déterminant pour leur genèse et leur évolution. Ils sont ainsi qualifiés « d’anthroposols ». En milieu urbain, les processus se déroulant à l’échelle du paysage, comme les déplacements ou la dispersion, jouent un rôle majeur dans la structuration de la biodiversité [8, 9]. Ainsi, les particularités des sols en milieu urbain, tant en termes de composition que de distribution spatiale, suggèrent une écologie particulière des organismes qui y vivent et la simple transposition des connaissances obtenues en contexte non urbain n’est pas triviale. La connaissance de l’écologie des sols urbains requiert donc la réalisation de nouveaux travaux dédiés à ces systèmes si particuliers.
Une méta-analyse récente a permis de faire la synthèse des connaissances sur ce sujet à partir du petit corpus de littérature disponible [4]. Elle a montré que de tous les organismes vivant dans le sol, ce sont les microorganismes (bactéries et champignons) qui ont été les plus étudiés. De façon générale, dans la littérature, l’effet de l’urbanisation sur la biodiversité du sol est évalué selon deux approches : l’étude d’un « gradient urbain-rural », qui permet d’évaluer l’impact de l’urbanisation au sens large sur la biodiversité, et l’étude « intra-urbaine » fondée sur la comparaison des modes d’usages, qui permet d’évaluer l’impact des pratiques de gestion des sols associées à la conduite des différents espaces urbains (pelouses, pieds d’arbres, friches urbaines, terrains de sport, jardins, toitures végétalisées, etc.). Nous présenterons dans la suite les tendances qui se dégagent de ces travaux sur les communautés microbiennes des sols urbains.
Abondance et diversité des microorganismes (bactéries et champignons) dans les sols urbains
En milieu urbain, la majorité des travaux sur les communautés microbiennes du sol porte sur leur implication dans le fonctionnement biologique du sol, et notamment dans les transformations du cycle de l’azote (voir par exemple [10]). En comparaison, les travaux sur l’abondance et la diversité des communautés microbiennes sont rares et l’écologie de ces communautés reste donc encore mal connue. Les études les plus abouties ont été réalisées aux États-Unis, et plus précisément à New York [11–14], mais aussi sur des métropoles chinoises [15, 16]. Dans ces travaux, les communautés bactériennes sont systématiquement prises en compte, contrairement aux communautés de champignons qui n’ont été que très peu caractérisées [11, 12, 17, 18].
Les données disponibles montrent que la biomasse microbienne est généralement plus faible dans les sols urbains par rapport au sols ruraux [19, 20], probablement en raison de niveaux importants de perturbation de la texture et de la compaction du sol. Certains travaux rapportent également une baisse de la diversité bactérienne dans les systèmes urbains [14, 16], mais d’autres n’observent pas de telles tendances [12]. Tous ces travaux s’accordent toutefois sur le fait que l’urbanisation entraîne une modification de la composition des communautés. Si les groupes bactériens (ou phylums) dominants sont similaires à ceux décrits dans les sols ruraux [11, 14, 21], leur abondance relative au sein de la communauté est modifiée par le niveau d’urbanisation et les pratiques de gestion des différents espaces urbains [12, 21]. Comme généralement observé en milieu rural, les propriétés physicochimiques du sol, et plus particulièrement le pH, ressortent comme les principaux facteurs déterminant la diversité des communautés microbiennes en milieu urbain [11, 14, 16, 18]. En revanche, le niveau d’urbanisation n’apparaît pas comme le déterminant principal de la diversité des communautés [16, 22]. De même, la diversité du couvert végétal ne semble pas être un déterminant fort de la diversité microbienne du sol, que ce soit en milieu de parcs urbains ou de toitures végétalisées [11]. Les variations du microclimat ne semblent pas non plus influencer significativement la diversité des communautés à l’échelle d’une métropole [11]. Toutefois, une étude comparant seize villes distribuées sur l’ensemble du territoire chinois montre qu’il peut contribuer au déterminisme de la diversité microbienne observée entre les parcs des différentes métropoles [22].
Les différents modes d’occupation urbains affectent la diversité des communautés de microorganismes du sol. Ramirez et al. [11] rapportent ainsi une augmentation de la fréquence de populations potentiellement pathogènes dans le sol de Central Park, à New York, sans doute en raison de la forte fréquentation des parcs, ou encore de l’intensité et de la récurrence des pressions anthropiques auxquels sont soumis ces espaces au cours de leur histoire [23]. Des travaux comparant les communautés bactériennes entre des noues3, des parcs et des pieds d’arbres du quartier du Bronx à New York [13] montrent une augmentation de la diversité de ces communautés dans les noues par rapport aux parcs et aux pieds d’arbres. Ils mettent aussi en évidence une augmentation de la fonctionnalité de ces communautés (augmentation de l’expression de gènes impliqués dans la dégradation de polluants, dans les transformations des cycles biogéochimiques, etc.), probablement en réponse aux fortes concentrations d’éléments polluants. En termes d’ingénierie, ces résultats illustrent la possibilité d’orienter les communautés via la construction de matrices qui peuvent stimuler la diversité microbienne et le développement de populations porteuses de fonctions d’intérêt pour les villes (dépollution, recyclage des nutriments, etc.). Les substrats de toitures végétalisées, bien que souvent très artificiels, représentent également un habitat pour les communautés microbiennes [17]. Des travaux réalisés sur un réseau de toitures de la ville de New York montrent qu’ils abritent d’importants niveaux de biomasse microbienne, toutefois inférieurs à ceux mesurés dans différents parcs de la même ville [17]. Ils servent également d’habitat à une importante diversité de populations de champignons connues pour leurs aptitudes à survivre dans des environnements pollués et très perturbés [17], ce qui illustre l’écologie spécifique des communautés microbiennes se développant dans ces milieux fortement anthropisés.
L’état des connaissances montre donc que les sols urbains peuvent abriter une biodiversité microbienne riche et abondante. Il montre aussi que ce sont des habitats particuliers associés à une écologie qui leur est propre. Toutefois, les données disponibles restent très insuffisantes pour réellement comprendre la régulation des communautés indigènes et leur fonctionnement dans les sols urbains, des espaces fragmentés et plus ou moins isolés selon leur localisation dans la mosaïque urbaine. C’est donc tout un pan de la recherche en écologie microbienne qui doit s’emparer de la question de l’impact de l’urbanisation sur les communautés microbiennes dans ces sols. L’acquisition et le transfert opérationnel de ces connaissances auprès des aménageurs urbains et des décideurs représentent aujourd’hui un enjeu pour aider au développement d’un modèle de ville durable.
Quels outils opérationnels pour analyser la qualité microbiologique des sols urbains ?
L’intensité et la durabilité des fonctions écologiques des sols urbains reposent, comme dans tous les sols du monde, sur les organismes qui le peuplent. Les microorganismes représentent la plus grande partie de la biodiversité des sols. De très nombreux travaux de recherche ont montré que ces microorganismes réagissent de façons sensible, précoce et spécifique aux perturbations du sol, qu’elles soient naturelles ou anthropiques. Ce sont donc des indicateurs de la qualité écologique des sols, et un panel d’indicateurs biologiques opérationnels existe aujourd’hui, fruit d’un processus de recherche mené au cours des deux dernières décennies.
Les outils pour évaluer la qualité microbiologique des sols sont fondés sur la caractérisation de l’ADN présent dans le sol par différents outils moléculaires (PCR [polymerase chain reaction], séquençage, etc.). Grâce au couplage de ces outils à un réseau national de surveillance de sol, le Réseau de Mesures de la Qualité des Sols (RMQS), la France a été le premier pays à développer un inventaire de la qualité microbiologique de ses sols, formalisé par la publication d’un atlas sur les bactéries [24] et d’un autre sur les champignons [25]. Ces indicateurs d’abondance et de diversité microbiennes sont reconnus comme « indicateurs nationaux de biodiversité » par l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB)4. Ils sont associés à des référentiels d’interprétation et ont déjà fait leurs preuves pour l’établissement de diagnostics de la qualité écologique du sol à différentes échelles (parcelle, exploitation, territoire, territoire nationale). Ils ont également été éprouvés et validés par la profession dans le cadre de projets de recherche participative, notamment le projet Agrinnov soutenu par le CASDAR (compte d’affectation spécial « Développement agricole et rural »)5, ou le projet EcovitiSol soutenu par l’AFB (Agence française pour la biodiversité)6.
Un transfert de ces indicateurs au laboratoire d’analyse de sols AUREA Agrosciences, l’un des principaux laboratoires d’analyse de sol au niveau national, a été réalisé dans le cadre d’un projet d’investissement d’avenir (PIA) : le projet AgroEcoSol7. Ils sont déjà proposés par des bureaux d’étude pour réaliser des diagnostics de la qualité écologique du sol. Les outils permettant d’évaluer la qualité microbiologique du sol existent donc. Ils ont toutefois principalement été développés et déployés sur des sols ruraux pour déterminer l’impact des modes d’occupation, des systèmes de production et des pratiques agricoles. Il reste désormais à les mobiliser pour comprendre l’écologie des sols urbains, développer des référentiels propres aux sols et usages urbains, et transférer les connaissances générées pour contribuer à la transition vers des modèles de ville durables.
La biodiversité microbienne des sols des grandes villes françaises passée à la loupe
Actuellement, plusieurs projets sont en cours de développement au niveau national pour acquérir des informations sur l’écologie microbienne, et plus largement sur l’écologie des sols urbains. Nous en évoquerons deux qui se démarquent en termes d’effort d’échantillonnage, de tableau de bord d’indicateurs et d’expertise associée.
Le premier est le projet ProDij : Dijon alimentation durables 2030 (programme d’investissement d’avenir PIA3)8, dont l’action « Sol » ambitionne de doter la collectivité de Dijon Métropole de nouveaux outils lui permettant d’avoir une vision objective de la qualité écologique des sols (urbains et ruraux) de son territoire. L’enjeu est de pouvoir, à terme, permettre d’optimiser la gestion de ces sols par une meilleure adéquation de leurs usages (production alimentaire, support de bâtiments et d’infrastructures, espaces de nature, etc.) avec leur qualité écologique. Ce projet est centré sur l’aire urbaine de Dijon Métropole, avec cent sites urbains analysés sur les cinq cents sites couvrant l’ensemble du territoire. Toutefois, en tant que projet pilote, l’approche mise en œuvre a pour vocation d’être répliquée sur d’autres territoires au niveau national, voire international. Cette approche est développée selon trois axes permettant de mobiliser les différents acteurs du territoire sur les enjeux liés à la qualité des sols ainsi que de leur offrir des outils pour l’action :
L’élaboration d’un référentiel territorial de la qualité écologique des sols par le déploiement, à l’échelle de l’aire urbaine de Dijon Métropole (3 300 km2), du tableau de bord d’indicateurs de la qualité écologique des sols le plus innovant et complet jamais appliqué à ce jour à cette échelle (50 indicateurs impliquant plus de 10 laboratoires d’expertise publics ou privés).
L’implication des différents usagers du territoire (scolaires, périscolaires, extrascolaires, usagers de jardins particuliers ou partagés, agriculteurs) dans la collecte de données sur la qualité écologique des sols en développant des actions de sciences participatives afin de démultiplier les données à disposition des chercheurs, et de sensibiliser ces usagers aux enjeux liés à la biodiversité des sols, avec la perspective de faire évoluer les modes d’usage vers plus de durabilité.
Le développement des outils règlementaires tendant à intégrer la qualité des sols et la durabilité des pratiques dans la gestion des sols et du foncier. Ces outils seront promus auprès des décideurs territoriaux et opérateurs fonciers. Il s’agira autant d’optimiser l’application de la réglementation existante que d’envisager de nouveaux outils, en se fondant, notamment, sur l’expérience étrangère dans ce domaine.
Un premier travail sur les communautés microbiennes à récemment été publié [21]. Il montre notamment l’impact de l’usage des sols urbains sur la biomasse et la diversité microbienne (Figure 3).
Figure 3. Biomasse et diversité microbienne (bactéries et champignons) dans les sols de la métropole de Dijon en fonction des usages : parcs et squares, sites de voirie, agriculture urbaine. L’agriculture urbaine ressort comme la plus délétère pour la biomasse microbienne. Cependant, dans ces espaces, la richesse microbienne apparaît plus importante. (D’après [21]). |
L’agriculture urbaine ressort comme l’usage le plus délétère pour la biomasse microbienne. Dans ces espaces, la diversité microbienne est toutefois plus importante. Ces niveaux de diversité supérieurs sont en accord avec les travaux réalisés sur les sols agricoles en milieu rural. Ils peuvent s’expliquer par la loi écologique de la « perturbation intermédiaire » selon laquelle la diversité biologique d’un écosystème augmente lorsque celui-ci est soumis à des perturbations d’intensité perçue comme « moyenne », c’est-à-dire ni trop faible ni trop forte, par les organismes qui y vivent. Dans les systèmes cultivés, les pratiques agricoles peuvent concourir à cette perturbation du système. En système d’agriculture urbain, le travail du sol, reconnu comme délétère pour les organismes présents dans le sol, est probablement la pratique la plus impactante. En effet, les enquêtes sur les pratiques agricoles sur ces sites ont indiqué que tous les jardiniers citadins y ont recours de façon très intensive ! Associé à ce travail du sol excessif, la couverture végétale du sol est absente, ce qui peut expliquer la dépression de biomasse microbienne. Au-delà des différences observées entre les différents espaces urbains, ces travaux ont montré l’importance de certaines pratiques, comme le développement des couverts végétaux, la réduction, voire l’arrêt, du travail du sol, ou l’apport d’amendements organiques pour la stimulation de la qualité microbiologique des sols urbains.
Le second projet s’intitule « Biodiversité des sols urbains et villes durables : état des lieux, interactions entre les systèmes productifs et non productifs et importance pour la fourniture de services écosystémiques » (BISES)9. Soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), ce projet est déployé sur quatre métropoles : Paris, Nancy, Nantes et Montpellier. Il a pour objectif général d’appréhender l’écologie des communautés d’organismes des sols urbains. Il s’attache en particulier à acquérir une meilleure connaissance de la biodiversité du sol et une meilleure compréhension de ses dynamiques spatiales et temporelles en milieu urbain : parcs, jardins privés ou fermes urbaines. Tout comme le projet ProDij, un enjeu de BISES est de déterminer les impacts des pratiques sur la biodiversité des sols urbains, les fonctions et services écosystémiques que cette biodiversité fournit au regard de la multitude de services attendus (approvisionnement, production de biomasse, régulation climatique et hydrique, biocontrôle). L’approche utilisée est ambitieuse et similaire à celle du projet ProDij : le couplage d’un tableau de bord d’indicateurs avec un échantillonnage de 50 sites par métropole. L’intérêt de travailler sur 4 métropoles en parallèle est de pouvoir déterminer la généricité des conclusions tirées. ProDij, comme BISES, doivent apporter un changement de paradigme quant à la prise en compte des sols pour la gestion des territoires : « ne plus articuler les sols autour de la ville mais la ville autour des sols ». Loin d’être une contrainte, la préservation de la qualité écologique des sols représente un moteur pour la transformation alimentaires et écologique des territoires vers des modèles plus durables répondants aux enjeux actuels.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des figures
Figure 1. Classification des organismes du sol selon leur taille. (Modifié d’après [3]). |
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Figure 2. Implication de la biodiversité dans les fonctions biologiques du sol et liens avec les problématiques environnementales associées. MO : Matière organique. |
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Figure 3. Biomasse et diversité microbienne (bactéries et champignons) dans les sols de la métropole de Dijon en fonction des usages : parcs et squares, sites de voirie, agriculture urbaine. L’agriculture urbaine ressort comme la plus délétère pour la biomasse microbienne. Cependant, dans ces espaces, la richesse microbienne apparaît plus importante. (D’après [21]). |
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