Free Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 34, Number 5, Mai 2018
Page(s) 388 - 391
Section Le Magazine
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/20183405006
Published online 13 June 2018

Le virus de l’hépatite B (HBV) est un virus enveloppé dont le génome est constitué d’une molécule d’ADN circulaire partiellement double brin, appelée ADN relâché circulaire (ADNrc). Il se réplique par l’intermédiaire d’une étape de rétro-transcription. Au sein du noyau des hépatocytes, l’ADNrc est converti en une molécule d’ADN circulaire clos de manière covalente (ADNccc). L’ADNccc constitue le minichromosome viral. Il sert de matrice pour la transcription des ARN messagers viraux dont un long ARN prégénomique (ARNpg) destiné à être encapsidé (Figure 1). L’encapsidation de l’ARNpg survient à la suite de la fixation de la polymérase virale au niveau d’une région de son extrémité 5’, appelée boucle ε, et au recrutement des protéines de capside. La rétro-transcription de l’ARNpg en ADNrc a lieu au sein de la capside assemblée, dans le cytoplasme cellulaire, avant que la capside soit enveloppée, puis sécrétée (Figure 1).

thumbnail Figure 1.

Cycle viral de l’HBV et mode d’action des ISG ayant un effet antiviral. Le cycle du virus de l’hépatite B (HBV) débute par sa fixation au récepteur NTCP (sodium taurocholate cotransporting polypeptide) à la surface des hépatocytes. Après son internalisation, la capside virale se dirige vers le noyau où est déposé l’ADNrc (ADN relâché circulaire). Celui-ci est ensuite converti en ADNccc (ADN circulaire clos de manière covalente) qui sert de matrice pour la synthèse de tous les ARN viraux dont l’ARNpg (un long ARN prégénomique). La formation de nouvelles capsides a lieu dans le cytoplasme suite à l’encapsidation du complexe ARNpg-polymérase virale et à sa rétro-transcription en ADNrc. Les capsides sont ensuite enveloppées et sécrétées. Des antigènes viraux, HBs et HBe, sont également produits et sécrétés dans le milieu extracellulaire. Un certain nombre d’ISG ont été associés à l’effet répressif de l’interféron (IFN) contre l’HBV : les facteurs cellulaires DDX3 (DEAD-box RNA helicase) et TRIM22 (tripartite motif-containing 22) inhibent la transcription des ARN viraux tandis que MxA (myxovirus resistance gene A) et Myd88 (myeloid differentiation primary response 88) se fixent aux ARNm de l’HBV pour empêcher leur export vers le cytoplasme. Comme le facteur cellulaire ZAP (zinc finger antiviral protein), Myd88 induit également une dégradation spécifique de l’ARNpg. Les protéines cellulaires RIG-I (retinoic acid-inducible gene 1) et A3G (mosaic virus-type endopeptidase) ont été associées à une inhibition de la rétro-transcription par fixation à l’ARNpg en compétition avec la polymérase virale. Enfin le gène A3A (mosaic virus-type endopeptidase) entraîne des déaminations de l’adénosine en inosine (A>I) de l’ADNccc menant à sa dégradation (figure adaptée de [14]).

Plusieurs observations réalisées in vitro indiquent que l’interféron-α (IFN-α) peut inhiber la réplication d’HBV. Cependant, son ou ses mode(s) d’action reste(nt) encore mal identifié(s). En effet, il est parfaitement établi que l’IFN-α module, de manière fine et différentielle, la transcription de plusieurs gènes appelés interferon-stimulated genes (ISG) [1], qui possèdent des activités antivirales. Les gènes impliqués dans l’effet anti-HBV restent toutefois encore majoritairement inconnus. Actuellement, seuls quelques gènes ont pu être associés à l’effet anti-HBV de l’IFN-α (Tableau I et Figure 1).

Tableau I.

Liste des facteurs induits par l’interféron-α nommés (ISG) et décrits comme possédant une activité antivirale vis-à-vis du virus de l’hépatite B (HBV). DDX3 : DEAD-box RNA helicase ; TRIM22 : tripartite motif containing 22 ; MxA : myxovirus resistance gene A ; Myd88 : myeloid differentiation primary response 88 ; ZAP : zinc finger antiviral protein ; RIG-I : retinoic acid-inducible gene 1 ; A3A et A3G : mosaic virus -type endopeptidasse ; A : adénosine ; I : inosine ; ADNrc : ADN relâché circulaire ; ADNccc : ADN circulaire clos de manière covalente ; ARNpg : long ARN prégénomique.

L’ISG20, un facteur antiviral à large spectre qui induit la dégradation des ARN de l’HBV

L’ISG20 est un des gènes induit par l’IFN-α. Il code une ribonucléase (RNAse) qui exerce une activité antivirale contre de nombreux virus à ARN, tels que le virus de l’immunodéficience humaine, le virus de la grippe et les virus des hépatites A et C [2]. Des études antérieures ont montré que ce gène est fortement induit lors de la suppression de la réplication d’HBV par action de l’IFN-α dans des modèles d’hépatocytes murins et également au niveau du foie de patients chroniquement infectés, qui répondent au traitement par l’IFN-α [3,4]. In vitro, l’induction de l’ISG20 par l’IFN-α est associée à une diminution d’expression des ARN et des ADN viraux intracellulaires, de l’antigène de l’hépatite B (HBs) et de la production de particules virales.

Dans un article récent, Liu et al. ont cherché à comprendre le mode d’action de l’inhibition d’HBV par l’ISG20 [5]. Pour établir une relation de causalité entre induction du gène ISG20 et diminution des ARN messagers viraux précédemment observée in vitro et in vivo, les auteurs ont montré que sa surexpression diminuait les niveaux d’ARNpg de manière dose-dépendante, et ceci sans toxicité pour la cellule infectée, suggérant que son effet serait restreint aux ARN viraux. La chute du niveau d’ARNpg pouvait résulter d’une répression transcriptionnelle du promoteur viral et/ou d’une dégradation survenant à une étape post-transcriptionnelle. En concordance avec de précédentes observations attribuant l’activité antivirale de la protéine ISG20 à son activité 3’-5’-exonucléase, les auteurs ont démontré que l’enzyme n’affectait pas de manière significative l’activité du promoteur viral, mais qu’elle induisait une chute du niveau d’ARNpg du HBV en perturbant sa stabilité [5].

Plusieurs mécanismes pouvaient être à l’origine de ce phénomène. La protéine ISG20 appartient à la superfamille des DEDD 5-3’ exonucléases1 et possède trois domaines distincts caractéristiques de ce type d’enzymes, désignés Exo I, Exo II et Exo III. L’activité antivirale de l’ISG20 contre le virus de la stomatite vésiculaire (VSV) a été attribuée au site Exo II de la protéine, dont l’activité enzymatique cible préférentiellement les ARN simple brin [2]. Liu et al. ont également observé une perte du potentiel antiviral de la protéine ISG20 vis-à-vis du HBV lorsque le motif Exo II est muté.

Restait à comprendre comment la protéine ISG20 pouvait reconnaître spécifiquement l’ARN viral. L’observation d’une chute du niveau d’ARNpg encapsidé, en présence d’une protéine ISG20 mutée dans son activité exonucléase, a permis aux auteurs d’émettre l’hypothèse que celle-ci pouvait reconnaître l’ARNpg de l’HBV et entrer en compétition avec la polymérase virale. Comme mentionné précédemment, l’assemblage des particules implique la fixation de la polymérase virale à la boucle ε de l’ARNpg, suivie du recrutement des protéines de capside. Par une série d’expériences d’immunoprécipitation, puis d’analyses des ARN viraux par northern blot, Liu et al. ont montré que la protéine ISG20 interagissait avec l’ARNpg via son domaine Exo III, mais indépendamment de son domaine catalytique Exo II. Des expériences de retard sur gel ont permis de montrer qu’ISG20 se fixait préférentiellement au niveau de la boucle ε de l’ARNpg, dans une région proche de celle reconnue par la polymérase virale. Ceci suggérait que ces deux protéines pouvaient entrer en compétition pour la fixation à l’ARNpg par un mécanisme d’inhibition allostérique.

Conclusions et perspectives thérapeutiques

Ce travail a permis de montrer que la protéine ISG20 reconnaît spécifiquement l’ARNpg d’HBV et induit sa dégradation. Faut-il pour autant considérer l’ISG20 comme un facteur de restriction du HBV comme le proposent Liu et al. ? Bien qu’aucune définition ne fasse consensus, les facteurs de restriction virale présentent certaines caractéristiques communes, telles qu’une expression basale dans quasiment tous les tissus et une modulation possible par l’IFN-α. Plus spécifiquement, Harris et al. ont défini un facteur de restriction viral selon quatre points : (1) une diminution forte et directe de l’infectivité du virus ; (2) l’existence d’un mécanisme d’échappement viral ; (3) l’implication de la réponse immunitaire dans le fonctionnement du facteur de restriction, notamment par la réponse IFN-α ; (4) une compétition entre le facteur de restriction et le mécanisme d’échappement viral se traduisant par une signature d’évolution rapide dans la séquence du gène cellulaire [6, 7] ().

(→) Voir la Synthèse de L. Gerossier et al., m/s n° 10, octobre 2016, page 808

Dans le cas d’ISG20, le mécanisme d’échappement viral ainsi que la signature d’évolution rapide dans la séquence du gène restent à prouver. D’autres questions sont également en suspens dont, en particulier, le mode d’action d’ISG20 contre d’autres virus à ARN et son effet potentiel sur des ARN messagers cellulaires. Enfin, il faut remarquer que ces expériences ont été, pour la plupart, réalisées dans des modèles de cellules tumorales transfectées avec des plasmides codant le génome d’HBV. Il semble donc important de vérifier si l’ISG20 se comporte de façon similaire dans des modèles d’hépatocytes primaires infectés par l’HBV.

Cette approche anti-HBV de type ISG20-like, par déstabilisation des ARN de manière directe ou indirecte, constitue une piste thérapeutique, qui commence à être de plus en plus explorée dans l’optique de développer de nouvelles classes d’agents antiviraux. Des travaux récents se sont focalisés sur le développement de molécules pouvant affecter la stabilité des ARN viraux. Il s’agit, en particulier, des molécules RG7834 (Roche) et DHQ-1 (Arbutus Bio Pharma), qui permettent de diminuer les taux d’ARNm viraux en les déstabilisant [8,9]. Bien que plusieurs mécanismes puissent conduire à la dégradation des ARN viraux, une perspective ouverte par l’étude de Liu et al. consisterait à sélectionner des molécules ayant la capacité de se fixer sur la boucle ε de l’ARNpg. De façon intéressante, l’utilisation d’aptamères mimant la structure de la boucle ε supprime la réplication d’HBV en empêchant son interaction avec la polymérase virale [10]. Les résultats de Liu et al. confirment ainsi le potentiel thérapeutique de stratégies visant à cibler et dégrader spécifiquement les ARN viraux, et fournissent de nouvelles données mécanistiques importantes pour la sélection de molécules à activité antivirale.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.


1

Famille de protéines présentant un enchaînement d’acides aminés DED en N-terminal et deux séquences de localisation nucléaire (NLS).

Références

  1. Sadler AJ, Williams BR. Interferon-inducible antiviral effectors. Nat Rev Immunol 2008 ; 8 : 559–68. doi:10.1038/nri2314 [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Degols G, Eldin P, Mechti N. ISG20, an actor of the innate immune response. Biochimie 2007 ; 89 : 831–5. doi:10.1016/j.biochi.2007.03.006 [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Wieland SF, Vega RG, Muller R, et al. Searching for interferon-induced genes that inhibit hepatitis B virus replication in transgenic mouse hepatocytes. J Virol 2003 ; 77 : 1227–36. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Wieland S, Thimme R, Purcell RH, Chisari FV. Genomic analysis of the host response to hepatitis B virus infection. Proc Natl Acad Sci USA 2004 ; 101 : 6669–74. doi:10.1073/pnas.0401771101 [CrossRef] [Google Scholar]
  5. Liu Y, Nie H, Mao R, et al. Interferon-inducible ribonuclease ISG20 inhibits hepatitis B virus replication through directly binding to the epsilon stem-loop structure of viral RNA. PLoS Pathog 2017 ; 13 : e1006296. doi:10.1371/journal.ppat.1006296 [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Harris RS, Hultquist JF, Evans DT. The restriction factors of human immunodeficiency virus. J Biol Chem 2012 ; 287 : 40875–83. doi:10.1074/jbc.R112.416925 [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  7. Gerossier L, Decorsière A, Abdul F, Hantz O. Identification d’un nouveau facteur de restriction contre l’infection par le virus de l’hépatite B : le complexe SMC5/6. Med Sci (Paris) 2016 ; 32 : 808–12. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  8. Mueller H, Wildum S, Luangsay S, et al. A novel orally available small molecule that inhibits hepatitis B virus expression. J Hepatol 2017 ; doi:10.1016/j.jhep.2017.10.014 [Google Scholar]
  9. Zhou T, Block T, Liu F, et al. HBsAg mRNA degradation induced by a dihydroquinolizinone compound depends on the HBV posttranscriptional regulatory element. Antiviral Res 2018 ; 149 : 191–201. doi:10.1016/j.antiviral.2017.11.009 [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  10. Feng H, Beck J, Nassal M, Hu KH. A SELEX-screened aptamer of human hepatitis B virus RNA encapsidation signal suppresses viral replication. PLoS One 2011 ; 6 : e27862. doi:10.1371/journal.pone.0027862. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  11. Ko C, Lee S, Windisch MP, Ryu WS. DDX3 DEAD-box RNA helicase is a host factor that restricts hepatitis B virus replication at the transcriptional level. J Virol 2014 ; 88 : 13689–98. doi:10.1128/JVI.02035-14. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  12. Xia Y, Protzer U. Control of hepatitis B virus by cytokines. Viruses 2017 ; 9. doi:10.3390/v9010018. [Google Scholar]
  13. Sato S, Li K, Kameyama T, Hayashi T, et al. The RNA sensor RIG-I dually functions as an innate sensor and direct antiviral factor for hepatitis B virus. Immunity 2015 ; 42 : 123–32. doi:10.1016/j.immuni.2014.12.016. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  14. Testoni B, Durantel D, Zoulim F. Novel targets for hepatitis B therapy. Liver Int 2017 ; 37 (suppl 1) : 33–9. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

© 2018 médecine/sciences – Inserm

Liste des tableaux

Tableau I.

Liste des facteurs induits par l’interféron-α nommés (ISG) et décrits comme possédant une activité antivirale vis-à-vis du virus de l’hépatite B (HBV). DDX3 : DEAD-box RNA helicase ; TRIM22 : tripartite motif containing 22 ; MxA : myxovirus resistance gene A ; Myd88 : myeloid differentiation primary response 88 ; ZAP : zinc finger antiviral protein ; RIG-I : retinoic acid-inducible gene 1 ; A3A et A3G : mosaic virus -type endopeptidasse ; A : adénosine ; I : inosine ; ADNrc : ADN relâché circulaire ; ADNccc : ADN circulaire clos de manière covalente ; ARNpg : long ARN prégénomique.

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Cycle viral de l’HBV et mode d’action des ISG ayant un effet antiviral. Le cycle du virus de l’hépatite B (HBV) débute par sa fixation au récepteur NTCP (sodium taurocholate cotransporting polypeptide) à la surface des hépatocytes. Après son internalisation, la capside virale se dirige vers le noyau où est déposé l’ADNrc (ADN relâché circulaire). Celui-ci est ensuite converti en ADNccc (ADN circulaire clos de manière covalente) qui sert de matrice pour la synthèse de tous les ARN viraux dont l’ARNpg (un long ARN prégénomique). La formation de nouvelles capsides a lieu dans le cytoplasme suite à l’encapsidation du complexe ARNpg-polymérase virale et à sa rétro-transcription en ADNrc. Les capsides sont ensuite enveloppées et sécrétées. Des antigènes viraux, HBs et HBe, sont également produits et sécrétés dans le milieu extracellulaire. Un certain nombre d’ISG ont été associés à l’effet répressif de l’interféron (IFN) contre l’HBV : les facteurs cellulaires DDX3 (DEAD-box RNA helicase) et TRIM22 (tripartite motif-containing 22) inhibent la transcription des ARN viraux tandis que MxA (myxovirus resistance gene A) et Myd88 (myeloid differentiation primary response 88) se fixent aux ARNm de l’HBV pour empêcher leur export vers le cytoplasme. Comme le facteur cellulaire ZAP (zinc finger antiviral protein), Myd88 induit également une dégradation spécifique de l’ARNpg. Les protéines cellulaires RIG-I (retinoic acid-inducible gene 1) et A3G (mosaic virus-type endopeptidase) ont été associées à une inhibition de la rétro-transcription par fixation à l’ARNpg en compétition avec la polymérase virale. Enfin le gène A3A (mosaic virus-type endopeptidase) entraîne des déaminations de l’adénosine en inosine (A>I) de l’ADNccc menant à sa dégradation (figure adaptée de [14]).

Dans le texte

Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.

Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.

Initial download of the metrics may take a while.