Issue
Med Sci (Paris)
Volume 33, Number 8-9, Août–Septembre 2017
Nos jeunes pousses ont du talent !
Page(s) 735 - 737
Section Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales-masters
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/20173308016
Published online 18 September 2017

© 2017 médecine/sciences – Inserm

Équipe pédagogique

Karim Benihoud (professeur, université Paris-Sud)

Sophie Dupré (maître de conférences, université Paris-Sud)

Olivier Guittet (maître de conférences, université Paris-Sud)

Boris Julien (maître de conférences, université Paris-Sud)

Hervé Le Stunff (professeur, université Paris-Sud)

Philippe Robin (maître de conférences, université Paris-Sud)

karim.benihoud@u-psud.fr

Série coordonnée par Laure Coulombel.

Les maladies allergiques des voies aériennes - dont l’asthme - sont en augmentation et constituent une problématique de santé publique à l’échelle mondiale. Bien que de nombreuses formes d’asthme soient traitées avec succès par des corticostéroïdes, qui sont le traitement de référence, ou/et des bronchodilatateurs, beaucoup de patients asthmatiques souffrent encore d’une mauvaise prise en charge en raison d’une résistance aux stéroïdes. L’asthme est généralement caractérisé par une augmentation des réponses immunes adaptatives capables de générer un processus inflammatoire mettant en jeu des polynucléaires éosinophiles. Néanmoins, des réponses immunes innées au niveau de l’épithélium respiratoire peuvent contribuer aussi de manière importante à l’inflammation, ainsi qu’à la production de mucus et au remodelage des voies aériennes, qui sont les caractéristiques principales de l’asthme allergique [1]. Des travaux récents montrent qu’une activation du récepteur de l’epidermal growth factor (EGFR) par des allergènes entraîne une sécrétion épithéliale d’IL-33 (interleukine 33) et l’activation ultérieure d’une réponse inflammatoire de type 2 [2]. Cette activation chronique se traduit par un syndrome asthmatique [3]. Même si l’implication de l’EGFR dans l’asthme est connue, les mécanismes par lesquels son activation persiste le sont en revanche beaucoup moins. Des études récentes mettent en évidence que cette activation, en réponse à des allergènes, peut être due notamment à une oxydation du récepteur par H2O2, un puissant oxydant produit par la NADPH oxydase DUOX1 (dual oxydase 1) présente à la surface des cellules épithéliales. L’augmentation de l’expression de l’enzyme dans les cellules épithéliales nasales de patients souffrant d’asthme allergique et de rhinosinusite suscite depuis quelques années un intérêt dans les pathologies de l’appareil respiratoire. L’étude menée par l’équipe d’Albert van der Vliet (université du Vermont, États-Unis) [4], présentée ici, identifie des mécanismes par lesquels DUOX1 contribue à l’activation persistante de l’EGFR dans l’asthme allergique ainsi qu’à la production d’un de ses ligands, l’amphiréguline (abrégée AREG).

Activation du récepteur de l’EGF (EGFR) via son oxydation par DUOX1 dans un contexte allergique

Les auteurs ont observé que l’activation de l’EGFR et d’un de ses médiateurs cytoplasmiques, la protéine tyrosine kinase Src, est augmentée dans des cellules épithéliales nasales de patients atteints d’asthme sévère. Ceci s’accompagne d’une augmentation de l’expression de certains ligands de l’EGFR et, cliniquement, d’une diminution des capacités respiratoires.

L’EGFR et Src peuvent être activés par oxydation de certaines de leurs cystéines [5]. En utilisant un composé interagissant spécifiquement avec les protéines oxydées via les cystéines sulfénylées (-SOH), les auteurs montrent que l’activation des deux kinases (EGFR et Src) coïncide avec une augmentation de leur état d’oxydation dans les cellules de patients asthmatiques. La NADPH oxydase DUOX1, en produisant de l’H2O2, peut être à l’origine de l’oxydation de l’EGFR et donc contribuer ainsi à son activation persistante.

Pour déterminer ce qu’il en est in vivo, les auteurs ont utilisé un modèle de souris développant un asthme de nature allergique après des instillations nasales répétées d’extraits d’acariens domestiques (Dermatophagoides pteronyssinus, HDM [house dust mite]). Après trois semaines, l’expression de DUOX1 est fortement augmentée dans les tissus pulmonaires des souris traitées. En revanche, l’augmentation de la production d’amphiréguline ainsi que l’activation et l’oxydation de l’EGFR et de Src, observés dans ces conditions chez les souris sauvages, sont considérablement diminués chez les souris dont le gène Duox1 est invalidé (Duox1-/- ), confirmant ainsi le rôle majeur de cette enzyme dans la persistance de l’activation de l’EGFR par un mécanisme d’oxydation durant l’inflammation allergique.

DUOX1 aggrave le phénotype allergique

Une autre caractéristique de l’inflammation allergique respiratoire est une production abondante de mucus. L’invalidation de duox1 conduit à une diminution de l’expression de gènes impliqués dans la production de mucus (muc5ac) dans le contexte allergique chez la souris exposée aux extraits d’acariens. Par ailleurs, le remodelage des voies aériennes lié à l’activation de l’EGFR par des allergènes, s’accompagne aussi du développement d’une fibrose sous-épithéliale, caractérisée par un dépôt de collagène et l’expression d’une isoforme de l’actine, l’alpha-actine du muscle lisse. Ce phénomène est profondément diminué chez les animaux duox1-/- exposés aux allergènes. L’ensemble de ces résultats confirment que DUOX1 contribue à l’expression de ces phénotypes en promouvant l’activation persistante de l’EGFR.

DUOX1 stimule l’immunité innée en réponse aux acariens

L’analyse des cellules inflammatoires du liquide broncho-alvéolaire des souris sauvages traitées par les acariens montre une augmentation importante des cellules immunitaires. L’invalidation de duox1 ne modifie pas le recrutement des cellules inflammatoires dans le liquide broncho-alvéolaire, à l’exception d’une diminution significative du nombre de polynucléaires neutrophiles. Or, il a été précédemment observé chez les patients asthmatiques sévères que l’activation de l’EGFR dans l’épithélium respiratoire est associée à un infiltrat de polynucléaires neutrophiles. Par conséquent, ces données indiquent que l’augmentation du recrutement des neutrophiles induite par DUOX1 est en lien avec son rôle d’activateur de l’EGFR.

L’analyse du liquide broncho-alvéolaire des souris duox1 -/- en contact avec les extraits d’acariens domestiques montre une diminution de la production épithéliale de la chimiokine CXCL1 (C-X-C motif chemokine ligand 1, homologue murin de l’IL-8 humaine), de l’IL-33 et des cytokines de type 2, IL-5 et -13. Pour autant, l’exposition aux acariens ne change pas le taux d’immunoglobulines circulantes spécifiques des acariens, que ce soit chez les souris sauvages ou duox1-/- , conduisant les auteurs à conclure que l’essentiel de l’effet de DUOX1 ne relève pas de l’immunité acquise. En présence des acariens, la sécrétion accrue de CXCL1 dans le liquide broncho-alvéolaire des souris est corrélée avec un recrutement augmenté des cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2) [6] (). De façon surprenante, l’invalidation de duox1 n’influence pas le niveau de recrutement des cellules ILC2 en dépit d’une diminution de la sécrétion de CXCL1. En revanche, cette invalidation impacte directement la production de cytokines de type 2 par ces cellules après une stimulation par l’IL-33.

(→) Voir la Synthèse de M. Cherrier, m/s n° 3, mars 2014 page 280

DUOX1 : une potentielle cible thérapeutique ?

Afin d’analyser si la suppression de l’expression de DUOX1 peut annuler ou atténuer les effets de l’asthme allergique induit par les acariens, des ARN interférents dirigés contre DUOX1 ont été instillés directement dans la région oropharyngée de souris sauvages traitées par les acariens. Les effets sont très similaires à ceux qu’entraîne l’invalidation de duox1  : une diminution de l’oxydation de l’EGFR et de Src, de la production des cytokines identifiées et citées plus haut, du recrutement des neutrophiles et de la fibrose. Une approche pharmacologique utilisant des inhibiteurs non spécifiques de DUOX1, tels que le diphénylène iodonium ou le ML171, donne aussi des résultats similaires.

L’ensemble de ces résultats montrent que la NADPH oxydase DUOX1 est impliquée dans le maintien et le renforcement de l’activation de l’EGFR dans le modèle murin d’asthme allergique (Figure 1), suggérant qu’elle pourrait être une cible de choix dans les cas d’asthme allergique. Néanmoins, cette étude n’explore pas la séquence d’activation entre DUOX1 et EGFR. En effet, les auteurs utilisent un modèle d’asthme chronique et font leur étude 3 semaines après l’exposition aux allergènes ; ils ne disposent donc pas des informations précoces et intermédiaires sur la cinétique d’installation du phénotype allergique, ni par conséquent sur le début de la cascade de signalisation induite par l’acarien.

thumbnail Figure 1.

Modèle de l’activation de l’EGFR dans la réponse allergique aux acariens chez la souris et rôle de DUOX1 dans la persistance du signal. L’activation de l’EGFR par le biais des acariens augmente l’oxydation de l’EGFR (également de Src) dans les cellules épithéliales, ce qui amplifie l’activation de l’EGFR ; elle est aussi associée à une expression plus élevée des ligands de l’EGFR (dont AREG). Cette activation induit ensuite un syndrome asthmatique (métaplasie, sécrétion de mucus, envahissement fibreux et par des cellules immunitaires de type inflammatoire). Les cellules immunitaires recrutées amplifient à leur tour la voie de l’EGFR « allergique ». De la lumière du conduit aérien vers l’extérieur, on trouve les éléments suivants (indiqués par différents tons de rose et jaune) : du mucus (très peu à gauche et abondant à droite), l’épithélium cilié, le chorion, la couche musculaire et, finalement, la couche cartilagineuse. ILC2 : innate lymphoid cell, cellule lymphoïde innée de type 2 ; acarien : HDM (house dust mite) ; amphiréguline : AREG.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Holgate ST. The sentinel role of the airway epithelium in asthma pathogenesis. Immunol Rev 2011 ; 242 : 205–219. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Burgel PR, Nadel JA. Epidermal growth factor receptor-mediated innate immune responses and their roles in airway diseases. Eur Respir J 2008 ; 32 : 1068–1081. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Hristova M, Habibovic A, Veith C, et al. Airway epithelial dual oxidase 1 mediates allergen-induced IL-33 secretion and activation of type 2 immune responses. J Allergy Clin Immunol 2016 ; 137 : 1545–1556. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Habibovic A, Hristova M, Heppner DE, et al. DUOX1 médiates persistent epithelial EGFR activation, mucous cell metaplasia and airway remodelling during allergic asthma. JCI Insight 2016 ; 1 : 88811. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Paulsen C, Truong TH, Garcia FJ, et al. Peroxide-dependent sulfenylation of the EGFR catalytic site enhances kinase activity. Nat Chem Biol 2012 ; 8 : 57–64. [CrossRef] [Google Scholar]
  6. Cherrier M. Les cellules lymphoïdes innées : de nouveaux acteurs de la réponse immune mucosale. Med Sci (Paris) 2014 ; 30 : 280–288. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Modèle de l’activation de l’EGFR dans la réponse allergique aux acariens chez la souris et rôle de DUOX1 dans la persistance du signal. L’activation de l’EGFR par le biais des acariens augmente l’oxydation de l’EGFR (également de Src) dans les cellules épithéliales, ce qui amplifie l’activation de l’EGFR ; elle est aussi associée à une expression plus élevée des ligands de l’EGFR (dont AREG). Cette activation induit ensuite un syndrome asthmatique (métaplasie, sécrétion de mucus, envahissement fibreux et par des cellules immunitaires de type inflammatoire). Les cellules immunitaires recrutées amplifient à leur tour la voie de l’EGFR « allergique ». De la lumière du conduit aérien vers l’extérieur, on trouve les éléments suivants (indiqués par différents tons de rose et jaune) : du mucus (très peu à gauche et abondant à droite), l’épithélium cilié, le chorion, la couche musculaire et, finalement, la couche cartilagineuse. ILC2 : innate lymphoid cell, cellule lymphoïde innée de type 2 ; acarien : HDM (house dust mite) ; amphiréguline : AREG.

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