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Review
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 32, Novembre 2016
Les cahiers de myologie
Page(s) 50 - 51
Section Lu pour vous
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/201632s214
Published online 21 November 2016

Déficit de cognition sociale dans la DM1 chez des patients sans déficience intellectuelle et lien avec une atteinte du système nerveux central

Social cognition deficits among DM1 patients without intellectual disabilitity and their relationship with involvement of the central nervous system

Résumé

Depuis une dizaine d’années, des travaux se développent dans le domaine de la cognition sociale dans la dystrophie myotonique de type 1 (DM1). Des altérations ont été retrouvées dans (1) la reconnaissance des expressions faciales des émotions, corrélée négativement à la taille du triplet CTG ; (2) la reconnaissance des visages non familiers] ; (3) la théorie de l’esprit (ToM)]. La ToM se définit par la capacité à se représenter et à inférer un état mental à soi-même et à autrui (une intention, une émotion, une croyance…). Composante de l’empathie, un déficit dans ce domaine perturbe les interactions sociales.

La présente étude de Serra et al. [1] vise à rechercher la présence d’un déficit de ToM chez des patients DM1 dont le quotient intellectuel (QI) se situe dans la zone de normalité [QI total : 108,5 (15.0) ; QI verbal : 102,8 (15,0) ; QI performance : 114,5 (15,2)]. L’étude vise également à établir un lien entre un éventuel déficit de ToM et certaines anomalies cérébrales. Vingt patients atteints de DM1 et 18 sujets contrôles ont passé à la fois des épreuves de ToM et d’IRM fonctionnelle [âges respectifs moyens de 43,9 (écart-type 10,7) et 42,7 (écart-type 12,4)]. La ToM a été évaluée par le Reading the Mind in the Eyes (RMET ; test non-verbal de reconnaissance des émotions d’autrui à partir d’expressions visuelles) et le ToMstory (test de compréhension d’histoires narratives de situations sociales). La recherche d’anomalies cérébrales a été effectuée par IRM 3T incluant l’étude volumétrique (séquence MDEFT) et l’imagerie fonctionnelle de repos (RS-fMRI). Les résultats ont montré l’existence de déficits dans les deux tests évaluant la ToM. Ces déficits sont associés à des anomalies spécifiques de connexions entre le lobe temporal inférieur gauche et la connexion fronto-cérébelleuse.

Commentaire

La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) ou dystrophie myotonique de Steinert est une maladie génétique, multisystémique, incluant une atteinte du système nerveux central. L’expression clinique de la maladie est variable et si les troubles cognitifs sont plus fréquents et plus sévères avec la précocité de maladie (formes congénitale et infantile), certains patients atteints de DM1 « non-congénitale » peuvent présenter des déficits cognitifs dont l’impact peut être élevé dans le domaine des interactions sociales et celui de la vie quotidienne. C’est l’intérêt de cette étude de montrer qu’en dépit d’un niveau intellectuel normatif (pas d’atteinte cognitive globale), les patients DM1 présentent des dysfonctionnements de ToM et que ces derniers ne sont pas d’origine psychogène (ou réactionnelle) mais cérébrale. Cela a été rendu possible par l’utilisation de techniques d’imagerie conventionnelle incluant une analyse volumétrique (3D). Cette étude confirme l’atteinte du système nerveux central dans la DM1 [2]1. Elle incite également à mieux se pencher sur les conséquences de ce déficit de cognition sociale dans les interactions. Ce déficit est générateur d’erreurs d’attributions des intentions et émotions d’autrui, ce qui est source de « quiproquos », « malentendus » relationnels et gêne la vie familiale et sociale [3]. Nul doute que cela influe sur les carrières professionnelles à forte dominante relationnelle. Par ailleurs, la relation soignant-soigné est parfois compliquée dans la DM1. Les difficultés de compliance vis-à-vis des traitements sont connues [4]. Ce déficit de cognition sociale, y compris chez des patients DM1 sans déficience cognitive globale, peut éclairer l’origine des difficultés d’observance voire celle des difficultés plus globales dans les interactions soignant-soigné.

DM1 et système nerveux central : Quelles implications de l’atteinte de la substance blanche et grise ?

Résumé

La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) est une maladie multisystémique dans laquelle des altérations diffuses de la substance blanche et grise du cerveau ont été décrites. Zanigni et al. [5] ont réalisé une étude chez 24 patients DM1 adultes (14 hommes, 10 femmes ; âge moyen : 38,5 ± 11,8 ans). Parmi eux, le nombre de répétitions de triplets CTG est réparti comme suit : 50-150 CTG (n = 4) ; 150-1 000 CTG (n = 13) ; > 1 000 CTG (n = 7). Ils ont été comparés à 25 sujets sains appariés en âge et genre. Le protocole comporte IRM cérébrale (analyse des substances blanche et grise et de l’épaisseur corticale) et évaluation neuropsychologique en relation avec le nombre de triplets.

Les patients DM1 présentent des anomalies diffuses de la substance blanche du compartiment supra-tentoriel, associées à une atrophie de la substance grise de la région sous-corticale, et en degré moindre celle de la région corticale. Par rapport aux sujets contrôles, un amincissement cortical dans la région pariéto-temporo-occipitale a été observé.

Chez 19 patients, l’étendue des lésions de la substance blanche est en corrélation avec l’âge, le nombre de triplets, la gravité clinique et le score du test de l’état cognitif MMSE (Mini Mental State Examination). La corrélation est statistiquement significative entre le score MMSE et certains paramètres de la substance blanche (partie postérieure du corps calleux, radiations thalamiques postérieures, partie rétrolenticulaire droite de la capsule interne). Onze sur 24 patients ont présenté une atrophie corticale légère à modérée et/ou une dilatation ventriculaire latérale.

Commentaire

Grâce à l’IRM, les altérations cérébrales dans la DM1 sont mises en évidence depuis une dizaine d’années. Mais Zanigni et al. [5] ont réalisé pour la première fois, chez un même groupe de patients DM1 vs contrôle, une étude associant à la fois IRM conventionnelle, technique d’analyse volumétrique VBM (Voxel Based Morphometry), évaluation cognitive et sévérité génétique. Leurs résultats relatifs à l’atteinte de la substance blanche sont concordants avec les données déjà publiées : corrélation entre atteinte de la substance blanche et atteinte cognitive, corrélation entre atteinte de la substance blanche et nombre de triplets. Mais ils ont observé chez leurs patients une atteinte de la substance blanche même en absence de déficit cognitif. Les zones d’atteinte correspondent aussi aux résultats de l’étude [6] réalisée chez 12 patients DM1 (nombre de triplets > 100 ; âge moyen : 47) présentant des troubles de poursuite visuelle avec atteinte de la substance blanche dans les régions pariéto-occipitales et du cortex frontal.

De même, l’atteinte de la substance grise correspond aux résultats déjà publiés : diminution du volume de substance grise sous-corticale, notamment dans la région de l’hippocampe, du thalamus et du noyau strié. L’atteinte de ces régions, impliquées dans le contrôle moteur et la fonction cognitive, pourrait contribuer au développement des symptômes liés au système nerveux central (SNC) des patients DM1. Le degré d’atteinte de la substance grise n’étant pas corrélé avec les données cliniques ou génétiques, Zanigni et al. [5] ont émis l’hypothèse d’une atteinte primaire de la substance blanche avec secondairement une implication de la substance grise chez les patients DM1. Cette hypothèse va dans le même sens que les observations de Kimmig [6] sur l’atteinte de la poursuite visuelle chez les patients DM1. Dans les conditions physiologiques normales, la maturation de la capacité de poursuite visuelle (capacité de suivre des yeux de façon continue et fluide une cible en mouvement sans que l’image de l’objet s’écarte de la fovéa) se fait essentiellement au cours de la première année de vie. Elle représente un indicateur de l’intégrité du système nerveux et visuel.

D’autres études sont nécessaires pour mieux comprendre la complexité des implications du SNC dans la DM1.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.


1

Voir Brève suivante, page 51.

Références

  1. Serra L, Cercignani M, Bruschini M, et al. I know that you know that I know: neural substrates associated with social cognition deficits in DM1 patients. PLoS One 2016 ; 11 : e0156901. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Zanigni S, Evangelisti S, Giannoccaro MP, et al. Relationship of white and gray matter abnormalities to clinical and genetic features in myotonic dystrophy type 1. Neuroimage Clin 2016 ; 11 : 678–685. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Michon CC. Maladies neuromusculaires, attachement et communication. Étude d’un contresens relationnel. Thèse de doctorat, Université Paris 8, Vincennes, Saint-Denis, 2016. [Google Scholar]
  4. Boussaïd G, Lofaso F, Santos DB, et al. Factors influencing compliance with non-invasive ventilation at long-term in patients with myotonic dystrophy type 1: a prospective cohort. Neuromuscul Disord 2016 ; 26 : 666–674. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Zanigni S, Evangelisti S, Giannoccaro MP, et al. Relationship of white and gray matter abnormalities to clinical and genetic features in myotonic dystrophy type 1. Neuroimage Clin 2016 ; 11 : 678–685. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Kimmig H, Petrick M, Orszagh M, Mergner T. Role of anterior and occipital white matter lesions for smooth eye tracking in myotonic dystrophy. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2002 ; 72 : 808–811. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

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