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Med Sci (Paris)
Volume 31, Number 1, Janvier 2015
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Page(s) | 68 - 74 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/20153101015 | |
Published online | 06 February 2015 |
La transition épithélio-mésenchymateuse et la fibrose du transplant rénal
The epithelial-mesenchymal transition and fibrosis of the renal transplant
1
Inserm UMR_S 1155, des maladies rénales rares aux maladies fréquentes, remodelage et réparation, hôpital Tenon, bâtiment recherche, 4, rue la Chine, 75020
Paris, France
2
laboratoire de recherche d’immunologie de la transplantation rénale et d’immunopathologie (LR03SP01), EPS Charles Nicolle, Tunis, Tunisie
3
urgences néphrologiques et transplantation rénale, APHP, hôpital Tenon, Paris, France
4
Anatomo-pathologie, APHP, hôpital Tenon, Paris, France
5
service de médecine interne A, EPS Charles Nicolle, Tunis, Tunisie
La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM) est un processus par lequel les cellules épithéliales différenciées subissent une conversion phénotypique et acquièrent un phénotype de cellules mésenchymateuses. Outre la morphologie allongée, s’y associent une capacité migratoire et une production accrue des composants de la matrice extracellulaire (MEC). Ce phénomène joue un rôle essentiel dans le développement embryonnaire, la cicatrisation et la régénération tissulaire. Certaines études ont suggéré que les cellules épithéliales tubulaires rénales, en réponse à une agression, se transforment en cellules mésenchymateuses, constituant une source importante de nouveaux myofibroblastes qui envahissent l’interstitium rénal et contribuent à la fibrose au sein de celui-ci. Cependant, un nombre croissant de travaux ont remis en question l’existence réelle de ce processus in vivo, qui reste un sujet de débat intense, et pourrait dépendre du modèle étudié. Dans cette revue, nous faisons le point sur le rôle de la TEM dans le développement de la fibrose du greffon rénal, puis nous proposons des approches pour la détection et le traitement de la fibrogenèse rénale, basées sur ce processus de TEM.
Abstract
Epithelial-mesenchymal transition (EMT) is a process by which differentiated epithelial cells undergo a phenotypic conversion and acquire a mesenchymal phenotype, including elongated morphology, enhanced migratory and invasion capacity, and greatly increased production of extracellular matrix (ECM) components. This phenomenon plays a pivotal role in embryonic development, wound healing and tissue regeneration. It has also been involved in organ fibrosis. Some studies suggest that following injury, renal tubular epithelial cells undergo reprograming in mesenchymal cells, and thus constitute an important source of de novo myofibroblasts invading the renal interstitium and contributing to fibrosis. However, an increasing number of studies raise doubts about the existence of this process in vivo. The role of EMT in the development of renal fibrosis remains a matter of intense debate and may depend on the model studied. In this review, we describe the role of EMT in the development of fibrosis of renal graft, and then we propose approaches for detecting and treating renal fibrogenesis by targeting TEM.
© 2015 médecine/sciences – Inserm
Le dysfonctionnement chronique du greffon demeure une cause majeure de retour en dialyse après transplantation rénale. Dans la majorité des cas, ce dysfonctionnement est corrélé à des signes histologiques de rejet cellulaire et/ou humoral, à la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine, ou à des lésions non spécifiques de fibrose interstitielle (FI) [43] et d’atrophie tubulaire (AT) [1]. Sur le plan morphologique, les lésions histologiques non spécifiques de fibrose conduisent à une destruction de la structure du greffon rénal avec une raréfaction cellulaire associée à une augmentation des dépôts de matrice extracellulaire (MEC), aboutissant à la perte de la fonction rénale. Ce processus de progression irréversible de la fibrose est associé à une morbidité et une mortalité importantes [2].
Les causes primitives des atteintes rénales sont multiples. Cependant, quelle que soit l’atteinte initiale, la majorité des néphropathies évoluent vers le développement d’une fibrose rénale. En général, à la suite d’une lésion, le rein engage, comme n’importe quel tissu, une succession d’évènements ayant pour but de permettre sa régénération. Si la cicatrisation est un processus de réparation finement régulé, aboutissant à la formation d’un tissu cicatriciel minime et permettant le maintien structurel et fonctionnel du tissu, en revanche, lors du processus de fibrogenèse, malgré la résolution du stress initial, le processus s’autoperpétue. En effet, la désintégration du tissu rénal et les changements de la MEC exposent les cellules à un environnement mécanique bouleversé. De plus, celles-ci sont également exposées à différentes cytokines, provenant de cellules endommagées et de cellules inflammatoires. Ce sont les myofibroblastes qui assurent la réparation des tissus via leur production de collagène et autres protéines de la MEC [3]. Une accumulation de MEC mène à la formation de cicatrices fibreuses, à la perte de l’architecture tissulaire et, finalement, à la perte de fonction de l’organe [4]. Les myofibroblastes activés pourraient, en partie, dériver de cellules épithéliales tubulaires ayant acquis un phénotype mésenchymateux au cours d’un processus dénommé transition épithélio-mésenchymateuse (TEM).
Dans cette revue, nous étudions le rôle de la TEM dans la fibrose rénale, en particulier du greffon rénal. Nous discutons également l’intérêt de certains marqueurs de la TEM pour la détection et le traitement de la fibrogenèse rénale.
Transition épithélio-mésenchymateuse
Alors que, pendant longtemps, l’état différencié d’une cellule épithéliale était considéré comme absolument stable chez l’adulte une fois acquis, il est apparu que certaines cellules pouvaient réactiver un programme embryonnaire, dans un contexte pathologique comme la fibrose ou la progression tumorale [5]. Il en est ainsi de la TEM, processus par lequel les cellules épithéliales tubulaires peuvent acquérir un phénotype mésenchymateux et se transforment en myofibroblastes. On distingue plusieurs étapes : perte d’adhérence cellule-cellule, réorganisation et expression des protéines du cytosquelette, puis rupture de la membrane basale, migration et invasion de la MEC et, enfin, production de collagènes de type I, III et IV, de protéoglycanes et de fibronectine [6] (Figure 1, Tableau I).
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Figure 1. Représentation schématique de l’implication de la TEM dans la fibrose rénale. (1) Au décours d’une lésion, les cellules tubulaires subissent des changements du phénotype épithélial, migrent vers l’interstitium rénal et peuvent se transformer en myofibroblastes, contribuant ainsi à la fibrose interstitielle. (2) Le CTGF (connective tissue growth factor), en combinaison avec le TGF-β, stimule la TEM, la prolifération et la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes, ainsi que l’accumulation de la MEC. (3) Synthèse de MEC in situ. |
Protéines régulées au cours de la TEM.
Jusqu’à présent, on considérait que la TEM représentait une réactivation des programmes de développement embryonnaire rénal. En effet, l’épithélium des différents segments du tubule dérive du mésenchyme embryonnaire par un processus de transition inverse, mésenchyme-épithélium (mesenchymal-to-epithelial transition, MET), à l’exception de l’épithélium du tubule collecteur qui, lui, est issu du pré-épithélium du bourgeon urétéral [5–7]. Pendant longtemps, seules les cellules épithéliales proximales et distales avaient montré une capacité à s’engager dans ce processus de TEM lors d’une stimulation par le transforming growth factor-b (TGF-β), cautionnant l’idée selon laquelle seuls les segments de néphrons issus d’une MET initiale pouvaient subir une TEM au cours de pathologies rénales [5–7]. Cette hypothèse a néanmoins été récemment infirmée par deux études qui démontrent que le TGF-β stimule aussi la TEM dans les cellules épithéliales du tube collecteur [8, 9]. La plasticité des cellules adultes différenciées serait donc un processus beaucoup plus complexe qu’une simple filiation embryonnaire [10].
Implication de la TEM dans la fibrose rénale
L’étude cruciale qui documente l’intervention d’une TEM dans la fibrose rénale a été publiée par M. Iwano en 2002 [11]. Les auteurs ont utilisé le modèle d’obstruction urétérale unilatérale (UUO) pour induire une fibrose rénale chez des souris transgéniques exprimant le gène LacZ codant pour la β-galactosidase, sous le contrôle du promoteur du gène codant pour la γ-glutamyl transpeptidase (γGT). Ce dernier restreint l’expression de l’enzyme aux cellules épithéliales du tubule proximal. Ainsi, seules les cellules ayant une origine épithéliale tubulaire proximale exprimeront la β-galactosidase. Dans cette étude, 10 jours après la création de l’obstruction urétérale unilatérale, 36 % des fibroblastes (fibroblast specific protein-1+, FSP-1+) exprimaient la β-galactosidase, prouvant ainsi leur origine tubulaire proximale. Il a également été noté que 15 % des fibroblastes participant à cette fibrose étaient issus de cellules de la moelle osseuse. La plupart des études cherchant à comprendre le mécanisme de cette reprogrammation ont montré clairement que, lorsque les cellules épithéliales des tubules rénaux sont exposées à des cytokines profibrotiques, en particulier au TGF-β1, elles perdent leur phénotype épithélial, acquièrent des caractéristiques mésenchymateuses et expriment des marqueurs mésenchymateux (vimentine, a-smooth muscle actin [α-SMA]) [12, 13]. Cependant, l’implication de la TEM dans la progression de la fibrose rénale chez l’animal reste controversée. En effet, différents groupes, en utilisant ce même modèle d’obstruction urétérale, n’ont trouvé aucune preuve d’une contribution de la TEM dans la fibrose rénale, ou tout au moins d’une migration des cellules épithéliales tubulaires dans l’interstitium [14–17], même si des changements phénotypiques épithéliaux pouvaient être démontrés. Humphreys et al. ont utilisé trois lignées transgéniques Cre/Lox dans lesquelles des populations spécifiques de cellules rénales ont été génétiquement marquées [15]. L’une utilisait le promoteur Six2 (sine oculis-related homeobox 2), marquant toutes les cellules tubulaires proximales dérivées du mésenchyme (néphron) ; la seconde le promoteur HoxB7 (homeobox B7), identifiant ainsi spécifiquement toutes les cellules tubulaires issues du bourgeon urétéral ; la troisième, un contrôle positif, identifiait toutes les cellules dérivées du mésenchyme via l’expression du facteur de transcription FoxD1 (forkhead box D1). Une obstruction urétérale a ensuite été créée. Dans les deux premiers modèles transgéniques, aucune cellule positive pour les marqueurs épithéliaux n’a été trouvée dans l’interstitium. Dans le troisième, les myofibroblastes marqués ont été facilement détectés dans l’interstitium, ce qui prouve que les cellules mésenchymateuses résidentes peuvent se transformer en myofibroblastes. Par ailleurs, le traitement par le TGF- β1 de cultures de cellules du tubule proximal de la souris six2-GC ; Z/red conduit à l’induction de marqueurs mésenchymateux (α-SMA et FSP-1). Des résultats identiques ont été obtenus dans le modèle de lésion d’ischémie-reperfusion [44]. Ainsi, il est admis que la population de fibroblastes participant à la fibrose rénale est une population hétérogène, constituée d’une proportion variable de fibroblastes résiduels activés et de fibroblastes issus de cellules médullaires [18]. Les cellules épithéliales tubulaires peuvent acquérir des marqueurs mésenchymateux in vitro et in vivo, et participent au développement de la fibrose rénale (Figure 1). Cependant, in vivo, les cellules tubulaires ne semblent pas migrer dans l’interstitium. Cette assertion mérite cependant d’être tempérée car, à l’heure actuelle, aucune technique de détection ne permet de tracer réellement des cellules tubulaires en cours de migration chez l’homme. La seule technique actuellement disponible consiste à mesurer la présence, à un temps donné, des marqueurs de TEM dans des biopsies humaines : par exemple, l’expression de marqueurs épithéliaux comme la E-cadhérine ou zonula occludens-1 (ZO-1) dans le compartiment interstitiel ou, à l’inverse, la présence de marqueurs (myo)fibroblastiques comme l’α-SMA, la vimentine ou FSP-1 au niveau tubulaire [19–21]. Or, si ces observations sont intéressantes, elles ne prouvent pas de manière définitive l’implication réelle d’un processus de TEM dans la fibrogenèse chez l’homme. En effet, on peut se demander si des cellules interstitielles exprimant la E-cadhérine ou ZO-1 ne pourraient pas être, par exemple, des cellules épithéliales détériorées ayant perdu leur membrane basale, ou bien des cellules mésenchymateuses en cours de différenciation et destinées à réparer les tubules atrophiques (Figure 2).
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Figure 2. La fibrose interstitielle et l’atrophie tubulaire. A. Coupe d’un rein normal. B. Coupe d’un rein fibrosé présentant des tubules atrophiés (AT) entourés par une fibrose interstitielle (FI). Ce sont des lésions cicatricielles rénales irréversibles, conséquences des agressions immunologiques et/ou non immunologiques. G : glomérule ; P : tube proximal ; D : tube distal. |
TEM et développement de la fibrose du greffon rénal
En Europe, dix ans après la transplantation, environ 40 % des greffons sont perdus, en raison de la progression inévitable de la fibrose interstitielle et de l’atrophie tubulaire, processus complexes impliquant de nombreuses molécules et de nombreux types cellulaires, résidents ou infiltrés.
Plusieurs facteurs contribuent à cette fibrose interstitielle/atrophie tubulaire, dont certains sont liés au donneur (âge avancé, causes vasculaires de la mort cérébrale, durée de l’ischémie chaude prolongée [44]), et d’autres à la durée de l’ischémie froide, aux agressions chroniques des anti-calcineurine, aux toxiques, aux infections virales et non virales, ou encore à la survenue d’agressions inflammatoires ou immunologiques [22], telles que les épisodes de rejet aigu, à médiation cellulaire ou humorale. Ainsi, le processus de fibrose débute probablement peu de temps après la transplantation [23] (Figure 3).
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Figure 3. Expression de la β-caténine et de la vimentine dans le greffon. Analyse de biopsies de surveillance trois mois après l’implantation du greffon. Dans le greffon normal, on voit un marquage linéaire de la β-caténine au pôle basal des tubes proximaux (flèche) et au côté baso-latéral des tubes distaux et collecteurs (têtes de flèche), sans expression tubulaire de la vimentine (A, B) ; dans un greffon lésé, il y a une surexpression et une translocation cytoplasmique de la β-caténine, et la vimentine est exprimée de novo dans les tubules (C, D) . G : glomérule ; P : tube proximal ; D : tube distal. |
L’objectif principal de la réalisation de biopsies « précoces » (dans les trois premiers mois suivant une transplantation rénale) est de détecter un rejet infraclinique, une récidive de la néphropathie initiale sur le greffon, ou une toxicité des inhibiteurs de la calcineurine. La pratique de ces biopsies protocolaires précoces a démontré que le traitement des rejets infra-cliniques qu’elle permet conduit à de meilleurs résultats histologiques et fonctionnels chez les receveurs [22]. Ces biopsies constituent une banque de données histologiques d’une très grande valeur pour étudier chez l’homme les mécanismes de la fibrogenèse et, notamment, l’expression, par l’épithélium tubulaire du greffon, des marqueurs de la TEM [24]. En outre, plusieurs études dans des modèles animaux et sur des biopsies rénales chez l’homme suggèrent la présence de TEM dans les reins fibreux ou, tout au moins, l’acquisition de marqueurs mésenchymateux par des cellules épithéliales tubulaires [3]. Certains travaux ont démontré que la TEM est associée à une fibrose interstitielle/atrophie tubulaire du greffon rénal [20, 25, 26]. Il y a une décennie, Rastaldi et al. [27] ont étudié la pertinence clinique de la détection d’une TEM en se basant sur les données d’une étude de 133 biopsies rénales de patients atteints de différentes maladies rénales. La perte des marqueurs de la cytokératine et de ZO-1 dans les cellules épithéliales tubulaires a pu être associée au gain de caractéristiques mésenchymateuses, y compris l’expression de novo de la vimentine, de l’α-SMA, de la prolyl 4-hydroxylase, de la protéine de choc thermique 47 (heat shock protein 47, HSP47), et des collagènes interstitiels de types I et III. Les auteurs ont rapporté des degrés variables de TEM dans les biopsies humaines et suggéré que des lésions suggestives d’une TEM étaient prédictives de la survenue ultérieure d’une fibrose rénale [27]. De même, A. Vongwiwatana a comparé dix biopsies de greffons rénaux dont la fonction se dégradait à des biopsies d’allogreffes dont la fonction restait stable. Les greffons fibreux se caractérisaient par une perte de marqueurs épithéliaux (E-cadhérine, cytokératine) dans les cellules épithéliales tubulaires, associée à l’expression de marqueurs mésenchymateux, comme FSP-1, vimentine, α-SMA et HSP47 [25]. Ces changements étaient presqu’absents dans les greffons dont la fonction était stable. Il y avait une corrélation entre l’expression tubulaire de ces marqueurs mésenchymateux et les valeurs de la créatinine sérique d’une part, et la régulation négative de la cytokératine, marqueur des cellules épithéliales, et la présence d’une protéinurie, d’autre part. Les résultats de notre propre étude vont dans le même sens puisque nous montrons que la TEM est un marqueur prédictif de la progression de la fibrose du greffon et de l’insuffisance rénale. Ainsi deux marqueurs, la vimentine et la β-caténine, permettent de dépister précocement le dysfonctionnement chronique d’une allogreffe rénale [20–28]. Nous avons montré aussi que l’intensité du score de TEM (basée sur l’expression de ces deux marqueurs) était significativement corrélée à la progression du score de la fibrose interstitielle une année après la greffe, ce qui suggère que les caractéristiques de la TEM pourraient servir de biomarqueurs précoces permettant de prédire, en routine, l’installation d’une fibrose interstitielle/atrophie tubulaire du greffon rénal [24].
La transition épithélio-mésenchymateuse : une cible thérapeutique
La TEM est devenue un sujet clé dans l’étude de la fibrose d’organes, puisque l’épithélium stressé ou lésé contribue ainsi à la fibrogenèse, qu’il y ait ou non migration de ces cellules dans l’interstitium et transformation myofibroblastique. En raison de son rôle potentiel dans la pathogenèse des maladies fibreuses, et du nombre croissant de facteurs extracellulaires et intracellulaires intervenant, ce processus est une cible pour le développement de médicaments, et sa détection pourrait être utile au diagnostic précoce de fibrose [28–30]. Toutefois, ces approches thérapeutiques sont actuellement cantonnées aux modèles in vitro et chez l’animal. Les facteurs de transcription inducteurs de la TEM, qui répriment la E-cadhérine, peuvent être des cibles. Le TGF-β, molécule profibrotique, est également un inducteur de TEM. Ainsi, de nombreuses stratégies pour bloquer le TGF-β ont été testées dans des études animales [31, 32]. Les anticorps anti-TGF [33], les oligonucléotides antisens [34], les inhibiteurs [35] et la molécule de signalisation de régulation négative Smad7 (Sma- and Mad-related protein 7) [36], ont tous montré une efficacité thérapeutique. Les anticorps neutralisants de TGF-β sont ceux dont le développement est le plus avancé. Une étude a montré que l’inhibition prolongée du TGF-β chez la souris empêchait efficacement le développement d’une glomérulosclérose et d’une insuffisance rénale dans le contexte d’un diabète de type 2, sans effets secondaires néfastes [37, 38]. On peut aussi envisager l’utilisation de régulateurs endogènes qui modulent négativement la TEM, tels que la protéine morphogénique osseuse-7 (BMP-7) et le facteur de croissance des hépatocytes (hepatocyte growth factor, HGF) [3]. Le BMP-7 peut prévenir ou ralentir la progression de la fibrose rénale chez l’animal [39, 40]. En outre, les agonistes de la voie de signalisation BMP, agissant via le récepteur Alk3 (activin receptor-like kinase 3), constituent une nouvelle gamme d’agents thérapeutiques potentiellement utiles pour induire une réparation tissulaire et inverser la fibrose établie [39–41]. L’HGF est un puissant inhibiteur de TEM. Il possède aussi des propriétés antifibrosantes. Il peut efficacement bloquer la conversion phénotypique des cellules épithéliales des tubules induite par le TGF-β1 [42]. Il faut néanmoins être prudent, car la TEM est également impliquée dans la réparation des lésions vasculaires, et bloquer ce processus durant la phase aiguë des lésions pourrait avoir des conséquences dangereuses.
Conclusion
Durant ces dernières années, la TEM est devenue l’un des sujets les plus fascinants dans les contextes des recherches sur le développement embryonnaire, la métastase tumorale et la fibrose d’organes. Les cellules épithéliales soumises à un stress ou une agression peuvent subir une conversion de type fibroblastique et contribuer ainsi directement à la fibrogenèse rénale. La liste des facteurs extracellulaires et intracellulaires contrôlant la TEM s’accroît et pourrait être exploitée dans le développement de futures thérapies antifibrotiques, notamment appliquées au greffon rénal. Cette liste offre aussi une source importante de biomarqueurs mesurables à un stade précoce de la fibrose. En pathologie rénale, cette détection précoce de marqueurs de TEM peut avoir un impact, important pour le patient, en termes de pronostic, de prise de décision clinique, ou d’options thérapeutiques.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Remerciements
Ce travail a été soutenu par la coopération inter-universitaire franco-tunisienne, financée par le ministère tunisien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et le ministère français des Affaires étrangères et européennes dans le cadre du partenariat Hubert Curien-Utique (PHC-Utique) géré par le CMCU sous forme de bourse doctorale. Nous remercions Campus France pour leur collaboration.
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Figure 1. Représentation schématique de l’implication de la TEM dans la fibrose rénale. (1) Au décours d’une lésion, les cellules tubulaires subissent des changements du phénotype épithélial, migrent vers l’interstitium rénal et peuvent se transformer en myofibroblastes, contribuant ainsi à la fibrose interstitielle. (2) Le CTGF (connective tissue growth factor), en combinaison avec le TGF-β, stimule la TEM, la prolifération et la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes, ainsi que l’accumulation de la MEC. (3) Synthèse de MEC in situ. |
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Figure 2. La fibrose interstitielle et l’atrophie tubulaire. A. Coupe d’un rein normal. B. Coupe d’un rein fibrosé présentant des tubules atrophiés (AT) entourés par une fibrose interstitielle (FI). Ce sont des lésions cicatricielles rénales irréversibles, conséquences des agressions immunologiques et/ou non immunologiques. G : glomérule ; P : tube proximal ; D : tube distal. |
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Figure 3. Expression de la β-caténine et de la vimentine dans le greffon. Analyse de biopsies de surveillance trois mois après l’implantation du greffon. Dans le greffon normal, on voit un marquage linéaire de la β-caténine au pôle basal des tubes proximaux (flèche) et au côté baso-latéral des tubes distaux et collecteurs (têtes de flèche), sans expression tubulaire de la vimentine (A, B) ; dans un greffon lésé, il y a une surexpression et une translocation cytoplasmique de la β-caténine, et la vimentine est exprimée de novo dans les tubules (C, D) . G : glomérule ; P : tube proximal ; D : tube distal. |
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