Issue |
Med Sci (Paris)
Volume 24, Number 12, Décembre 2008
|
|
---|---|---|
Page(s) | 1055 - 1060 | |
Section | M/S revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/200824121055 | |
Published online | 15 December 2008 |
Sanctuaire du virus de l’immunodéficience humaine et mécanismes d’échappement
Mesenteric lymph nodes, a sanctuary for the persistance of HIV
Unité de Physiopathologie des Infections Lentivirales, Institut Pasteur, Paris, France
Inserm U841, Faculté de Médecine Créteil-Henri Mondor, 8, rue
Général Sarrail, 94010 Créteil, France
Depuis 25 années, l’identification du réservoir du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est source de questions. Dans un travail récent, nous montrons que les ganglions mésentériques drainant la région intestinale pourraient constituer un réservoir majeur du virus. Ce concept a été établi chez un modèle animal, le macaque Rhésus. De plus, parmi les mécanismes susceptibles de participer à la dissémination du virus dans l’ensemble de l’organisme, certains éléments suggèrent le rôle majeur de la mort par apoptose des lymphocytes T CD8. Cette mort cellulaire programmée est associée à une augmentation de l’expression, dans les ganglions, de facteurs immunosuppresseurs comme le TGF-β (transforming growth factor-β), ainsi que des molécules IDO (indoléamine 2, 3 dioxygénase) et PD-1 (programmed death molecule 1) impliquées dans la régulation du métabolisme des lymphocytes T. Ainsi, ces facteurs immunosuppresseurs offrent au virus les conditions favorables à sa persistance au sein de ce sanctuaire.
Abstract
The identification of human immunodeficiency virus type 1 (HIV-1) reservoir has been the center of extensive research for 25 years. In a recent work published in Cell Death and Differentiation, we show that mesenteric lymph nodes which drain intestine could represent the main reservoir for the virus. This concept has been established in a rhesus macaque model. Moreover, among the mechanisms associated with the lack of viral control, we suggest a major role of apoptosis in the death of CD8 T cells. This programmed cell death is associated with increased expression of immunosuppressive factors in lymph nodes such as TGF-β and two molecules regulating lymphocyte metabolism, IDO and PD-1. In this context, the virus benefits from the immune suppression which prevails within this « sanctuary », which offers optimal conditions for its persistence.
© 2008 médecine/sciences - Inserm / SRMS
À la mémoire de Bruno Hurtrel
Persistance virale chez les patients VIH : l’hypothèse d’un réservoir cellulaire viral
Les avancées dans le traitement de l’infection par le VIH ont permis au cours de ces dernières années de ralentir la progression de la maladie et d’en prévenir les conséquences pathologiques chez une grande majorité de patients. L’introduction des multi-thérapies, associant en particulier des anti-protéases, a réduit de façon considérable la charge virale plasmatique, jusqu’à un niveau indétectable [1]. En dépit d’une diminution rapide, en quelques jours, de cette réplication virale, il existe une seconde phase caractérisée par une réduction de la réplication virale beaucoup plus lente, cette seconde phase pouvant refléter l’existence d’un réservoir cellulaire. Deux types cellulaires peuvent expliquer cette dynamique, le macrophage et le lymphocyte T CD4 au repos ayant intégré le génome viral. Cette persistance virale explique pourquoi les interruptions de traitement conduisent en quelques jours à une réplication virale intense. La charge virale plasmatique atteint alors un niveau équivalent à celui qui préexistait à l’institution de la thérapie, et ce quelle que soit la durée du traitement. Dans la mesure où la multiplication du VIH est la résultante d’un équilibre entre l’infection de nouvelles cibles - les cellules CD4 -, la production de virions et la réponse immunitaire [2], ces observations montrent d’une part que le virus persiste en dépit d’un traitement qui le rend indétectable en périphérie (du moins par les méthodes actuelles de quantification) et, d’autre part, qu’une certaine restauration du système immunitaire sous traitement [40] est incapable de contrôler cette nouvelle « infection endogène ». Par conséquent, l’une des questions essentielles est de savoir d’où vient le virus. De nombreux travaux faisaient état de la présence du virus dans les organes lymphoïdes primaires et secondaires, en particulier l’intestin, ainsi que dans les organes non lymphoïdes. Ainsi, cette question du réservoir peut se poser à la fois sur le plan cellulaire mais également sur le plan anatomique [3, 4].
Inefficacité du contrôle du virus par les lymphocytes T CD8
À l’époque où ces observations étaient publiées, de nombreux travaux montraient que les lymphocytes T CD8 cytotoxiques - cellules capables de lyser une cellule infectée via l’expression de granzyme B et de perforine - sont une arme indispensable au contrôle des agents pathogènes en particulier viraux. Au cours de l’infection par le VIH, les lymphocytes T CD8 sont activés en périphérie, mais cependant leur état de maturation ne leur permet pas d’acquérir une activité importante vis-à-vis du VIH-1 [5]. L’une des hypothèses est que, au cours de la différenciation lymphocytaire, les lymphocytes T sont anormalement sensibles à un processus apoptotique, conduisant de ce fait à un profil de différenciation abortif, expliquant cet état d’immaturité [6–8].
L’apoptose est un mécanisme physiologique de suicide cellulaire, essentiel au cours du développement et au contrôle de l’homéostasie des tissus adultes. De nombreux travaux suggèrent que toutes les cellules de l’organisme expriment, de manière constitutive, des transducteurs - comme les récepteurs de mort appartenant à la superfamille du récepteur au TNF (tumor necrosis factor) - et des effecteurs de mort - comme par exemple les membres pro-apoptotiques Bax et Bak de la famille de Bcl-2 - et que la survie de chaque cellule dépend en permanence de la réception de signaux paracrins - comme les cytokines - induisant l’expression de gènes qui permettent de bloquer l’induction de la mort cellulaire. Des anomalies dans l’expression des gènes, ou dans l’émission ou la transduction de ces signaux, entraînant une diminution du seuil de déclenchement de ces programmes, induisent des phénomènes de mort cellulaire prématurée (Figure 1). De nombreux travaux aujourd’hui suggèrent que l’induction ou le blocage des programmes de mort cellulaire représente un déterminant majeur dans les interactions hôtes/pathogènes, et jouerait un rôle essentiel dans la persistance ou l’élimination des agents infectieux et dans le développement ou non d’une pathologie [9].
Figure 1. Voies biochimiques impliquées dans la survenue de l’apoptose. En réponse à des signaux induits soit via les récepteurs de mort (voie dite extrinsèque), soit via des signaux environnementaux (voie dite intrinsèque), une déstabilisation de la balance entre les protéines de survie (anti-apoptotiques) et les protéines de mort (pro-apoptotiques) survient. Ce mécanisme de dérégulation peut impliquer ou non une transcription des gènes codant ces protéines. Ces protéines pro-apoptotiques entraînent la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie, conduisant à la libération de facteurs apoptogènes mitochondriaux comme le cytochrome C, Smac/DIABLO, ou OMI/HtrA2. In fine, cette libération est associée à l’activation de protéases dénommées caspases participant à la mort par apoptose de la cellule. |
Le modèle d’étude : infection des macaques par le virus de l’immunodéficience simienne
Au regard de ces observations, il nous est apparu, à Bruno Hurtrel et moi-même, que cette notion de réservoir viral demeurait imprécise, et que les mécanismes immunologiques mis en œuvre, en dehors du sang périphérique, n’étaient que peu étayés. Ainsi, l’existence d’une relation entre le « sanctuaire » du virus, l’état du système immunitaire et l’évolution clinique propre de chaque individu n’avait jamais été démontrée. C’est pourquoi, il y a quatre ans, nous décidions de réaliser une étude chez le macaque Rhésus infecté par le virus de l’immunodéficience simienne (VIS), seul modèle pertinent pour cette pathologie qui nous permettait de reproduire chez l’animal les caractéristiques d’un Sida chez l’Homme [9, 41]. Ce modèle offrait en outre l’opportunité de déterminer la nature anatomique ou cellulaire du réservoir viral, et s’il était susceptible de conférer une barrière à l’éradication de cet agent pathogène. Ce modèle offrait l’opportunité de définir des corrélats immunologiques et virologiques avec la rapidité d’évolution vers un Sida. En effet, l’inoculation du virus VISmac251 à des macaques conduit à des profils distincts d’évolution. Ainsi, chez le macaque Rhésus d’origine chinoise, l’infection expérimentale entraîne deux types d’évolutions [9] : soit les animaux contrôlent l’infection et survivent au moins quatre ans (animaux dits « controllers »), soit les animaux évoluent rapidement vers un Sida, la mort de l’animal survenant moins de deux ans après l’infection (animaux dits « non controllers ») [42].
L’objectif de notre étude fût de comparer les paramètres immunologiques et virologiques des différents organes lymphoïdes (les ganglions axillaires, inguinaux et mésentériques, la rate) des différentes régions intestinales (côlon, jéjunum et iléon) et des différents tissus non lymphoïdes comme le foie, le poumon et le rein, mais pouvant servir de réservoir au virus.
Pour répondre à cette question, avec Marie-Christine Cumont et Valérie Monceaux, nous avons réalisé des études d’immuno-histologie afin de localiser le virus par une technique d’hybridation in situ, quantifier l’apoptose par une technique visualisant la fragmentation de l’ADN, et enfin déterminer le niveau d’activation des lymphocytes T CD8 à l’aide d’anticorps spécifiques.
Les ganglions mésentériques, un réservoir du virus VIS
Un des points majeurs de cette étude fut d’établir que le virus n’était pas localisé dans le côlon ou l’iléon, contrairement aux observations rapportées par d’autres [10–13], mais dans les ganglions mésentériques. Le virus était présent de façon similaire dans les ganglions mésentériques des deux groupes d’animaux, controllers et non controllers, mais n’était détectable dans les autres organes lymphoïdes que chez les singes dont la maladie progressait rapidement. Le nombre de cellules hébergeant un virus réplicatif dans les ganglions mésentériques était ainsi dix fois supérieur à celui qui était observé dans les autres organes lymphoïdes. L’une des explications possibles de cette différence avec les études antérieures était que la majorité de ces dernières avaient été réalisées chez le macaque Rhésus d’origine indienne [11–13]. Or, l’évolution de la maladie chez cette espèce est beaucoup plus rapide, conduisant à un Sida en moins de six mois avec une dissémination virale intense [14,15]. Récemment, nous avons montré que la dynamique de l’infection du macaque Rhésus d’origine chinoise est plus proche de celle qui est observée chez l’homme que de celle qui est observée chez le macaque Rhésus d’origine indienne [14, 15]. Ces travaux nous ont également permis d’observer qu’au stade terminal de la maladie, tandis que la lamina propria est dépourvue de lymphocytes T CD4, la réplication virale est intense. Les cellules réservoirs du virus se trouvent être des cellules phagocytaires (macrophages et cellules dendritiques).
L’ensemble de ces résultats nous a permis d’établir que les ganglions mésentériques représentent l’un des organes majeurs infectés, et ce quel que soit le stade d’évolution, pouvant de ce fait servir de sanctuaire au virus.
Apoptose accrue des lymphocytes T cytotoxiques des ganglions mésentériques
Les ganglions mésentériques représentent un organe lymphoïde essentiel à la recirculation des lymphocytes T dans l’ensemble de l’organisme. En réponse à la pénétration d’agents infectieux par la barrière intestinale, les cellules présentatrices d’antigènes (CPAg) transportent les antigènes microbiens via la lymphe afférente jusqu’aux ganglions mésentériques. C’est dans ces ganglions que s’effectue la présentation des antigènes par les CPAg aux lymphocytes T, induisant leur activation et leur différenciation. Les lymphocytes T quittent les ganglions par la lymphe efférente via le canal thoracique, qui assure une redistribution des lymphocytes dans les organes lymphoïdes secondaires que sont la rate, les ganglions axillaires ou inguinaux, et le sang. De plus, ces lymphocytes colonisent la lamina propria, site des cellules effectrices.
Par une technique de cytométrie en flux, nous montrons que les lymphocytes T CD8 issus des ganglions mésentériques sont anormalement sensibles aux stimulus apoptotiques. En particulier, chez le macaque, les lymphocytes T CD8, dits effecteurs/mémoires, et qui expriment majoritairement la perforine - molécule permettant la lyse des cellules infectées - sont les cellules les plus sensibles à l’apoptose. De fait, Bax, Bak et Puma sont augmentées dans les lymphocytes T CD8 des individus progressant plus rapidement vers un Sida (non controllers). De même, la protéine p53, un acteur clé de la régulation de l’expression des effecteurs pro-apoptotiques et du contrôle du cycle cellulaire, est phosphorylée sur la sérine 15, ce qui la stabilise et la rend active. L’ensemble de ces observations suggère fortement que la mort prématurée des lymphocytes T CD8, en particulier les plus cytotoxiques, pourrait expliquer l’absence de contrôle du virus au sein de ce sanctuaire et, en conséquence, la dissémination du virus dans les autres organes.
Les molécules responsables de l’induction d’apoptose des lymphocytes T CD8
Un rôle clé du TGF−β
Quels sont les mécanismes susceptibles de sensibiliser les lymphocytes T CD8 à la mort par apoptose ? Celle-ci pourrait résulter, au moins en partie, d’une activation chronique de ces cellules (AICD, activation-induced cell death). Cette hypothèse se fondait sur l’observation que, dans le sang, il existe une corrélation entre le pourcentage de lymphocytes T CD8 circulants activés - exprimant des marqueurs d’activation ou d’entrée en cycle comme la molécule Ki67 - et la réplication virale, et la rapidité d’évolution de la maladie chez l’homme comme chez le macaque [8, 16–18]. Nos analyses chez le macaque montrent qu’en fait les lymphocytes T CD8 isolés des ganglions mésentériques expriment très peu la molécule Ki67, contrairement aux lymphocytes T CD8 isolés des ganglions périphériques et du sang, suggérant l’existence d’autres mécanismes que l’AICD.
La superfamille des facteurs de croissance TGF-β (transforming growth factor beta) est composée de plusieurs cytokines telles que les TGF-β, les activines, les inhibines, ainsi que les BMP (bone morphogenetic proteins) [19]. Les membres de la famille du TGF-β sont impliqués dans de nombreuses fonctions biologiques essentielles [20]. Le TGF-β est un puissant inhibiteur de la prolifération de différents types cellulaires dont les lymphocytes T et B, et il a récemment été montré que cette cytokine contrôle l’activité des lymphocytes T CD8 [21]. En particulier, elle inhibe les fonctions cytotoxiques des lymphocytes T CD8 infiltrant les tumeurs [22], et agit au niveau de la muqueuse intestinale [23]. Cette région lymphoïde intestinale diffère des autres organes lymphoïdes périphériques dans la mesure où les lymphocytes T qui y résident sont maintenus dans un état de « tolérance immunologique » de manière à empêcher le système immunitaire de répondre trop fortement aux myriades d’agents bactériens résidents ou d’antigènes étrangers transitant par l’intestin. Ainsi, un défaut d’expression du TGF-β conduit à une réaction inflammatoire comme on en rencontre dans la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, avec pour conséquence la destruction de la barrière intestinale [24, 25].
Les analyses d’immuno-histochimie ont révélé une augmentation (x3) du TGF-β dans les ganglions mésentériques comparativement aux autres organes, et ce plus particulièrement chez les macaques dits non controllers. De plus, l’inhibition du TGF-β par des anticorps neutralisants réduit l’apoptose des lymphocytes T CD8. L’ensemble de ces données suggère fortement que le TGF-β pourrait être le bras armé conduisant à la mort des lymphocytes T CD8.
L’impact du métabolisme cellulaire dans l’apoptose des lymphocytes T CD8
Nous avons également montré que l’indoléamine 2,3 dioxygénase (IDO) - enzyme qui catabolise le tryptophane [26] - est également augmentée sélectivement dans les ganglions mésentériques chez les individus dont la maladie progresse rapidement. Une augmentation de l’expression de cette enzyme dans les organes lymphoïdes avait été récemment rapportée chez l’homme et chez le macaque [27, 28]. Cette observation est d’autant plus intéressante que cette enzyme, qui catabolisme le tryptophane et influence la capacité de prolifération des cellules, joue également un rôle sur la survie cellulaire [29].
De récents travaux ont décrit l’expression de la molécule PD-1 (programmed death molecule 1) par les lymphocytes T CD8 de patients infectés par le VIH-1 et de macaques infectés par le VIS [30–34, 43]. Nos propres travaux indiquent une augmentation de l’expression de PD-1 dans les lymphocytes T CD8 isolés à partir des ganglions mésentériques. Le TGF-β stimule l’expression de PD-1, supportant une boucle d’amplification positive entre ces deux molécules. Décrit initialement lors de l’apoptose de lymphocytes T CD8 en réponse à la privation de facteurs de croissance [35], l’engagement de PD-1 par ses ligands entraîne une réduction du métabolisme glucidique de la cellule [36]. Ainsi, qu’il s’agisse d’IDO ou de PD-1, ces deux molécules altèrent directement le métabolisme cellulaire et le niveau de sensibilité des lymphocytes T au processus apoptotique (Figure 2).
Figure 2. Mécanismes de mort des lymphocytes T CD8 au cours de l’infection par le SIVmac. Nous montrons une augmentation de l’expression : (1) du TGF-β par les CPAg dans les ganglions mésentériques ; (2) de l’enzyme IDO, enzyme impliquée dans le métabolisme du tryptophane ; et (3) de la molécule PD-1 à la surface des lymphocytes T CD8, molécule impliquée dans le catabolisme du glucose. L’ensemble de ces signaux conduit à une stabilisation de la protéine p53 (phosphorylation sur la sérine 15), et à une augmentation de l’expression des protéines pro-apoptotiques Bax, Bak et PUMA. Ces protéines sont directement impliquées dans la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie et la mort par apoptose des lymphocytes T CD8 effecteurs/mémoires (EM). |
ll est important de noter que la grande majorité des cellules qui expriment le TGF-β et IDO sont des cellules macrophagiques ou dendritiques. Des modèles tumoraux ou d’infections par des agents microbiens viraux, bactériens ou parasitaires ont démontré antérieurement le rôle immunosuppresseur de ces CPAg [22, 37, 38]. En se nichant au sein des ganglions mésentériques, le virus bénéficie par conséquent d’un environnement immunologique privilégié lui permettant de persister ainsi chez les individus infectés (Figure 3) [39].
Figure 3. Modèle proposé d’évolution chez des individus dont la maladie progresse rapidement (non controllers) ou non (controllers). Chez le macaque, pour les individus dits controllers (A) la persistance de lymphocytes T CD8 permettrait de contrôler la dissémination virale des ganglions mésentériques vers les organes secondaires et l’intestin (trait rouge pointillé). Ainsi, il en résulte dans la périphérie une faible activation lymphocytaire considérée comme un facteur de bon pronostic. À l’inverse, chez les individus dits non controllers (B), l’augmentation des facteurs immunosuppresseurs entraîne la mort par apoptose des lymphocytes T CD8, incapables de prévenir la dissémination du virus vers les autres tissus (trait rouge épais), et conduisant à une réactivité lymphocytaire plus importante qui est corrélée avec la réplication virale |
Conclusion
Dans ce contexte, il apparaît désormais essentiel de mieux comprendre les mécanismes qui génèrent ces cellules suppressives et d’en prévenir les effets. Des stratégies qui viseraient également à prévenir la mort des lymphocytes T CD8 de manière spécifique pourraient s’avérer utiles, permettant ainsi de contrôler le virus au niveau de ce sanctuaire. Ces observations peuvent s’avérer d’autant plus importantes que l’expression de ces molécules immunosuppressives pourrait rendre compte de la très grande difficulté qu’il y a à induire une réponse immunitaire correcte chez les personnes infectées par le VIH-1 et offrir des perspectives intéressantes sur la réponse aux vaccins thérapeutiques.
Références
- Richman D D. HIV chemotherapy. Nature 2001; 410 : 995–1001. [Google Scholar]
- Perelson AS, Neumann AU, Markowitz M. HIV-1 dynamics in vivo: virion clearance rate, infected cell life-span, and viral generation time. Science 1996; 271 : 1582–6. [Google Scholar]
- Pierson T, McArthur J, Siliciano RF. Reservoirs for HIV-1: mechanisms for viral persistence in the presence of antiviral immune responses and antiretroviral therapy. Annu Rev Immunol 2000; 18 : 665–708. [Google Scholar]
- Blankson, JN, Persaud D, Siliciano RF. The challenge of viral reservoirs in HIV-1 infection. Annu Rev Med 2002; 53 : 557–93. [Google Scholar]
- Appay V, Nixon DF, Donahoe SM, et al. HIV-specific CD8+ T cells produce antiviral cytokines but are impaired in cytolytic function. J Exp Med 2000; 192 : 63–75. [Google Scholar]
- Estaquier J, Idziorek T, de Bels F, et al. Programmed cell death and AIDS: significance of T-cell apoptosis in pathogenic and nonpathogenic primate lentiviral infections. Proc Natl Acad Sci USA 1994; 91 : 9431–5. [Google Scholar]
- Estaquier J, Idziorek T, Zou W, et al. T helper type 1/T helper type 2 cytokines and T cell death: preventive effect of interleukin 12 on activation-induced and CD95 (FAS/APO-1)-mediated apoptosis of CD4+ T cells from human immunodeficiency virus-infected persons. J Exp Med 1995; 182 : 1759–67. [Google Scholar]
- Mueller YM, De Rosa SC, Hutton JA, et al. Increased CD95/Fas-induced apoptosis of HIV-specific CD8+ T cells. Immunity 2001; 15 : 871–82. [Google Scholar]
- Hurtrel B, Petit F, Arnoult D, et al. Apoptosis in SIV infection. Cell Death Differ 205; 1 (suppl 12) : 979–90. [Google Scholar]
- Heise C, Vogel C, Miller CJ, et al. Simian immunodeficiency virus infection of the gastrointestinal tract of rhesus macaques. Functional, pathological, and morphological changes. Am J Pathol 1993; 142 : 1759–71. [Google Scholar]
- Veazey RS, DeMaria M, Chalifoux LV, et al. Gastrointestinal tract as a major site of CD4+ T cell depletion and viral replication in SIV infection. Science 1998; 280 : 427–31. [Google Scholar]
- Mattapallil JJ, Douek DC, Hill B, et al. Massive infection and loss of memory CD4+ T cells in multiple tissues during acute SIV infection. Nature 2005; 434 : 1093–7. [Google Scholar]
- Mehandru S, Poles PA, Tenner-Racz K, et al. Primary HIV-1 infection is associated with preferential depletion of CD4+ T lymphocytes from effector sites in the gastrointestinal tract. J Exp Med 2004; 200 : 761–70. [Google Scholar]
- Cumont MC, Diop O, Vaslin B, et al. Early divergence in lymphoid tissue apoptosis between pathogenic and nonpathogenic simian immunodeficiency virus infections of nonhuman primates. J Virol 2008; 82 : 1175–84. [Google Scholar]
- Monceaux V, Viollet L, Petit F, et al. CD4+ CCR5+ T-cell dynamics during simian immunodeficiency virus infection of Chinese rhesus macaques. J Virol 2007; 81 : 13865–75. [Google Scholar]
- Silvestri G, Sodora DL, Koup RA, et al. Nonpathogenic SIV infection of sooty mangabeys is characterized by limited bystander immunopathology despite chronic high-level viremia. Immunity 1996; 18 : 441–52. [Google Scholar]
- Monceaux V, Ho R, Tsong Fang MC, et al. Distinct cycling CD4+- and CD8+-T-cell profiles during the asymptomatic phase of simian immunodeficiency virus SIVmac251 infection in rhesus macaques. J Virol 2003; 77 : 10047–73. [Google Scholar]
- Deeks SG, Kitchen CM, Liu L, et al. Immune activation set point during early HIV infection predicts subsequent CD4+ T-cell changes independent of viral load. Blood 2004; 104 : 942–7. [Google Scholar]
- Kingsley DM. The TGF-beta superfamily: new members, new receptors, and new genetic tests of function in different organisms. Genes Dev 2004; 8 : 133–46. [Google Scholar]
- Shi Y, Massague J. Mechanisms of TGF-beta signaling from cell membrane to the nucleus. Cell 2003; 113 : 685–700. [Google Scholar]
- Mempel TR, Pittet MJ, Khazaie K, et al. Regulatory T cells reversibly suppress cytotoxic T cell function independent of effector differentiation. Immunity 2006; 25 : 129–41. [Google Scholar]
- Gorelik L, Flavell RA. Immune-mediated eradication of tumors through the blockade of transforming growth factor-beta signaling in T cells. Nat Med 2001; 7 : 1118–27. [Google Scholar]
- Babyatsky MW, Rossiter G, Podolsky DK. Expression of transforming growth factors alpha and beta in colonic mucosa in inflammatory bowel disease. Gastroenterology 1996; 110 : 975–84. [Google Scholar]
- Singh B, Read S, Asseman C, et al. Control of intestinal inflammation by regulatory T cells. Immunol Rev 2001; 182:190–200. [Google Scholar]
- MacPherson G, Milling S, Yrlid U, et al. Uptake of antigens from the intestine by dendritic cells. Ann NY Acad Sci 2004; 1029 : 75–82. [Google Scholar]
- Mellor AL, Munn DH. IDO expression by dendritic cells: tolerance and tryptophan catabolism. Nat Rev Immunol 2004; 4 : 762–74. [Google Scholar]
- Estes JD, Li Q, Reynolds MR, et al. Premature induction of an immunosuppressive regulatory T cell response during acute simian immunodeficiency virus infection. J Infect Dis 2006; 193 : 703–12. [Google Scholar]
- Hryniewicz A, Boasso A, Edghill-Smith Y, et al. CTLA-4 blockade decreases TGF-beta, IDO, and viral RNA expression in tissues of SIVmac251-infected macaques. Blood 2006; 108 : 3834–42. [Google Scholar]
- Fallarino F, Grohmann U, Vacca C, et al. T cell apoptosis by tryptophan catabolism. Cell Death Differ 2002; 9 : 1069–77. [Google Scholar]
- Day CL, Kaufmann DE, Kiepiela P, et al. PD-1 expression on HIV-specific T cells is associated with T-cell exhaustion and disease progression. Nature 2006; 443 : 350–4. [Google Scholar]
- Trautmann L, Janbazian L, Chomont N, et al. Upregulation of PD-1 expression on HIV-specific CD8+ T cells leads to reversible immune dysfunction. Nat Med 2006; 12 : 1198–202. [Google Scholar]
- Petrovas C, Casazza JP, Brenchley JM, et al. PD-1 is a regulator of virus-specific CD8+ T cell survival in HIV infection. J Exp Med 2006; 203 : 2281–92. [Google Scholar]
- Velu V, Kannanganat S, Ibegbu C, et al. Elevated expression levels of inhibitory receptor programmed death 1 on simian immunodeficiency virus-specific CD8 T cells during chronic infection but not after vaccination. J Virol 2007; 81 : 5819–21. [Google Scholar]
- Petrovas C, Price DA, Mattapallil J, et al. SIV-specific CD8+ T cells express high levels of PD1 and cytokines but have impaired proliferative capacity in acute and chronic SIVmac251 infection. Blood 2007; 110 : 928–36. [Google Scholar]
- Ishida Y, Agata Y, Shibahara K, Honjo T. Induced expression of PD-1, a novel member of the immunoglobulin gene superfamily, upon programmed cell death. EMBO J 1992; 11 : 3887–94. [Google Scholar]
- Parry RV, Chemnitz JM, Frauwirth KA, et al. CTLA-4 and PD-1 receptors inhibit T-cell activation by distinct mechanisms. Mol Cell Biol 2005; 25 : 9543–53. [Google Scholar]
- Schleifer K, Mansfield JM. Suppressor macrophages in African trypanosomiasis inhibit T cell proliferative responses by nitric oxide and prostaglandins. J Immunol 1993; 151 : 5492–503. [Google Scholar]
- Terabe M, Matsui S, Park JM, et al. Transforming growth factor-beta production and myeloid cells are an effector mechanism through which CD1d-restricted T cells block cytotoxic T lymphocyte-mediated tumor immunosurveillance: abrogation prevents tumor recurrence. J Exp Med 2003; 198 : 1741–52. [Google Scholar]
- Cumont MC, Monceaux V, Viollet L, et al. TGF-beta in intestinal lymphoid organs contributes to the death of armed effector CD8 T cells and is associated with the absence of virus containment in rhésus macaques infected with the simian immunodeficiency virus. Cell Death Differ 2007; 14 : 1747–58. [Google Scholar]
- Lévy Y. Immunothérapie de l’infection par le VIH par l’utilisation de cytokines : un état des lieux. Med Sci (Paris) 2006; 22 : 751–4. [Google Scholar]
- Courgnaud V, Müller-Trutwin M, Sonigo P. Évolution et virulence des lentivirus de primates. Med Sci (Paris) 2004; 20 : 448–52. [Google Scholar]
- Martinez V, Autran B. Les HIV controllers : une nouvelle entité évolutive de l’infection par le VIH ? Med Sci (Paris) 2008; 24 : 7–9. [Google Scholar]
- Trautmann L, Chomont N, Sékaly RP. L’inhibition de la voie PD-1 permet de restaurer les fonctions effectrices des lymphocytes spécifiques du VIH. Med Sci (Paris) 2007; 23 : 24–5. [Google Scholar]
Liste des figures
Figure 1. Voies biochimiques impliquées dans la survenue de l’apoptose. En réponse à des signaux induits soit via les récepteurs de mort (voie dite extrinsèque), soit via des signaux environnementaux (voie dite intrinsèque), une déstabilisation de la balance entre les protéines de survie (anti-apoptotiques) et les protéines de mort (pro-apoptotiques) survient. Ce mécanisme de dérégulation peut impliquer ou non une transcription des gènes codant ces protéines. Ces protéines pro-apoptotiques entraînent la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie, conduisant à la libération de facteurs apoptogènes mitochondriaux comme le cytochrome C, Smac/DIABLO, ou OMI/HtrA2. In fine, cette libération est associée à l’activation de protéases dénommées caspases participant à la mort par apoptose de la cellule. |
|
Dans le texte |
Figure 2. Mécanismes de mort des lymphocytes T CD8 au cours de l’infection par le SIVmac. Nous montrons une augmentation de l’expression : (1) du TGF-β par les CPAg dans les ganglions mésentériques ; (2) de l’enzyme IDO, enzyme impliquée dans le métabolisme du tryptophane ; et (3) de la molécule PD-1 à la surface des lymphocytes T CD8, molécule impliquée dans le catabolisme du glucose. L’ensemble de ces signaux conduit à une stabilisation de la protéine p53 (phosphorylation sur la sérine 15), et à une augmentation de l’expression des protéines pro-apoptotiques Bax, Bak et PUMA. Ces protéines sont directement impliquées dans la perméabilisation de la membrane externe de la mitochondrie et la mort par apoptose des lymphocytes T CD8 effecteurs/mémoires (EM). |
|
Dans le texte |
Figure 3. Modèle proposé d’évolution chez des individus dont la maladie progresse rapidement (non controllers) ou non (controllers). Chez le macaque, pour les individus dits controllers (A) la persistance de lymphocytes T CD8 permettrait de contrôler la dissémination virale des ganglions mésentériques vers les organes secondaires et l’intestin (trait rouge pointillé). Ainsi, il en résulte dans la périphérie une faible activation lymphocytaire considérée comme un facteur de bon pronostic. À l’inverse, chez les individus dits non controllers (B), l’augmentation des facteurs immunosuppresseurs entraîne la mort par apoptose des lymphocytes T CD8, incapables de prévenir la dissémination du virus vers les autres tissus (trait rouge épais), et conduisant à une réactivité lymphocytaire plus importante qui est corrélée avec la réplication virale |
|
Dans le texte |
Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.
Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.
Initial download of the metrics may take a while.