Open Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 41, Number 4, Avril 2025
Page(s) 374 - 379
Section Repères
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2025044
Published online 28 April 2025

© 2025 médecine/sciences – Inserm

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Vignette (© Pierre Brousset).

La survenue d’une hémopathie maligne en cours de grossesse est un événement rare, qui constitue un véritable défi médical à différents niveaux (Figure 1). Tout d’abord, le diagnostic peut être retardé, les symptômes de la maladie se confondant parfois avec ceux de la grossesse. De plus, la présence du fœtus nécessite une attention particulière quant aux risques que peuvent représenter des traitements, ou des interventions diagnostiques, sur son développement (risques malformatifs, prématurité spontanée ou induite, conséquences infantiles à long terme). Par ailleurs, la grossesse expose les patientes à certaines complications qui lui sont propres (éclampsie1, HELLP syndrome2, hémorragie de la délivrance) qu’il faut savoir reconnaître, surveiller et traiter. Face à ces enjeux complexes, une prise en charge multidisciplinaire impliquant en particulier hématologues, obstétriciens et anesthésistes est indispensable [1]. Ces spécialistes, peu habitués à travailler ensemble, doivent cependant collaborer étroitement, discuter des options thérapeutiques comme parfois de l’administration de chimiothérapies pendant la grossesse, planifier le traitement et assurer un suivi adapté. Enfin, le diagnostic d’une hémopathie maligne, particulièrement chez des jeunes patientes sans antécédents notables, provoque un bouleversement du parcours de vie souvent d’une grande brutalité, nécessitant un accompagnement psychologique et social.

thumbnail Figure 1

Principaux objectifs et défis de la prise en charge des patientes diagnostiquées d’une hémopathie maligne en cours de grossesse. RCIU: retard de croissance intra-utérin; MFIU: mort foetale in utero.

La complexité de ces situations se heurte à une quantité limitée de données. La littérature médicale existante sur le sujet repose principalement sur des avis d’experts et l’analyse de cohortes essentiellement rétrospectives aux effectifs limités [2]. Il est donc impératif d’approfondir notre compréhension de ces situations cliniques, non seulement pour optimiser la prise en charge des patientes et ajuster les dispositifs de soins, mais aussi pour identifier des pistes de recherche susceptibles d’améliorer le pronostic maternel, fœtal et infantile [3]. Dans cette revue, nous proposons une synthèse des enjeux maternels et fœtaux à considérer, suivie d’une présentation du réseau Hémapreg et des données maternelles issues du système national des données de santé (SNDS) sur les hémopathies malignes associées à la grossesse. Des perspectives de recherche épidémiologiques, translationnelles et fondamentales sur ce sujet sont discutées en conclusion.

Enjeux liés à la grossesse

Risques maternels

La progression de la grossesse est marquée par de profondes modifications physiologiques ayant pour but de permettre le développement fœtal et de préparer l’accouchement. Une tolérance immunologique est nécessaire à la croissance du fœtus. Elle se traduit par une immunodépression cellulaire modérée, en particulier au second trimestre, tandis que la réponse humorale demeure constante et que l’immunité innée est renforcée [4]. Le système cardiovasculaire est également impacté, avec une augmentation de 50 % du volume sanguin, une diminution du tonus vasculaire et une augmentation du débit cardiaque afin de permettre la perfusion placentaire. L’augmentation du débit de filtration rénale et l’accélération du métabolisme hépatique accompagnent ces changements. Par ailleurs, l’augmentation des facteurs de coagulation et du fibrinogène induit un état pro-coagulant, préparant au risque de saignements lors de l’accouchement. L’expansion de l’utérus avec la croissance du fœtus exerce une pression sur les structures voisines : elle diminue le retour veineux par compression de la veine cave inférieure, comprime les uretères, diminue les capacités respiratoires, et augmente la résistance à l’éjection cardiaque du fait d’une compression aortique [5].

Ces modifications physiologiques, bien qu’essentielles pour une grossesse normale, peuvent aggraver les complications liées aux hémopathies malignes et à leurs traitements. En effet, les risques infectieux, thrombotiques, hémorragiques, ainsi que les compressions d’organes ou vasculaires deviennent plus fréquents et plus graves dans ce contexte. À cela s’ajoutent des complications spécifiques à la grossesse nécessitant un diagnostic rapide et une prise en charge adaptée par des équipes multidisciplinaires.

Risques fœtaux

En parallèle des enjeux maternels au cours de la grossesse, le fœtus est également exposé à différents risques (Figure 2). La gestation se divise en trois trimestres, évalués en semaines d’aménorrhée (nombre de semaines écoulées depuis les dernières règles). Les différentes étapes sont : la conception, l’implantation, la période embryonnaire et la période fœtale. La période embryonnaire est essentielle pour l’organogenèse. L’exposition à des agents tératogènes, comme les chimiothérapies, pendant cette période jusqu’à 10 semaines d’aménorrhée peut être à l’origine de malformations congénitales majeures [6]. Dès 22 semaines d’aménorrhée, le fœtus est considéré comme viable. Toutefois, un enfant est considéré comme né à terme à partir de 37 semaines d’aménorrhée. Si la naissance a lieu avant ce terme, on parle de prématurité. Elle peut induire des complications qui sont d’autant plus importantes que cette dernière est sévère. Ainsi, elle entraîne un risque de morbidité et de mortalité néonatale plus important, ainsi que des complications potentielles à plus long terme, en particulier des retards neurodéveloppementaux [7, 8]. Par ailleurs, le fœtus est dépendant du support maternel pour son développement et sa survie. La survenue d’une hémopathie en cours de grossesse et le traitement éventuel peuvent être à l’origine de complications entraînant des retards de croissance intra-utérine ou encore des morts fœtales in utero.

thumbnail Figure 2

Principaux marqueurs temporels de la grossesse, définition de la prématurité et périodes de formation des principaux systèmes de l’organisme. OG : organes génitaux ; OGE : organes génitaux externes ; SNC : système nerveux central.

Rôle du placenta

Le placenta joue un rôle crucial dans les échanges entre la mère et le fœtus en fournissant les nutriments et les éléments essentiels. Il agit aussi comme une barrière protectrice après la période embryonnaire en filtrant les expositions potentiellement nocives pour le fœtus, y compris les médicaments et les virus. Cependant, la perméabilité de cette barrière placentaire dépend principalement des caractéristiques physico-chimiques des substances médicamenteuses et de l’activité des transporteurs membranaires tels que la glycoprotéine P, capable d’expulser activement ces composés hors des cellules trophoblastiques [9].

Enjeux liés aux hémopathies malignes

Hémopathies malignes : définition

Les hémopathies malignes sont des cancers caractérisés par une prolifération clonale des cellules issues des tissus hématopoïétiques : moelle osseuse, rate, foie, thymus, organes lymphoïdes primaires et secondaires. On distingue deux grands groupes d’hémopathies malignes. Les néoplasies myéloïdes comprennent, entre autres, les leucémies aiguës myéloïdes, les néoplasies myéloprolifératives, et les néoplasies myélodysplasiques [10]. Les néoplasies lymphoïdes comprennent les leucémies aiguës lymphoblastiques, les lymphomes de Hodgkin, les lymphomes non hodgkiniens B, T ou NK [11].

Épidémiologie des principales hémopathies malignes chez les femmes en âge de procréer

L’épidémiologie des principales hémopathies malignes évolue en fonction de différentes périodes de la vie. Chez la femme en âge de procréer (15 à 49 ans selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé), les hémopathies malignes représentent 12 % de l’ensemble des cas incidents de cancers (Tableau 1) [12]. Les trois diagnostics les plus fréquents d’hémopathie maligne dans cette population sont les lymphomes de Hodgkin (27 % des nouveaux diagnostics), les lymphomes B diffus à grandes cellules (16 %) et les leucémies aiguës myéloïdes (9 %). Compte tenu de cette épidémiologie, il est possible que le diagnostic d’hémopathie maligne soit posé au cours d’une grossesse pour certaines femmes.

Tableau I.

Incidence des différents cancers solides et hémopathies malignes en 2018 chez la femme en âge de procréer de 15 à 49 ans. L’incidence représente le nombre de nouveaux cas diagnostiqués au sein d’une population pendant une période définie. Ce taux d’incidence est standardisé sur la structure d’âge de la population mondiale et il est exprimé pour 100 000 personnes-années.

Prise en charge des hémopathies malignes

Les différentes hémopathies malignes sont caractérisées par une histoire naturelle, une évolution, et un risque de complications très variables. Par exemple, les leucémies aiguës (myéloïdes ou lymphoblastiques) ou les lymphomes agressifs sont des maladies agressives, pouvant être associées à des complications sévères, et menaçant généralement le pronostic vital des patients à très court terme en l’absence de traitement. À l’inverse, certains lymphomes indolents sont d’évolution lente, pouvant demeurer asymptomatiques et sans nécessité thérapeutique pendant de longues périodes, voire tout au long de la vie. De même, l’espérance de vie des patients atteints de leucémie myéloïde chronique est proche de celle des sujets non malades grâce à la prise, à vie, d’un traitement inhibiteur de tyrosine kinase.

Prise de décision thérapeutique

Lorsqu’une hémopathie maligne est diagnostiquée en cours de grossesse, il est nécessaire d’intégrer les enjeux maternels, fœtaux, et les caractéristiques propres à chaque hémopathie pour guider les décisions thérapeutiques. Chaque situation est nécessairement individualisée et les discussions doivent impliquer des hématologues, des obstétriciens, des pédiatres, des pharmacologues, des anesthésistes, des réanimateurs et des infectiologues. Cette prise en charge multidisciplinaire doit aboutir à un plan d’action clair qui doit être discuté et modulé en fonction des attentes et du vécu de la patiente et de sa famille pour permettre un choix éclairé et limiter au maximum les conflits moraux et éthiques inhérents à de telles situations.

De manière générale, la priorité est donnée au pronostic maternel, avec certains compromis ou modifications des protocoles thérapeutiques habituels afin de prendre en compte au mieux les conséquences fœtales éventuelles. Il est d’abord essentiel de déterminer la nécessité ou non d’un traitement en cours de grossesse, ainsi que son degré d’urgence. Dans les situations où le pronostic vital maternel est engagé à très court terme, le fait que la patiente soit enceinte ne doit pas retarder le traitement dans la mesure où la survie maternelle conditionne de toute façon la survie fœtale. Au premier trimestre de grossesse, si la situation clinique le permet, on privilégiera de retarder l’administration de chimiothérapie compte tenu du risque tératogène élevé de la plupart des traitements utilisés à ce terme. Dans les cas où un traitement est nécessaire au premier trimestre et expose à un haut risque malformatif, une interruption médicale de grossesse peut être discutée. Au troisième trimestre, la poursuite de la grossesse jusqu’à la délivrance naturelle pourra être discutée par rapport au déclenchement de l’accouchement afin d’éviter l’exposition du fœtus aux chimiothérapies et à d’éventuelles complications maternelles infectieuses qui pourraient mettre en jeu sa survie. Dans cette dernière situation, la décision doit prendre en considération les risques néonataux d’une prématurité induite, qui sont très élevés avant 32 semaines d’aménorrhée, et non nuls entre 32 et 36 semaines d’aménorrhée. Lorsqu’un traitement est nécessaire au deuxième trimestre, l’administration de schémas de traitements proches des standards utilisés chez les patientes non enceintes pour les différentes hémopathies est le plus souvent possible. Un environnement hautement spécialisé, réunissant en un même lieu maternité de niveau III (c’est-àdire rattaché à une réanimation néo-natale), soins intensifs hématologiques, et réanimation médicale est alors nécessaire pour gérer les situations les plus complexes, telles que le traitement d’induction d’une leucémie aiguë ou un syndrome cave supérieure, afin de pouvoir prendre en charge au plus vite certaines complications qui nécessiteraient une intervention obstétricale immédiate, et d’assurer les meilleures chances de survie maternelle et fœtale.

Au-delà des considérations de traitements spécifiques par chimiothérapie, les soins de support associés (traitements antiémétiques3, facteurs de croissance, transfusions, anti-infectieux), les modalités d’évaluation de l’efficacité thérapeutique (tomographie par émission de protons pour les lymphomes), et de surveillance sont également à adapter du fait de la grossesse, ajoutant une complexité supplémentaire.

Hemapreg : un réseau dédié à la prise en charge et à l’étude des hémopathies malignes associées à la grossesse

Pour répondre à ces besoins, le réseau Hemapreg4 a été créé en 2023 au sein de l’hôpital Cochin-Port Royal (assistance publique-hôpitaux de Paris) et implique désormais plusieurs centres en France.

L’ambition de ce réseau est de structurer à moyen terme la prise en charge à l’échelle nationale des hémopathies malignes associées à la grossesse. La première étape de cette démarche est active. Elle repose sur une réunion de concertation pluridisciplinaire, impliquant, entre autres, des hématologues, des obstétriciens, des pharmacologues, des anesthésistes. Cette réunion de concertation pluridisciplinaire peut être réalisée en visioconférence, le jour même si nécessaire, à la demande de tout professionnel de santé prenant en charge une patiente atteinte d’hémopathie maligne et souhaitant être guidé. À moyen terme, l’ambition est de réunir à l’échelle nationale l’ensemble des professionnels impliqués dans la prise en charge des patientes atteintes d’hémopathies malignes associées à la grossesse au sein du réseau, afin que les parcours de soins à l’échelle régionale soient établis avec des centres experts identifiés pour la prise en charge des patientes les plus complexes.

La seconde ambition de ce réseau est d’améliorer les connaissances sur ces situations rares, notamment par l’élaboration et la réalisation de projets de recherche fondamentale, translationnelle et clinique sur ces maladies.

Hémopathies malignes associées à la grossesse : morbidité et mortalité maternelle, les enseignements d’une étude du système national des données de santé

La première étude du réseau Hemapreg a utilisé le système national des données de santé (SNDS) pour évaluer à l’échelle de la population française l’épidémiologie des hémopathies malignes associées à la grossesse, ainsi que les données de morbidité et de mortalité maternelle. Le SNDS est une base de données de santé administrative française, qui sert initialement au remboursement de différents acteurs de santé, prestations de soins et médicaments [13]. Chaque individu affilié à l’assurance maladie est inclus dans cette base, ce qui représente la quasi-totalité des individus résidant en France. Audelà de sa fonction première, il constitue une base précieuse pour la recherche épidémiologique puisque ces données peuvent permettre de répondre à différentes questions épidémiologiques, en particulier pour des maladies rares.

Nous avons ainsi étudié les 9 996 523 grossesses qui ont été menées en France entre 2012 et 2022, et nous avons analysé les grossesses qui s’étaient compliquées d’une hémopathie maligne [14]. L’incidence des hémopathies malignes en cours de grossesse était de 4,13 pour 100 000 grossesses. Les principales hémopathies étaient le lymphome de Hodgkin (39,5 %), les leucémies aiguës (21,6 %) et les lymphomes non-hodgkiniens (11,6 %). Cette répartition était superposable à celle des patientes non enceintes atteintes d’hémopathies malignes. L’âge médian au diagnostic était de 30 ans. 20 % des patientes étaient diagnostiquées au premier trimestre, 34 % au second et 46 % au troisième trimestre. 54 % des patientes diagnostiquées au premier trimestre, et 25 % de celles diagnostiquées au second trimestre ont subi une interruption médicale de grossesse. Cinq fausses couches sont survenues, ainsi que deux morts fœtales in utero. L’un des résultats importants de cette étude a été de mettre en évidence que les femmes atteintes d’hémopathies malignes pendant la grossesse avaient la même probabilité de survie à long terme que les femmes non enceintes atteintes d’hémopathies malignes. Ainsi, la présence d’une grossesse au moment du diagnostic n’impacte pas négativement la survie à long terme de ces patientes, toute hémopathie confondue, mais également pour chaque sous type d’hémopathie.

Cependant, comme attendu, la morbidité maternelle sévère (26 % versus 2 %), les complications obstétricales et la prématurité (45 % versus 7 %) étaient significativement plus élevées dans la population des femmes enceintes atteintes d’hémopathie maligne en comparaison aux femmes enceintes indemnes de ces maladies. Les hémopathies agressives, en particulier les leucémies aiguës et les lymphomes agressifs, étaient logiquement celles pour lesquelles ces complications étaient les plus fréquentes. Pour chaque sous type d’hémopathie, les données de date de diagnostic, de devenir de grossesse (fausse couche, interruption médicale, accouchement, mort fœtale in utero), de survie, et de morbidité obstétricale et maternelle sont disponibles, constituant une source d’informations précieuses pour les cliniciens amenés à prendre en charge ces patientes. Le devenir des enfants nés vivants fait actuellement l’objet d’une étude dédiée.

Questions ouvertes et perspectives de recherche

Malgré ces données nouvelles, plusieurs zones d’ombre subsistent. Ainsi, les conséquences néo-natales et infantiles de la survenue d’une hémopathie maligne pendant la grossesse, et en particulier l’exposition in utero à certaines chimiothérapies et thérapies ciblées, sont encore insuffisamment documentées. Si des études sont rassurantes quant au risque malformatif lors des expositions à des toxiques au-delà de 12 semaines d’aménorrhée, ou encore sur le développement cognitif et comportemental des enfants issus de grossesses avec cancer maternel, les données spécifiques pour les hémopathies malignes manquent [15]. L’ampleur des séquelles maternelles à plus long terme, en particulier l’impact psychologique et social, ou encore sur la fertilité ultérieure, demeure également insuffisamment explorée.

Par ailleurs, si le système national des données de santé permet d’appréhender avec une vraie exhaustivité certains devenirs tels que la survie, l’une des principales limites est le manque de portée qualitative. Ainsi, les types de chimiothérapies reçues, les schémas d’administration, les profils cliniques, biologiques et moléculaires des différentes hémopathies, la réponse au traitement, la survie sans progression, les soins de support utilisés, le détail des complications infectieuses et leur gestion ne sont pas accessibles. Un registre national rétrospectif et prospectif est en cours de réalisation afin de pallier ces carences.

D’un point de vue translationnel, il n’est pas établi si les profils moléculaires et les caractéristiques des hémopathies malignes pendant la grossesse diffèrent de celles survenant en dehors de cette catégorie d’âge. En effet, l’impact des conditions particulières de la grossesse, en particulier la très forte imprégnation en hormones sexuelles ou encore les modifications du système immunitaire, sur l’émergence, l’évolution et l’éventuelle résistance au traitement de ces hémopathies, est inconnu. Enfin, presque tous les essais cliniques prospectifs interventionnels excluent d’emblée les patientes enceintes. Si les appréhensions liées à l’utilisation de traitements innovants, dont les effets sont inconnus pendant la grossesse, sont légitimes, il paraît cependant nécessaire de repenser et redéfinir les schémas des essais thérapeutiques en intégrant cette population très particulière. En effet, la grossesse ne dure qu’un temps limité, mais le traitement de la plupart des hémopathies est réalisé sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Il serait ainsi judicieux d’envisager l’inclusion des femmes enceintes dans un groupe distinct au sein des essais : le traitement standard serait administré pendant la grossesse conformément à la pratique actuelle, tandis que l’introduction de traitements expérimentaux se ferait après l’accouchement. Cette méthode offrirait aux patientes l’accès à des thérapies innovantes susceptibles de transformer radicalement le pronostic des maladies pour lesquelles les options thérapeutiques actuelles sont limitées. Cette approche contribuerait à équilibrer les besoins en sécurité et en innovation, tout en améliorant la représentativité et la pertinence des résultats des essais cliniques pour cette population spécifique.

Conclusion

La survenue d’une hémopathie maligne durant la grossesse est un défi médical, psychologique et éthique significatif, nécessitant une prise en charge multidisciplinaire et une adaptation des protocoles thérapeutiques pour assurer la sécurité de la mère et du fœtus. En combinant expertise clinique, données épidémiologiques solides et recherches innovantes, il est possible de poser les bases d’une prise en charge optimale pour cette population vulnérable.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt avec les données publiées dans cet article.


1

La pré-éclampsie est l’association d’une hypertension artérielle au-delà de 140/90 et d’une protéinurie au-delà de 0,3 g/24 h après 20 semaines d’aménorrhée. L’éclampsie est une complication maternelle de la pré-éclampsie se caractérisant par une crise convulsive tonico-clonique généralisée liée à l’hypertension artérielle et généralement à des à-coups tensionnels et à un œdème cérébral.

2

En obstétrique, le HELLP syndrome est une complication de la pré-éclampsie, d’évolution imprévisible, associant une hémolyse, une thrombopénie et une cytolyse hépatique dont la résolution est permise par l’accouchement.

3

Les antiémétiques sont des médicaments qui s’opposent aux vomissements.

4

hemapreg.org

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Liste des tableaux

Tableau I.

Incidence des différents cancers solides et hémopathies malignes en 2018 chez la femme en âge de procréer de 15 à 49 ans. L’incidence représente le nombre de nouveaux cas diagnostiqués au sein d’une population pendant une période définie. Ce taux d’incidence est standardisé sur la structure d’âge de la population mondiale et il est exprimé pour 100 000 personnes-années.

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Principaux objectifs et défis de la prise en charge des patientes diagnostiquées d’une hémopathie maligne en cours de grossesse. RCIU: retard de croissance intra-utérin; MFIU: mort foetale in utero.

Dans le texte
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Principaux marqueurs temporels de la grossesse, définition de la prématurité et périodes de formation des principaux systèmes de l’organisme. OG : organes génitaux ; OGE : organes génitaux externes ; SNC : système nerveux central.

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