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Med Sci (Paris)
Volume 41, Number 1, Janvier 2025
Les mots de la science
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Page(s) | 68 - 68 | |
Section | Repères | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024172 | |
Published online | 31 January 2025 |
La pléiotropie antagoniste et le paradoxe de la sénescence
The antagonistic pleiotropy and the paradox of senescence
Centre de recherche sur l’inflammation Inserm U1149, université Paris Cité faculté de médecine, site Bichat, Paris, France
La Pléiotropie est l’expression de plusieurs effets induits par un seul élément. En pharmacologie, la pléiotropie d’un principe actif s’illustre par ses différents effets sur des cibles variées. En génétique, un gène ou une protéine est dit(e) pléiotrope lorsqu’il ou elle a des fonctions différentes, par exemple selon le type cellulaire dans lequel il ou elle s’exprime. Une mutation d’un gène peut entraîner des signes cliniques multiples qui seront alors dits pléiotropes. À titre d’exemple, une mutation du gène codant la fibrilline 1 peut être à l’origine du syndrome de Marfan. Celui-ci associe une grande taille et une hyperlaxité ligamentaire à d’autres signes cliniques, comme une luxation du cristallin, des anévrysmes artériels ou un pneumothorax récidivant, autant de tissus ciblés par l’altération du tissu conjonctif induite par la mutation, commune à tous ces organes. Lorsque les effets d’une mutation sont a priori opposés, par exemple, délétères pour une fonction et bénéfiques pour d’autres, on parle de pléiotropie antagoniste. Prenons l’exemple de la mutation de type S du gène codant l’hémoglobine. Celle-ci entraîne un changement de forme des globules rouges (en forme de faucille), à l’origine d’une maladie, la drépanocytose, responsable d’une anémie et d’atteintes vaso-occlusives ; mais elle est également responsable d’une résistance à la forme la plus grave du paludisme. Cette pléiotropie antagoniste a entraîné un avantage sélectif des porteurs de la mutation en Afrique, d’où la surreprésentation de la drépanocytose dans les régions endémiques du vecteur de la maladie, Plasmodium falciparum. Les études du génome à grande échelle ont permis d’identifier de nombreux autres exemples de pléiotropie antagoniste, comme certains locus favorables à la reproduction mais associés à un risque plus élevé de coronaropathie [1]. La pléiotropie antagoniste est également illustrée dans une des théories du vieillissement, développée par le biologiste américain GC Williams dans les années cinquante. Pour expliquer pourquoi la sélection naturelle n’a pas éliminé la sénescence, G. Williams a émis l’hypothèse que certains gènes ou certaines mutations avaient des effets bénéfiques au début de la vie (sur la croissance ou la reproduction par exemple) et délétères en fin de vie. Cette pression positive fait que les mutations sont transmises à la descendance et s’accumulent ainsi au fil des générations, échappant à la sélection naturelle. Ainsi, si la sénescence cellulaire apparaît comme un rempart anticancéreux, empêchant la prolifération anormale de cellules mutées et stimulant la réponse immunitaire, l’accumulation des cellules sénescentes modifie le microenvironnement et favorise le développement tumoral [2, 3] (→).
(→) Voir les Synthèses de O. Bischof et al., m/s n° 2, février 2009, page 153, et de E. Goy et C. Abbadie, m/s n° 3, mars 2018, page 223
Le gène TP53 (tumor protein 53) est un exemple de cette pléiotropie antagoniste et du paradoxe de la sénescence. En effet, en début de vie, ce gène connu pour être un suppresseur de tumeur, confère un avantage sélectif en induisant la sénescence des cellules mutées ou endommagées, ce qui limite le développement tumoral. Cependant, il limite également le renouvellement de cellules souches et participe ainsi au vieillissement.
Références
- Byars SG, Huang QQ, Gray LA, et al. Genetic loci associated with coronary artery disease harbor evidence of selection and antagonistic pleiotropy. PLoS Genet 2017 ; 13 : e1006328. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Bischof O, Dejean A, Pineau P. Une re-vue de la sénescence cellulaire. Med Sci (Paris) 2009 ; 25 : 153–60. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
- Goy E, Abbadie C. Sénescence et cancer : Double jeu. Med Sci (Paris) 2018 ; 34 : 223–30. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
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