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Issue
Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 1, Janvier 2024
La cavité orale et les dents au cœur de la santé
Page(s) 30 - 34
Section M/S Revues
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2023192
Published online 01 February 2024

© 2024 médecine/sciences – Inserm

Vignette (© Thibault Canceill).

Les maladies rares

En Europe, une maladie est qualifiée de rare lorsqu’elle affecte moins d’une personne sur 2 000. Plus de 7 000 maladies rares différentes sont recensées et, à elles toutes, on estime qu’elles concernent une personne sur vingt en France. La moitié d’entre elles touche des enfants dès la naissance ou les premières années de vie, 80 % sont d’origine génétique, et elles sont pour beaucoup sévères, chroniques, handicapantes et sources d’une réduction importante de la qualité de vie. Elles présentent les caractéristiques communes d’être souvent méconnues des professionnels de santé de première ligne, conduisant à une errance diagnostique. Prises en charge par une poignée de professionnels experts, elles nécessitent un parcours de soins pluriprofessionnel et pluridisciplinaire, et disposent de peu de traitements curatifs.

Les plans nationaux maladies rares

Depuis 2005, des plans de santé publique se succèdent afin d’améliorer le diagnostic, la prise en charge, le parcours de soins, l’accompagnement médico-social, l’enseignement et la formation, l’information, la recherche, la mise à disposition de nouveaux traitements et les collaborations internationales relatives aux maladies rares.

Parmi les très nombreuses actions mises en place, la labellisation d’équipes de professionnels de santé, experts dans la prise en charge de groupes de maladies rares, est au cœur du dispositif. Ce sont ainsi 122 réseaux nationaux, les Centres de référence maladies rares (CRMR), qui sont aujourd’hui reconnus pour leur expertise ; des missions de coordination, d’expertise, de recours, de formation et d’information, de recherche leur sont confiées. Chaque CRMR est constitué d’un site coordonnateur, éventuellement d’un ou plusieurs sites constitutifs qui l’assistent dans ses missions, et de Centres de compétence maladies rares (CCMR) ou Centres de ressource et de compétence (CRC) formant un maillage territorial.

Afin de soutenir et coordonner leurs actions, 23 filières nationales ont été créées en 2014. Chacune regroupe plusieurs réseaux nationaux de CRMR dans une logique d’organe, de système ou de conséquences communes ; elle comprend également les laboratoires de diagnostic, les équipes de recherche, les associations de personnes malades et toute autre structure de son périmètre de maladies.

La filière TETECOU coordonne les acteurs impliqués dans le diagnostic, la prise en charge, la recherche, la formation et l’accompagnement des malformations de la tête, du cou et des dents ( Figure 1 ).

thumbnail Figure 1.

Les 23 filières de santé maladies rares.

Les malformations de la tête, du cou et des dents

Les malformations de la tête, du cou et des dents regroupent plus de 2 100 maladies rares, malformations isolées ou présentes dans le cadre de syndromes affectant également les os, la peau, les reins, ou encore le système digestif. Elles comprennent des malformations cranio-faciales, maxillo-faciales, oto-rhino-laryngologiques (ORL), cervico-faciales et des voies aéro-digestives supérieures, des tumeurs congénitales et des anomalies tissulaires de la tête et du cou, des anomalies de la cavité buccale et des dents. Leurs origines sont diverses : génétiques, environnementales, infectieuses, tératogènes, ischémiques ou multifactorielles. Ces affections sont malformatives, congénitales, diagnostiquées in utero, à la naissance ou dans les premières années de vie ( Figure 2 ).

thumbnail Figure 2.

Les malformations de la tête, du cou et des dents.

Elles génèrent des atteintes fonctionnelles multiples et intriquées (audition, vision, respiration, olfaction, gustation, mastication, déglutition, phonation, articulation, sourire et expressions faciales), esthétiques et psychologiques (morphologie du visage et de la tête, identité, regard de l’autre). Elles mettent en jeu le pronostic vital et fonctionnel, la croissance, le développement psychomoteur et intellectuel, et peuvent engendrer des situations de handicap affectant la qualité de vie, la vie familiale et l’intégration sociale, scolaire et professionnelle.

Leur prise en charge est majoritairement pédiatrique, du fœtus jusqu’à la fin de la croissance, et quasi-exclusivement chirurgicale avec une pluridisciplinarité des expertises. Elles nécessitent des interventions lourdes, multiples, itératives et de nombreux actes médicaux, odontologiques et paramédicaux.

La filière de santé maladies rares des malformations de la tête, du cou et des dents

La filière TETECOU est composée de cinq réseaux de prise en charge :

  • le CRMR des craniosténoses et malformations craniofaciales (CRANIOST),

  • le CRMR des fentes et malformations faciales (MAFACE),

  • le CRMR des malformations ORL rares (MALO),

  • le CRMR des maladies rares orales et dentaires (O-Rares),

  • le CRMR des syndromes de Pierre Robin et des troubles de succion-déglutition congénitaux (SPRATON).

Cela représente 104 équipes pluridisciplinaires de professionnels soignants, réparties dans 34 villes de métropole et outre-mer.

Les Centres maladies rares prennent en charge les patients et leurs familles. Pour ceux porteurs de plusieurs malformations ou maladies, cette prise en charge est transversale entre plusieurs Centres d’une même ou de filières différentes ( Figure 3 ).

thumbnail Figure 3.

Les centres de référence des malformations de la tête, du cou et des dents.

La filière comprend également des laboratoires de diagnostic, des équipes de recherche, 33 associations de personnes malades et leurs familles, ainsi que différents partenaires.

La filière TETECOU entreprend des actions pour améliorer le diagnostic, réduire l’errance diagnostique, faciliter les parcours de soins et l’accompagnement médico-social, développer des traitements. Il s’agit par exemples de l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques, du développement de programmes d’éducation thérapeutique du patient, de la mise en place de réunions de concertation pluridisciplinaire entre les professionnels pour une prise de décision collégiale pour les cas les plus complexes, d’obtenir le remboursement de certains traitements par l’Assurance maladie.

Elle forme et informe tous les publics sur les malformations de la tête, du cou et des dents et leurs prises en charge, que ce soit par l’organisation d’évènements, la diffusion d’informations sur Internet, la communication sur les réseaux sociaux, la production de vidéos et de podcasts, l’élaboration de brochures.

Elle dynamise la recherche en finançant des projets et des innovations, en mettant en relation et favorisant les échanges entre les professionnels de santé, les chercheurs et les associations de personnes malades.

Maladies rares oro-faciales et qualité de vie

La santé orale, les dents, le visage, influencent pour chaque personne son rapport à l’autre et sans doute à lui-même aussi. Se soigner, ne pas se soigner, vivre toute sa vie avec le stigmate facial, est un handicap social qui, le plus souvent, n’engage pas le pronostic vital, mais limite ce qui peut définir soi parmi les autres.

Les anomalies rares oro-faciales touchant les dents, la cavité buccale et le visage sont nombreuses, bien que chaque maladie prise individuellement soit rare. Ces anomalies peuvent aller de quelques dents absentes à de sévères dysmorphoses cranio-faciales très invalidantes sur les plans fonctionnel et esthétique, avec pour exemples les syndromes de Pierre Robin associant fentes labiales et palatines, ou les craniosténoses. La complexité des maladies rares de la sphère oro-faciale est liée au nombre de maladies associées mais également à l’évolution des symptômes au cours de la vie du patient et à la localisation des symptômes affectant les fonctions vitales pouvant influer sur sa qualité de vie orale et générale. En effet, ces maladies, diagnostiquées en anténatal ou à la naissance, peuvent engager le pronostic vital et entraînent dans cent pour cent des cas des troubles fonctionnels, morphologiques et psychologiques. Elles génèrent des situations de handicap oral fonctionnel ainsi qu’une différence physique entraînant des répercussions inévitables sur la qualité de vie, l’intégration sociale, scolaire et professionnelle.

Pour Erving Goffman [1], « dans tous les cas de stigmates, on retrouve les mêmes traits sociologiques : un individu qui aurait pu aisément se faire admettre dans le cercle des rapports sociaux ordinaires possède une caractéristique telle qu’elle peut s’imposer à l’attention de ceux d’entre nous qu’il rencontre, et nous détourner de lui, détruisant ainsi le droit qu’il a vis-à-vis de nous du fait de ses autres attributs ». Le stigmate facial s’inscrit pleinement dans cette définition de Goffman qui, en dépit des années, n’a pas trouvé d’équivalent sémantique. Ce handicap oral qu’est le défaut facial, l’édentement ou autre signe malformatif visible « comme le nez au milieu de la figure », devient, car notre société est ainsi, un handicap social, et ce, même si le patient peut, ou semble pouvoir, malgré tout « fonctionner » dans sa vie quotidienne. Cette singularité du stigmate facial qui place le patient, même par ailleurs non réellement malade, doit-on alors l’appeler « patient » puisqu’il ne va pas nécessairement « de la mort à la guérison », mais devant être pour autant « réparé », « réhabilité », est une question centrale dans la prise en charge des patients de cette filière. Chez ces patients, les difficultés quant à leur estime d’eux-mêmes sont fréquentes, entraînant des défis d’intégration sociale autant sur les plans scolaire et professionnel que personnels et intimes. Les contraintes financières, dues à un remboursement insuffisant de la réhabilitation prothétique dentaire et aux coûts de déplacement vers des centres spécialisés, limitent l’accès aux soins pour de nombreuses familles.

Bien que des efforts aient été faits pour améliorer l’accès aux soins des patients souffrant de maladies rares en France, les défis financiers persistent, obligeant certaines familles à renoncer à des soins essentiels. Les politiques publiques doivent s’efforcer de garantir que les enfants ayant ces affections rares ne soient pas privés des soins majeurs pour leur bien-être et leur qualité de vie. Des études menées au sein de la filière ont montré le rôle majeur de la prise en charge psychologique des patients outre leur réhabilitation orale, point majeur de leur réparation sociale.

Des recherches complémentaires sont encore nécessaires pour formuler des recommandations précises en matière de santé publique, évaluer les coûts économiques et améliorer la prise en charge psychosociale des patients et de leurs proches.

Quelques ressources à connaître

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Goffman E. Stigmate. Les usages sociaux des handicaps. Paris : Les éditions de minuit, 1975. [Google Scholar]

Liste des figures

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Les 23 filières de santé maladies rares.

Dans le texte
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Les malformations de la tête, du cou et des dents.

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Les centres de référence des malformations de la tête, du cou et des dents.

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