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Med Sci (Paris)
Volume 39, Number 2, Février 2023
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Page(s) | 170 - 176 | |
Section | Repères | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2023004 | |
Published online | 17 February 2023 |
Peut-on affranchir la recherche biomédicale du modèle managérial ?
Can we save biomedical research from the managerial model?
University of Texas Southwestern Medical Center, Center for Hypothalamic Research and Department of Internal Medicine, Dallas, TX 75390-9077, États-Unis
* Laurent.gautron@UTSouthwestern.edu
L’article de Romain Brette, récemment publié dans médecine/sciences, décrivait le modèle managérial de la recherche biomédicale comme « profondément dysfonctionnel ». Nous souscrivons à cette critique et apportons dans ce nouvel article, des éléments de réflexion complémentaires quant à la légitimité du modèle managérial. Nous soulevons en outre la question de la possibilité de s’affranchir de ce modèle, à la faveur d’un « laboratoire antibureaucratique », un environnement au sein duquel la prise de décision reposerait sur les motivations intrinsèques du chercheur plutôt que sur la nécessité de rentrer dans le moule des critères appliqués par des comités d’évaluation. Il est également argumenté que l’avènement du « laboratoire antibureaucratique » serait favorisé par la création d’agences de financement qui seraient pluralistes. Il est également prédit que la recherche biomédicale ne sera sauvée qu’au prix d’une (r)évolution des mentalités de tous les acteurs de la recherche.
Abstract
This article reflects on the disastrous effects that the managerial model had on contemporary biomedical research. It is argued that the time has come to reinvent an “antibureaucratic laboratory” which favors decision-making based on the intrinsic values of the researcher rather than the need to please external committees. Towards achieving this goal, governmental agencies should rely less on peer review and adopt new funding mechanisms. It is also predicted that the advent of the antibureaucratic laboratory” will only come at the cost of a revolution in the mentalities of all those involved in research.
© 2023 médecine/sciences – Inserm
Vignette (© Inserm).
Le laboratoire-entreprise
Peut-on affranchir la recherche biomédicale du modèle managérial ? C’est la question que l’on se pose à la lecture d’un article fort intéressant publié dans médecine/sciences [1] (→).
(→) Voir le Repères de R. Brette, m/s n° 1, janvier 2022, page 84
Dans cet article, Romain Brette regrette le modèle managérial de la recherche en déplorant le fait que le « laboratoire de recherche soit géré comme une petite entreprise ». Il s’agit d’un laboratoire alors asservi à des objectifs chiffrés, sous la forme de nombre de publications, de subventions et de divers indicateurs de performances. Le laboratoire-entreprise satisfaisant à ces objectifs est récompensé par des postes, des crédits et des médailles. Conséquence directe de ce modèle managérial, l’obtention de crédits de recherche n’a jamais été aussi compétitive. Nul n’est besoin de rappeler aux chercheurs français que le taux de réussite aux appels d’offres de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est tombé en 2014 à seulement 10 % des demandes [2]. Aussi, le modèle managérial a inévitablement favorisé la précarité. Aux États-Unis, par exemple, la durée moyenne d’une carrière académique est passée de trente-cinq ans à cinq ans entre les années 1960 et 1990 [3]. Cette compétition est, en parallèle, étroitement pilotée par un appareil bureaucratique en expansion permanente, à la fois au sein des universités et dans les agences gouvernementales de financement. Pour expliquer une telle inflation bureaucratique, Grahame Lock, de l’université d’Oxford (Royaume-Uni), utilisait la métaphore de l’administrateur qui évalue la qualité d’un repas sans avoir recours au sens du goût [4]. Cet administrateur fictif collectait une montagne de données quantitatives, telles que le temps de cuisson du repas, la teneur en sel des ingrédients, etc., pour se faire une idée de la qualité du repas. La gestion d’une telle montagne d’informations nécessite toujours plus de personnel. Sans généraliser, la qualité des programmes de recherche est évaluée de la même façon, par de nombreux organismes de financement et de pilotage de la recherche. Le European Research Council (ERC) a ainsi été sévèrement critiqué pour sa lourdeur bureaucratique [5]. Face à une telle inflation bureaucratique, d’après une enquête américaine, les chercheurs eux-mêmes se trouvent obligés de consacrer autant de temps aux tâches administratives et à l’écriture de demandes de subventions qu’à réellement « faire de la recherche » [6].
Voilà ce qu’est devenue la recherche biomédicale contemporaine, même si ces modalités d’application varient selon les pays et les institutions. Nous ne discuterons pas dans cet article les problèmes structurels propres à la France. Il faut néanmoins remarquer qu’aux problèmes liés au modèle managérial, s’ajoutent, en France, un sous-investissement chronique et un dirigisme centralisé qui en aggravent les effets néfastes [7]. L’article de Romain Brette évoque judicieusement les divers maux qui affectent le laboratoire-entreprise : diminution d’autonomie du chercheur, incohérence, frein à l’originalité [1]. Tout en souscrivant sans réserve à cette critique, nous voudrions, dans un premier temps, insister sur l’état inquiétant de la recherche biomédicale mondiale, et, dans un deuxième temps, nous interroger sur la possibilité de s’affranchir du modèle managérial.
Le modèle managérial est-il légitime ?
Les rapports d’activité de l’ANR décrivent le financement compétitif sur projets, pierre angulaire du modèle managérial, comme une valeur ajoutée et suggèrent que tous les grands pays de recherche devraient l’adopter. Paradoxalement, le modèle managérial de la recherche biomédicale est vivement contesté depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, alors même que ces pays sont pris pour exemple dans le reste du monde. Par exemple, le biochimiste Michele Pagano de la New York University, écrivait que le modèle managérial « a encouragé trop de scientifiques à faire le moins de recherche possible en utilisant le plus d’argent possible, c’est-à-dire à se concentrer sur l’obtention de subventions plutôt qu’à mener à bien leurs recherches » [8]. Le but de la première partie de cet article n’est pas de répéter les critiques déjà faites par nos collègues, mais de nous interroger sur la légitimité même du modèle managérial. En effet, comme Romain Brette nous le rappelait, ce modèle n’a pas toujours existé. L’économiste suisse Mathias Binswanger écrivait que les universités d’avant le modèle managérial étaient peuplées de scientifiques allant du génie au canard boiteux [5]. Ceux-ci n’étaient pas soumis à une évaluation formelle et, d’ailleurs, il était très difficile de les distinguer les uns des autres. Si les rivalités et les contraintes de types financières ou hiérarchiques ont toujours existé, le travail du scientifique était alors régi sur des principes aux antipodes du « laboratoire-entreprise ». La recherche d’avant le modèle managérial nous a pourtant donné la théorie des germes, le cycle de Krebs, l’anesthésie, les rayons X, la structure de l’ADN, etc.
L’argument principal des défenseurs du modèle managérial est que la compétition est le prix nécessaire à payer pour une recherche de qualité. Cette façon de penser se reflète dans le financement compétitif qui prétend sélectionner les meilleurs ; sous-entendu les meilleurs chercheurs et projets de recherche. Le processus de sélection des meilleurs recouvre la notion dite d’excellence. Sans être défini, le terme d’« excellence » apparaît 41 fois dans le rapport de 92 pages de l’ANR de 20191. Il existe des chaires, des bourses, des formations, et même des équipements dits d’excellence. Or, comme le remarquait Mathias Binswanger, la notion d’excellence engendre une compétition fondée sur des critères arbitraires, dont on ne sait en rien s’ils sélectionnent les meilleurs [5]. C’est pour cela qu’il n’hésitait pas à décrire l’excellence académique comme un concept absurde et mensonger car il est utilisé comme prétexte pour pousser les chercheurs à être artificiellement productifs [5]. Concrètement, le processus de sélection des meilleurs s’appuie sur l’évaluation par les pairs. A priori, demander à des experts d’évaluer la qualité d’un projet de recherche dans leur domaine semble raisonnable. Cependant, les choses se compliquent lorsque l’on se fie seulement à une poignée d’évaluateurs car, sur le plan strictement statistique, il faudrait le nombre effarant de 38 416 évaluateurs pour évaluer un projet avec une marge d’erreur acceptable [9], ce qui n’est évidemment pas envisageable. Il est largement admis que les résultats de l’évaluation de projets en biologie et médecine diffèrent énormément en fonction des évaluateurs au point d’être quasi aléatoires [10–12]. Il ne s’agit pas d’un jugement personnel mais d’une observation fondée sur des analyses chiffrées démontrant que les classements entre différents comités d’experts ne sont pas fiables. De surcroît, il n’existe qu’une très faible corrélation entre le score décerné par les comités d’évaluation et l’impact bibliométrique subséquent d’un projet [13]. Comme le disait le sociologue suédois Olof Hallonsten, prédire le futur impact d’un projet scientifique s’avère une tâche futile et contre-productive, quels que soient la méthode utilisée ou le degré d’expertise des évaluateurs [14]. Il nous rappelait que « les plus grandes inventions et découvertes du passé n’auraient jamais pu être prédites et évaluées a priori en utilisant nos indicateurs de performances contemporains, et n’auraient jamais eu lieu si le financement de la science avait été autrefois basé sur le court-termisme et l’utilitarisme actuels » [14]. Pour cette raison, le bien-fondé du processus d’évaluation de nombreuses agences de financement et de pilotage de la recherche est régulièrement remis en cause [15]. En d’autres termes, le modèle managérial s’appuie sur une fausse sélection des meilleurs et, en conséquence, se disqualifie automatiquement en prétendant pouvoir évaluer ce qui n’est pas évaluable.
Pourtant, selon Valérie Pécresse, ancienne ministre de la Recherche, « l’ANR a été créée pour soutenir l’énergie, l’audace et la créativité scientifiques partout où elles se trouvent » [16]. Intuitivement, on peut se demander comment un système qui « manie la carotte et le bâton » peut stimuler la créativité intellectuelle ? L’histoire des sciences pointe vers une autre réalité : les découvertes scientifiques majeures ont souvent été initialement rejetées ou ignorées par les pairs [17]. Il en va de même pour le financement de projets fondé sur l’évaluation par les pairs. Dans les années 1990, Francisco Mojica de l’université d’Alicante (Espagne) était l’un des premiers à avoir identifié le rôle « immunitaire » des séquences CRISPR (clustered regularly interspaced short palindromic repeat) chez des bactéries halophiles. Ses demandes de subventions de l’époque auprès du gouvernement espagnol furent rejetées pendant des années car les évaluateurs avaient des doutes quant à l’utilité de ce type de recherche [18]. La découverte de CRISPR fut néanmoins récompensée, en 2020, par le prix Nobel de chimie, mais, ironie du sort, le prix fut remis à deux chercheuses, Emmanuelle Charpentier2 et Jennifer Anne Doudna, ignorant Mojica [46] (→).
(→) Voir le Repères de B. Jordan, m/s n° 1, janvier 2022, page 77
Il ne s’agit pas de dire que le modèle managérial est incompatible avec la créativité intellectuelle, mais de constater qu’il tend à favoriser le conformisme plutôt que « l’audace et la créativité ». Cet avis ne s’appuie pas seulement sur des anecdotes mais aussi sur des études chiffrées. Les chercheurs les plus cités, les projets hors des sentiers battus et les scientifiques les plus jeunes sont les moins susceptibles d’obtenir une subvention [13]. Ainsi, une étude statistique sur l’ANR de Marianne Lanoë (Groupe de recherche en économie théorique et appliquée, GRETHA, Bordeaux) concluait que « les chercheurs proposant une recherche nouvelle ou interdisciplinaire sont moins susceptibles de recevoir une subvention. Ces résultats sont en désaccord avec les buts affichés de l’ANR et appuient notre hypothèse selon laquelle les chercheurs qui ont effectué des recherches non conventionnelles ont tendance à être désavantagés pendant le processus d’évaluation » [19]. On entend parfois que si le modèle managérial était si dysfonctionnel que cela, la science ne progresserait plus. Il est clair que de grandes avancées scientifiques continuent de se faire (vaccins ARN, immunothérapies, etc.). Cela veut-il dire que la recherche biomédicale se porte bien ? Peut-être pas lorsque l’on garde à l’esprit qu’il n’y a jamais autant eu de chercheurs au monde (plus de 7 millions [20]) et de dépenses en recherche et développement (2,2 mille milliards de dollars US en 2019 [21]). Le problème est ailleurs : la recherche biomédicale progresse, grâce au dévouement et à la passion des chercheurs, mais en dépit du modèle managérial.
Les défenseurs du modèle managérial le disent aussi efficient puisqu’il empêche les pires projets d’être financés inutilement. L’efficience n’est pourtant pas une caractéristique intrinsèque du modèle managérial, bien au contraire : le processus de sélection des « meilleurs » est extraordinairement coûteux, sur les plans financier et humain. Par exemple, le coût administratif des demandes de subvention, rejetées par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), atteignait un total de 40 millions de dollars US en 2007 [22]. D’après une étude de 2009, le temps cumulé que tous les chercheurs australiens consacrent à la préparation de demandes de subventions auprès du National Health and Medical Research Council (NHMRC) atteignait l’équivalent vertigineux de 550 ans, pour l’ensemble des projets soumis cette année là [23]. De même, il avait été calculé que la productivité des chercheurs de la faculté de médecine de l’université du Manitoba (Canada) pourrait être augmentée de 50 % s’ils n’avaient pas à écrire de demandes de subventions [24]. N’est-ce pas là une perte injustifiée d’argent, de temps et d’énergie ? L’idée répandue selon laquelle le financement compétitif permettrait de mieux rendre des comptes à la société et d’éviter le gaspillage ne serait-elle pas fausse ?
La plupart des agences gouvernementales de financement sont dotées de chartes de déontologie et se targuent de promouvoir une culture de recherche intègre. Le manque de fiabilité de la recherche biomédicale est, en effet, devenu un sujet extrêmement préoccupant, du fait de ce qui est souvent décrit comme une crise de la reproductibilité [25]. De nombreuses initiatives visant à confirmer des études, considérées comme importantes dans les domaines biomédicaux, ont produit des résultats décevants, avec des taux de réplication souvent inférieurs à 50 % [25]. Parmi les causes immédiates de cette crise figurent les pratiques dites questionnables. Il s’agit de l’embellissement de données, du triturage statistique, ou du manque de diligence quant à la présentation de résultats, entre autres. Lorsque l’on interroge les chercheurs, au moins la moitié se disent coupables de pratiques questionnables [26]. Il faut néanmoins distinguer ces pratiques des pratiques de fraude qui désignent un acte malhonnête, comme la fabrication de données scientifiques. La meilleure façon d’estimer la prévalence de la fraude nous vient des enquêtes d’admission. Ces enquêtes consistent à interroger de façon anonyme des chercheurs quant à leur pratiques professionnelles. Une telle enquête récente, réalisée en 2022 auprès de 7 000 chercheurs néerlandais, la plus vaste dans ce domaine, indique qu’au moins 10 % de scientifiques dans le domaine biomédical admettent avoir fraudé dans le passé [26]. Les raisons de s’inquiéter sur la fiabilité et sur l’intégrité de la recherche biomédicale sont donc réelles. À lire ce qui précède, on peut se demander si le modèle managérial contribue à responsabiliser les chercheurs. Une analyse de Fanelli et al. montrait qu’il n’y a pas d’association entre la pression de publication et l’intégrité scientifique [27]. Au contraire, ces auteurs pensaient que le modèle anglo-saxon et l’évaluation par les pairs étaient des facteurs qui minimisaient la fraude. Toutefois, l’absence apparente de corrélation entre productivité scientifique et fraude pourrait être trompeuse : le chercheur qui peine à publier n’aurait-il pas, justement, plus de pression à manquer de rigueur, voire à frauder ? Cette étude montrait par ailleurs l’existence d’une corrélation entre prime monétaire à la publication et fraude, appuyant l’idée selon laquelle certaines méthodes managériales sont délétères. Lorsque l’on interroge les chercheurs de façon anonyme, ils reconnaissent que la raison principale qui les pousse à ignorer les bonnes pratiques de laboratoire est la compétition académique [26]. Or les mauvaises pratiques seraient contagieuses car elles procureraient un avantage compétitif au sein du modèle managérial [28]. Il semble donc évident que le modèle managérial favorise une culture de la négligence, voire de la malhonnêteté.
Comme nous l’avons vu, la légitimité même du modèle managérial est fortement remise en question. L’argument qui consiste à dire que le modèle managérial est souhaitable parce que les autres grands pays l’ont tous adopté, ne peut être recevable. Quelles preuves permettent de montrer que la réussite apparente des pays anglo-saxons en matière de recherche est liée à l’évaluation compétitive ? Ne serait-elle pas plutôt liée à des facteurs structurels inhérents à la culture et à l’organisation de la recherche dans ces pays ? La recherche dans ces pays ne serait-elle pas encore plus foisonnante si elle n’était pas entravée par un modèle managérial toxique ? Mais quelles sont les alternatives au modèle managérial ?
Un idéal antibureaucratique et pluraliste
Il aura fallu vingt-cinq ans à Max Perutz, lauréat du prix Nobel de chimie de 1962, pour élucider la structure de l’hémoglobine [29]. Max Perutz se vantait de « rarement planifier ses recherches » et, de surcroît, il défendait des valeurs aux antipodes de celles prônées par le modèle managérial, telles que la lenteur, la curiosité, l’égalitarisme et la collégialité [29]. Ainsi, lorsqu’il assurait la direction du Laboratory of Molecular Biology (LMB) du Medical Research Council de Cambridge (Royaume-Uni), Max Perutz mettait en application ses convictions. « Pas de politique, pas de comités, pas d’évaluateurs, seulement des chercheurs très motivés », disait-il [30]. Jusqu’en 1973, le LMB n’a disposé que d’un seul administrateur. Le LMB est ainsi emblématique du laboratoire antibureaucratique, dans le sens d’un environnement au sein duquel la prise de décision repose sur les motivations intrinsèques du chercheur plutôt que sur la nécessité de plaire à quelques éditeurs ou comités d’évaluation. Il ne s’agit pas d’un laboratoire déconnecté des intérêts de la société, mais plus d’un laboratoire déconnecté des façons de faire et de penser des mondes du business et de la bureaucratie. Le succès de ce laboratoire fut phénoménal : seize scientifiques affiliés au LMB ont reçu le prix Nobel. Le laboratoire antibureaucratique représente donc un idéal à atteindre pour sortir de la problématique managériale. Cependant, appliquer ce type de fonctionnement à large échelle apparaît difficile.
Certains chercheurs sont satisfaits du financement compétitif. Ils verraient d’un mauvais œil la dissolution des National Institutes of Health (NIH) ou de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Comment, alors, peut-on faire évoluer la recherche biomédicale vers un hypothétique laboratoire antibureaucratique ?
Il existe une myriade de modèles alternatifs fondés sur des principes philosophiques différents de ceux du modèle managérial. Citons, entre autres, les modèles de loterie [31], de financement mutualiste [1], de redistribution collective [32], de Fast Grant [33], et de vote citoyen [34]. Sans entrer dans les détails, tous ces modèles ont en commun une distribution des crédits de recherche plus égalitaire, plus démocratique, et moins bureaucratique, tout en donnant plus d’autonomie aux scientifiques. Par exemple, le modèle mutualiste décrit par Romain Brette [1], qui n’est pas sans rappeler le fonctionnement du LMB, consiste à laisser les chercheurs mettre en commun les ressources sur des projets de collaborations volontaires. Ce n’est pas non plus sans rappeler le modèle de redistribution collective, qui consiste à accorder à tous les chercheurs une allocation récurrente qu’ils se doivent de repartager en partie avec d’autres scientifiques de leur choix [32]. Il en découle une répartition des crédits fondée sur la sagesse collective de la communauté scientifique, plutôt que sur l’expertise d’une minorité d’évaluateurs. Le modèle de Fast Grant est aussi avantageux, car il a été spécifiquement adapté aux situations d’urgence. Dans ce modèle, un chercheur peut soumettre une demande en moins de trente minutes, obtenir une réponse dans les deux jours et recevoir les crédits une semaine plus tard [33]. Un autre modèle intrigant est celui du vote citoyen [34]. Il consiste à soumettre une liste de projets aux votes d’un groupe décentralisé de représentants d’une large gamme d’acteurs sociétaux plutôt que d’une minorité d’experts ou administrateurs. Le modèle de la loterie, quant à lui, est souvent mécompris. En effet, si les projets sont écrits et évalués comme auparavant, l’ajout d’une loterie pour départager les finalistes n’aurait que peu d’intérêt. Mais le modèle auquel nous faisons allusion est plus radical. Rappelons que l’évaluation de projets, telle qu’elle existe dans la plupart des agences de financement, nécessite de réunir des experts afin qu’ils rédigent un rapport, souvent détaillé, justifiant le financement (ou le rejet) d’un projet. Malheureusement, puisque le résultat de ce type d’évaluation est souvent quasi-aléatoire, il s’agit, en réalité, d’un système de loterie qui ne dit pas son nom.
Dans un véritable système de loterie, tel qu’on peut l’imaginer, le chercheur soumettrait un court dossier de façon anonyme. Les demandes initiales seraient triées, avant randomisation, sur des critères simples pour éviter de financer les projets trop incohérents, ou bâclés, ou hors-thématique. Cette première étape pourrait être conduite par un nombre restreint d’administrateurs ayant une formation scientifique, mais elle ne nécessiterait pas un rapport écrit par un comité d’experts. Ensuite, à l’instar du modèle de loterie néo-zélandais [35], un nombre serait attribué aléatoirement aux demandes jugées finançables et un ordinateur sélectionnerait les projets à financer dans les limites du budget disponible. Entre autres vertus, ce système de loterie permettrait de réduire les coûts de candidature [35]. La plupart des modèles que nous avons évoqués font l’économie partielle d’un budget administratif, qui peut alors être réinvesti dans le budget propre de recherche. Ils prônent également une part minimale de budget récurrent pour permettre aux laboratoires de fonctionner lors de périodes de disette financière.
Bien entendu, ces modèles alternatifs devraient être testés à petite échelle avant d’être appliqués plus largement. En fait, puisqu’aucun modèle n’est parfait, il serait logique de laisser coexister ces différents modèles au sein de futures agences de financement pluralistes, laissant les chercheurs choisir la méthode de sélection qui sera utilisée pour leurs projets. N’oublions pas que les besoins financiers, mais aussi les chances d’obtenir une subvention, varient considérablement entre chercheurs, selon les disciplines, les phénomènes de mode, le stade de leur carrière, l’environnement académique, etc. Le dossier soumis, selon des modalités de sélection non compétitives, devrait être court, ce qui réduirait le temps passé par le chercheur à son écriture. Dans ce nouveau système, le budget de l’agence pluraliste devrait être flexible et s’adapter chaque année aux vœux de sélection des chercheurs. Par exemple, si l’agence reçoit un quart de projets pour une sélection loterie, une proportion adéquate du budget (un quart, dans ce cas) sera dédiée à ce type de financement. En théorie, davantage de projets seraient donc financés. Ces projets devraient, de plus, être plus originaux car sélectionnés selon des mécanismes variés. Tous les projets ne pourront cependant pas être financés, et un tel système pluraliste aurait aussi des désavantages. Simplifier la bureaucratie pourrait, paradoxalement, inciter un trop grand nombre de chercheurs à soumettre des projets, diluant ainsi les montants attribués et réduisant le taux de succès à un niveau encore plus bas qu’aujourd’hui. C’est un problème qui nécessite des mécanismes d’ajustement, comme limiter le nombre de projets soumis par chercheur. Il serait ainsi intéressant d’instaurer des échelons de financement et des quotas, pour éviter les phénomènes de concentration injustifiée de crédits sur une thématique ou un laboratoire.
Le modèle pluraliste que nous proposons n’est pas tant une alternative radicale qu’une tentative de compromis pour minimiser les problèmes engendrés par un pilotage bureaucratique de la recherche. Les défauts du modèle pluraliste ne doivent cependant pas être prétextes à un statu quo. Une agence pluraliste éviterait nombre d’écueils et permettrait aux chercheurs de bénéficier d’un éventail de modes de financement adaptés à leurs besoins. Un paysage pluraliste suffirait-il à l’émergence du laboratoire antibureaucratique ? Il est difficile de l’affirmer, mais il permettrait de rompre avec l’hégémonie managériale.
Il semble que le modèle managérial sera encore appliqué pendant un certain temps. Aux États-Unis, d’éminents biologistes ont en effet régulièrement appelé à réformer la gouvernance et le financement de la recherche biomédicale [36], mais leurs propositions ont été ignorées. Pourquoi réformer la gouvernance de la recherche s’avère être aussi difficile ? En générale, les réformes touchant les organisations pyramidales sont difficilement applicables, les personnes en position de pouvoir préférant le conserver. Les NIH avaient proposé d’instaurer un quota sur l’octroi de subventions, une mesure pour éviter la concentration abusive de moyens. Ce quota n’aurait affecté que 3 % de chercheurs, tout en permettant de financer 900 nouvelles subventions [37]. Le projet fut cependant abandonné sous la pression de quelques « chercheurs très bien financés et puissants mais se sentant menacés par la mesure » [37]. Le modèle managérial est un modèle de choix pour les politiciens et les administrateurs de haut rang, qui comprennent mal la réalité du monde de la recherche, car il leur permet de présenter une façade de gestion qui apparaît responsable. Notons que, pour un haut fonctionnaire, l’attrait du modèle managérial s’appuie sur une pensée néo-libérale, qui postule que, comme pour toute activité, la mise en compétition garantit automatiquement la qualité et l’efficience des programmes de recherche.
Une autre raison de l’inertie rencontrée dans la recherche biomédicale repose sur le fait que le modèle managérial est de plus en plus ancré dans les mentalités des chercheurs. Preuve en est l’utilisation généralisée par les chercheurs des indicateurs de performances, comme l’index de Hirsch3, qui mesure le taux de citation du chercheur, ou le facteur d’impact (IF) des publications, ou encore le score SIGAPS appliqué en France [47] (→), alors même que la validité de ces indicateurs est contestée [38], et qu’ils commencent à être remis en question au niveau européen et de l’ERC4. Beaucoup d’acteurs de la recherche adhèrent pourtant au système managérial, tout en le sachant absurde, se rendant à la fois complices et prisonniers de celui-ci.
(→) Voir le Repères de L. Benoit, m/s n° 2, février 2022, page 215
En attente d’une (r)évolution
Les sociologues des sciences s’accordent pour dire que le modèle managérial de la recherche a bouleversé le mode de production de la connaissance scientifique. L’un d’entre eux, le physicien britannique John Ziman (1925-2005), fut un penseur incontournable de l’organisation de la recherche scientifique ; il consacra la fin de sa vie à l’écrire de nombreux ouvrages en philosophie des sciences. Il s’est interrogé sur les effets néfastes du contrôle social de la recherche, et en a conclu que l’utilitarisme contemporain pourrait causer des changements idéologiques profonds dans la façon même de concevoir le rôle de la science au sein de nos sociétés [39]. En particulier, John Ziman s’est interrogé sur la capacité d’un chercheur assujetti à des objectifs utilitaires à produire des connaissances objectives [39]. Dans son article, Romain Brette répond par la négative et qualifie le modèle managérial d’incohérent et destructeur [1]. En effet, les exigences du modèle managérial (évaluation, productivité, etc.) se heurtent aux motivations intrinsèques du chercheur (curiosité, liberté de choix, collégialité, etc.).
Durant ces dernières années, la recherche, en particulier la recherche fondamentale, s’est transformée en une compétition qui a engendré un malaise dont on ne peut sous-estimer la sévérité. La santé mentale des doctorants et des chercheurs et enseignants-chercheurs est devenue un sujet de préoccupations important pour les administrations et les services de santé au travail. Un rapport récent de la University and College Union (UCU), au Royaume-Uni, révèle que les trois quarts des chercheurs interrogés se disent être prêts à quitter le monde académique dans les cinq prochaines années pour des raisons de surcharge de travail, de précarité, de bas salaires, et à cause d’une bureaucratie oppressante [40]. Toujours au Royaume-Uni, une enquête identifie entre 20 et 35 % d’étudiants doctorants à risque de suicide [41]. Si les étudiants et jeunes chercheurs sont clairement les premières victimes de cette gestion managériale, des chercheurs accomplis sont parfois aussi victimes de ce modèle. L’universitaire américain, Jeffrey Hall, prix Nobel de physiologie ou médecine en 2017, résumait avec cynisme la relation entre chercheur et université par l’injonction suivante : « Obtiens une bourse, serf ! » [42]. C’est ce sentiment d’asservissement qui lui a fait quitter son poste de chercheur quelques années avant même de se faire décerner le prix Nobel.
Mais peut-on s’affranchir du modèle managérial ? Bruce Charlton, ancien éditeur de la revue Medical Hypothesis, répondait qu’il était trop tard puisque la recherche biomédicale était déjà morte… [43]. D’après lui, ce que les laboratoires produisent de nos jours n’est pas de la vraie science mais un simulacre de science orchestré par une bureaucratie corrompue et vouée à l’effondrement. Certains jugeront de tels propos pessimistes, voire mélodramatiques. Pourtant, les prédictions de Bruce Charlton pourraient se réaliser si aucun changement ne survient. Par changement, il ne faut pas comprendre de plus importants investissements financiers. En effet, augmenter le budget de la recherche ne permettrait pas de résoudre la cause première du malaise qui l’affecte, « notre décision de mélanger le monde de la recherche et celui du business », comme l’écrivait Yuri Lazebnik, biologiste au Cold Spring Harbor Laboratory (New York, États-Unis) [44]. Pour « changer », il faudrait en effet réinventer un nouveau type d’agences de financement qui correspondrait à l’idéal du laboratoire antibureaucratique. Les obstacles sont considérables, les chercheurs participant au modèle managérial alors qu’ils en sont les victimes. Sortir de ce cercle vicieux ne se fera qu’au prix d’une (r)évolution des mentalités de tous les acteurs de la recherche. En 1985, Jan Klein, pionnier de l’immunogénétique, appelait de ses vœux une telle révolution qu’il espérait voir venir de « certains jeunes scientifiques qui verront les choses avec des yeux différents des nôtres » [45]. Trente-sept ans plus tard, cette révolution se fait toujours attendre.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
L’Europe pense s’affranchir d’une évaluation quantitative fondée sur les seules publications, en s’appuyant davantage sur l’évaluation qualitative par les pairs. Cela implique d’abandonner l’utilisation systématique des indicateurs bibliométriques (impact factor, H-index, etc.) pour évaluer la qualité de la recherche individuelle, et d’éviter l’utilisation des classements internationaux des institutions dans les critères d’évaluation des organismes. Pour l’ERC, des modifications d’évaluation sont envisagées pour 2024.
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