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Med Sci (Paris)
Volume 37, Novembre 2021
Les Cahiers de Myologie
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Page(s) | 30 - 31 | |
Section | Mise au point | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2021188 | |
Published online | 08 December 2021 |
Les neuropathies héréditaires associées au gène SORD
SORD-related hereditary neuropathies
1
Centre de Référence des Maladies Neuromusculaires Nord-Est/Île-de-France, Institut de Myologie, GHU Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France
2
Centre de Référence des Maladies Lysosomales, GHU Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France
3
Service de Biochimie Métabolique et Cellulaire, CHU Bichat, AP-HP, Paris, France
Abstract
Mutations in the SORD gene have recently been identified as a cause of autosomal Charcot-Marie-Tooth disease as well as the underlying defect in some cases of hereditary distal motoneuronopathies. Patients may be amenable to therapies in a near future.
© 2021 médecine/sciences – Inserm
© Université de Nantes/Inserm/Thinkavery
Introduction
Malgré les progrès permis par le séquençage à haut débit, les maladies de Charcot-Marie-Tooth de type axonal (dites de type 2 ou CMT2 en abrégé) et les neuropathies motrices héréditaires (NMH) demeurent sans diagnostic moléculaire dans près de 70 % des cas, notamment lorsque ceux-ci sont sporadiques [1]. Très récemment, des variants bialléliques du gène SORD ont été identifiés dans des formes autosomiques récessives de CMT2 ou de NMH. Le gène SORD code la sorbitol déshydrogénase (SORD), une enzyme clé dans la voie des polyols et possiblement impliquée dans le développement de la neuropathie diabétique [2].
Présentation clinique
Cette nouvelle forme de CMT2/NMH a été décrite en 2020 à la suite d’un effort international de séquençage de l’exome de 45 patients de différentes origines géographiques (Europe, États-Unis, Chine, Arabie Saoudite, Koweït). Les patients présentaient majoritairement un tableau de CMT2 ou de NMH (autour de 50 % et 40 %, respectivement). Plus rarement, la neuropathie était classée comme CMT intermédiaire (10 % des cas rapportés) [3]. Cinq publications récentes ont depuis affiné le tableau clinique des patients atteints de CMT2 ou de NMH et porteurs de variants bialléliques du gène SORD [4–8].
Les premiers symptômes apparaissent entre la deuxième et la troisième décennie et se caractérisent par un déficit moteur des membres inférieurs longueur-dépendant. Dans la plupart des cas, l’atteinte est modérée et lentement évolutive. Les réflexes ostéo-tendineux sont souvent abolis aux membres inférieurs et conservés aux membres supérieurs. Il s’y associe souvent des pieds creux et, chez environ 50 % des patients, une plainte sensitive surajoutée. L’électroneuromyogramme (ENMG) met le plus souvent en évidence une neuropathie à prédominance motrice axonale distale, avec une réduction modérée des vitesses de conduction motrice et/ou une réduction des amplitudes sensitives, dans 25 % des cas [3, 7, 8].
Le spectre génétique des variants SORD
Le variant le plus fréquemment rapporté est la délétion c.757delG (p.Ala253GlnfsTer27) dans l’exon 7 du gène SORD à l’état homozygote ou hétérozygote composite. Pour ce variant, la fréquence des porteurs dans la population générale est estimée à 3/1 000 [3]. SORD est devenu un des gènes les plus fréquemment mutés dans les CMT2, après celui codant la mitofusine-2, MFN2 [8], mais aussi dans les NMH, après HSPB1 [4–6]. Treize autres variants du gène SORD ont été décrits, entraînant souvent une altération de l’épissage et/ou une perte de fonction de la protéine SORD. Néanmoins, des variants faux-sens ont été également rapportés comme le variant c.329G>C (p.Arg110Pro) [3, 7, 8]. La présence d’un pseudogène homologue de SORD, le gène SORD2P, est probablement la raison pour laquelle cette cause finalement fréquente de CMT2/NMH est longtemps passée inaperçue. Ainsi, le variant c.757delG du gène SORD est présent dans le pseudogène SORD2P dans plus de 95 % des chromosomes contrôles [3], ceci rendant difficile l’interprétation des variants du gène SORD. Des techniques spécifiques récemment publiées permettent de discriminer spécifiquement SORD et SORD2P [6].
Fonction de la sorbitol déshydrogénase
Le gène SORD, composé de 9 exons et localisé sur le chromosome 15q21.1, code l’enzyme sorbitol déshydrogénase (SORD), une protéine de 357 acides aminés. Cette enzyme est chargée de catalyser la transformation du sorbitol en fructose dans la voie de l’interconversion du glucose en fructose ou « voie des polyols » (Figure 1). La réaction catalysée par la SORD est dépendante du NAD+ et du zinc. La voie des polyols est une voie alternative importante du métabolisme du glucose en situation d’hyperglycémie. De plus, elle a été impliquée dans le développement de la neuropathie diabétique [2–9].
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Figure 1. Voie métabolique de la sorbitol déshydrogénase et de l’aldose réductase (Dr Arnaud Bruneel). |
Dans les fibroblastes issus de patients présentant une neuropathie héréditaire liée au gène SORD, une absence de la protéine SORD et une augmentation du sorbitol intracellulaire ont été observées. En outre, le taux sérique du sorbitol à jeûn est apparu très augmenté [3] tandis que celui de l’enzyme SORD était probablement réduit [8]. En conséquence, le dosage du sorbitol sérique pourrait être un potentiel biomarqueur de la maladie, à la fois pour le diagnostic et pour le suivi sous traitement.
Chez la drosophile, l’absence de SORD provoque une dégénérescence synaptique et une déficience motrice progressive mais le mécanisme de la dégénérescence axonale reste encore très mal connu. La réduction de l’influx de polyols par un traitement avec des inhibiteurs de l’aldose réductase (Epalrestat et Ranirestat) (Figure 1) normalise le taux de sorbitol chez la drosophile ainsi que dans les fibroblastes de patients, et semble corriger le déficit moteur observé chez la drosophile [3], ouvrant ainsi la voie à de possibles développements thérapeutiques chez l’Homme.
Conclusion
Les variants bialléliques dans le gène SORD peuvent être à l’origine d’une neuropathie héréditaire à prédominance axonale et motrice. Ils pourraient potentiellement représenter la cause la plus fréquente de CMT2/NMH autosomique récessive. La réduction de l’influx des polyols (i.e. par un traitement avec des inhibiteurs de l’aldose réductase) pourrait devenir une option thérapeutique pour ces patients.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des figures
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Figure 1. Voie métabolique de la sorbitol déshydrogénase et de l’aldose réductase (Dr Arnaud Bruneel). |
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