Open Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 37, Number 11, Novembre 2021
Page(s) 966 - 967
Section Le Magazine
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2021152
Published online 01 December 2021

Le glucagon-like peptide 1 (GLP-1) est une hormone peptidique issue de la maturation post-traductionnelle du proglucagon. Elle est produite principalement par les cellules endocrines L intestinales [1], qui sont plus nombreuses dans l’iléon et le côlon. Le GLP-1 stimule la sécrétion d’insuline par les cellules β des îlots du pancréas lors des repas [2]. Cette activité « incrétine » du GLP-1 est dépendante de la glycémie [3]. Le GLP-1 agit également sur le cœur et sur l’estomac, comme l’indique la présence de récepteurs du GLP-1 dans ces organes [4]. Dans l’estomac, les récepteurs du GLP-1 sont présents sur les cellules pariétales, les cellules endocrines, les neurones du plexus myentérique et les terminaisons nerveuses du nerf vague. Le GLP-1 inhibe la sécrétion acide gastrique par une action directe sur la cellule pariétale, et par une action indirecte en augmentant la sécrétion de somatostatine par les cellules D gastriques [5]. De plus, le GLP-1 ralentit la vidange gastrique en provoquant une contraction du muscle pylorique [6]. Au cours d’un repas, cette action peut contribuer à réduire les variations glycémiques post-prandiales, ce qui contribuerait à l’homéostasie glucidique [7].

Toutefois, la possibilité que le GLP-1 produit par la partie distale de l’intestin atteigne les organes distants en concentration suffisante pour activer ses récepteurs est discutable du fait de sa demi-vie très brève, liée à une dégradation rapide par la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4). Cette question de distance entre lieu de production et lieu d’action a été en partie résolue par la mise en évidence du GLP-1 dans des extraits pancréatiques humains et des tumeurs pancréatiques productrices de proglucagon [8]. Le GLP-1 est co-localisé avec le glucagon dans les granules de sécrétion d’une sous-population de cellules α des îlots pancréatiques. En parallèle, la suppression tissu-spécifique, par génie génétique, de la production de GLP-1 dans des modèles murins a permis de suggérer que l’activité « incrétine » du GLP-1 résulterait en fait de sa synthèse locale dans le pancréas, et pas dans l’intestin [9]. Dans l’estomac, l’existence d’une petite population de cellules exprimant GLP-1 a été rapportée chez l’homme, le chien, le porc et le rat [1012], mais elle a fait l’objet de nombreuses discussions, bien qu’une augmentation significative des taux circulants de GLP-1 après une charge en glucose par voie orale persiste en l’absence de la partie distale de l’intestin incluant l’iléon et le côlon, à la suite d’une résection chirurgicale chez l’homme [13]. La présence de cellules GLP-1+ produisant du GLP-1 bioactif, dans les muqueuses fundique et antrale de l’estomac vient d’être confirmée chez le rat et chez l’homme [14]. La densité et le nombre de ces cellules augmentent dans la muqueuse gastrique après chirurgie bariatrique, dans un modèle murin d’obésité nutritionnelle et chez l’homme. En outre, en réponse à une charge gastrique en glucose, les taux de GLP-1 dans la veine porte (Figure 1) d’un rat mince participent à l’augmentation du taux circulant de cette hormone. Cette sécrétion gastrique de GLP-1 en réponse au glucose n’existe plus chez le rat obèse, mais une gastrectomie partielle par plicature (vertical sleeve gastrectomy, VSG) la restaure chez ce dernier [14]. Les auteurs ont proposé que le GLP-1 produit par l’estomac aurait une action locale et contribuerait ainsi aux effets bénéfiques de cette chirurgie bariatrique, utilisée pour traiter l’obésité sévère.

thumbnail Figure 1.

Le glucose intragastrique augmente les concentrations de GLP-1 dans la veine porte. A. Schéma de la vascularisation de l’estomac. B.   Concentrations de GLP-1 total dans la veine porte avant (T0) et après une charge intragastrique (i.g.) de glucose (2 g/kg de masse corporelle) dans trois groupes de rats anesthésiés : minces, obèses, et obèses ayant subi une opération chirurgicale de gastrectomie partielle par plicature (VSG). Une ligature du pylore a été réalisée pour prévenir le passage du glucose dans le duodénum (ligature pylorique). Le GLP-1 a été quantifié par dosage radioimmunologique avec un anticorps anti-GLP-1, spécifique de toutes les formes moléculaires de ce peptide : GLP-1(7-36) amide, GLP-1(7-37), GLP-1(9-36) amide, GLP-1(9-37), GLP-1(1-36) amide, et GLP-1(1-37). Chaque point correspond à la moyenne ± erreur-type (standard error of the mean, s.e.m.) des valeurs obtenues chez 9 rats (* indique une différence statistiquement significative par rapport à la valeur à T0, au risque d’erreur p < 0,05). Noter qu’à l’état basal (T0) et en réponse à la charge en glucose, les concentrations de GLP-1 total dans le sang sont plus faibles chez le rat obèse que chez le rat mince.

Cette action locale du GLP-1 gastrique serait cohérente avec l’activation des récepteurs du GLP-1 du pylore et des terminaisons nerveuses vagales, conduisant à une réduction de la vidange gastrique. De plus, le GLP-1 produit par l’estomac pourrait atteindre le foie en concentration suffisante pour moduler la production et le métabolisme hépatique du glucose. En effet, l’injection de GLP-1 dans la veine porte active les afférences vagales hépatiques et augmente de manière synergique la sécrétion d’insuline stimulée par le glucose [15], des effets qui peuvent concourir à l’homéostasie du glucose. Enfin, il est à noter que les cellules du fundus et de l’antre gastrique exprimant GLP-1 produisent également de la ghréline et de la somatostatine, respectivement, ce qui illustre le fait qu’une même cellule endocrine peut produire et sécréter plusieurs hormones [16].

Les mécanismes impliqués dans la plasticité des cellules épithéliales gastriques (« gastroplasticité ») après une restructuration chirurgicale du tractus gastro-intestinal restent à comprendre. Cependant, il est possible que ces processus adaptatifs impliquent une reprogrammation de la différenciation des cellules endocrines le long du nouveau trajet des aliments.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

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Liste des figures

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Le glucose intragastrique augmente les concentrations de GLP-1 dans la veine porte. A. Schéma de la vascularisation de l’estomac. B.   Concentrations de GLP-1 total dans la veine porte avant (T0) et après une charge intragastrique (i.g.) de glucose (2 g/kg de masse corporelle) dans trois groupes de rats anesthésiés : minces, obèses, et obèses ayant subi une opération chirurgicale de gastrectomie partielle par plicature (VSG). Une ligature du pylore a été réalisée pour prévenir le passage du glucose dans le duodénum (ligature pylorique). Le GLP-1 a été quantifié par dosage radioimmunologique avec un anticorps anti-GLP-1, spécifique de toutes les formes moléculaires de ce peptide : GLP-1(7-36) amide, GLP-1(7-37), GLP-1(9-36) amide, GLP-1(9-37), GLP-1(1-36) amide, et GLP-1(1-37). Chaque point correspond à la moyenne ± erreur-type (standard error of the mean, s.e.m.) des valeurs obtenues chez 9 rats (* indique une différence statistiquement significative par rapport à la valeur à T0, au risque d’erreur p < 0,05). Noter qu’à l’état basal (T0) et en réponse à la charge en glucose, les concentrations de GLP-1 total dans le sang sont plus faibles chez le rat obèse que chez le rat mince.

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