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Med Sci (Paris)
Volume 37, Number 4, Avril 2021
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 408 - 411 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2021044 | |
Published online | 28 April 2021 |
La protéine RREB1 intègre la signalisation du TGF-β et de RAS pour induire une transition épithélio-mésenchymateuse dépendant du contexte cellulaire
RREB1 integrates TGF-β and RAS signals to drive cell-dependent epithelial-mesenchymal transition
1
M1 Biologie Santé, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay, France.
2
Stress oxydant, protéines fer-soufre et cancer, ICSN, CNRS, UPR 2301, Université Paris-Saclay, 91198 Gif-sur-Yvette, France.
a amandine.antoine@universite-paris-saclay.fr
b anissa.bourouis17@gmail.com
c marylou.winder-bottelli@universite-paris-saclay.fr
d michel.lepoivre@u-psud.fr
La transition épithélio-mésenchymateuse et les voies de signalisation associées
La transition épithélio-mésenchymateuse est un processus morphogénétique qui permet à des cellules épithéliales d’acquérir un phénotype mésenchymateux de manière transitoire et réversible. Elle est associée à une perte des jonctions intercellulaires et de l’adhérence de ces cellules à la lame basale. La transition épithélio-mésenchymateuse se caractérise par l’acquisition d’une capacité migratoire et de résistance à l’apoptose, ainsi que par la production accrue des composants de la matrice extracellulaire. Elle est déclenchée par des facteurs de signalisation pléiotropes induisant l’expression de facteurs de transcription tels que SNAIL, ZEB et TWIST, qui modifient l’expression de protéines spécifiques à la surface cellulaire, comme les cadhérines [1, 2].
Des transitions épithélio-mésenchymateuses se produisent au cours du développement embryonnaire, au cours de la cicatrisation, de la régénération et de la fibrose tissulaires, et au cours de la dissémination métastatique des cancers [1]. Bien que ces trois formes de transition épithélio-mésenchymateuse représentent des phénomènes biologiquement différents, elles impliquent un ensemble de mécanismes génétiques et biochimiques communs qui permettent la mise en place de programmes phénotypiques divers en fonction du contexte biologique. Le transforming growth factor b (TFG-β), un facteur de croissance impliqué dans l’embryogenèse et l’homéostasie des tissus, est l’un des plus puissants inducteurs de la transition épithélio-mésenchymateuse [3]. La liaison du TFG-β à son récepteur, le complexe TFG-β receptor I/II (TGFβRI/II), déclenche une cascade de signalisation (dite « canonique ») dépendante des protéines SMAD, au cours de laquelle les protéines SMAD2/3 phosphorylées à la suite de l’activation du récepteur forment un complexe avec SMAD4, complexe qui régule la transcription de gènes cibles [4] (Figure 1). Une dérégulation de la voie TGF-β/SMAD associée à une transition épithélio-mésenchymateuse aberrante est impliquée dans la pathogenèse de la fibrose rénale ou pulmonaire et dans celle du cancer [4, 5].
Figure 1. Rôle de la protéine RREB1 dans l’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse dans différents contextes cellulaires. Lors de la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM), le TGF-β forme des dimères qui se lient, à la surface des cellules épithéliales, à des récepteurs mixtes constitués de deux homodimères, un récepteur de type I (TGF-βRI) et un récepteur de type II (TGF-βRII) avec des domaines sérine / thréonine kinase. La liaison du TGF-β au TGF-βRII entraîne la phosphorylation du TGF-βRI, qui conduit à la phosphorylation du complexe SMAD2/3. Le complexe SMAD2/3 activé s’assemble avec SMAD4. En parallèle, l’activation de la voie RAS/MAPK conduit à l’activation de RREB1, qui interagit alors avec le complexe trimérique SMAD2/3/4. Selon le type cellulaire considéré, le complexe RREB1-SMAD active l’expression de gènes cibles spécifiques de la transition épithélio-mésenchymateuse, ou de la fibrose, ou de la gastrulation. MAPK : mitogen-activated protein kinases ; RREB1 : RAS-responsive element-binding protein 1 ; TGF-β : transforming growth factor b ; HAS2 : hyaluronan synthase 2 ; IL11 : interleukin-11 ; Wisp1 : WNT-inducible signalling pathway protein1 ; GSC : goosecoid ; ZEB1 : zinc finger E-box-binding homeobox 1. |
L’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse par le TGF-β dépend également d’une autre voie de signalisation, la voie des mitogen-activated protein kinases (MAPK) [6-8], impliquées dans de nombreuses fonctions cellulaires, notamment dans le contrôle de la division cellulaire. L’activation de cette voie implique la fixation d’un ligand sur un récepteur de type tyrosine kinase, activant la protéine RAS, qui induit alors une cascade de phosphorylations contrôlant l’expression de gènes cibles [9]. L’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse par le TGF-β nécessite l’activation de la protéine RAS, mais le lien moléculaire permettant la collaboration des deux voies RAS/MAPK et TGF-β/SMAD pour induire une réponse transcriptionnelle spécifique du contexte cellulaire n’avait pas encore été identifié. Or, Hendrickson et ses collaborateurs viennent de montrer que la protéine RREB1 (RAS-responsive element-binding protein 1) est un intégrateur essentiel des signaux TGF-β/SMAD et RAS/MAPK au cours de la transition épithélio-mésenchymateuse, dans trois contextes différents : le cancer, associé ou non à la fibrose, et le développement [10].
La protéine RREB1 est nécessaire à l’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse, à l’intersection des voies TFG-b/SMAD et RAS/MAPK
Les mutations oncogéniques du gène KRAS sont fréquentes dans l’adénocarcinome pancréatique. À l’aide d’un modèle d’organoïde épithélial pancréatique1, les auteurs de l’article [10] ont montré que ces mutations potentialisent fortement l’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse par le TGF-β [11]. Ils ont ensuite utilisé un modèle cellulaire d’adénocarcinome pancréatique inductible pour le mutant oncogénique KRASGly12Asp afin d’étudier la collaboration fonctionnelle entre les voies RAS/MAPK et TGF-β/SMAD dans l’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse. Une expérience de co-immunoprécipitation de la chromatine ciblant SMAD2/3, suivie d’un séquençage (ChIP-seq), en utilisant des cellules d’adénocarcinome pancréatique, après induction du mutant KRAS, a révélé une association de SMAD2/3 avec des éléments de réponses d’effecteurs transcriptionnels de la voie RAS/MAPK, dont le facteur de transcription RREB1, déjà connu pour être régulé par la voie RAS/MAPK [12]. Ces résultats faisaient de RREB1 un candidat pour l’intégration des deux voies de signalisation RAS/MAPK et TGF-β/SMAD. Une co-immunoprécipitation montrant une interaction entre SMAD3 et RREB1, ainsi qu’une expérience de ChIP-seq révélant un chevauchement des profils de liaison de RREB1 et SMAD2/3 au génome ont ainsi confirmé que RREB1 est un cofacteur de SMAD régulé par la voie RAS/MAPK.
Les chercheurs ont ensuite analysé le rôle de RREB1 dans l’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse. Dans les cellules d’adénocarcinome pancréatique traitées par le TGF-β, ils ont observé, en l’absence de RREB1, une diminution de la liaison de SMAD2/3 à des gènes contrôlant la transition épithélio-mésenchymateuse, Snai1 et Has2 (hyaluronan synthase 2) [13], suggérant que RREB1 est impliqué dans la transition épithélio-mésenchymateuse induite par le TGF-β dans ces cellules. à l’aide de divers modèles cellulaires d’adénocarcinome, ils ont alors montré que le rôle de RREB1 est indépendant du phénotype tumoral. Ces auteurs ont ensuite confirmé le rôle essentiel de RREB1 dans la transition épithélio-mésenchymateuse dans un contexte physiologique en utilisant des cellules épithéliales mammaires de souris : dans ces cellules, l’absence de RREB1 conduit également à une diminution de la transition. Ainsi, RREB1 activé par la voie RAS/MAPK est co-recruté avec les molécules SMAD induites par le TGF-β pour déclencher la transition épithélio-mésenchymateuse.
L’accessibilité de la chromatine aux effecteurs RREB1/SMADs détermine la nature de la transition épithélio-mésenchymateuse selon le contexte cellulaire
Dans des cellules progénitrices d’adénocarcinome pancréatique, en plus des gènes associés à la transition épithélio-mésenchymateuse (Snai1 et Zeb1), les auteurs ont constaté que le TGF-β entraînait l’expression de gènes fibrogéniques comme Il11 (interleukin-11), ou Wisp1 (WNT-inducible signalling pathway protein1), ce qui stimule les myofibroblastes et favorise la fibrose intratumorale et la croissance tumorale. L’induction de ces gènes s’est avérée être dépendante de RREB1 et indépendante des gènes inducteurs de la transition épithélio-mésenchymateuse. De plus, des expériences de ChIP-seq ont révélé que RREB1 et SMAD2/3 se lient à ces gènes fibrogéniques. Ces résultats indiquent donc que les protéines SMAD activées par le TGF-β convergent avec RREB1 pour induire une transition épithélio-mésenchymateuse fibrogénique dans des cellules d’adénocarcinome pancréatique (Figure 1).
Les auteurs ont également étudié le rôle de RREB1 dans la gastrulation, au cours de laquelle les cellules de l’épiblaste, l’une des structures primitives de l’embryon, subissent une transition épithélio-mésenchymateuse. À partir de cellules souches embryonnaires de souris, les auteurs ont dérivé des corps embryoïdes formant des agrégats tridimensionnels dans lesquels l’induction des trois feuillets embryonnaires se produit spontanément. Une analyse transcriptomique a montré une diminution de l’expression de Snai1 et des gènes clés du mésendoderme dans les corps embryoïdes déficients pour RREB1. De plus, une expérience de ChIP-seq a révélé une superposition des profils de liaison de RREB1 et SMAD2/3 au génome dans les corps embryoïdes non déficients pour RREB1. Ces résultats suggéraient donc également une coopération directe entre les protéines SMAD et RREB1 dans la transition épithélio-mésenchymateuse et la différenciation du mésendoderme au cours de la gastrulation.
En outre, une analyse de l’accessibilité de la chromatine par ATAC-seq (assay for transposase-accessible chromatin using sequencing) dans les cellules d’adénocarcinome pancréatique et dans les corps embryoïdes a révélé que l’accessibilité de la chromatine au niveau des gènes régulés par la double voie de signalisation RAS/MAPK et TGF-β/SMAD détermine la nature de la transition épithélio-mésenchymateuse selon le contexte cellulaire considéré (Figure 1). En effet, la chromatine des gènes pro-fibrogéniques Il11 et Wisp1 est accessible à SMAD2/3 et RREB1 dans les cellules d’adénocarcinome pancréatique, mais pas dans les cellules embryonnaires, et inversement pour la chromatine des gènes spécifiques du mésendoderme, Gsc et Mixl1.
Cette étude a donc permis de mettre en évidence une synergie des voies TGF-β/SMAD et RAS/MAPK via les facteurs de transcription SMAD et RREB1 pour l’induction de différentes formes de transition épithélio-mésenchymateuse (Figure 1). De plus, elle ouvre la voie à une meilleure compréhension des rôles du TGF-β dans la fibrose et le cancer.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Des cellules épithéliales pancréatiques de souris ont été prélevées et mises en culture pour produire des organoïdes épithéliaux pancréatiques. Un oncogène inductible de KRAS a été alors introduit dans les cellules de l’organoïde et ce dernier a été traité par le TGF-β. Avant induction de l’expression de KRAS, le TGF-β a provoqué une augmentation modeste de l’expression de Snai1 et n’a pas modifié la morphologie de l’organoïde ni sa survie. En revanche, après induction de KRAS, le TGF-β a induit une transition épithélio-mésenchymateuse létale, avec une forte augmentation de l’expression de Snai1 et la dissociation de l’organoïde, associée à une augmentation de l’apoptose.
Références
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Liste des figures
Figure 1. Rôle de la protéine RREB1 dans l’induction de la transition épithélio-mésenchymateuse dans différents contextes cellulaires. Lors de la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM), le TGF-β forme des dimères qui se lient, à la surface des cellules épithéliales, à des récepteurs mixtes constitués de deux homodimères, un récepteur de type I (TGF-βRI) et un récepteur de type II (TGF-βRII) avec des domaines sérine / thréonine kinase. La liaison du TGF-β au TGF-βRII entraîne la phosphorylation du TGF-βRI, qui conduit à la phosphorylation du complexe SMAD2/3. Le complexe SMAD2/3 activé s’assemble avec SMAD4. En parallèle, l’activation de la voie RAS/MAPK conduit à l’activation de RREB1, qui interagit alors avec le complexe trimérique SMAD2/3/4. Selon le type cellulaire considéré, le complexe RREB1-SMAD active l’expression de gènes cibles spécifiques de la transition épithélio-mésenchymateuse, ou de la fibrose, ou de la gastrulation. MAPK : mitogen-activated protein kinases ; RREB1 : RAS-responsive element-binding protein 1 ; TGF-β : transforming growth factor b ; HAS2 : hyaluronan synthase 2 ; IL11 : interleukin-11 ; Wisp1 : WNT-inducible signalling pathway protein1 ; GSC : goosecoid ; ZEB1 : zinc finger E-box-binding homeobox 1. |
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