Issue
Med Sci (Paris)
Volume 37, Number 2, Février 2021
Nos jeunes pousses ont du talent !
Page(s) 194 - 196
Section Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2020285
Published online 16 February 2021

L’adénovirus humain de sérotype 5 (Ad5) est un virus à ADN double brin, non enveloppé, qui possède un tropisme pour l’appareil respiratoire. Ce virus responsable d’infections souvent asymptomatiques peut être à l’origine de pharyngites ou de pneumonies [1]. De nombreux travaux se sont intéressés aux interactions de l’Ad5 avec ses cellules hôtes, et en particulier à la façon dont il détourne la machinerie cellulaire pour assurer sa multiplication. Il a ainsi été montré que la protéine virale E1B-55K, produite dès le début de l’infection, est capable d’interagir avec une autre protéine virale précoce, E4orf6, et des facteurs cellulaires pour former un complexe E3 ubiquitine ligase. Ce complexe est à l’origine de l’ubiquitination des protéines cellulaires p53, Mre11, DNA ligase IV et ATRX (X-linked-thalassemia retardation syndrome protein) aboutissant à leur dégradation. Dans les conditions physiologiques, la protéine ATRX s’associe dans la matrice nucléaire avec la protéine Daxx (death domain-associated protein) permettant le recrutement de cofacteurs associés à la chromatine, (histones déacétylases). Ces derniers favorisent la condensation de la chromatine conduisant à une répression transcriptionnelle. En condition d’infection par l’Ad5, les complexes Daxx/ATRX interagissent avec les promoteurs du génome adénoviral et inhibent l’expression des gènes du virus et donc sa réplication [2]. Remarquablement, la protéine E1B-55K est non seulement capable de dégrader ATRX (de manière E4orf6 dépendant) mais également de dégrader la protéine Daxx par une voie protéasomale n’impliquant pas la protéine E4orf6. L’équipe de Sabrina Schreiner a cherché à décrypter les acteurs moléculaires de cette voie de dégradation en s’intéressant à la protéine RNF4 (ring-finger protein 4), un membre de la famille STUbL (SUMO-targeted ubiquitin ligase) [3]. Cette famille est impliquée dans l’ubiquitinylation spécifique des protéines présentant une modification post-traductionnelle particulière, la sumoylation, qui consiste en la liaison covalente d’un ou plusieurs monomères de la protéine SUMO (small ubiquitin-like modifier).

Interaction de la protéine E1B-55K avec l’E3 ubiquitine ligase RNF4

Sachant que la protéine E1B-55K interagit avec la protéine PML (promyelocytic leukemia protein) [4], un composant des corps nucléaires, et que la protéine RNF4 participe à la dégradation de PML [3], les chercheurs ont émis l’hypothèse de l’existence d’une interaction physique ou fonctionnelle entre E1B-55K et RNF4. Dans un premier temps, ils ont étudié, dans des cellules épithéliales pulmonaires, cibles naturelles de l’Ad5, les effets d’une infection par l’Ad5 sauvage ou par un mutant incapable d’exprimer la protéine précoce E1B-55K. L’utilisation d’une approche de fractionnement cellulaire a révélé que le taux de protéine RNF4 cytosolique était réduit au cours de l’infection virale mais non modifié après infection des cellules par un Ad5 défectif pour E1B-55K. L’analyse par microscopie confocale de cellules infectées a de plus montré que la protéine cellulaire RNF4 était localisée au niveau des corps nucléaires en présence d’E1B-55K. Ainsi, l’expression d’E1B-55K dans les cellules épithéliales pulmonaires conduit à la translocation de RNF4 dans les corps nucléaires. Par des expériences de co-immunoprécipitation, les chercheurs ont ensuite démontré que la protéine E1B-55K interagissait avec la protéine RNF4. Des expériences de surexpression de protéines RNF4 ou E1B-55K mutées dans différents domaines ont par ailleurs révélé que cette interaction E1B-55K-RNF4 mettait en jeu plusieurs domaines de RNF4, mais qu’elle ne nécessitait pas la sumoylation d’E1B-55K.

RNF4, le jalon manquant dans la dégradation de Daxx induite par la protéine E1B-55K

Forte de ses découvertes, l’équipe a recherché si l’interaction E1B-55K-RNF4 modifiait la capacité d’E1B-55K à interagir avec ses différents partenaires et notamment avec la protéine Daxx présente dans les corps nucléaires riches en protéine PML. Par des approches de co-immunoprécipitation, les chercheurs ont observé que les protéines Daxx et RNF4 interagissaient ensemble uniquement en présence de la protéine virale E1B-55K. De plus, ils ont mis en évidence le fait que la protéine Daxx subissait des modifications post-traductionnelles si, et seulement si, les protéines RNF4 et E1B-55K étaient présentes. Enfin, l’utilisation de la technique de pull-down (qui permet d’analyser les interactions entre protéines) a révélé une baisse de la quantité de protéines Daxx ubiquitinylées (suite à sa dégradation par le protéasome) dans les cellules quand E1B-55K et RNF4 étaient co-exprimées. L’ensemble de ces données démontre que l’interaction E1B-55K-RNF4 permet une interaction avec le facteur de restriction viral Daxx et sa dégradation par le protéasome.

thumbnail Figure 1.

Levée de la répression transcriptionnelle des gènes viraux due à l’action de la protéine virale E1B-55K. A. En condition physiologique, au niveau du noyau, les protéines ATRX (alpha-thalassemia retardation syndrome, X-linked) et Daxx (death domain-associated protein) permettent une répression transcriptionnelle des gènes cellulaires. Elles peuvent également se localiser au niveau de la matrice nucléaire insoluble, plus spécifiquement au niveau des corps nucléaires contenant PML (promyelocytic leukemia nuclear bodies), ou dans le cytoplasme pour Daxx, favorisant une levée de la répression et l’activation de la transcription. B. En condition d’infection virale, l’adénovirus humain se lie au récepteur cellulaire CAR (Coxsackievirus and adenovirus receptor) (1) puis est internalisé par endocytose via les intégrines dans des vésicules couvertes de clathrine (2). Dans l’endosome tardif, l’acidification du pH entraîne une dissociation des protéines de la capside permettant un échappement de l’endosome. Une fois dans le cytoplasme, la particule virale nue se dirige vers le noyau via les microtubules, permettant la translocation de l’ADN viral au travers des pores nucléaires (3). Au niveau du noyau, les promoteurs viraux sont affectés par la présence du complexe ATRX/Daxx (4). La protéine virale E1B-55K (early region 1B - 55kDa) permet l’association de facteurs cellulaires et viraux (E4orf6 dépendant) aboutissant à la formation d’un complexe E3 ubiquitine ligase (5). Ce dernier est à l’origine de l’ubiquitination des protéines cellulaires ATRX, p53, Mre11 et DNA ligase IV aboutissant à leur dégradation (6). Par ailleurs, la protéine E1B-55K interagit avec RNF4 (RING-finger protein) et Daxx (7) menant à la sumoylation, à l’ubiquitination et à la dégradation protéasomale de Daxx, indépendamment de la protéine E4orf6 (7). Il en résulte une levée de la répression transcriptionnelle des gènes viraux (8), ce qui aboutit à la production de virions (9).

Il avait été montré par différentes équipes que la protéine E1B-55K inhibait la fonction de restriction virale de Daxx en promouvant sa dégradation par le protéasome [5, 6]. Les auteurs ont donc voulu déterminer si RNF4 jouait un rôle dans ce mécanisme. En utilisant un modèle cellulaire où l’expression de RNF4 était modulée par ARN interférence, ils ont montré que la diminution de RNF4 aboutissait à une baisse de l’expression des gènes viraux précoces, de la quantité de protéines virales précoces et par voie de conséquence de la production virale. L’analyse des extraits de cellules traitées par des ARN interférents dirigés contre RNF4 a révélé que la diminution de RNF4 dans les cellules infectées par l’Ad5 s’accompagnait d’une augmentation du facteur de restriction viral Daxx. Ces résultats démontrent ainsi que la protéine RNF4 est bien impliquée dans la dégradation de Daxx par la protéine E1B-55K.

Les protéines STUbL, des cibles potentielles pour les thérapies antivirales

Les travaux précédents de l’équipe de Sabrina Schreiner avaient démontré que l’Ad5, via l’expression de la protéine E1B-55K, était capable de contrôler les complexes ATRX/Daxx, en dégradant, d’une part, la protéine ATRX, et la protéine Daxx, d’autre part [2]). Les résultats présentés ici révèlent le rôle clé joué par l’ubiquitine E3 ligase RNF4 dans la dégradation de Daxx [7]. D’autres études ont rapporté que la protéine RNF4 permettait la translocation cytoplasmique de la protéine Tax du virus HTLV1 (human T cell leukemia/lymphoma virus 1) [8] ou induisait l’ubiquitination du facteur de transcription Rta de l’EBV (virus d’Epstein-Barr) prévenant l’expression des gènes du cycle lytique de ce dernier [9]. Le rôle des protéines de la famille STUbL (SUMO-targeted ubiquitin ligases) dans les infections virales en général est souligné également par l’existence d’orthologues viraux. Ce sont les cas de K-Rta, le facteur de transcription majeur du virus KSHV (Kaposi’s sarcoma-associated herpesvirus) et également de la protéine ICP0 du HSV (herpes simplex virus) (10). Dans leur ensemble, ces études montrent que les membres de la famille STUbL sont impliqués dans de nombreux processus cellulaires lors d’une infection virale. Dans le cas particulier de l’Ad5, la modulation pharmacologique de l’activité de RNF4 pourrait constituer un nouvel élément de contrôle de la réplication virale.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Ghebremedhin B.. Human adenovirus: viral pathogen with increasing importance. Eur J Microbiol Immunol 2014 ; 4 : 26–33. [CrossRef] [Google Scholar]
  2. Schreiner S, Bürck C, Glass M, et al. Control of human adenovirus type 5 gene expression by cellular Daxx/ATRX chromatin-associated complexes. Nucleic Acids Res 2013 ; 41 : 3532–3550. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Tatham MH, Geoffroy MC, Shen L, et al. RNF4 is a poly-SUMO-specific E3 ubiquitin ligase required for arsenic-induced PML degradation. Nat Cell Biol 2008 ; 10 : 538–546. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Wimmer P, Schreiner S, Everett RD, et al. SUMO modification of E1B–55K oncoprotein regulates isoform-specific binding to the tumour suppressor protein PML. Oncogene 2010 ; 29 : 5511–5522. [Google Scholar]
  5. Pennela MA, Liu Y, Woo JL, et al. Adenovirus E1B–55K-kilodalton protein is a p53-SUMO1 E3 ligase that represses p53 and stimulates its nuclear export through interactions with promyelocytic leukemia nuclear bodies. J Virol 2010 ; 84 : 12210–12225. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Wimmer P, Berscheminski J, Blanchette P, et al. PML isoforms IV and V contribute to adenovirus-mediated oncogenic transformation by functionally inhibiting the tumor-suppressor-p53. Oncogene 2016 ; 35 : 69–82. [Google Scholar]
  7. MünchεRβerg S, Hay RT, Ip WH, et al. E1B–55K-mediated rregulation of RNF4 SUMO-targeted ubiquitin ligase promotes human adenovirus gene expression. J Virol 2018 ; 92 : e00164–e00118. [PubMed] [Google Scholar]
  8. Fryrear KA, Guo X, Kerscher O, et al. The Sumo-targeted ubiquitin ligase RNF4 regulates the localization and function of the HTLV-1 oncoprotein Tax. Blood 2012 ; 119 : 1173–1181. [Google Scholar]
  9. Yang YC, Yoshikai Y, Hsu SW, et al. Role of RNF4 in the ubiquitination of Rta of Epstein-Barr virus. J Biol Chem 2013 ; 288 : 12866–12879. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  10. Hembran DSS, Negi H, Biswas P, et al. The viral SUMO-targeted ubiquitin ligase ICP0 is phosphorylated and activated by Hos kinase Chk2. J Mol Biol 2020; 432 : 1952–77. [Google Scholar]

© 2021 médecine/sciences – Inserm

Liste des figures

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Levée de la répression transcriptionnelle des gènes viraux due à l’action de la protéine virale E1B-55K. A. En condition physiologique, au niveau du noyau, les protéines ATRX (alpha-thalassemia retardation syndrome, X-linked) et Daxx (death domain-associated protein) permettent une répression transcriptionnelle des gènes cellulaires. Elles peuvent également se localiser au niveau de la matrice nucléaire insoluble, plus spécifiquement au niveau des corps nucléaires contenant PML (promyelocytic leukemia nuclear bodies), ou dans le cytoplasme pour Daxx, favorisant une levée de la répression et l’activation de la transcription. B. En condition d’infection virale, l’adénovirus humain se lie au récepteur cellulaire CAR (Coxsackievirus and adenovirus receptor) (1) puis est internalisé par endocytose via les intégrines dans des vésicules couvertes de clathrine (2). Dans l’endosome tardif, l’acidification du pH entraîne une dissociation des protéines de la capside permettant un échappement de l’endosome. Une fois dans le cytoplasme, la particule virale nue se dirige vers le noyau via les microtubules, permettant la translocation de l’ADN viral au travers des pores nucléaires (3). Au niveau du noyau, les promoteurs viraux sont affectés par la présence du complexe ATRX/Daxx (4). La protéine virale E1B-55K (early region 1B - 55kDa) permet l’association de facteurs cellulaires et viraux (E4orf6 dépendant) aboutissant à la formation d’un complexe E3 ubiquitine ligase (5). Ce dernier est à l’origine de l’ubiquitination des protéines cellulaires ATRX, p53, Mre11 et DNA ligase IV aboutissant à leur dégradation (6). Par ailleurs, la protéine E1B-55K interagit avec RNF4 (RING-finger protein) et Daxx (7) menant à la sumoylation, à l’ubiquitination et à la dégradation protéasomale de Daxx, indépendamment de la protéine E4orf6 (7). Il en résulte une levée de la répression transcriptionnelle des gènes viraux (8), ce qui aboutit à la production de virions (9).

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