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Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 8-9, Août–Septembre 2020
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 817 - 821 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2020164 | |
Published online | 21 August 2020 |
Brèves
L’unité d’enseignement « Immunopathologie » qui propose les brèves de ce numéro est suivie par des étudiants des sept parcours recherche du Master Biologie Santé de l’Université de Montpellier. On y étudie les bases physiopathologiques des maladies immunologiques, les cibles thérapeutiques et les mécanismes d’échappement des microorganismes et des tumeurs. Ce Master rassemble des étudiants issus du domaine des sciences et technologies et de celui de la santé. Les articles présentés ont été choisis par les étudiants selon leur domaine de prédilection.
© 2020 médecine/sciences – Inserm
Marie-Alix Poul (PU) et Thierry Vincent (PU-PH) Responsables de l’unité d’enseignement Immunopathologie Master sciences et technologies, Mention Biologie Santé Université de Montpellier, France
Série coordonnée par Sophie Sibéril.
Vers une régulation du système immunitaire pour prévenir le paludisme cérébral
© Inserm/Messaddeq, Nadia
En 2018, le parasite Plasmodium a infecté environ 219 millions de personnes et causé 435 000 décès. Dans certains cas, les infections peuvent s’accompagner d’une réponse immunitaire inflammatoire excessive responsable de multiples complications dont le paludisme cérébral (PC), une complication pouvant laisser des séquelles graves, et souvent être mortelle. Un modèle expérimental d’infection de souris C57Bl/6 par Plasmodium berghei ANKA (PbA) a permis l’exploration des mécanismes impliquant la réponse immunitaire inflammatoire dans le développement du PC : suite à l’infection, les cellules dendritiques (CD) de la souris hôte présentent efficacement des antigènes aux lymphocytes T cytotoxiques CD8+ (LTc) et initient une réponse immunitaire ciblée contre le parasite. Si cette réponse immunitaire est nécessaire pour lutter contre l’infection, elle s’avère également délétère pour l’hôte. En effet, celle-ci engendre une inflammation qui, à son tour, entraîne une altération de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Les cellules immunitaires peuvent alors s’infiltrer dans le cerveau et induire le PC [1]. À partir de ce modèle, des chercheurs de l’Institut de Microbiologie Médicale, d’Immunologie et de Parasitologie de Bonn (Allemagne) [2] ont montré que des souris Batf3-/-1, déficientes pour une sous-population de CD particulière permettant la présentation d’antigènes exogènes aux LTc (mécanisme appelé « présentation croisée »), ne présentent pas d’altération de leur BHE et ne développent pas de PC après inoculation du PbA, bien que le parasite soit présent et capable de se multiplier. Les souris Batf3-/- présentent une faible infiltration de lymphocytes T CD8 + au niveau cérébral et une diminution de l’expression de médiateurs inflammatoires (Granzyme B et TNF-α [tumor necrosis factor-alpha]) par rapport aux souris contrôles (WT pour « wild type »). En outre, les chercheurs ont analysé la réponse immunitaire dans la rate, qui est un organe essentiel dans l’élimination de Plasmodium ainsi que dans l’induction et la régulation d’une réponse immunitaire. L’activité cytotoxique des lymphocytes T CD8+ dirigée contre le parasite ainsi que la production des cytokines effectrices par ces cellules (notamment l’IFN-γ [interféron] et le Granzyme B) sont atténuées chez les souris Batf3-/-. Non seulement la réponse immunitaire cytotoxique est plus faible que chez les souris WT, mais le système immunitaire est fortement régulé. En effet, les auteurs ont observé dans les rates de souris Batf3-/- une augmentation du nombre de lymphocytes T régulateurs et de cellules myéloïdes CD11b+, incluant des macrophages anti-inflammatoires. L’analyse des surnageants de culture de splénocytes de souris Batf3-/- a permis d’établir que ces cellules produisent une quantité d’IL(interleukine)-10 (cytokine anti-inflammatoire) dix fois plus importante que les cellules de souris WT, avec une participation notoire des macrophages anti-inflammatoires qui en sécrètent quatre fois plus. En conclusion, une réponse cytotoxique globalement amoindrie et une hausse de l’immuno-régulation au niveau périphérique apparaissent comme étant des mécanismes qui permettent aux souris Batf3-/- de maintenir une BHE intègre et de réduire l’infiltrat de cellules immunitaires dans le cerveau, les protégeant par conséquent du PC. Empêcher l’induction des lymphocytes T cytotoxiques pourrait donc être une approche thérapeutique intéressante pour éviter un PC lors de la phase érythrocytaire de la maladie.
Towards immune system regulation to prevent cerebral malaria
Référence
1. Ghazanfari N, Mueller SN, Heath WR. Cerebral malaria in mouse and man. Front Immunol 2018 ; 9 : 2016.
2. Kuehlwein JM, Borsche M, Korir PJ, et al. Protection of Batf3-deficient mice from experimental cerebral malaria correlates with impaired cytotoxic T-cell responses and immune regulation. Immunology 2020 ; 159 : 193–204.
Jennifer Falconi1, Selma Kadouli2
1Master Biologie Santé, Parcours international Cancer Biology, Université de Montpellier, France.
2Master Biologie Santé, filière internat, Faculté de pharmacie, Université de Montpellier, France.
jennifer.falconi@etu.umontpellier.fr
selma.kadouli@etu.umontpellier.fr
Le rôle des lymphocytes Tγδ dans la défense immunitaire contre Plasmodium falciparum
© Inserm/Doerig, Christian
Alors que la malaria est à l’origine de plus de 400 000 morts par an, on ne connait pas encore très bien les mécanismes mis en place par le système immunitaire pour lutter contre l’infection par Plasmodium falciparum, agent de cette maladie. Après piqûre par un anophèle infecté, le cycle du parasite comprend une phase hépatique quasi asymptomatique puis une phase sanguine où la forme parasitaire mérozoïte envahit les hématies (ou RBC, pour red blood cells). Le parasite se développe au sein des RBC en une succession de stades, dont les stades « ring » (stade précoce), trophozoïte, puis schizonte (stades tardifs), aboutissant à la lyse des hématies et à la libération massive de mérozoïtes. Le pic de parasitémie en découlant est corrélé aux fièvres importantes de la malaria. Réponses immunitaires innée et adaptative se relaient pour éliminer les parasites et cellules infectées, avec un rôle bien décrit des anticorps dans le recrutement des cellules phagocytaires et du système du complément. Dans l’étude de Hernandez-Castaneda [1], les auteurs s’intéressent au stade sanguin de la maladie et aux réponses immunitaires à médiation cellulaire cytotoxique. Dès les années 1990, un fort accroissement du taux de lymphocytes Tγδ sanguins lors de l’infection à P. falciparuma été mis en évidence [2]. Les lymphocytes en question présentent préférentiellement un TCR (récepteur T) construit avec des domaines Vγ9 et Vδ2. Les auteurs de l’article ont cherché à comprendre les mécanismes aboutissant à cette augmentation et le rôle des lymphocytes Tγ9δ2 dans la lutte contre le parasite. Lorsque des lymphocytes de donneurs sains sont cultivés in vitro pendant 7 jours en présence de surnageant cellulaire d’hématies infectées par P. falciparum (iRBC) et d’interleukine-2 (IL-2), les auteurs observent une amplification massive des lymphocytes Tγ9δ2, en concordance avec des résultats obtenus par d’autres équipes [3]. Les lymphocytes Tγ9δ2 secrètent de fortes quantités d’IFN(interféron)-γ et développent un potentiel cytotoxique caractérisé notamment par l’expression intracellulaire 1) d’une sérine protéase pro-apoptotique qui active certaines caspases, le Granzyme B (GzmB) ; 2) d’une protéine formant des pores dans la membrane, la perforine (PFN) ; 3) d’une protéine altérant préférentiellement la perméabilité des membranes pauvres en cholestérol comme celles des micro-organismes : la granulysine (GNLY). L’analyse en microscopie confocale d’une co-culture de lymphocytes Tγ9δ2 et d’iRBC met en évidence des contacts Tγ9δ2-iRBC conduisant au passage du GzmB dans les hématies infectées et à la perte d’intégrité membranaire de la mitochondrie du parasite. Les lymphocytes Tγ9δ2 activés réduisent la viabilité du parasite dans des hématies infectées aux stades tardifs. L’utilisation d’inhibiteurs pharmacologiques a permis aux auteurs de démontrer que la toxicité à ce stade dépend principalement du GzmB mais peu de la PFN. Le mécanisme précis des différentes protéines GzmB, PFN et GNLY a été analysé grâce à l’utilisation de molécules recombinantes purifiées. L’association GzmB-GNLY permet l’entrée de GzmB dans les iRBC et cette entrée est corrélée à une baisse de la parasitémie, mais uniquement aux stades tardifs de l’infection des RBC. Utilisées seules, ces deux molécules sont inefficaces. La PFN, avec ou sans GzmB, est active sur les RBC infectés à tous les stades de l’infection, mais avec une efficacité moindre que l’association GzmB-GNLY au stade tardif. Différentes molécules de virulence de P. falciparum sont des substrats directs du GzmB in vitro, ce qui explique l’action toxique des lymphocytes Tγ9δ2 sur les parasites intracellulaires. Ces résultats suggèrent l’existence au stade tardif d’une sensibilité particulière des iRBC à l’action du complexe GzmB-GNLY, probablement liée à une modification de la membrane des RBC due à l’infection. Les perspectives de ce travail vont consister à approfondir la compréhension de ce mécanisme ainsi qu’à découvrir quel ligand est reconnu par le TCR des lymphocytes Tγ9δ2 à la surface des iRBC, sachant que la butyrophiline 3A1, dont le rôle de molécule présentatrice de phosphoantigènes issus de pathogènes aux lymphocytes Tγ9δ2 a été démontré par d’autres études, est absente à la surface des iRBC.
Tγδ lymphocytes and immune response against Plasmodium falciparum
Référence
1. Hernández-Castañeda M, Happ K, Cattalani F, et al. γδ T Cells kill Plasmodium falciparum in a granzyme- and granulysin-dependent mechanism during the late blood stage. J Immunol 2020 ; 204 : 1798–809.
2. Deroost K and Langhorne J. Gamma/delta T cells and their role in protection against malaria. Front Immunol 2018 ; 9 : 2973.
3. Guenot M, Loizon S, Howard J, et al. Phosphoantigen burst upon plasmodium falciparum schizont rupture can distantly activate Vg9Vd2 T cells. Infect Immun 2015 ; 83 : 3816–24.
Baptiste Carrio
Master Biologie Santé, Parcours Microbiologie Immunologie, Université de Montpellier, France.
baptiste.carrio@etu.umontpellier.fr
Un anticorps thérapeutique prometteur dans le traitement contre le VIH
© Inserm/Roingeard, Philippe
Le blocage par un anticorps monoclonal de PD-1, récepteur inhibiteur exprimé à la surface de certains lymphocytes activés, pourrait faciliter l’élimination de cellules infectées de façon latente par le VIH-1 (virus de l’immunodéficience humaine de type 1). Le VIH-1 est un rétrovirus qui infecte les cellules du système immunitaire, en particulier les lymphocytes T CD4+ (LT CD4+). Ce virus persiste de façon latente dans une petite fraction de LT CD4+, surtout des LT CD4+ mémoires (mLT CD4+). Ces cellules mémoires infectées constituent un réservoir qui est le principal obstacle à l’éradication du VIH. La présence de PD-1 à la surface des LT CD4+ induit leur quiescence. Cette propriété permet d’émettre l’hypothèse que la mise en jeu de la voie PD-1 pourrait jouer un rôle dans la latence des cellules infectées par le VIH. Il a d’ailleurs été observé récemment que le VIH-1 persiste préférentiellement dans les LT CD4+ PD-1+ par rapport aux LT CD4+ PD-1- [1]. Dans la même étude, l’engagement in vitro de PD-1 par l’un de ses ligands, PD-L1, inhibe la production virale (induite par la stimulation du TCR [récepteur T]) par les lymphocytes T CD4+ issus de patients avirémiques non traités. À l’inverse, en combinaison avec un agent capable de lever la latence virale, la bryostatine, le blocage de PD-1 par un anticorps monoclonal favorise la production virale par les lymphocytes T CD4+ de patients sous traitement antirétroviral. Ces résultats suggèrent que des anticorps anti-PD-1, déjà utilisés en cancérologie, pourraient, en combinaison avec des agents comme la bryostatine, potentialiser la réduction du réservoir viral. En accord avec ces résultats in vitro, les auteurs ont observé chez un patient infecté et atteint d’un mélanome, que la fréquence de cellules circulantes dans lesquelles le génome du VIH-1 est intégré diminue au cours du traitement avec le pembrolizumab, un anticorps monoclonal thérapeutique anti-PD-1.
Promising antibody in anti-HIV treatment
Référence
1. Fromentin R, DaFonseca S, Costiniuk C.T et al. PD-1 blockade potentiates HIV latency reversal ex vivo in CD4+ T cells from ART-suppressed individuals. Nat Commun 2019 ; 814 : 10.
Lise Holsteyn, Laetitia Marty
Master Biologie Santé, Parcours Microbiologie Immunologie, Université de Montpellier, France
Les lymphocytes B et les structures lymphoïdes tertiaires (TLS) sont impliqués positivement dans la réponse aux immunothérapies anti-checkpoint
© Inserm/Galon, Jérôme
Certaines stratégies thérapeutiques anti-cancéreuses consistent actuellement à bloquer certaines molécules immunorégulatrices appelées checkpoint immunitaire (traitements ICB pour immune checkpoint blockade), en particulier les molécules inhibitrices PD-1 et CTLA-4 exprimées sur les lymphocytes T (LT). Même si ces traitements ont révolutionné la prise en charge des cancers avec des rémissions observées chez des patients ne répondant pas aux chimiothérapies classiques, un certain nombre de patients ne répond pas à ce type de traitements, ce qui a conduit à rechercher des biomarqueurs d’efficacité. Les études dans ce domaine se sont jusqu’alors principalement concentrées sur les LT, porteurs des molécules PD-1 et CTLA-4. Beth A. Helmink et al. ont voulu déterminer si des sous-populations de cellules immunitaires autres que les LT contribuaient à la réponse anti-tumorale dans le cadre des traitements ICB de patients atteints de mélanome et de carcinome rénal métastasiques [1]. Dans ce but, les auteurs ont caractérisé chez les patients avant traitement l’infiltrat immunitaire du microenvironnement tumoral par des approches transcriptomiques et ont comparé la composition de cet infiltrat chez les patients répondeurs et non répondeurs aux traitements ICB. L’analyse des profils d’expression de gènes, réalisée à partir d’une extraction des ARN messagers, a montré une augmentation de la signature correspondant aux lymphocytes B (LB) dans les tumeurs des patients répondant aux traitements ICB comparé aux patients non répondeurs. Plus spécifiquement, une augmentation de l’expression des gènes MZB1, JCHAIN et IGLL5, spécifiques des LB, a été observée, en parallèle d’une augmentation des gènes modulant l’activité et la fonction des LB. Les auteurs ont également constaté grâce à un séquençage d’ARN sur cellule unique, que la diversité des BCR (récepteur B) des LB était significativement plus élevée chez les patients répondant au traitement par rapport aux non répondeurs. En parallèle, une analyse immunohistochimique de coupes de tissus tumoraux a permis de montrer que les LB étaient localisés au sein de structures lymphoïdes tertiaires (TLS pour Tertiary Lymphoid Structure), agrégats lymphoïdes composés de LT, LB, cellules dendritiques et cellules endothéliales. On trouve notamment au sein des TLS intratumoraux, des structures anatomiques typiques de centres germinatifs matures, lieu de la maturation d’affinité et de la commutation de classe des BCR, ce qui suggère la présence d’une réponse immunitaire humorale in situ en plus de la réponse cellulaire des LT. L’étude fonctionnelle approfondie des TLS a permis de mettre en évidence que les LT, localisés à la périphérie des centres germinatifs, expriment des marqueurs d’activation lorsqu’ils sont en contact avec les LB. Cette observation suggère que si les LB sont potentiellement des acteurs directs de l’immunité anti-tumorale en sécrétant des anticorps contre des antigènes tumoraux, ils peuvent aussi agir de concert avec les autres populations immunitaires, telles que les cellules dendritiques et les LT. Les LB mémoires secrètent des cytokines stimulatrices comme le TNF-α, l’IL-2, l’IL-6 et l’INF-γ, qui interviennent dans le recrutement et l’activation des LT et d’autres acteurs de l’immunité. Les LB mémoires sont également capables de présenter des antigènes tumoraux aux LT. La présence de TLS et notamment de LB (en particulier les LB mémoires et les plasmocytes) est donc un marqueur de bon pronostic pour les patients traités par ICB, les LB agissant potentiellement par leur effet stimulant direct et/ou indirect (T-dépendant) sur la réponse immunitaire adaptative. D’autres études incluant plus de patients et d’autres types de cancer sont nécessaires pour pouvoir comprendre les mécanismes par lesquels les LB en association avec les TLS contribuent à une meilleure réponse antitumorale. Une étude publiée la même année par un autre groupe confirme d’ailleurs ces résultats sur le rôle des LB et des TLS chez des patients atteints de sarcome et traités avec un anticorps anti-PD-1 [2]. Cependant, ces résultats représentent une avancée majeure dans la recherche pour la lutte contre le cancer et ouvrent la voie vers l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques et/ou de marqueurs prédictifs.
B lymphocytes and tertiary lymphoid structures (TLS), a biomarker of anti-checkpoint immunotherapies efficacy?
Référence
1. Helmink BA, Reddy SM, Gao J, et al. B cells and tertiary lymphoid structures promote immunotherapy response. Nature 2020 ; 10.1038/s41586-019-1922-8.
2. Petitprez F, de Reyniès A, Keung EZ, et al. B cells are associated with survival and immunotherapy response in sarcoma. Nature 2020 ; 10.1038/s41586-019-1906-8.
Alexandra Mousset, Chloé Petitpas
Master Biologie Santé, Parcours International Cancer Biology, Université de Montpellier, France.
Les acides gras à courte chaîne : lien entre la dysbiose intestinale secondaire au virus Influenza et la surinfection pulmonaire à Streptococcus pneumoniae
© Inserm/Rosa-Calatrava, Manuel/Ressnikoff, Denis
La grippe est responsable de morbidité et de mortalité importantes, notamment liées aux surinfections bactériennes pulmonaires (SBP) à Streptococcus pneumoniae. Le microbiote intestinal et pulmonaire étant essentiel dans l’éducation, le développement et les fonctions du système immunitaire, tant au niveau local que systémique, Sencio et al. ont émis l’hypothèse que la perturbation du microbiote pouvait être associée aux SBP qui font suite à l’infection par le virus Influenza, agent causal de la grippe. Ils se sont intéressés aux variations au cours de l’infection des acides gras à courte chaîne (AGCC), produits de fermentation des fibres alimentaires par le microbiote intestinal [1]. Les AGCC représentent une classe de molécules à activité immunorégulatrice récemment mise en avant, pouvant s’exercer à distance, en particulier sur les macrophages via le récepteur couplé aux protéines G, FFAR2 (free fatty acid receptor 2)[2]. Les auteurs ont tout d’abord caractérisé les variations de la composition du microbiote intestinal de souris et des métabolites associés suite à l’infection par le virus Influenza A H3N2 (IAV). Les fèces de souris infectées ont été collectés et une analyse des différents gènes codant l’ARN 16S ont permis d’identifier les différentes familles bactériennes représentées. Ces expériences ont permis de montrer une modification, sept jours après infection, de la composition du microbiote fécal, associée à une diminution des AGCC, dont l’acétate.
Pour déterminer l’impact de ces modifications post-infection du microbiote sur la sensibilité aux SBP, les auteurs ont traité des souris avec des antibiotiques à large spectre pour éliminer le microbiote intestinal, avant de réaliser des transplantations fécales de microbiote de souris saines ou infectées par IAV, suivies d’une infection par voie intra-nasale des deux groupes de souris avec le pneumocoque. Une dissémination bactérienne plus importante est alors observée dans le groupe dont le microbiote a été reconstitué par celui des souris infectées par IAV. La supplémentation en acétate chez ces souris rétablit une charge bactérienne pulmonaire et systémique similaire à celle des souris reconstituées avec un microbiote issu de souris saines. Ce résultat souligne le rôle de l’acétate dans l’immunité anti-pneumocoque. Les auteurs montrent également dans leur étude, qu’in vitro, l’acétate n’a pas d’effet direct sur le pneumocoque, ce qui suggère que son effet pourrait être lié à son impact sur le système immunitaire pulmonaire. Les macrophages alvéolaires ayant un effet majeur dans la bactéricidie contre le pneumocoque au niveau pulmonaire, les auteurs ont évalué leur nombre et leur activité bactéricide dans un lavage bronchoalvéolaire dans différentes conditions. Même si leur nombre n’est pas diminué chez les souris infectées par IAV, en revanche leur activité bactéricide est alors diminuée. Celle-ci peut être rétablie par une supplémentation en acétate. L’effet protecteur de l’acétate sur la susceptibilité aux SBP est perdu lorsque des souris FFAR2-/- sont utilisées (ou infectées). En revanche, un agoniste de FFAR2, TUG1375, induit le même type de protection que l’acétate dans les souris infectées. En conclusion, cette étude montre que la réduction de la production d’AGCC par le microbiote intestinal lors d’une infection grippale est responsable d’une diminution de l’activité bactéricide des macrophages alvéolaires, en lien avec une stimulation suboptimale de leur récepteur FFAR2, qui augmente la susceptibilité aux SBP. Ceci ouvre des perspectives thérapeutiques dans la prise en charge des infections bactériennes post-infections grippales et plus spécifiquement pour celles étant secondaires à une altération du microbiote.
Short-chain fatty acids: A link between intestinal dysbiosis secondary to Influenza virus and pulmonary Streptococcus pneumoniae overinfection
Référence
1. Sencio V, Barthelemy A, Tavares LP, et al. Gut dysbiosis during influenza contributes to pulmonary pneumococcal superinfection through altered short-chain fatty acid production. Cell Rep 2020 ; 9 : 2934–47.
2. Dang AT, Marsland BJ. Microbes, metabolites, and the gut–lung axis. Mucosal Immunol 2019 ; 4 : 843–50.
Margot Lherbet
Master Biologie Santé, filière internat, Faculté de pharmacie, Université de Montpellier, France
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