Open Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 5, Mai 2020
Page(s) 465 - 471
Section M/S Revues
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2020078
Published online 26 May 2020

© 2020 médecine/sciences – Inserm

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Vignette (Photo © Canopé-CNDP-Universcience/MGEN/Inserm/EDUCAGRI).

En France, 45 % des adultes de plus de 40 ans sont atteints, au minimum, d’une parodontite localisée, une maladie inflammatoire chronique d’origine bactérienne touchant les tissus de soutien de la dent [1]. Depuis les années 1990, la médecine parodontale a émergé pour mettre notamment l’accent sur les conséquences liées à ces parodontopathies. Elle a en particulier identifié la parodontite comme étant un potentiel facteur de risque de maladies systémiques, telles que la polyarthrite rhumatoïde [2]. La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie auto-immune chronique touchant les articulations, qui se manifeste par une inflammation persistante au niveau de la membrane synoviale. D’un point de vue moléculaire, l’apparition des signes cliniques de la maladie est une conséquence de la citrullination de certains sites protéiques, qui peut déclencher une cascade d’événements aboutissant à la production d’anticorps anti-protéines citrullinées [3]. Un lien entre PR et parodontite a notamment été établi en raison de la découverte chez Porphyromonas gingivalis, une bactérie participant à l’établissement de la parondontite, d’une peptidylarginine désiminase, qui convertit l’arginine associée à un peptide (peptidylarginine) en peptidylcitrulline [4]. Dans cette revue, nous décrirons le rôle de cette citrullination des protéines dans les deux pathologies. Les différentes données scientifiques concernant le lien existant entre les deux maladies seront ensuite discutées.

La citrullination des protéines

La citrullination, ou désimination, est une modification post-traductionnelle des protéines qui consiste en la transformation de résidus peptidyl-arginyl en résidus peptidyl-citrullyl avec libération d’ammonium (Figure 1) [5]. Elle est réalisée par des enzymes appelées peptidylarginine désiminases (PAD, pour protein-arginine deiminase, ou protein-L-arginine iminohydrolase, ou EC 3.5.3.15) (Figure 1) [5]. La citrullinisation joue un rôle important dans la kératinisation de la peau, la protection des neurones, la plasticité du système nerveux central, la régulation des gènes, mais aussi dans le fonctionnement du système immunitaire (Figure 2) [6]. En effet, c’est au cours de la réponse immunitaire innée, ou de la réponse inflammatoire, que l’hypercitrullination des histones permet la formation des NET (neutrophil extracellular trap) produits par les neutrophiles en réponse aux stimulus pathogènes, en particulier [7]. Ces NET (ou filets), constitués d’ADN et de protéines libérés par le neutrophile, sont capables de se lier aux bactéries pour les piéger et ainsi exercer une activité bactéricide extracellulaire à distance. Les histones liées à l’ADN seraient citrullinées, entraînant une modification de charge et une décondensation de l’ADN cellulaire [8]. Au cours des processus d’apoptose, de nécrose ou de NETose, un important flux d’ions calcium activerait les PAD qui citrullineraient de nombreuses protéines cytoplasmiques, nucléaires, membranaires et mitochondriales [6]. Dans le cas de la PR, ce sont des peptides présents au niveau des articulations, enrichis en citrulline, qui deviennent des auto-antigènes à l’origine de la réponse inflammatoire. La citrullination intervient également dans d’autres processus pathologiques, tels que la formation de tumeurs, le psoriasis, etc. (Figure 2) [6].

thumbnail Figure 1.

Processus de citrullination catalysé par les PAD humaines. PAD : peptidylarginine désiminase.

thumbnail Figure 2.

Processus de citrullination catalysé par les PAD. La citrullination intervient dans de nombreuses fonctions physiologiques (représentées par les flèches bleues). Un dysfonctionnement peut aboutir au développement de pathologies (représentés par les flèches rouges). NET : neutrophil extracellular trap, PAD : peptidylarginine désiminase, PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis.

Chez l’homme, cinq enzymes PAD (PAD1, PAD2, PAD3, PAD4 et PAD6), sont codées par cinq gènes regroupés sur le chromosome 1 en un seul locus [5]. Ces isoformes sont assez bien conservées avec 44 à 57 % d’identité en acides aminés (Tableau I). Chez les procaryotes, ces enzymes n’ont été identifiées que chez Porphyromonas, plus particulièrement chez P. gingivalis, où l’homologue des PAD humaines a été nommé PPAD (P. gingivalis peptidylarginine deiminase) [9]. La PPAD des Porphyromonas présente entre 30 et 40 % d’identité avec les PAD humaines (Tableau I). Une comparaison entre PAD et PPAD est présentée dans le Tableau II [6, 10, 11]. Contrairement à ses homologues eucaryotes qui sont présentes dans le cytoplasme de la cellule, PPAD est sécrétée ou liée à la membrane externe de la paroi bactérienne. Son action ne dépend pas de la présence de calcium, et elle est active à un pH plus basique. Elle est capable de citrulliner des résidus arginines présents au sein des séquences protéiques ou au niveau de l’extrémité C-terminale de la protéine. Sa capacité d’autocitrullination reste à confirmer. Les substrats et la localisation de ces enzymes leur sont spécifiques (Tableau II). PPAD peut en effet citrulliner des protéines bactériennes et des protéines de l’hôte, alors que les PAD n’agissent que sur des protéines humaines.

Tableau I.

Conservation entre les différentes PAD humaines et PPAD. Les pourcentages d’identité en acides aminés ont été calculés après alignement des séquences protéiques sur Blastp (https://blast.ncbi.nlm.nih.gov/Blast.cgi?PAGE=Proteins). PAD : peptidylarginine désiminase ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis.

Tableau II.

Comparaison entre les différentes PAD humaines et PPAD. Arg : arginine ; PAD : peptidylarginine désiminase ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis (d’après [10, 11]).

Citrullination et parodontite chronique

La parodontite chronique englobe un ensemble d’événements complexes, initiés par une colonisation bactérienne sous-gingivale, une inflammation chronique, une citrullination de protéines, et une dérégulation de la réponse immunitaire de l’hôte (Figure 3) [12]. La libération d’ammonium lors de la citrullination des protéines endogènes, protègerait P. gingivalis des attaques acides [13]. L’ammonium produit permettrait au milieu d’atteindre un pH optimal pour le fonctionnement de la PPAD, ce qui favoriserait la survie de P. gingivalis dans les poches parodontales [14]. PPAD n’aurait aucun impact sur la capacité de P. gingivalis à adhérer et à envahir les cellules épithéliales gingivales. Elle serait en revanche un modulateur puissant de la réponse immunitaire de l’hôte [15]. P. gingivalis dispose d’un large éventail de facteurs de virulence, parmi lesquels figurent les gingipaïnes Rgp (Arg-gingipain) et la PPAD [16]. Ces deux facteurs sont co-localisés sur la membrane externe de la paroi bactérienne ou dans des vésicules sécrétées. Pour traverser la paroi bactérienne, ils utilisent le système de sécrétion Por (PorSS), un mécanisme spécifique pour le transport des gingipaïnes [17]. Deux gingipaïnes spécifiques de l’arginine ont été identifiées chez P. gingivalis : RgpA, RgpB. Ces deux enzymes clivent les protéines après les résidus arginines. Le fait que la PPAD citrulline préférentiellement les résidus arginines en position terminale des chaînes polypeptidiques, suggère l’existence d’un lien direct entre ces deux enzymes. Les produits issus de l’action des protéases Rgp sont ainsi des substrats pour la PPAD. Les actions successives des Rgp et de PPAD sur l’anaphylatoxine C5a, une glycoprotéine résultant de l’activation du complément, induit, par exemple, une perte de fonction de la protéine, ce qui empêche la vasodilatation des vaisseaux et le recrutement des neutrophiles [18]. L’inactivation des Rgp bactériennes a pour conséquence une diminution de la citrullination des protéines [19] et les niveaux d’expression et l’activité des Rgp sont augmentés en présence de PPAD [20, 21]. Les Rgp peuvent être, par ailleurs, citrullinées par la PPAD, ce qui suggère que la présence de résidus citrullines au sein de ces enzymes leur conférerait une protection contre une éventuelle auto-coupure aux niveaux des arginines qu’elles présentent [20].

thumbnail Figure 3.

Séquence d’évènements lors de la mise en place de la parodontite. La formation de lésions parodontales est provoquée par une dysbiose sous-gingivale (altération qualitative et quantitative de la flore bactérienne) ayant provoqué et amplifié une réponse immunitaire inflammatoire locale. Ces atteintes parodontales sont le résultat d’une action concommitante des facteurs de virulence et des médiateurs de l’inflammation. La citrullination excessive des protéines par les PAD humaines et bactérienne (PPAD) fait partie des processus mis en jeu à l’origine de la production d’auto-anticorps pouvant diffuser de manière systémique. Aa : Aggregatibacter actinomycetemcomitans ; Ac : anticorps ; LPS : lipopolysaccharides ; NO : monoxyde d’azote ; PAD : peptidylarginine désiminase ; P. gingivalis : Porphyromonas gingivalis ; PGE2 : prostaglandine E2 ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis ; ROS : espèces réactives de l’oxygène.

La citrullination par PPAD du peptide LP9, (107RAWVAWRNR115), un produit de la dégradation du lysozyme, connu pour agir comme peptide cationique antimicrobien, réduit son activité bactéricide [20]. PPAD empêcherait également la reconnaissance et la phagocytose de la bactérie par les neutrophiles, lui permettant de survivre dans le tissu gingival fortement enrichi en neutrophiles [20]. La citrullination par PPAD de l’histone H3, qui lui permet d’intégrer les NET produits par les neutrophiles, interroge sur les mécanismes exacts par lesquels PPAD participe à la formation de ces filets afin de capturer les bactéries [20]. P. gingivalis favoriserait donc la présence des cellules immunitaires tout en empêchant certaines de leurs activités, initiant ainsi une réponse inflammatoire continue. L’ensemble de ces résultats posent ainsi de nombreuses questions quant à l’implication de PPAD dans les mécanismes de contournement des défenses mis en œuvre par P. gingivalis.

Citrullination et polyarthrite rhumatoïde

La physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde reste inconnue. Il semble néanmoins que cette pathologie soit déclenchée par une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux qui conduisent à une rupture de tolérance immunitaire. Cette maladie est caractérisée par une inflammation ayant pour origine une accumulation d’infiltrats leucocytaires dans la membrane synoviale des articulations, qui stimulent la production d’anticorps dirigés contre d’autres anticorps (facteurs rhumatoïdes) et d’anticorps plus spécifiques qui reconnaissent des peptides cycliques citrullinés (ACPA) comme des antigènes du non-soi [3]. Cette reconnaissance par les ACPA des épitopes citrullinés et la formation de complexes immuns intégrant des facteurs rhumatoïdes entretiennent un cercle vicieux à l’origine des lésions tissulaires aux niveaux des articulations. Les voies de signalisation impliquées dans la production des ACPA sont encore obscures. Cependant, il est établi que ces anticorps sont à l’origine de la persistance de l’inflammation synoviale en interagissant avec des protéines citrullinées localisées dans la membrane des cellules ou incorporées dans des NET [22]. L’analyse in vivo des véritables cibles des ACPA a permis d’identifier plusieurs candidats antigéniques : le fibrinogène, la vimentine, l’α-énolase, le collagène de type II, mais aussi des histones contenues dans les NET [23]. L’existence d’auto-anticorps anti-PAD4, dont la présence est associée à la sévérité de la pathologie, a également été mise en évidence [24]. Ces anticorps seraient capables de se lier à PAD4 et de modifier sa conformation, augmentant ainsi la sensibilité de l’enzyme au calcium [24]. Néanmoins, les mécanismes présidant à la production de ces auto-anticorps anti-PAD4 restent encore inconnus. Les ACPA sont des immunoglobulines d’isotype G (IgG) qui sont produits sans besoin d’une éducation préalable des lymphocytes T (il s’agit donc d’une réponse T-indépendante). La production des auto-anticorps anti-PAD4 précède le développement d’une PR. L’association entre la protéine citrullinée et l’enzyme PAD4 (qui forme un complexe haptène-protéine porteuse) pourrait être reconnue par les lymphocytes T, et donc les activer [25]. Pourtant, les PAD sont des antigènes du soi. Elles devraient être tolérées par le système immunitaire. Les mécanismes par lesquels ces enzymes deviennent immunogènes et constituent des auto-antigènes dans cette maladie restent inconnus.

Depuis plusieurs années, le déclenchement de la PR par une infection bactérienne ou virale a été le sujet de plusieurs études. Les recherches se sont fondées sur le fait que l’inflammation provoquée par des bactéries ou des virus (virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus) pouvait entraîner une rupture de la tolérance immunitaire et ainsi provoquer l’apparition de maladies auto-immunes [2]. Les résultats obtenus dans ces études apparaissent cependant contradictoires. L’apparition précoce des auto-anticorps, bien avant la PR, a conduit à l’hypothèse qu’une inflammation, débutant dans les tissus muqueux, tels que les poumons, les intestins et le parodonte, pouvait, par voie systémique, atteindre les articulations [26].

La citrullination : lien entre polyarthrite rhumatoïde et parodontite chronique

Malgré des étiologies différentes, la parodontite et la PR sont des maladies multifactorielles qui partagent de nombreuses caractéristiques. Elles sont toutes deux le résultat de réactions inflammatoires chroniques localisées, auxquelles participent un ensemble de cytokines (TNF-α [tumor necrosis factor alpha], IL[interleukine]-6 et IL-17) dont la circulation dans le sang est bidirectionnelle, du parodonte aux articulations et vice versa [2]. Elles induisent également une augmentation de l’activité des métalloprotéinases de la matrice collagénique ainsi que celle d’autres enzymes (élastase, protéases à cystéines, des enzymes produites par les neutrophiles). Elles sont aussi à l’origine de la surexpression du système RANK/RANKL/OPG1, responsable de lésions irréversibles sur les tissus riches en collagène (gencive, ligament parodontal et os alvéolaire pour la parodontite, os sous-chondral et cartilage pour la PR) [27]. La parodontite et la PR partagent également de nombreux facteurs de risque environnementaux (tabac, etc.) et génétiques (dont le complexe majeur d’histocompatibilité de classe I, HLA-DR, etc.) [11].

Ces dernières années, de nombreuses analyses ont tenté de montrer que la parodontite pouvait précéder le développement de la PR [11, 27]. La théorie qui a émergé de ces études suppose que le parodonte enflammé serait le lieu de production des ACPA, en réponse à des processus d’hypercitrullination de protéines réalisés par les PAD endogènes et la PPAD bactérienne.

Il reste cependant difficile d’établir une relation entre les deux pathologies, malgré des caractéristiques communes et des liens suggérés par les données actuelles :

1) la prévalence élevée de la maladie parodontale chez les patients atteints de PR et vice-versa. De nombreuses études cas-témoins montrent en effet que la maladie parodontale est plus fréquente chez les patients atteints de PR, comparativement aux individus en bonne santé [11]. Et réciproquement, la prévalence de la PR est plus élevée chez les patients ayant une parodontite. Dans l’étude la plus importante menée jusqu’à ce jour (plus de 13 000 cas de PR et 130 000 témoins), une association significative a été mise en évidence entre les deux pathologies [28]. Toutefois, d’autres études ne confirment pas ces conclusions [10, 11]. Les raisons expliquant de tels résultats contradictoires peuvent être le manque de critères de classification spécifiques associés à la parodontite, la taille des cohortes de patients, l’absence de données concernant les facteurs de confusion et les différences de design entre études. À noter que la prévalence de la PR est trois fois plus importante chez les femmes [11]. Il existe d’autres facteurs (hormones stéroïdiennes, marqueurs génétiques, etc.) et mécanismes spécifiques à chacune des pathologies, autres que la citrullination, qui sont à prendre en compte ;

2) la présence de taux élevés d’anticorps anti-P. gingivalis dans la PR [10]. Il est difficile d’évaluer la pertinence des différentes études en raison de l’absence d’analyses standardisées pour mesurer les niveaux d’anticorps. Cependant, deux méta-analyses regroupant un nombre conséquent de publications ont établi une corrélation entre les niveaux d’anticorps anti-P. gingivalis et d’ACPA [29]. Contrairement aux anticorps anti-P. gingivalis, les anticorps dirigés contre RgpB, ne sont pas corrélés à la PR [29]. Toutefois, des concentrations élevées d’anticorps anti-RgpB ont été détectées avant l’apparition clinique de la PR [31] ;

3) des symptômes cliniques de PR aggravés chez les souris et les rats infectés par P. gingivalis. Un certain nombre d’études ont montré un afflux massif de leucocytes, une accumulation d’ostéoclastes et des lésions articulaires plus sévères après une infection à P. gingivalis [11, 32]. Cependant, la validité de tels modèles est contestée. Les animaux produisent effectivement des protéines citrullinées au niveau de la synoviale, mais celles-ci ne présentent cependant pas les épitopes spécifiques observés au cours de la PR chez l’homme [10] ;

4) les effets bénéfiques des thérapeutiques sur l’évolution de ces pathologies. Un traitement parodontal non chirurgical permettrait d’améliorer les signes et les symptômes de la PR [11, 33]. L’impact de cette thérapeutique sur la PR semble être plus important chez les patients présentant une inflammation systémique sévère [34]. Le traitement diminue l’activité de la PR, avec de faibles taux de facteur rhumatoïde et d’ACPA, mais aussi d’anticorps anti-P. gingivalis, chez les patients simultanément atteints de PR et de parodontite chronique [35, 36]. Inversement, le ralentissement précoce de la PR par des médicaments antirhumatismaux peut également limiter les lésions parodontales [11] ;

5) de l’ADN de P. gingivalis a été détecté dans le liquide synovial de patients atteints de PR, ce qui n’est pas le cas chez des patients en bonne santé [37]. La présence d’une PPAD unique chez Porphyromonas est l’élément clé qui a déclenché de nombreuses études. Cette enzyme peut citrulliner des protéines de l’hôte, dont l’énolase et le fibrinogène, deux des principaux auto-antigènes candidats dans la PR [19]. Elle est à l’origine de nouveaux peptides constituant ainsi un pool d’épitopes induisant la production des ACPA au niveau gingival. Une analyse du « citrullome » par spectrométrie de masse révèle que 6 protéines citrullinées qui sont détectées dans le tissu parodontal le sont également dans le fluide synovial de patients atteints de PR [38]. Les peptides citrullinés retrouvés au niveau du tissu parodontal des patients atteints de parodontite pourraient ainsi représenter des auto-antigènes dans la PR. Toutefois, le peu de peptides identifiés, le faible nombre d’échantillons examinés, ainsi que les limites des techniques employées, ne permettent pas de conclure quant au lien entre les deux pathologies ;

6) l’implication d’un autre agent parodontopathogène. P. gingivalis n’était pas la seule espèce bactérienne expliquant le lien entre les deux pathologies. Aggregatibacter actinomycetemcomitans (Aa) serait également à l’origine d’une hypercitrullination dans les neutrophiles via la sécrétion de la leukotoxine A [39]. Cette toxine induirait la formation de pores dans la membrane des cellules, permettant un influx de calcium intracellulaire qui activerait les PAD. Une telle activité de PAD a été identifiée dans le fluide gingival [40]. Des recherches complémentaires sont néanmoins nécessaires pour comprendre le potentiel rôle des bactéries dans l’initiation et l’évolution de la maladie.

Conclusion

La citrullination fait partie des modifications post-traductionnelles les moins étudiées à ce jour. La mise en évidence de son implication dans la séquence d’évènements participant à la mise en place de la maladie parodontale est très récente. De nombreuses interrogations restent sans réponse. Bien que certaines études montrent le rôle de PPAD comme facteur de virulence bactérien, sa participation dans la maladie parodontale reste encore à préciser. Ces dernières années, de nombreuses analyses ont tenté de montrer que le parodonte enflammé pouvait être le lieu de production d’ACPA issus du processus d’hypercitrullination via les PAD et la PPAD. La validation d’un tel modèle nécessitera d’autres études afin d’identifier les mécanismes mis en jeu et évaluer avec exactitude l’implication du microbiote buccal dans le déclenchement de la PR.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.


1

Le récepteur membranaire receptor activator of NF-kB (RANK) et son ligand (RANKL) jouent un rôle fondamental dans la régulation du remodelage osseux. L’ostéoprotégérine (OPG) bloque ce processus en interagissant avec RANKL.

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Liste des tableaux

Tableau I.

Conservation entre les différentes PAD humaines et PPAD. Les pourcentages d’identité en acides aminés ont été calculés après alignement des séquences protéiques sur Blastp (https://blast.ncbi.nlm.nih.gov/Blast.cgi?PAGE=Proteins). PAD : peptidylarginine désiminase ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis.

Tableau II.

Comparaison entre les différentes PAD humaines et PPAD. Arg : arginine ; PAD : peptidylarginine désiminase ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis (d’après [10, 11]).

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Processus de citrullination catalysé par les PAD humaines. PAD : peptidylarginine désiminase.

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Processus de citrullination catalysé par les PAD. La citrullination intervient dans de nombreuses fonctions physiologiques (représentées par les flèches bleues). Un dysfonctionnement peut aboutir au développement de pathologies (représentés par les flèches rouges). NET : neutrophil extracellular trap, PAD : peptidylarginine désiminase, PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis.

Dans le texte
thumbnail Figure 3.

Séquence d’évènements lors de la mise en place de la parodontite. La formation de lésions parodontales est provoquée par une dysbiose sous-gingivale (altération qualitative et quantitative de la flore bactérienne) ayant provoqué et amplifié une réponse immunitaire inflammatoire locale. Ces atteintes parodontales sont le résultat d’une action concommitante des facteurs de virulence et des médiateurs de l’inflammation. La citrullination excessive des protéines par les PAD humaines et bactérienne (PPAD) fait partie des processus mis en jeu à l’origine de la production d’auto-anticorps pouvant diffuser de manière systémique. Aa : Aggregatibacter actinomycetemcomitans ; Ac : anticorps ; LPS : lipopolysaccharides ; NO : monoxyde d’azote ; PAD : peptidylarginine désiminase ; P. gingivalis : Porphyromonas gingivalis ; PGE2 : prostaglandine E2 ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis ; ROS : espèces réactives de l’oxygène.

Dans le texte

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