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Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 2, Février 2020
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 171 - 174 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2020017 | |
Published online | 04 March 2020 |
L’alamandine, une nouvelle molécule d’intérêt thérapeutique contre l’hypertrophie cardiaque
Alamandine, a molecule of therapeutic interest against cardiac hypertrophy
1
M1 Biologie Santé, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France
2
Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot, CEA Saclay, 91190 Gif sur Yvette, France
* aboubacarcoulibaly45@gmail.com
** caroline.deriaz@gmail.com
*** philippe.robin@cea.fr
Pour la cinquième année, dans le cadre du module d’enseignement « Physiopathologie de la signalisation » proposé par l’université Paris-sud, les étudiants du Master « Biologie Santé » de l’université Paris-Saclay se sont confrontés à l’écriture scientifique. Ils ont sélectionné une quinzaine d’articles scientifiques récents dans le domaine de la signalisation cellulaire présentant des résultats originaux, via des approches expérimentales variées, sur des thèmes allant des relations hôte-pathogène aux innovations thérapeutiques, en passant par la signalisation hépatique et le métabolisme. Après un travail préparatoire réalisé avec l’équipe pédagogique, les étudiants, organisés en binômes, ont ensuite rédigé, guidés par des chercheurs, une Nouvelle soulignant les résultats majeurs et l’originalité de l’article étudié. Ils ont beaucoup apprécié cette initiation à l’écriture d’articles scientifiques et, comme vous pourrez le lire, se sont investis dans ce travail avec enthousiasme ! Trois de ces Nouvelles sont publiées dans ce numéro, les autres le seront dans des prochains numéros.
© 2020 médecine/sciences – Inserm
Équipe pédagogique
Karim Benihoud (professeur, université Paris-Sud)
Sophie Dupré (maître de conférences, université Paris-Sud)
Boris Julien (maître de conférences, université Paris-Sud)
Philippe Robin (maître de conférences, université de Paris-Sud)
Hervé Le Stunff (professeur, université Paris-Sud)
karim.benihoud@u-psud.fr
Série coordonnée par Sophie Sibéril.
Les maladies cardiovasculaires sont responsables d’un décès sur trois dans le monde, avec une prévalence croissante en Occident. Malgré de nombreuses avancées thérapeutiques, elles restent une des principales causes de mortalité en France, et il est nécessaire de poursuivre les recherches sur ces maladies pour réduire davantage leur apparition et leur létalité. La plupart de ces pathologies sont dues à des plaques d’athérome formées dans les artères ou à des anomalies de la pression artérielle, phénomènes dans lesquels le système hormonal rénine-angiotensine (RAS) est souvent impliqué [1]. Le RAS est un système conservé au cours de l’évolution chez les vertébrés. Il joue un rôle crucial dans certaines pathologies cardiovasculaires, telles que l’hypertension, l’insuffisance cardiaque et l’athérosclérose [2]. Les composants du RAS sont l’angiotensinogène, une α-2-globuline produite principalement par le foie, ainsi que la rénine, une enzyme exprimée dans le rein et libérée dans le sang en cas de baisse de la pression artérielle. Le clivage de l’angiotensinogène par la rénine forme l’angiotensine I, qui sera clivée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE) en angiotensine II (ANG-II), octapeptide biologiquement actif agissant sur des récepteurs transmembranaires AT(angiotensin receptor)-1 et AT-2, appartenant à la famille des récepteurs couplés aux protéines G [3]. L’ANG-II, par l’intermédiaire de son récepteur AT-1, a un effet vasoconstricteur et joue un rôle majeur dans la régulation de la tension artérielle et l’homéostasie cardiovasculaire [4]. L’ANG-II est également impliquée dans l’hypertrophie des cardiomyocytes, de manière directe et indirecte à travers son effet hypertenseur, conduisant à une augmentation des risques cardiovasculaires [5]. En clinique, les stratégies mises en place pour lutter contre les maladies cardiovasculaires, en particulier l’hypertension artérielle, visent généralement à inhiber l’activité d’ACE ou à bloquer le récepteur AT-1 pour inhiber la synthèse d’ANG-II ou bloquer ses effets [6].
L’ANG-II n’est pas le seul peptide actif du RAS. En effet, ANG-II peut être transformée en Angiotensine 1-7 [ANG-(1-7], sous l’action de l’ACE2, une autre enzyme de conversion du RAS. L’ANG-(1-7) possède des effets opposés à ceux de l’ANG-II, tels que la vasodilatation [3]. Récemment, l’alamandine, un heptapeptide dont la séquence est proche de celle de l’ANG-(1-7), a été décrite par l’équipe de Lautner [7]. Elle peut être générée par la décarboxylation1 de l’ANG-(1-7) [2]. Il a été montré qu’elle exerce des actions vasodilatatrices et anti-hypertensives via le récepteur MrgD (Mas-related G-protein-coupled receptor member D), un récepteur couplé aux protéines G apparenté à Mas, un récepteur activé par l’ANG-(1-7) [1, 2] (Figure 1). Toutefois, la sélectivité de ces deux peptides vis-à-vis des récepteurs MrgD et Mas n’est pas clairement établie. À ce jour, l’alamandine a été retrouvée chez le rat, la souris et l’homme. Elle produit des effets physiologiques similaires à ceux de l’ANG-(1-7) au sein du système cardiovasculaire : production de monoxyde d’azote (NO) dans les cardiomyocytes et les artères, et vasodilatation des artères. Il est également intéressant de noter que les patients néphropathiques présentent une concentration plasmatique accrue d’alamandine, ce qui suggère que ce peptide pourrait avoir, comme l’ANG-(1-7), un rôle important en situation physiopathologique [6]. L’alamandine pourrait donc, comme l’ANG-(1-7), avoir un effet bénéfique sur le système cardiovasculaire et en particulier s’opposer au développement de l’hypertrophie cardiaque. Pour évaluer cette hypothèse et comprendre le mode d’action de l’alamandine, l’équipe de Silvia Guatimosim a choisi de travailler sur des cellules musculaires cardiaques (cardiomyocytes) de souris fraîchement isolées.
Figure 1. Voie de signalisation de l’alamandine au sein du système rénine-angiotensine et son rôle dans l’inhibition des effets hypertrophiques d’ANG-II sur les cardiomyo cytes. Le système rénine-angiotensine permet la production d’angiotensine II (ANG-II), exerçant un rôle vasoconstricteur et hypertrophique sur les cellules cardiaques. L’ANG-II peut être transformée en angiotensine 1-7 [ANG-(1-7)] qui agit comme un vasodilatateur via le récepteur Mas et la voie de signalisation Akt/PKB. L’alamandine, peptide dérivé de l’ANG-(1-7), agit via le récepteur MrgD et la voie LKB1/AMPK pour activer eNOS et libérer du NO (monoxyde d’azote) dans la cellule ce qui limite l’hypertrophie des cellules cardiaques (cette figure a été créée en utilisant les modèles « Servier Medical Art » - https://smart.servier.com) |
L’alamandine induit une production de NO dans les cardiomyocytes via le récepteur MrgD et l’AMPK
Dans un premier temps, De Jesus et al. se sont intéressés à la voie de signalisation déclenchée par l’alamandine dans les cardiomyocytes isolés, et l’ont comparée à celle de l’ANG-(1-7). Ils ont observé que l’alamandine, comme l’ANG-(1-7), induit une production de NO, mais par des voies de signalisation différentes et par le biais de protéines kinases différentes : LKB1 (liver kinase B1) et AMPK (AMP-activated protein kinase) pour l’alamandine, et Akt/PkB (protéine kinase B) pour l’ANG-(1-7). L’activation de ces protéines a été mise en évidence en caractérisant leur état de phosphorylation par western-blot.
Si les voies de signalisation respectivement mises en jeu par l’alamandine et l’ANG-(1-7) sont différentes, cela peut s’expliquer par l’activation de récepteurs différents par les deux peptides. Pour vérifier cette hypothèse, les auteurs ont utilisé des cardiomyocytes issus de souris transgéniques dont les gènes codant le récepteur Mas ou le récepteur MrgD ont été invalidés. Ils ont alors observé que tous les effets de l’alamandine, à savoir la production de NO et la phosphorylation de LKB1 et AMPK, étaient préservés dans les cardiomyocytes n’exprimant pas le récepteur Mas. À l’inverse, tous ces effets étaient perdus dans les cellules cardiaques dépourvues du récepteur MrgD. L’alamandine exerce donc ses effets par l’intermédiaire du récepteur MrgD et non par le récepteur Mas. Cette conclusion a été confirmée par une approche pharmacologique dans laquelle le récepteur MrgD des cardiomyocytes était bloqué par un de ses antagonistes, la D-proline. En utilisant de l’alamandine couplée à une molécule fluorescente, les auteurs ont également montré que celle-ci se fixait de manière spécifique aux cardiomyocytes normaux mais aussi à ceux issus des souris transgéniques n’exprimant pas le récepteur Mas. Au contraire, dans les cardiomyocytes n’exprimant pas le récepteur MrgD, la liaison de l’alamandine fluorescente était fortement réduite. Toutefois, il a été observé que l’invalidation du gène codant le récepteur MrgD n’abolissait pas totalement la liaison de l’alamandine aux cardiomyocytes, suggérant l’existence d’un autre récepteur pour l’alamandine dans les cardiomyocytes, mais cela reste à démontrer.
L’alamandine joue un rôle anti-hypertrophique sur les cardiomyocytes en s’opposant aux effets de l’ANG-II
Après avoir établi les mécanismes d’action de l’alamandine, les chercheurs se sont intéressés à ses effets physiologiques, relayés par l’augmentation de NO dans les cardiomyocytes sous son action. Ils se sont plus précisément penchés sur les effets hypertrophiques de l’ANG-II, dont l’inhibition pourrait être une stratégie thérapeutique dans les maladies cardio-vasculaires. Pour évaluer l’hypertrophie des cardiomyocytes, l’actine (protéine très abondante dans les cellules musculaires et permettant leur contraction) a été marquée dans les cellules grâce à des anticorps spécifiques. L’hypertrophie cellulaire est caractérisée par une augmentation de la surface moyenne d’une cellule, observable au microscope. Les auteurs ont alors observé que, contrairement à l’ANG-II, l’alamandine ne provoquait pas d’effet hypertrophique et était même capable d’inhiber l’effet de l’ANG-II. Pour s’assurer que ce blocage de l’action de l’ANG-II par l’alamandine empruntait bien la voie de signalisation précédemment mise en évidence, les chercheurs ont utilisé la D-proline, antagoniste du récepteur MrgD, ainsi que des inhibiteurs spécifiques de l’AMPK et de la eNOS, enzyme responsable de la synthèse du NO. En présence de ces agents pharmaceutiques, l’alamandine n’était plus capable d’inhiber l’effet hypertrophique de l’ANG-II, prouvant ainsi que la voie mise en jeu par l’alamandine, faisant intervenir le récepteur MrgD, les protéine kinases LKB1 et AMPK, aboutissant à la synthèse de NO, est capable d’inhiber l’hypertrophie des cardiomyocytes.
Conclusion
Les travaux réalisés par de Jesus et al. montrent, pour la première fois, par des approches génétiques et pharmacologiques, que l’alamandine agit via le récepteur MrgD pour induire un effet anti-hypertrophique, et donc cardioprotecteur, dans les cardiomyocytes de souris (Figure 1). Cet effet de protection passe par l’activation de la voie de signalisation impliquant les protéines kinases LKB1 et AMPK régulant la synthèse de NO par la eNOS. Ces résultats font du récepteur MrgD une nouvelle cible thérapeutique potentielle, et de l’alamandine une molécule d’intérêt pour le traitement de l’hypertrophie cardiaque.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
- Qaradakhi T, Apostolopoulos V, Zulli A. Angiotensin (1–7) and alamandine: similarities and differences. Pharmacol Res 2016 ; 111 : 820–826. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Hrenak J, Paulis L, Simko F. Angiotensin A/alamandine/MrgD axis: another clue to understanding cardiovascular pathophysiology. Int J Mol Sci 2016 ; 17 : 1–9. [Google Scholar]
- Sampaio WO, Souza dos Santos RA, Faria-Silva R, et al. Angiotensin-(1–7) through receptor Mas mediates endothelial nitric oxide synthase activation via Akt-dependent pathways. Hypertension 2007 ; 49 : 185–192. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Li R, Mi X, Yang S, et al. Long-term stimulation of angiotensin II induced endothelial senescence and dysfunction. Exp Gerontol 2019 ; 119 : 212–220. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Sadoshima J, Xu Y, Slayter HS, Izumo S. Autocrine release of angiotensin II mediates stretch-induced hypertrophy of cardiac myocytes in vitro. Cell 1993 ; 75 : 977–984. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Lautner RQ, Villela DC, Fraga-Silva RA, et al. Discovery and characterization of alamandine: a novel component of the renin-angiotensin system. Circ Res 2013 ; 112 : 1104–1111. [Google Scholar]
- Jesus ICG, Scalzo S, Alves F, et al. Alamandine acts via MrgD to induce AMPK/NO activation against ANG II hypertrophy in cardiomyocytes. Am J Physiol Cell Physiol 2018 ; 314 : C702–C711. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
Liste des figures
Figure 1. Voie de signalisation de l’alamandine au sein du système rénine-angiotensine et son rôle dans l’inhibition des effets hypertrophiques d’ANG-II sur les cardiomyo cytes. Le système rénine-angiotensine permet la production d’angiotensine II (ANG-II), exerçant un rôle vasoconstricteur et hypertrophique sur les cellules cardiaques. L’ANG-II peut être transformée en angiotensine 1-7 [ANG-(1-7)] qui agit comme un vasodilatateur via le récepteur Mas et la voie de signalisation Akt/PKB. L’alamandine, peptide dérivé de l’ANG-(1-7), agit via le récepteur MrgD et la voie LKB1/AMPK pour activer eNOS et libérer du NO (monoxyde d’azote) dans la cellule ce qui limite l’hypertrophie des cellules cardiaques (cette figure a été créée en utilisant les modèles « Servier Medical Art » - https://smart.servier.com) |
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