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Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 1, Janvier 2020
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 69 - 72 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2019175 | |
Published online | 04 February 2020 |
Le dialogue entre les cellules souches intestinales et les lymphocytes T CD4+ module l’homéostasie des cellules souches
Module d’immunologie virologie et cancer du Master de cancérologie de Lyon
Dialogue between intestinal stem cells and CD4+ T lymphocytes orchestrates intestinal stem cell homeostasis
1
Master de cancérologie, module d’immunologie – virologie, université Claude Bernard Lyon 1, Lyon, France
2
Centre de recherches en cancérologie de Lyon, UMR Inserm 1052, CNRS 5286, Centre Léon Bérard de Lyon, Lyon, France
* valentin.thevin@etu.univ-lyon1.fr
** saidi.soudja@inserm.fr
Dans le cadre d’un partenariat avec médecine/sciences, et pour la troisième année, des étudiants du module d’immunologie virologie et cancer du Master de cancérologie de Lyon présentent une analyse d’articles scientifiques récents faisant état d’observations innovantes et importantes. Ce travail a été encadré par des chercheurs confirmés du département d’immunologie, virologie et inflammation du CRCL. Le master de cancérologie de Lyon (Lyon1-VetAgroSup) accueille chaque année 30 à 40 étudiants en M1 et en M2. Ce master dit « d’excellence » assure aux étudiants de M1 une formation à la cancérologie reposant sur un socle de base commun (biologie cellulaire, moléculaire, immunologie, bio-statistique...). En M2, les étudiants peuvent choisir l’une des trois spécialités suivantes : le Master recherche « Recherche en cancérologie », le Master recherche et professionnel « Technologie haut débit en cancérologie » et enfin le Master recherche et professionnel « Innovations thérapeutiques en cancérologie ». Le Master de cancérologie de Lyon repose sur une forte implication des chercheurs et enseignants-chercheurs du laboratoire d’excellence en développement et cancérologie (LabEx DEVweCAN), ainsi que sur un partenariat solide avec plusieurs instituts dont le MIT (Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, États-Unis), l’université d’Harvard (Boston, États-Unis), l’université Johns Hopkins (Baltimore, États-Unis), l’Imperial College of London (Royaume-Uni), les universités de Jiao Tong (République Populaire de Chine) et de Tokyo (Japon), entre autres. Pour plus d’information : http://devwecan.universite-lyon.fr/formation/
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Contact Équipe pédagogique
Julien Marie
julien.marie@inserm.fr
L’intestin couvre plus de 200 m2 chez l’homme et constitue un acteur central de la digestion et de l’homéostasie de l’organisme. Il est en contact direct avec les aliments que nous ingérons mais également avec de nombreux micro-organismes qui constituent le microbiote. En conditions physiologiques, ces micro-organismes commensaux ou l’alimentation ne doivent pas générer d’activation forte du système immunitaire. L’intestin doit faire la part des choses entre agents pathogènes et microbiote commensal pour éviter toute réaction inappropriée et l’établissement d’une inflammation chronique, terrain propice au développement de cancers.
Au niveau de l’intestin grêle, le tissu intestinal est composé de cryptes et de villosités. Au fond des cryptes, dites de Lieberkühn, se trouvent les cellules souches intestinales (CSI) qui expriment la protéine Lgr5 (leucine-rich repeat-containing G-protein-coupled receptor 5) [1]. Ces CSI ont la capacité de se différencier et de donner naissance à toutes les cellules de l’épithélium intestinal. Elles se différencient en cellules progénitrices transitoires qui se multiplient intensément avant de se différencier à leur tour. Elles donnent ainsi naissance aux entérocytes (cellules absorbantes), aux cellules entéroendocrines, aux cellules sécrétrices de mucus (cellules caliciformes ou en gobelet, en anglais), aux cellules tufts impliquées dans la réponse antiparasitaire [2] et aux cellules de Paneth (sécrétrices de peptides anti-microbiens) [1]. Toutes ces cellules se retrouvent au niveau des villosités, à l’exception des cellules de Paneth qui, elles, se localisent au contact des CSI dans les cryptes de Lieberkühn. L’épithélium intestinal se renouvelle très rapidement. Les cellules migrent jusqu’au sommet des villosités, meurent et se jettent dans la lumière intestinale. Chez les mammifères, cet épithélium est renouvelé totalement tous les 4-5 jours [3]. Un dérèglement de ce processus de prolifération et de différenciation est à l’origine de nombreuses pathologies, en particulier des processus cancéreux [4]. C’est donc un enjeu majeur de comprendre les mécanismes qui régulent le comportement des CSI.
En cas d’agression physique, chimique ou microbiologique, l’épithélium doit s’adapter, répondre efficacement et se régénérer. Ce renouvellement, de même que cette réparation dépendent totalement des CSI qui, par le biais des signaux de prolifération et de différenciation qu’elles reçoivent et intègrent, vont pouvoir proliférer et se différencier. La prolifération et la différenciation des cellules souches de l’organisme sont finement régulées et de nombreuses études ont montré que les cellules du système immunitaire contrôlent l’homéostasie des cellules souches de l’organisme. Ainsi, les lymphocytes T régulateurs (Treg) peuvent réguler la prolifération et la différenciation des cellules souches de la peau [5]. L’intestin étant un organe riche en lymphocytes T, ces derniers pourraient donc jouer un rôle sur l’homéostasie des CSI. Dans une étude parue dans Cell en 2018, l’équipe de Ramnik Xavier a analysé le rôle des lymphocytes T intestinaux dans le renouvellement et la différenciation des CSI [6].
Les cellules souches intestinales expriment le complexe majeur d’histocompatibilité de classe II
Le complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH II) permet la présentation de l’antigène aux lymphocytes T CD4+ et leur activation. Les molécules du CMH II sont exprimées par les cellules présentatrices d’antigènes professionnelles, telles que les cellules dendritiques ou les lymphocytes B. Toutefois, des expressions non conventionnelles du CMH II ont été décrites dans différentes études. Notamment, il a été montré que des cellules de l’épithélium intestinal pouvaient présenter du CMH II à leur surface [7, 8]. Mais ces études pionnières ne montraient pas si cette expression du CMH II avait une importance sur l’homéostasie des cellules épithéliales intestinales. Les cellules de l’épithélium intestinal sont hétérogènes et les types cellulaires exprimant le CMH II restent donc à définir.
Les cellules épithéliales intestinales sont des populations hétérogènes avec des fonctions diverses et spécifiques. Pour identifier et caractériser la population de cellules épithéliales intestinales exprimant le CMH II, Biton et al. ont réalisé sur ces cellules un séquençage scRNAseq (single cell RNA sequencing) qui permet de déterminer le transcriptome d’une cellule unique. Ils ont montré que les CSI étaient les cellules qui exprimaient le CMH II au niveau de l’épithélium intestinal. Cette technologie a également permis d’identifier 3 types différents de CSI en fonction du profil d’expression de gènes. Parmi les 3 types de CSI caractérisés, 2 expriment effectivement les molécules du CMH II et toute la machinerie nécessaire à la présentation antigénique aux lymphocytes T CD4+ [6]. Ces observations suggèrent l’existence d’une interaction entre les CSI et les lymphocytes T CD4+ au niveau de l’intestin.
Identification des cytokines produites par les lymphocytes T CD4+ régulant la prolifération et le renouvellement des CSI
Afin de démontrer cette interaction entre les CSI et les lymphocytes T CD4+, l’équipe de Ramnik Xavier a utilisé un modèle d’organoïdes intestinaux. Les chercheurs ont cultivé ces organoïdes avec différents types de lymphocytes T CD4+ (Th1, Th2, Th17 ou Treg) et ont étudié l’impact sur la prolifération et la différenciation des CSI. Ainsi, ils ont pu observer un changement dans la composition cellulaire de l’épithélium intestinal en fonction du type de lymphocytes CD4+ mis en culture. Lorsque les organoïdes sont en présence de lymphocytes T CD4+ de type Th1, Th2 ou Th17, la proportion des CSI diminue au profit de cellules plus différenciées. Pour montrer que cet effet sur la composition cellulaire des organoïdes intestinaux est induit par les cytokines produites par les lymphocytes T CD4+, les organoïdes intestinaux ont été traités avec les cytokines caractéristiques de ces différents types de lymphocytes T CD4+ (IL-17, IFNγ et IL-13). Le traitement avec ces cytokines induit également une diminution de la fréquence des CSI et une augmentation des autres types de cellules épithéliales. La culture des organoïdes avec des cellules Treg ou en présence d’IL-10, cytokine sécrétée par les Treg, conduit à une accumulation significative des CSI et une diminution de leur différenciation. Globalement, ces études in vitro indiquent que les différents types de lymphocytes CD4+, via la production de cytokines, modulent différemment la différenciation et le renouvellement de l’épithélium intestinal. Les lymphocytes de type Th1, Th17, et Th2 favorisent la différenciation des CSI, alors que les lymphocytes Treg réduisent cette différenciation et favorisent l’accumulation des CSI via la sécrétion d’IL-10.
Régulation du renouvellement des CSI par les Treg in vivo
Après avoir établi in vitro que les lymphocytes T CD4+ peuvent moduler la prolifération et la différenciation des CSI, les chercheurs ont étudié ce mécanisme in vivo. De nombreuses études concordantes montrent une implication des lymphocytes Treg dans l’homéostasie de différents types de cellules souches. Ainsi, il a été montré que dans la peau, les Treg jouent un rôle clé dans l’homéostasie des cellules souches au niveau des follicules pileux. Les auteurs de cette étude ont montré que les Treg par l’expression d’un ligand de NOTCH, Jagged1, régulent la prolifération et la différenciation des cellules souches des follicules pileux [5]. Afin de montrer in vivo, que les lymphocytes Treg sont impliqués dans la régénération et l’homéostasie de l’épithélium au niveau intestinal, l’équipe de Ramnik Xavier a analysé chez la souris l’impact de la déplétion des Treg sur les CSI. En accord avec les expériences réalisées in vitro, l’absence des Treg in vivo conduit à une diminution significative de la proportion des CSI. En effet, en absence de lymphocytes Treg, les CSI se divisent et se différencient plus rapidement. Ces résultats révèlent donc, pour la première fois, l’importance des lymphocytes Treg dans le contrôle de la prolifération et la différenciation des CSI.
Rôle du CMH II sur les CSI en conditions physiologique et pathologique
Afin de montrer l’implication de l’expression des molécules du CMH II sur l’homéostasie des CSI in vivo, Biton et al. ont éliminé l’expression du CMH II spécifiquement sur les cellules épithéliales intestinales, grâce au système Cre-lox. Une fois l’invalidation du CMH II sur les cellules épithéliales intestinales réalisée, les chercheurs ont analysé l’impact sur le comportement des CSI. L’étude montre que l’ablation des molécules du CMH II spécifiquement à la surface des cellules épithéliales conduit à une prolifération et à une accumulation des CSI dans l’intestin. Ainsi, l’expression du CMH II semble être impliquée dans le contrôle des taux de CSI au niveau de l’intestin dans des conditions physiologiques.
Pour aller plus loin, les chercheurs ont également analysé le rôle de l’expression du CMH II en situation pathologique. Lors d’une infection intestinale, l’épithélium intestinal est fortement sollicité. L’épithélium doit se renouveler rapidement pour faire face à la perte cellulaire engendrée par l’infection. Les chercheurs se sont donc demandé si l’expression non conventionnelle du CMH II sur les CSI pourrait aussi jouer un rôle dans ces conditions. Pour se faire, ils ont analysé le comportement des CSI au cours d’une infection avec le parasite Heligmosomoides polygyrus ou avec la bactérie Salmonella. Dans ces 2 modèles infectieux, ils montrent que l’invalidation du CMH II sur les cellules épithéliales affecte significativement les proportions des différents types de cellules épithéliales de l’intestin. Notamment, l’ablation du CMH II sur les cellules épithéliales intestinales conduit à une diminution notable de la proportion de cellules tufts de l’épithélium intestinal. Ainsi, l’équipe de Ramnik Xavier a montré pour la première fois le rôle clé joué par le CMH II exprimé par les cellules épithéliales intestinales dans leur renouvellement et leur différenciation non seulement en condition physiologique mais aussi en condition pathologique comme lors d’une infection. Cette adaptation cellulaire permettrait à l’épithélium de contrecarrer les dommages induits par l’infection. Bien que l’étude montre un rôle majeur de l’expression du CMH II sur la régulation de la composition cellulaire de l’épithélium intestinal, l’étude ne dit pas si cette expression est requise pour permettre à l’individu, à terme, d’éliminer l’infection parasitaire ou bactérienne.
Les travaux de l’équipe de Ramnik Xavier ont donc permis de montrer un dialogue entre les lymphocytes CD4+ et les CSI. Les CSI exprimant le CMH II pourraient interagir avec les lymphocytes T CD4+ sous-jacents qui sécrètent alors différentes cytokines modulant distinctement la prolifération et la différenciation des CSI. On peut imaginer, en effet, qu’en fonction du type d’infection, différents sous-types de lymphocytes T CD4+ pourraient être activés, chacun ayant son mode d’action sur l’épithélium intestinal. Les CSI suivront par conséquent différentes voies de différenciation selon l’infection, et donneront ainsi naissance à de nombreux types de cellules épithéliales (Figure 1). Ainsi, ce dialogue entre lymphocytes T CD4+ et CSI va permettre une réponse adaptée et spécifique de l’épithélium intestinal.
Figure 1. La présentation de différents antigènes (issus de bactéries pathogènes ou non pathogènes) permet de créer un premier signal partant des cellules souches intestinales (CSI) exprimant des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH II) vers les lymphocytes T (LT) CD4+. Cette interaction va permettre d’activer le système immunitaire et, notamment, de différencier les cellules T CD4+ en différents sous-types de LT auxiliaires (Th1, Th2, Th17, T régulateurs [Treg]), permettant ainsi de modifier la composition cellulaire intestinale, et donc de créer une réponse spécifique, en fonction de l’antigène présenté. |
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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- Gerbe F Sidot E Smyth DJ et al. Intestinal epithelial tuft cells initiate type 2 mucosal immunity to helminth parasites. Nature 2016 ; 529 : 226–230. [Google Scholar]
- Vermeulen L Snippert HJ Stem cell dynamics in homeostasis and cancer of the intestine. Nat Rev Cancer 2014 ; 14 : 468–480. [Google Scholar]
- Zeki SS Graham TA Wright NA Stem cells and their implications for colorectal cancer. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2011 ; 8 : 90–100. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Ali N Zirak B Rodriguez RS et al. Regulatory T cells in skin facilitate epithelial stem cell differentiation. Cell 2017 ; 169 : 1119–1129. [PubMed] [Google Scholar]
- Biton M Haber AL Rogel N et al. T helper cell cytokines modulate intestinal stem cell renewal and differentiation. Cell 2018 ; 175 : 1307–1320. [PubMed] [Google Scholar]
- Lin XP Almqvist N Telemo E Human small intestinal epithelial cells constitutively express the key elements for antigen processing and the production of exosomes. Blood Cells Mol Dis 2005 ; 35 : 122–128. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Kaiserlian D Vidal K Revillard JP Murine enterocytes can present soluble antigen to specific class II-restricted CD4+ T cells. Eur J Immunol 1989 ; 19 : 1513–1516. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
Liste des figures
Figure 1. La présentation de différents antigènes (issus de bactéries pathogènes ou non pathogènes) permet de créer un premier signal partant des cellules souches intestinales (CSI) exprimant des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH II) vers les lymphocytes T (LT) CD4+. Cette interaction va permettre d’activer le système immunitaire et, notamment, de différencier les cellules T CD4+ en différents sous-types de LT auxiliaires (Th1, Th2, Th17, T régulateurs [Treg]), permettant ainsi de modifier la composition cellulaire intestinale, et donc de créer une réponse spécifique, en fonction de l’antigène présenté. |
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