Free Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 34, Novembre 2018
Les Cahiers de Myologie
Page(s) 23 - 25
Section Fiche pratique
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/201834s207
Published online 12 November 2018

Les Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) sont nées au début des années 2000 dans le sillage du premier Plan Cancer destiné à optimiser et à standardiser la prise en charge des patients atteints de cancer. Depuis, elles se sont généralisées dans beaucoup d’autres domaines de la médecine, en particulier chez les patients présentant une maladie chronique grave ou complexe. L’objectif est de réunir les professionnels de santé concourant à la prise en charge d’un patient en vue d’optimiser la démarche diagnostique et thérapeutique, diminuer les inégalités de prise en charge, et permettre l’accès aux thérapeutiques innovantes. La rigueur de la mise en place et du suivi d’une RCP est la garantie de son succès et de sa pérennité.

L’obligation de soin est un principe largement consacré du droit français, le médecin devant des soins « non pas quelconques » mais « consciencieux, attentifs et […] conformes aux données acquises de la science » depuis l’arrêt Mercier de la cour de cassation en 1936 [1]. L’égalité d’accès aux soins doit faire face à plusieurs écueils :

  • une démographie médicale qui évolue rapidement avec un mode d’exercice en équipes et une concentration des praticiens dans les centres urbains ;

  • des progrès médicaux rapides et nombreux qui conduisent à une hyperspécialisation des praticiens et à la complexification des examens complémentaires.

Dans le cadre du Plan Cancer de 2003, les pouvoirs publics ont institutionnalisé la tenue de Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients et favoriser l’accès aux innovations thérapeutiques. Pour l’heure, ces RCP n’ont d’existence légale qu’en oncologie mais les autorités de santé souhaitent les développer dans les autres domaines [2]. Les maladies rares chroniques sont de très bonnes candidates au développement des RCP car leur prise en charge n’est pas toujours bien codifiée. Cela permet au patient d’accéder à des techniques diagnostiques ou thérapeutiques coûteuses et complexes ne relevant pas des réseaux de soins courants et dont la prise en charge par les caisses de Sécurité sociale ne pourrait pas se faire sans cela. Il existait depuis longtemps dans tous les services des réunions de type « staffs » qui permettaient de discuter de ce type de patients mais la traçabilité des décisions n’y était pas toujours assurée avec minutie.

Qu’est-ce qu’une RCP ?

Les RCP regroupent des professionnels de santé de différentes disciplines dont les compétences sont indispensables pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en charge en fonction de l’état de la science. Au cours des RCP, les dossiers des patients sont discutés de façon collégiale. La décision prise est tracée, puis soumise et expliquée au patient. Les décisions peuvent concerner n’importe quel aspect d’un cas :

  • établissement d’une stratégie diagnostique,

  • validation du diagnostic,

  • établissement d’une stratégie de prise en charge initiale ou secondaire,

  • voire décision de stratégie palliative.

Une RCP sera particulièrement utile pour les patients présentant une pathologie rare et/ou complexe comme c’est souvent le cas des maladies neuromusculaires. Dans notre domaine, la collégialité de la décision permettra de rompre la solitude d’un généticien moléculaire face à un nouveau variant de pathogénicité incertaine ou celle d’un clinicien face à une caisse de Sécurité Sociale qui ne veut pas entendre parler d’un traitement hors AMM ou innovant.

Comment mettre en place une RCP ?

Le cadre législatif est strict autour des RCP en oncologie et le mode d’organisation des RCP hors oncologie s’en inspire [2, 3]. Dans un premier temps, il est important de fixer des objectifs clairs à la RCP afin que les participants soient assidus et que la RCP se pérennise. Il est bien sûr tout à fait possible de transformer un staff en RCP mais il est alors nécessaire de formaliser les choses, par exemple au travers d’une charte. Voici les principaux éléments à préciser :

  • Titre de la RCP : c’est lui qui va définir le domaine de la RCP. Il peut être large de type « RCP de neurologie périphérique » ou bien plus étroit comme « RCP amylose à transthyrétine » selon les objectifs que l’on s’est fixés,

  • Définition du périmètre de la RCP en termes d’ouverture : limitée à un service, un pôle, un établissement ou au contraire ouverte à des professionnels extérieurs (libéraux, CHG,…),

  • Définition des intervenants :

    • un coordonnateur qui organise et anime les réunions,

    • les médecins représentant chaque spécialité nécessaire au caractère pluridisciplinaire de la RCP : neurologues, neurophysiologistes, imageurs, pathologistes, généticiens, cardiologues, MPR…

    • les autres professionnels de santé participant à la prise en charge du patient : psychologues, kinésithérapeutes, assistantes sociales, IDE…

  • Définition de la périodicité des réunions et de leur durée maximale Deux heures permettent en général à l’assemblée de rester concentrée.

  • Définition des critères de sélection des dossiers étudiés : problématique diagnostique, thérapeutique ou intérêt d’enseignement à la communauté par exemple.

Il est recommandé de s’appuyer sur un secrétariat efficace pour :

  • organiser et planifier les réunions sur 6 mois ou 1 an afin que les participants puissent se libérer,

  • communiquer aux professionnels le planning des RCP,

  • s’assurer de la disponibilité des locaux, ce qui est particulièrement important pour des RCP multisites qui utilisent par exemple des moyens de visioconférence,

  • établir la liste des dossiers à analyser en lien avec le coordonnateur,

  • assurer la traçabilité du compte rendu de RCP dans le dossier patient (papier ou électronique) ainsi que sa diffusion.

Comment se déroule une RCP ?

Chaque participant signe dans la liste d’émargement en début de réunion. Au cours de la RCP, chaque dossier est discuté selon quatre étapes :

  1. présentation du cas par son médecin référent,

  2. discussion du cas entre professionnels,

  3. décision collégiale,

  4. rédaction du compte rendu qui peut se faire en cours de séance ou rapidement après par le secrétaire de séance. Ce compte rendu est intégré au dossier médical et peut être communiqué aux autres professionnels comme le médecin traitant. Il doit systématiquement tracer :

    • la date de la réunion,

    • le nom et la qualité des intervenants,

    • la décision de la RCP et éventuellement les alternatives possibles,

    • les références scientifiques utilisées si possible,

    • le nom du médecin référent qui sera chargé du suivi de la décision.

RCP ne signifie pas forcément unité de lieu. En effet, même s’il est plus facile d’organiser une RCP avec tous les intervenants dans la même pièce, il est possible de faire des « RCP connectées » par visioconférence ou en utilisant des techniques de type webex. Cela nécessite un mécanisme sécurisé de partage du dossier médical afin que tous les participants aient accès aux mêmes informations tout en préservant la confidentialité des données.

Si le médecin référent du patient n’applique pas la décision de la RCP, les raisons doivent être explicitement argumentées et tracées dans le dossier du patient. En plus de la traçabilité du compte rendu dans chaque dossier patient, le secrétariat en charge de la RCP doit tenir un recueil permettant de noter à chaque réunion le nom des participants, celui des patients dont les dossiers sont évalués et la décision prise. Grâce à ces éléments, le responsable de la RCP pourra fournir un rapport d’activité annuel. Ce rapport comprend :

  • le nombre de réunions annuelles,

  • le nombre de cas discutés,

  • les critères de sélection : cas complexes / cas fréquents et/ou pédagogiques,

  • l’adéquation des décisions avec les recommandations, PNDS,…

  • la concordance entre les propositions de la RCP et leur application,

  • la liste des actions d’amélioration engagées ou finalisées suite à cette RCP (ex : accès à des thérapeutiques innovantes,…).

Quels sont les bénéfices et les risques d’une RCP ?

L’instauration et la systématisation des RCP ont des conséquences positives pour le patient et pour l’équipe qui le prend en charge. En oncologie, les RCP ont permis de standardiser les prises en charge et ont amélioré le suivi du patient. Les concertations pluridisciplinaires favorisent la transparence de l’information entre tous les acteurs qui gravitent autour du patient et peuvent servir en cas de contentieux [4]. Les RCP favorisent également la recherche translationnelle en permettant :

  • un diagnostic plus précis, en particulier d’un point de vue moléculaire,

  • une amélioration du partage de l’information entre les équipes,

  • aux praticiens et chercheurs de confronter leurs idées pour faire émerger des nouvelles études,

  • une accélération des recrutements des patients dans les essais thérapeutiques.

Pour que la RCP ne s’oppose pas à la liberté de prescription de chaque praticien, il est nécessaire que la décision soit clairement collégiale et argumentée. Quand les membres de la RCP ne tombent pas d’accord sur la prise en charge, cela doit apparaître dans le compte rendu, ce qui permettra au praticien référent de choisir l’option qui lui semblera la meilleure. En cas de « RCP connectée », il est fondamental de s’appuyer sur l’expertise de la Direction des Services Informatiques des hôpitaux pour sécuriser les échanges.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Civ., 20 mai 1936, Mercier, DP 1936. 1. 88, rapp. Josserand et concl. Matter; RTD civ. 1936. 691, obs. Demogue; GAJC, 12e éd., 2008, 162–3. [Google Scholar]
  2. Article D6124–131 CSP. [Google Scholar]
  3. Fiche HAS « Réunion de Concertation Pluridisciplinaire », novembre 2017. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-11/reunion_de_concertation_pluridisciplinaire.pdf. [Google Scholar]
  4. Prosper S. Favoriser l’égalité d’accès aux soins de qualité par la généralisation des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP). Cahiers Droit, Sciences & Technologies 2015 ; 5 : 139–148. [Google Scholar]

© 2018 médecine/sciences – Inserm

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