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Med Sci (Paris)
Volume 32, Number 1, Janvier 2016
Origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD), environnement et épigénétique
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Page(s) | 66 - 73 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/20163201011 | |
Published online | 05 February 2016 |
Impact de l’obésité et du diabète maternels sur la fonction placentaire
Impact of maternal obesity and diabetes on placental function
1
Inra, UMR 1198 biologie du développement et reproduction, Domaine de Vilvert, F-78350 Jouy-en-Josas, France
2
Fondation PremUp, 4, avenue de l’Observatoire, F-75006 Paris, France
3
Hôpital Claude Huriez, CHRU Lille, université Lille2, EA 4489 environnement périnatal et croissance, Faculté de médecine, place de Verdun, F-59000 Lille, France
Situé à l’interface fœto-maternelle, le placenta exerce des fonctions d’échanges, endocrines et immunitaires qui influencent le développement fœtal. En contact direct avec l’environnement maternel, cet organe est sensible aux désordres métaboliques comme la surnutrition, l’obésité ou le diabète. L’altération des paramètres sanguins associée à ces conditions affecte l’histologie, la vascularisation et les transferts des nutriments placentaires et induit, en fonction du trouble métabolique, une inflammation locale ou une hypoxie. Ces modifications placentaires perturbent le développement et la croissance fœtale, ce qui augmente le risque de pathologies à l’âge adulte chez la descendance. Le placenta est donc un acteur incontournable de la programmation fœtale.
Abstract
Located at the feto-maternal interface, the placenta is involved in exchange, endocrine and immune functions, which impact fetal development. In contact with the maternal environment, this organ is sensitive to metabolic disorders as over-nutrition, obesity or diabetes. The alteration of blood parameters associated with these pathologies affects placental histology, vascularization and nutrient transfers and, according to the types of troubles, induces local inflammation or hypoxia. These placental changes lead to disturbance of development and fetal growth, which increase the risk of pathologies in offspring in adulthood. The placenta thus appears as a crucial player in the fetal programming.
© 2016 médecine/sciences – Inserm
Le placenta, situé à l’interface entre la mère et le fœtus, exerce plusieurs fonctions comme la tolérance immunitaire vis-à-vis de l’allogreffe que représente le conceptus [1], le transfert des nutriments, l’élimination des déchets fœtaux et la production d’hormones qui vont influencer les métabolismes fœtal, placentaire et maternel et donc le développement de l’unité fœto-placentaire [2]. Il existe différents types de placentation : épithéliochoriale, endothéliochoriale et hémochoriale qui se définissent selon le degré d’invasion et de destruction de l’endomètre utérin par le trophoblaste [3]. Quel que soit le type de placentation, le placenta est sensible aux conditions environnementales maternelles pouvant affecter sa taille, sa morphologie, sa vascularisation, la vitesse des flux utéro-placentaires, l’abondance des transporteurs des nutriments, son métabolisme, la production d’hormones, le stress oxydatif ou nitrosatif, le statut inflammatoire et/ou les marques épigénétiques (Figure 1). La nature des effets de l’environnement maternel sur la fonction placentaire varie, de plus, en fonction du stade de développement et du type de perturbations mais aussi du sexe du conceptus. Le placenta va donc s’adapter à cet environnement afin d’optimiser le transport des nutriments et des gaz et ainsi promouvoir la survie fœtale.
Figure 1. Impact de l’environnement maternel sur l’unité fœto-placentaire. Au cours de la grossesse, les désordres métaboliques maternels comme le diabète ou l’obésité peuvent influencer la structure et la fonction placentaire notamment en modifiant la vitesse des flux sanguins, l’expression des transporteurs des nutriments ainsi que la production d’hormones. Ces modifications affectent les transferts placentaires et par conséquent le développement et la croissance fœtale. |
Les modifications phénotypiques du placenta ayant des effets sur le phénotype de l’individu, le placenta représente donc un acteur crucial de la programmation fœtale ou DOHaD (developmental origins of health and disease), concept développé dans ce numéro thématique de médecine/sciences qui lui est consacré [4]. Dans cette synthèse, nous présenterons notamment l’impact des désordres métaboliques maternels, tels que l’obésité et le diabète, sur la fonction placentaire en nous appuyant sur des données obtenues chez l’homme et à partir de modèles animaux.
Effets de l’obésité sur la fonction placentaire
La prévalence de l’obésité ne cesse d’augmenter dans le monde. En France, d’après l’enquête ObEpi-Roche publiée en 20121, une femme sur cinq en âge de procréer est en surpoids, et environ 15 % des femmes présentent une obésité (index de masse corporelle, IMC ≥ 30 kg/m2). Cette obésité pré-gestationnelle favorise, au cours de la grossesse, les anomalies de la croissance fœtale, le développement d’un diabète gestationnel, le retard de croissance intra-utérin (RCIU) ou la macrosomie, la pré-éclampsie et la mortalité fœtale (→).
(→) Voir la Synthèse de P. Chavatte-Palmer et al., page 57 de ce numéro
En fin de grossesse, le statut métabolique des femmes obèses se caractérise par une augmentation de la sécrétion de leptine, de TNF-α (tumor necrosis factor) et d’IL(interleukine)-6, ainsi que par une diminution d’adiponectine, associées à une dyslipidémie et parfois à une insulino-résistance [5]. Cet environnement maternel va affecter le développement et la fonction placentaire, et donc la programmation fœtale. L’obésité maternelle impacte différents paramètres placentaires, tels que la biométrie, la vascularisation, les transferts de nutriments et l’inflammation. De plus, elle augmente le risque d’obésité chez sa descendance ainsi que le développement d’un syndrome métabolique au cours de l’enfance et pendant l’adolescence, ce qui favorise la persistance de l’obésité dans la génération future [6] (→).
(→) Voir page 57 de ce numéro
Dans cette première partie, nous traiterons de l’impact de l’obésité, en particulier chez l’homme. Il existe également une littérature abondante portant sur la surnutrition et l’obésité étudiées dans des modèles animaux que nous avons choisi de détailler dans le Tableau I.
Modèles animaux permettant d’étudier les effets de la surnutrition ou de l’obésité sur le développement et la fonction placentaire. C : groupe contrôle, Ob : groupe obèse, H : haute valeur énergétique, HF : groupe nourri avec un régime hyperlipidique, HH : groupe nourri avec un régime hyperlipidique-hypercholestérolémique. E15.5, E28, E120 etc. : jour embryonnaire 15,5/28/120 etc., Sem : semaine ; Snat : sodium-coupled neutral amino acid transporter ; TLR-4 : Toll-like receptor-4, dont les ligands sont des acides gras ; MCP-1 : monocyte chemoattractant protein 1 ; IL : interleukine ; NFκB : nuclear factor kappa B ; JNK : c-Jun NH2-terminal kinase ; Glut : glucose transporter.
Obésité et biométrie fœto-placentaire
L’obésité maternelle peut moduler le poids de l’unité fœto-placentaire à la naissance dans le sens d’une diminution ou d’une augmentation. Ainsi, l’étude de la cohorte écossaise AMND (Aberdeen maternity and neonatal databank) montre que les poids du placenta et de l’enfant à la naissance sont corrélés à un index de masse corporelle (IMC) maternel élevé, alors que l’efficacité placentaire, mesurée par le ratio poids fœtal sur poids placentaire, diminue quand l’IMC augmente. L’obésité peut être aussi associée à de très petits poids de naissance, voire être sans effet (dans ce dernier cas, on observe une diminution de l’efficacité placentaire) [7].
Dans un modèle de brebis obèses, les fœtus produits par les animaux ont un poids corporel qui est augmenté à mi-gestation, alors que le poids du placenta n’est pas altéré [8]. L’ensemble de ces données montre que chez l’homme, comme dans les modèles animaux, le statut métabolique maternel, en cas d’obésité, peut induire des effets très variables sur la biométrie fœto-placentaire.
Obésité et histologie placentaire
Les placentas provenant de femmes obèses ont été examinés en histologie. Aucune anomalie histologique majeure n’a été observée, hormis une augmentation de la paroi musculaire des vaisseaux et des infiltrations de macrophages (voir ci-dessous le paragraphe « Obésité et vascularisation placentaire ») [9]. En revanche, chez des primates non-humains, dans un modèle d’obésité induite par un régime hypergras, les placentas présentent une augmentation des zones d’infarctus et de calcification au sein des villosités [10]. Dans un modèle d’obésité développé chez la souris, les placentas se caractérisent par une diminution de l’épaisseur de la zone labyrinthique qui participe aux échanges entre le sang maternel et fœtal [11]. L’obésité conduit donc à des altérations histologiques plus ou moins sévères qui peuvent affecter les échanges fœto-placentaires et donc la croissance fœtale.
Obésité et vascularisation placentaire
Il est bien établi qu’un index de masse corporelle élevé au moment de la grossesse est associé à une altération des marqueurs angiogéniques maternels circulants comme sFlt-1 (soluble fms-like tyrosine kinase-1) et PlGF (placental growth factor) [12, 13], reflétant l’existence de désordres de la fonction vasculaire qui touchent à la fois l’endothélium et les cellules musculaires lisses. Ces désordres contribueraient à l’apparition d’une pré-éclampsie, pathologie spécifique de l’espèce humaine caractérisée par un défaut d’invasion et de remodelage des artères spiralées utérines. Des anomalies suggérant des altérations de la vascularisation placentaire touchant l’expression de facteurs proangiogéniques comme le VEGF (vascular endothelial growth factor) et de ses récepteurs ont d’ailleurs été observées dans les placentas de femmes obèses [14].
Des perturbations du développement vasculaire placentaire [15] mais aussi des réductions des flux sanguins utérins [10] ont été décrites dans des modèles animaux d’obésité au cours de la gestation (Tableau I). Ainsi, chez des brebis obèses [10, 15], les placentomes, qui constituent les unités placentaires, présentent une augmentation du diamètre des artérioles en début et à mi-gestation avec une diminution de l’expression de facteurs angiogéniques dans la seconde moitié de la gestation, limitant ainsi le développement vasculaire placentaire et donc le transfert des nutriments. L’obésité maternelle perturbe donc le développement de l’architecture placentaire, pouvant compromettre la croissance et la survie fœtales [16, 17].
Obésité et transferts placentaires
Comme chez les brebis obèses, chez les femmes obèses, le transport et le métabolisme des lipides placentaires sont altérés [7, 18]. L’obésité maternelle entraîne une réduction du transport de l’acide oléique dans les placentas des fœtus de sexe masculin qui est reliée à une diminution d’expression du transporteur CD36 (fatty acid translocase) et de la protéine intracellulaire de liaison des acides gras FABP5 (fatty acid binding protein) ; le transport d’acide oléique est en revanche augmenté chez les fœtus de sexe féminin [19]. L’augmentation des transferts lipidiques vers le foetus femelle favoriserait le développement du tissu adipeux fœtal et donc le risque d’obésité chez la descendance.
Dans les placentas de femmes obèses ne présentant pas de diabète gestationnel mais dont le nouveau-né est en surpoids, les voies insuline/IGF-1 (insulin growth factor) et mTOR (mammalian target of rapamycin), qui régulent positivement le transport des acides aminés, sont activées [20]. Dans une autre étude, il est montré que l’un des transporteurs d’acides aminés, SNAT-4 (sodium-coupled neutral amino acid transporter 4), a une activité diminuée. L’obésité module donc le transfert des acides aminés au niveau du placenta et par conséquent influe sur la croissance fœtale [21].
Obésité et inflammation
L’index de masse corporelle maternel est corrélé positivement à l’inflammation systémique comme le montrent les taux élevés de MCP-1 (monocyte chemo-attractant protein-1), de TNF-α, mais aussi d’IL-6 produits par le tissu adipeux [22]. L’inflammation peut également être locale. Ainsi, dans les placentas de femmes obèses et ceux provenant de femelles babouins obèses, les macrophages s’accumulent dans le stroma des villosités placentaires [22]. Cette accumulation est associée à une augmentation de cytokines pro-inflammatoires [10, 22, 23]. Une activation des récepteurs TLR-4 (Toll-like receptor-4), dont les ligands sont en particulier les acides gras, qui stimulent les voies de signalisation pro-inflammatoires NFκB (nuclear factor κ-light chain-enhancer of activated B cells) et JNK (c-Jun N-terminal kinases), a été mise en évidence dans les placentas de brebis obèses [10, 22, 23]. D’autres voies de l’inflammation comme celles impliquant p38-MAPK (mitogen-activated protein kinases) et STAT-3 (signal transducer and activator of transcription 3), sont également activées. Dans le modèle de souris obèses, l’inflammation placentaire et l’activation des macrophages [11] sont plus importantes chez les fœtus mâles que chez les fœtus femelles [11].
Les cytokines pro-inflammatoires (IL-6 et TNF-α) stimulent l’activité du système A des transporteurs des acides aminés (transporteurs des acides aminés neutres comme l’alanine, la sérine et la glutamine) dans les cellules trophoblastiques humaines en culture [24]. De plus, l’IL-6 induit l’accumulation des acides gras dans le trophoblaste. L’inflammation placentaire contribuerait ainsi à l’excès de transfert des nutriments depuis le sang maternel vers le sang fœtal et donc à la macrosomie, facteur de risque connu de maladies métaboliques chez la descendance.
Effets du diabète maternel sur la fonction placentaire
Plusieurs types de diabètes peuvent toucher la mère : les diabètes de type 1 (DT1) ou 2 (DT2), qui sont indépendants de la grossesse, et le diabète gestationnel (GDM).
Le DT1 apparaît très précocement. Il résulte d’un processus auto-immun qui conduit à la destruction des cellules bêta du pancréas. Il en résulte une absence totale d’insuline endogène, ce qui explique la fréquence des épisodes alternatifs d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie et le recours à une insulinothérapie. Le DT2 est associé à un surpoids et à un manque d’activité physique. Il apparaît plus tardivement dans la vie. Il est le résultat d’une augmentation de la résistance périphérique à l’insuline. Les patients sont, dans ce cas, pris en charge sur le plan nutritionnel. Ils peuvent également recevoir des agents hypoglycémiants administrés par voie orale en dehors de la grossesse et, parfois, une insulinothérapie. Au cours de la grossesse diabétique, seule l’insulinothérapie est à ce jour utilisée. Des études ont montré que, malgré un contrôle adapté de la glycémie, le risque de complications fœtales au cours de la grossesse (malformations congénitales et mortalité périnatale) est légèrement augmenté chez les patientes présentant un DT2 par rapport aux patientes ayant un DT1 [25].
Le diabète gestationnel est, quant à lui, associé à une insulinorésistance, une hyperglycémie et une hyperinsulinémie. Les taux de leptine et de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-α, l’IL-6 et l’IL-1β sont également augmentés. Ces cytokines participent à la physiopathologie de cette maladie de même que le stress oxydatif qui, par son rôle d’inducteur de l’apoptose des cellules bêta, affecte la production d’insuline. Des complications périnatales, en particulier une macrosomie fœtale, augmentent les risques obstétricaux liés à cette pathologie [26]. De plus, la présence d’un diabète gestationnel accroît le risque pour la descendance de développer des maladies cardiovasculaires et métaboliques ainsi que des dysfonctionnements cognitifs [27] (→).
(→) Voir la Synthèse de M. Rincel et al., page 93 de ce numéro
Les principales fonctions placentaires affectées par le diabète sont la vascularisation – liée à l’hypoxie – et le transfert des nutriments, en particulier le glucose, les acides aminés et les lipides.
Modifications structurales du placenta
Une étude rétrospective a montré l’absence de différence de poids entre des placentas provenant de mères présentant un DT1 et celles ayant un DT2. En revanche, chez 13 % des mères ayant un DT2, mais 5 % des mères présentant un DT1, il existe une insuffisance placentaire. Des anomalies villositaires sont également plus fréquentes chez les premières [25], de même que des anomalies de remaniement des artères spiralées, une nécrose fibrinoïde ou une thrombose en lien avec une augmentation de la circulation utéroplacentaire. Chez 17 % des patientes atteintes de diabète (DT1 et DT2), les placentas présentent des zones d’infarctus. Une augmentation du nombre de capillaires des villosités choriales (ou chorangiose) et de l’immaturité des villosités terminales a été rapportée [28]. Une synthèse des données histologiques répertoriées pour les placentas provenant de patientes DT1, DT2 et GDM (diabète gestationnel) a été réalisée récemment. Elle montre qu’il existe une grande variabilité des anomalies placentaires liées au diabète pré-gestationnel [29]. Néanmoins, les auteurs confirment l’immaturité villositaire et constatent une augmentation du volume et de la surface du mésenchyme.
Les anomalies placentaires liées au diabète gestationnel varient considérablement. Un poids placentaire élevé est l’anomalie la plus fréquente, avec 22 % d’augmentation par rapport au poids des placentas contrôles. Le diamètre de ces placentas est également supérieur de 33 % et son épaisseur de 85 % par rapport aux placentas contrôles [30]. D’autres études rapportent une augmentation significative des lésions vasculaires de nécrose fibrinoïde, de chorangiose et d’ischémie dans le placenta des femmes atteintes de diabète gestationnel comparé au placenta de femmes normoglycémiques.
Il existe des différences placentaires chez les femmes atteintes d’un diabète pré-gestationnel et celles qui développent un diabète gestationnel, notamment en termes d’épaisseur trophoblastique et de sévérité des anomalies placentaires. Mais, dans tous les cas, l’angiogenèse – processus de formation de nouveaux vaisseaux à partir de ceux préexistants – est augmentée.
Angiogenèse et flux placentaires
L’angiogenèse placentaire est régulée par de nombreux facteurs angiogéniques comme le VEGF (vascular endothelial growth factor), le FGF-2 (fibroblast growth factor [Basic]), le récepteur nucléaire PPAR-γ (peroxisome proliferator activated receptors) et des facteurs de croissance placentaires [31]. L’hyperglycémie affecte également la voie de signalisation de la PKC (protéine kinase C) qui active la production de facteurs de croissance comme le VEGF. Elle a une action positive sur le tonus vasculaire, l’hémostase (pro-thrombotique), l’inflammation et l’angiogenèse. Elle a un effet négatif sur la perméabilité vasculaire. L’hyperglycémie maternelle pourrait donc avoir un impact sur la perméabilité vasculaire du placenta [32]. En effet, dans le diabète pré-gestationnel, le VEGF est détecté dans l’endothélium des larges vaisseaux [33]. Dans les placentas de patientes présentant un DT1, l’expression élevée des transcrits FGF-2 et FGFR1 (fibroblast growth factor receptor 1) contribue également à l’angiogenèse placentaire [34].
Dans les placentas issus de femmes atteintes de diabète gestationnel, une corrélation élevée entre les concentrations circulantes de VEGF et l’immaturité des villosités placentaires a pu être observée. Les transcrits de FGF-2 augmentent, alors que ceux du récepteur FGF-2R sont diminués. Les taux de transcrits et de protéines correspondants à PPAR-γ sont diminués dans ces placentas. Ces modifications, associées à une réduction des cellules circulantes progénitrices hématopoïétiques dans le sang de cordon des femmes présentant un diabète gestationnel, contribueraient aux anomalies de la vascularisation observées dans les placentas de ces patientes, comme la ramification et la croissance longitudinale des capillaires [31].
L’impact du diabète pré-gestationnel sur le développement vasculaire au premier trimestre de grossesse, a été évalué via des mesures échographiques en Doppler 3D. Elles démontrent que les indices de vascularisation, de flux sanguins et de perfusion sont significativement diminués par rapport aux valeurs des placentas contrôles [35]. La diminution de l’indice de flux résulterait de l’augmentation du nombre de vaisseaux fœtaux [36].
Dans le cas du diabète gestationnel, des anomalies des flux utérins artériels ont été observées dans 16 % des grossesses [31]. Bien que les paramètres hémodynamiques soient le plus souvent normaux, l’oxygénation fœtale est perturbée. L’oxygénation fœtale ne dépend pas uniquement du développement des vaisseaux des villosités, mais également des flux utéro-placentaires. La saturation en oxygène et le contenu en oxygène sont significativement diminués dans la veine ombilicale, ce qui conduit à une hypoxie fœtale. Cette hypoxie résulterait d’un défaut de transfert de l’oxygène depuis le sang maternel vers le sang fœtal en raison du taux maternel élevé d’hémoglobine A1c glyquée2 qui a une plus forte affinité pour l’oxygène. Une synthèse accrue de collagène dans le mésenchyme placentaire ainsi que des modifications de la membrane basale du syncytiotrophoblaste, contribueraient également à cette hypoxie dans le diabète gestationnel. Dans les placentas de ces patientes, l’augmentation de la taille associée à celle de la surface pourrait être une manière de contrebalancer l’hypoxie fœtale.
Diabète et transfert des nutriments
Que ce soit dans le cadre du diabète pré-gestationnel ou du diabète gestationnel, l’altération de l’activité et de l’expression des transporteurs placentaires des nutriments représente un point critique au cours de la grossesse.
Dans le cas du glucose, sa production par le fœtus étant minime, ce dernier dépend entièrement des apports maternels. Le transfert transplacentaire du glucose fait intervenir un processus de transport facilité qui implique plusieurs transporteurs de la famille des GLUT (glucose transporter), localisés sur les membranes apicale et basale du syncytiotrophoblaste. Dans les placentas provenant de patientes diabétiques insulino-dépendantes, GLUT-1 est surexprimé. La capacité de transfert du glucose est ainsi augmentée au niveau de la membrane basale du trophoblaste [37], expliquant l’hyperglycémie fœtale que l’on observe. Pour les patientes atteintes de diabète gestationnel, les études sont contradictoires : certaines rapportent une augmentation de l’activité et de l’expression de GLUT-1 au niveau de la membrane basale du trophoblaste [38] ; d’autres n’observent pas de modification d’expression des transporteurs au niveau des microvillosités et de la membrane basale [39]. Ces différences pourraient résulter des critères cliniques d’inclusion des patientes présentant un diabète gestationnel (GDM).
Les acides aminés jouent un rôle important dans la croissance fœtale. Chez les patientes présentant un DT1 et un diabète gestationnel, l’activité du système A (transporteurs des acides aminés neutres) est augmentée de 65-80 % au niveau des microvillosités placentaires et ceci indépendamment de la croissance fœtale. Le transport de la leucine, mais pas celui de la lysine et de la taurine, est augmenté au niveau des microvillosités dans les placentas provenant des patientes présentant un diabète gestationnel lorsqu’il existe un surpoids fœtal. Ces données suggèrent une augmentation de l’import placentaire des acides aminés neutres qui peuvent être métabolisés par le placenta ou délivrés au fœtus [40].
Le diabète maternel est associé à des altérations de la synthèse et du transport des lipides à travers le placenta qui conduisent à une dyslipidémie fœtale [41], bien que triglycérides et phospholipides s’accumulent dans l’unité placentaire. En effet, l’expression génique de la lipase endothéliale, localisée sur la membrane plasmique trophoblastique et impliquée dans l’hydrolyse des triglycérides des lipoprotéines, est augmentée dans les placentas des patientes présentant un DT1 [42]. Les transcrits codant les isoformes FABP (fatty acid binding protein) 4 et FABP5, protéines de liaison des acides gras, sont également surexprimés dans les placentas des patientes ayant un DT2 et un diabète gestationnel [43]. Dans ces derniers, le transfert placentaire des acides gras polyinsaturés à longues chaînes est perturbé [26]. Une surexpression des transporteurs des acides gras placentaires (FABP1, FABP3, FABP4 et ACSL [acyl-CoA synthethase long chain] 2, ACSL3 et ACSL4) a également été montrée dans le diabète GDM, ce qui pourrait expliquer l’accumulation des acides gras polyinsaturés à longues chaînes dans ce tissu. Des concentrations faibles en acide arachidonique (20:4n-6)3 et en acide docosahexaénoïque (22:6n-3) ont été observées dans les placentas ainsi que dans le sang de cordon, provenant des patientes ayant un diabète gestationnel, par rapport à des placentas normaux. Étant donné le rôle crucial de ces composés dans le développement visuel et cognitif, ces résultats pourraient constituer une explication possible à la mauvaise programmation fœtale du développement neurologique associée au diabète [31].
Conclusion
Le placenta n’est pas un participant passif à la gestation. Il s’adapte à l’environnement maternel notamment en cas d’obésité et/ou de diabète maternel en modifiant sa structure et sa fonction. Ceci conduit à des modifications de disponibilités de substrats pour le fœtus et à des modifications de l’environnement hormonal. Ces adaptations placentaires permettent d’optimiser la survie fœtale. Néanmoins, elles peuvent s’accompagner d’une macrosomie fœtale ou d’un retard de croissance (RCIU). Le placenta est donc un acteur incontournable de la programmation fœtale (→).
(→) Voir la Synthèse de P. Chavatte-Palmer et al., page 57de ce numéro
En fin de gestation, le phénotype placentaire est la résultante de tous les évènements rencontrés in utero. La mise en évidence de signatures placentaires spécifiques, notamment au moyen de marques épigénétiques [44] (→), mémoire des événements produits in utero, pourrait aboutir à l’identification de marqueurs prédictifs des risques pathologiques encourus à long terme par la descendance. Cette meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques devrait nous permettre d’envisager des stratégies de corrections, et ceci dès le début de la vie post-natale, une période où la plasticité des tissus permet encore d’espérer des résultats.
(→) Voir la Synthèse de C. Junien et al., page 35 de ce numéro
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
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Liste des tableaux
Modèles animaux permettant d’étudier les effets de la surnutrition ou de l’obésité sur le développement et la fonction placentaire. C : groupe contrôle, Ob : groupe obèse, H : haute valeur énergétique, HF : groupe nourri avec un régime hyperlipidique, HH : groupe nourri avec un régime hyperlipidique-hypercholestérolémique. E15.5, E28, E120 etc. : jour embryonnaire 15,5/28/120 etc., Sem : semaine ; Snat : sodium-coupled neutral amino acid transporter ; TLR-4 : Toll-like receptor-4, dont les ligands sont des acides gras ; MCP-1 : monocyte chemoattractant protein 1 ; IL : interleukine ; NFκB : nuclear factor kappa B ; JNK : c-Jun NH2-terminal kinase ; Glut : glucose transporter.
Liste des figures
Figure 1. Impact de l’environnement maternel sur l’unité fœto-placentaire. Au cours de la grossesse, les désordres métaboliques maternels comme le diabète ou l’obésité peuvent influencer la structure et la fonction placentaire notamment en modifiant la vitesse des flux sanguins, l’expression des transporteurs des nutriments ainsi que la production d’hormones. Ces modifications affectent les transferts placentaires et par conséquent le développement et la croissance fœtale. |
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