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Med Sci (Paris)
Volume 29, Number 3, Mars 2013
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Page(s) | 254 - 256 | |
Section | Nouvelles | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2013293009 | |
Published online | 27 March 2013 |
Rôle crucial de FGF20 et FGF9 pour le maintien des progéniteurs rénaux lors du développement rénal
FGF9 and FGF20 maintain the stemness of nephron progenitors during kidney development
Inserm U983, Institut Imagine, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15, France
Le développement rénal
Lors du développement rénal chez les mammifères, trois ébauches se succèdent de la partie céphalique à la partie caudale du mésoderme intermédiaire de l’embryon : le pronéphros, le mésonéphros et le métanéphros. La différenciation du rein définitif ou métanéphros commence à la 5e semaine de gestation chez l’homme (E10,5 chez la souris), et se poursuit jusqu’à la 36e semaine (≈ 5e jour après la naissance chez la souris). Elle est contrôlée par une induction réciproque entre une structure épithéliale dérivée du canal de Wolff, le bourgeon urétéral, et des cellules mésenchymateuses qui migrent vers l’extrémité du bourgeon urétéral pour former le mésenchyme métanéphrique condensé. Agissant de manière itérative, cette induction va permettre, d’une part, la ramification (branching) du bourgeon urétéral afin de former les canaux collecteurs et, d’autre part, la différenciation du mésenchyme métanéphrique condensé en épithélium afin de constituer les néphrons. Plusieurs stades morphologiques se succèdent (vésicule rénale, corps en virgule, corps en S) avant la formation des néphrons matures connectés aux canaux collecteurs. Le nombre de néphrons, environ un million par rein chez l’homme, est directement lié au nombre de ramifications du bourgeon urétéral. Fixé à la naissance, il est cependant d’une grande variabilité et dépend de multiples facteurs, dont l’âge gestationnel, l’état nutritionnel maternel, et également de facteurs génétiques.
Gènes et voies de signalisation impliqués
De nombreux travaux réalisés grâce à des modèles animaux (souris, poisson zèbre), ex vivo (culture organotypique de métanéphros) et cellulaires, ont permis de caractériser l’implication d’un grand nombre de gènes dans le contrôle du développement rénal. Ces gènes codent notamment pour des facteurs de transcription (Wt1, Pax2, Eya1, Six1, Six2, Sall1, Hnf1β), pour des récepteurs et des ligands (Ret, Gdnf, Wnt9b, Wnt11, Wnt4, Bmp4), et pour des protéines d’adhésion (cadhérines, intégrines, protéoglycanes). Une voie cruciale pour la ramification du bourgeon urétéral est la voie Ret/Gdnf [1]. De nombreux facteurs sont impliqués dans la régulation de l’expression du récepteur à activité tyrosine kinase Ret et de son ligand Gdnf (glial cell derived neurotrophic factor), permettant le positionnement d’un bourgeon urétéral unique au départ, puis sa croissance et sa ramification (Figure 1) [2].
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Figure 1. Rôle de FGF9 et FGF20 dans le réseau de régulations génétiques contrôlant les stades précoces de la néphrogenèse. Par souci de clarté, les gènes impliqués dans la régulation de la ramification du bourgeon urétéral sont indiqués dans la partie inférieure de la figure et ceux impliqués dans le maintien des progéniteurs rénaux et la transition mésenchyme-épithélium dans la partie supérieure. Les gènes dans lesquels des mutations ont été identifiées chez des patients avec des hypodysplasies rénales [5] sont notés en gras. BU : bourgeon urétéral ; MMC : mésenchyme métanéphrique condensé ; VR : vésicule rénale. |
La différenciation épithéliale des néphrons se fait à partir d’une population de cellules progénitrices situées dans le mésenchyme métanéphrique condensé et caractérisées par l’expression des marqueurs Six2 (Six homeobox 2) et Cited1 (CREB-binding protein/p300-interacting transactivator with Asp/Glu-rich C-terminal domain 1) [2] (Figure 1). Les produits d’autres gènes, tels que Wt1 (Wilms tumor 1) et Bmp7 (bone morphogenetic protein 7), sont également indispensables à la survie de ces cellules. Un contrôle étroit est nécessaire pour assurer l’équilibre entre le maintien des progéniteurs – pour assurer la production de facteurs nécessaires à la ramification – et leur différenciation [3, 4]. La transition mésenchyme-épithélium est induite par la voie Wnt/β-caténine, activée tout d’abord par Wnt9b (signal émanant du bourgeon urétéral), puis par Wnt4, exprimé dès le stade de vésicule rénale (Figure 1). L’activation de cette voie permet l’expression de gènes, dont ceux qui codent pour la cadhérine 6 (fetal kidney cadherin), le facteur de croissance Fgf8 (fibroblast growth factor 8), le facteur de transcription Lhx1 (LIM homeobox 1), mais également Wnt4 lui-même. D’autres voies de signalisation, Wnt/PCP (polarité planaire) et Notch, interviennent ensuite dans l’élongation et la segmentation des tubes rénaux [2]. En fin de néphrogenèse, les progéniteurs rénaux Six2+ disparaissent.
Anomalies du développement rénal chez l’homme
Regroupées sous le terme d’hypodysplasies rénales, ces anomalies font partie du spectre des CAKUT (congenital anomalies of the kidney and urinary tract) et constituent l’une des causes majeures d’insuffisance rénale chez l’enfant. Les formes les plus graves (agénésie et dysplasie multikystique bilatérales) sont diagnostiquées in utero par la présence d’un anamnios ou d’un oligoamnios. Bien que la majorité des cas apparaissent de façon sporadique, l’existence de formes syndromiques et familiales d’hypodysplasies rénales démontre l’implication de facteurs génétiques [5]. Des mutations hétérozygotes touchant une quinzaine de gènes ont été identifiées. Les plus fréquentes concernent les facteurs de transcription PAX2 (paired box gene 2), EYA1 (eyes absent homolog 1), SIX1 (Six homeobox 1) et HNF1B (hepatocyte nuclear factor 1 homeobox B), dont les gènes sont mutés dans des formes syndromiques d’hypodysplasies rénales (syndrome rein-colobome, branchio-oto-rénal et association rein kystique/diabète) (Figure 1). Notre équipe et d’autres ont rapporté des mutations du gène RET chez des fœtus avec agénésie rénale [6]. Cependant, l’ensemble des mutations identifiées ne concernent qu’une faible proportion de patients, suggérant l’implication d’autres gènes dans ces pathologies.
FGF20, un nouveau gène impliqué dans les hypodysplasies rénales est un acteur clé, avec FGF9, du maintien des progéniteurs rénaux
Dans le but d’identifier de nouveaux gènes impliqués dans les hypodysplasies rénales, nous avons analysé une famille consanguine dans laquelle plusieurs fœtus présentaient une agénésie rénale bilatérale. L’identification de régions d’homozygotie, couplée au séquençage d’exome d’un des fœtus, nous a permis d’identifier l’insertion homozygote d’une base dans l’exon 2 du gène FGF20 (fibroblast growth factor 20) (Figure 2A) [7]. Cette mutation ségrégeait avec l’agénésie rénale dans la famille. Des études montrant l’implication de la voie FGF dans le développement rénal [8, 9], ainsi que l’expression de FGF20 au niveau du mésenchyme métanéphrique condensé dans le rein en développement (http://www.gudmap.org/), suggéraient que cette mutation était bien responsable de l’agénésie rénale.
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Figure 2. Phénotypes rénaux associés à la perte de FGF20 (homme) et à la perte de Fgf9 et/ou Fgf20 (souris). |
Parallèlement, l’équipe de R. Kopan (Washington University, St Louis, États-Unis) avait généré une souris invalidée pour Fgf20 par insertion du gène de la β-galactosidase (bGal) au niveau de l’exon 1. Outre des anomalies de différenciation de la cochlée [10], les souris Fgf20βGal/βGal développent des reins de taille réduite par rapport aux souris sauvages (Figure 2B) [7]. Le croisement de ces souris avec des souris invalidées pour Fgf9, un membre de la même sous-famille de FGF qui est exprimé principalement dans le bourgeon urétéral lors du développement rénal, résulte en une aggravation du phénotype rénal : hypoplasie sévère chez les souris Fgf9+/- ; Fgf20βGal/βGal, et agénésie chez les souris Fgf9-/- ; Fgf20βGal/βGal. Cependant, le phénotype des souris Fgf9-/- ; Fgf20βGal/+ est normal, démontrant que, chez la souris comme chez l’homme, Fgf20 joue un rôle prépondérant.
L’analyse des reins des différentes lignées de souris a ensuite permis de mieux comprendre le rôle de Fgf9 et Fgf20 [7]. Les reins embryonnaires des souris Fgf20βGal/βGal et Fgf9+/- ; Fgf20βGal/βGal présentent un déficit en cellules progénitrices Six2+, plus important chez les souris doubles mutantes. Ce déficit s’accompagne d’une différenciation épithéliale prématurée du mésenchyme métanéphrique condensé, visualisée par l’expression de marqueurs de la vésicule rénale comme Wnt4 et Jag1 (ligand de Notch). Les souris Fgf9-/- ; Fgf20βGal/βGal quant à elles présentent des anomalies plus sévères : défaut de condensation des cellules du mésenchyme métanéphrique condensé autour des extrémités du bourgeon urétéral et apoptose importante de ces cellules, entraînant une expression réduite de Gdnf et un défaut de ramification du bourgeon urétéral dû à une signalisation Ret/Gdnf déficiente. L’ensemble de ces données démontrent clairement le rôle majeur de Fgf20, en association avec Fgf9, dans le maintien des progéniteurs rénaux, mécanisme fondamental pour la bonne orchestration du développement rénal.
Les souris chez lesquelles on a induit une inactivation conditionnelle des récepteurs aux FGF au niveau du mésenchyme métanéphrique condensé ne développent pas de rein [8], tout comme les souris invalidées pour Fgf9/Fgf20. La signalisation FGF agit classiquement de façon paracrine. Or, Fgf20 est exprimé spécifiquement dans le mésenchyme métanéphrique condensé, alors que Fgf9 est majoritairement présent dans le bourgeon urétéral. L’inactivation spécifique de Fgf9 dans le bourgeon urétéral ou dans le mésenchyme métanéphrique condensé a permis de montrer qu’une signalisation paracrine via Fgf9 coopère avec un signal autocrine produit par Fgf20 et Fgf9 dans le mésenchyme métanéphrique condensé, pour le maintien des cellules progénitrices Six2+ [7] (Figure 1). L’implication des voies RAS et PI3K (phosphoinositide 3-kinase), en aval de la voie FGF, a par ailleurs été rapportée [9].
Enfin, des expériences de culture organotypique de métanéphros prélevés à E11,5 ont été réalisées en présence de protéines FGF recombinantes. Elles ont permis de montrer que seuls FGF9 et 20 sont capables de maintenir la survie et la prolifération des progéniteurs Six2+ pendant plusieurs jours et leur capacité à se différencier en cellules épithéliales exprimant des marqueurs de cellules tubulaires rénales, après induction de la transition mésenchyme-épithélium par une source de Wnt. De plus, un effet synergique de BMP7 a été mis en évidence, permettant d’augmenter jusqu’à cinq jours la durée pendant laquelle les progéniteurs peuvent survivre tout en conservant leur compétence à se différencier [7].
Conclusion
La mise en évidence et la caractérisation du rôle crucial de FGF20 et FGF9 dans le développement rénal représentent donc un bel exemple de complémentarité des études entre l’homme et la souris [7]. En montrant le rôle fondamental de ces deux protéines dans le maintien du caractère « souche » des progéniteurs rénaux, ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles approches thérapeutiques pour des pathologies rénales dégénératives.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des figures
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Figure 1. Rôle de FGF9 et FGF20 dans le réseau de régulations génétiques contrôlant les stades précoces de la néphrogenèse. Par souci de clarté, les gènes impliqués dans la régulation de la ramification du bourgeon urétéral sont indiqués dans la partie inférieure de la figure et ceux impliqués dans le maintien des progéniteurs rénaux et la transition mésenchyme-épithélium dans la partie supérieure. Les gènes dans lesquels des mutations ont été identifiées chez des patients avec des hypodysplasies rénales [5] sont notés en gras. BU : bourgeon urétéral ; MMC : mésenchyme métanéphrique condensé ; VR : vésicule rénale. |
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Figure 2. Phénotypes rénaux associés à la perte de FGF20 (homme) et à la perte de Fgf9 et/ou Fgf20 (souris). |
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