Free Access
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 27, Number 11, Novembre 2011
Page(s) 926 - 928
Section Nouvelles
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/20112711004
Published online 30 November 2011

Les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) sont des intermédiaires-clés dans la transmission de signaux de l’extérieur à l’intérieur de la cellule. Chez l’homme, il existe environ 800 RCPG qui partagent tous une structure tridimensionnelle similaire composée de 7 hélices transmembranaires [1]. Leur activité est régulée par un grand nombre de messagers cellulaires : hormones, neurotransmetteurs, nucléotides, lipides et autres molécules de faible poids moléculaire. De ce fait, ils sont au cœur de processus physiologiques et pathologiques importants.

Parmis ces RCPG, le récepteur à l’adénosine comporte différents sous-types A1, A2A, A2B, A3 qui sont largement exprimés dans le corps humain avec une forte représentation pour le récepteur A2A (A2AR) dans le système nerveux central, le cœur, les vaisseaux sanguins, les poumons ainsi que dans les cellules du système immunitaire [2]. L’adénosine, agoniste naturel de ce récepteur, est de manière générale un agent cytoprotecteur qui est déversé dans le compartiment extracellulaire en condition de stress, comme lors d’anoxie ou encore d’ischémie. Par ailleurs, un antagoniste du récepteur de l’adénosine très connu pour son effet excitant est la caféine, pharmacophore le plus utilisé au monde.

Dans le système nerveux central, le récepteur de l’adénosine joue un rôle important dans la plasticité synaptique en modulant le relargage de neurotransmetteurs. A2AR est ainsi impliqué dans des dysfonctionnements du système nerveux comme la maladie de Parkinson ou la maladie de Huntington et représente par conséquent une cible thérapeutique attractive.

Structure cristallographique des RCPG, R et R*

En se fixant sur la surface extracellulaire des RCPG, les agonistes induisent un changement de conformation de la forme inactive R vers la conformation active R*. Ce changement conformationnel permet le couplage du récepteur aux protéines G et donc la transmission du signal dans le compartiment cellulaire via des messagers secondaires dont l’AMPc et le calcium. Un modèle simplifié de la dynamique conformationnelle des récepteurs peut être représenté par un équilibre entre la conformation inactive R qui lie préférentiellement un agoniste inverse ou un antagoniste, et la conformation active R* qui lie un agoniste et correspond à la conformation capable d’interagir avec la protéine G [3].

Les structures cristallographiques de plusieurs RCPG dont le récepteur β-adrénergique humain (β2AR), celui de la dinde (β1AR) ainsi que le récepteur à l’adénosine (A2AR), ont été déterminées dans leur conformation inactive R et sont très similaires [46]. L’opsine, dans sa conformation active R*, a été également cristallisée en complexe avec le peptide carboxy-terminal de la transducine (protéine Gt) [7]. La différence majeure entre les structures correspondant à la conformation inactive de la rhodopsine R et active de l’opsine R* réside dans des différences de mouvements des extrémités intracellulaires des hélices 5 et 6 vers l’extérieur du récepteur. Récemment, la structure du récepteur β2AR lié à un « nanobody » [13] qui imite la fixation de la protéine G, β2AR-Nb80, a été rapportée et est très similaire à la conformation R* de l’opsine [8]. Différents RCPG comme les récepteurs β-adrénergiques et le récepteur à l’adénosine sont couplés à la même protéine G, Gs. Il est donc raisonnable de penser que la conformation active R* pourrait être conservée pour d’autres RCPG.

La structure du A2AR lié à l’agoniste adénosine

Nous avons résolu la structure tridimensionnelle du récepteur humain, A2AR-GL31, en complexe avec son ligand naturel l’adénosine (3,0 Å) (Figure 1) et avec un dérivé synthétique 5’-N-Éthylcarboxamidoadénosine (NECA) (2.6 Å) [9]. Cette avancée a été rendue possible par l’utilisation de la stratégie de thermostabilisation par mutagenèse dirigée. L’introduction de quatre mutations dans la séquence du A2AR permet d’améliorer la stabilité du complexe agoniste-récepteur solubilisé en présence de détergents, facilitant ainsi sa purification et sa cristallisation [10].

thumbnail Figure 1

Structure du récepteur à l’adénosine lié à son agoniste, l’adénosine. L’extrémité amino-terminale du récepteur est représentée en bleu et l’extrémité carboxy-terminale en rouge. L’adénosine est représentée en mode bâtonnet (voir flèche).

Les structures A2AR-GL31 liées à NECA ou à l’adénosine et la conformation inactive A2A-T4L (fusion du lysozyme T4 au niveau de la 3e boucle intracellulaire du A2AR) résolue en complexe avec un agoniste inverse ZM241385, ont été comparées [6, 9]. Cette comparaison met en évidence l’existence de larges différences : un glissement de l’hélice 3 le long de son axe vers l’extrémité extracellulaire du récepteur sur une distance d’environ 2Å, la formation d’un renflement au niveau de l’hélice 5 qui induit la réorganisation de quelques résidus autour du site de fixation du ligand, et enfin un changement conformationnel des extrémités intracellulaire des hélices 5, 6 et 7. La conformation observée dans cette étude est très proche de la forme active R*. Seule l’hélice 6 n’adopte pas la conformation attendue permettant l’ancrage de l’extrémité carboxy-terminale de la sous-unité alpha de la protéine G, comme observé dans la structure active R* de l’opsine [7]. La structure du récepteur A2AR-GL31 lié à l’adénosine ou à l’agoniste synthétique NECA représente donc un état conformationnel intermédiaire entre les conformations inactive R et active R*.

Au niveau de la poche de fixation, l’agoniste inverse ZM241385 et l’adénosine interagissent tous deux avec la phénylalanine 168 (Phe168 ; EL2) et établissent des liaisons hydrogènes avec l’acide glutamique 169 (Glu169 ; EL2) et l’asparagine 253 (Asn6.55, H6) (Figure 2). La différence dans le mode de fixation de l’agoniste inverse ZM241385 et de l’adénosine réside dans l’interaction de cette dernière avec les résidus histidine 278 (His7.43) et sérine 277 (Ser7.42) localisés sur l’hélice 7 ainsi que l’établissement d’interactions hydrophobes au niveau de l’hélice 3 (Figure 2).

thumbnail Figure 2

Interaction du récepteur A2A avec le ligand ZM241385 (A) et adénosine (B). Les liaisons hydrogènes sont représentées par un trait pointillé rouge, les liaisons polaires par un trait pointillé bleu.

L’interaction entre l’agoniste et le récepteur à l’adénosine induit la contraction de la poche de fixation du ligand représentée par le mouvement de l’hélice 3, le repositionnent de l’hélice 7 vers l’intérieur du récepteur ainsi que la formation du renflement au niveau de l’hélice 5. Un réarrangement similaire est observé pour la conformation R* du récepteur β2AR, β2AR-Nb80 [8]. La contraction de la poche de fixation a aussi été décrite pour le β1AR lié à différents agonistes [11]. Dans le cas de la fixation de l’agoniste sur le récepteur β-adrénergique, l’agoniste interagit avec des résidus localisés dans l’hélice 5 à la différence du récepteur à l’adénosine pour lequel, lors de la fixation de l’agoniste, l’interaction a lieu au niveau des hélices 7 et 3 [8, 9, 11]. Cependant, la fixation de l’agoniste induit dans les deux cas, β2AR-Nb80 et A2AR-GL31, la formation du renflement au niveau de l’hélice 5. Ce renflement est inhibé par la fixation de l’agoniste inverse ZM241385 dans la conformation inactive A2A-T4L [9]. Bien que le mode de fixation des agonistes soit différent d’un récepteur à l’autre, le réarrangement des hélices 3, 5 et 7 correspondant à la contraction de la poche de fixation du ligand apparaît être un prérequis nécessaire à l’activation des RCPG.

Nous disposons maintenant de différentes structures du récepteur de l’adénosine humain A2A : A2AR-GL31 en complexe avec l’adénosine ou NECA [9], la structure A2A-T4L liée à l’agoniste inverse ZM241385 [6] ainsi que la structure A2A-T4L liée à l’agoniste UK432097 [12], très similaire à la structure A2AR-GL31. L’étude approfondie de ces structures devrait permettre d’ouvrir de nouvelles voies pour la conception de nouveaux composés actifs et sélectifs de cette cible thérapeutique que représente le récepteur A2A.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

Références

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Liste des figures

thumbnail Figure 1

Structure du récepteur à l’adénosine lié à son agoniste, l’adénosine. L’extrémité amino-terminale du récepteur est représentée en bleu et l’extrémité carboxy-terminale en rouge. L’adénosine est représentée en mode bâtonnet (voir flèche).

Dans le texte
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Interaction du récepteur A2A avec le ligand ZM241385 (A) et adénosine (B). Les liaisons hydrogènes sont représentées par un trait pointillé rouge, les liaisons polaires par un trait pointillé bleu.

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