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Issue
Med Sci (Paris)
Volume 23, Octobre 2007
Le cancer du sujet âgé : le dilemme du vieillissement
Page(s) 43 - 46
Section Conclusion
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2007233s43
Published online 15 October 2007

Mes remerciements vont au Cancéropôle PACA pour l’ organisation de ce colloque. Je tiens à rendre hommage en premier lieu à Anne-Chantal Braud qui a été ma compagne de travail à l’IPC. Elle symbolise ce que peut représenter un médecin cancérologue. Pour soigner des personnes malades, il faut que les médecins s’imbibent de connaissances et de beaucoup d’humanisme. Il faut une autre qualité : l’engagement. Anne-Chantal résumait bien ces piliers de la médecine.

Cancer et vieillissement : des points communs

Ce colloque a abordé l’ensemble des aspects concernant le cancer, le vieillissement et éventuellement l’utilité d’une réflexion multidisciplinaire ou multifocale. Il a souligné les liens nombreux existant entre cancer et vieillissement, notamment parce que ces deux sujets impliquent de gérer l’incertitude. On voit bien que, sur le plan philosophique, anthropologique, économique, on retrouve les mêmes questions, y compris : est-il utile de se poser des questions ? Faut-il sacraliser la vie ?

Le cancer, comme le vieillissement, est un problème de société. En effet, il est difficile de parler du cancer comme il est difficile de parler des « vieux ». Dans mes nouvelles fonctions, je suis interrogé par mes tutelles : est-il légitime de s’intéresser au cancer chez les personnes âgées ? Le cancer et le vieillissement doiventils être abordés uniquement sous l’angle de la santé publique ?

C’est aussi un problème de singularité de situation. Nous avons affaire à des individus et notre pratique médicale deviendra de plus en plus singulière. Si j’ai un vœu à formuler sur la cancérologie, c’est qu’elle soit de moins en moins protocolaire, au sens des protocoles de masse, qui seront manifestement remis en question par les évolutions de la médecine moderne.

Par rapport à ces incertitudes, on rencontre des réalités. La vieillesse et le cancer existent. De temps en temps, des plans d’actions se lancent, dont le plan cancer. Pourquoi isoler le cancer et pourquoi isoler le vieillissement ? C’est une vieille histoire. Il faut des circonstances particulières, des volontés présidentielles. Le Général de Gaulle a été le premier à légiférer sur le cancer en France. Il a légiféré par ordonnance en 1945, à la Libération, dans le cadre de la refondation nationale. Il a créé par ordonnance les centres de lutte contre le cancer. Le 2e geste politique a été celui du plan cancer du Président Chirac.

L’Institut national du cancer : une agence d’objectifs et de moyens en cancérologie

Le plan cancer recelait les valeurs de notre système de santé et de l’organisation sociale en France, et des méthodes un peu originales pour la France, associant l’État, les professionnels et les patients. L’Institut national du cancer, 71e mesure de ce plan, a vocation à être une agence nationale sanitaire et scientifique en cancérologie, financée par ses deux ministères de tutelle, la Santé et la Recherche.

L’Institut national du cancer doit contribuer à diminuer la mortalité due aux cancers et améliorer la vie des personnes atteintes en agissant de façon symétrique et équilibrée à travers la prévention, les diagnostics précoces, la qualité des soins et l’accès aux innovations, la recherche et l’accélération de son transfert. J’insiste sur le terme « symétrique » parce que, dans nombre de plans, on dit qu’il faut faire des choix, or dans le plan cancer, le choix qui a été fait est de ne pas faire de choix.

Les objectifs sont de mieux prévenir les cancers, les diagnostiquer plus tôt, garantir et assurer des soins de grande qualité, rendre plus accessibles innovations et progrès, rechercher des moyens plus efficaces de prévenir, diagnostiquer et traiter les cancers.

Les principes d’action sont d’agir de façon plus décloisonnée et plus intégrée, d’assurer plus d’égalité dans et par la qualité, de veiller à mieux prendre en compte l’équité, d’informer mieux et plus symétriquement la population, les personnes malades et les professionnels.

Garantir l’égalité en prenant en compte le besoin d’équité

L’égalité est inscrite dans les principes du système de santé français. L’approche égalitaire qui est développée dans le plan cancer repose sur la qualité pour tous de la prise en charge. Ainsi, le dispositif d’autorisation oblige tous les établissements qui traitent les personnes atteintes de cancer à assurer une prise en charge répondant à des critères de qualité.

Il ne faut pas oublier l’équité verticale : notre système doit essayer de prendre en compte les personnes les plus faibles. Si l’on parle d’oncogériatrie, il faut traiter la moyenne, mais si l’on oubliait de traiter les personnes âgées parce qu’elles ne sont pas très « rentables », ou parce que l’on s’interroge sur l’intérêt de vivre au-delà de 80 à 85 ans, il commencerait à y avoir de la discrimination. Il ne faut pas que le socle égalitaire empêche ceux qui veulent progresser de progresser : nous devons dans notre système soutenir les performants. Cela tirera l’égalité vers le haut et cela devrait être plus rentable. Car notre souci est aussi un souci de rentabilité puisque nous avons pour objectif de diminuer la mortalité par cancer.

Les grands domaines et programmes de l’Institut

Pour ce faire, dans la lutte contre le cancer, et dans l’Institut, nous avons quatre domaines d’actions : la santé, les soins, la recherche et l’information des publics.

Nous devons produire des actions en matière de santé, mieux prévenir et dépister plus tôt en veillant à la qualité et à la lutte contre les inégalités. Cet objectif se traduisait dans le plan cancer par des dépistages organisés pour la France entière. Dans les Bouches-du-Rhône, le dépistage du cancer du sein était expérimenté depuis 1983.En 2003, après vingt ans d’expérimentation, on a généralisé le dépistage du cancer du sein à la France entière.

En matière de soins, la qualité est obligatoire sur des critères que les professionnels doivent pouvoir s’approprier : c’est la loi qui décide quels établissements sont aptes à traiter les personnes atteintes de cancer. Récemment, est notamment rendu obligatoire pour toute personne qui se rend dans un hôpital ou une clinique en France l’accès à un dispositif d’annonce, à un projet personnalisé de soins, et à une concertation pluridisciplinaire entre médecins.

Notre effort de recherche est limité. Je rends hommage à Gabriel Hortobagyi, vice-président du conseil scientifique de l’Institut du cancer que je présidais, qui présentait ainsi l’évolution de nos sociétés occidentales. Dans nos sociétés, nous avons affaire à une explosion des connaissances et des technologies. Le rôle d’un institut ou d’une agence est d’accélérer le transfert entre les connaissances et les soins, ce qui perturbe les scientifiques et les soignants. L’accélération du transfert est fondamentale si l’on veut que les soins évoluent. C’est une démarche qui suppose beaucoup de formation, de gestion de l’innovation et c’est un état d’esprit de mobilisation collective.

L’information des publics est aussi importante. Des approches horizontales sont nécessaires, mais ce qui compte, ce sont les liens. Dans le vieillissement comme dans la lutte contre le cancer, nous devons privilégier les approches intégrées santé/soins/recherche/information.

L’Institut national du cancer et la France vont être confrontés à 3 millions de personnes qui vont rencontrer le cancer d’ici 2010. Beaucoup seront plus âgés que les malades d’aujourd’hui. Comment allons-nous les accueillir ? Dans quelles conditions ? Avec quel respect pour leur personne ? Travaillant sur la moyenne, le plan cancer et l’Institut national du cancer ont accepté d’isoler deux populations : les enfants, pour lesquels l’effort de prise en charge collectif doit être spécifique et dédié, et les personnes plus âgées.

Le rôle d’un institut et d’une agence est de produire de l’expertise et des actions déconcentrées via les opérateurs. À Marseille, une action déconcentrée est en cours : il s’agit de la création d’une unité pilote d’oncologie gériatrique entre le centre de Montolivet et l’Institut Paoli Calmettes. Cette action vise à une meilleure intégration de plusieurs visions sur la personne âgée, dans un état d’esprit qui inclut de l’observation, de l’information, de la recherche et du partage d’expériences et de réflexions.

Nos objectifs sont d’aller vers des diagnostics et des traitements plus efficaces. Le diagnostic de cancer va se faire de façon plus fréquente et à des stades d’oncogénèse de plus en plus précoces. Le vieillissement nous stimule, car plus on avance en âge, plus les petites mutations qui caractérisent les états précancéreux sont fréquentes, et plus les questions sur l’utilité et sur les méthodes de traitement se poseront. L’oncogériatrie est donc un beau modèle de ce que sera la médecine moderne cancérologique qui, probablement, va devenir de plus en plus individualisée.

Jusqu’à présent, notre action a consisté à financer 14 unités qui ont pour vocation d’analyser, de réfléchir, d’expérimenter et d’agir sur tous les volets de prise en charge de la personne âgée. Elles serviront de forces d’appui pour imaginer ce que doit être une politique de la prise en charge du cancer chez la personne âgée. Grâce à Lodovico Balducci qui pilote le travail de ce groupe, nous en attendons des résultats transférables au plus grand nombre.

Deux types de « livrables » sont attendus. Le premier sera de faire d’ici la fin de l’année prochaine un rapport d’expertise sur les questionnements et les solutions possibles concernant la prise en charge des cancers du sujet âgé. Ce rapport aidera notre système de santé à prendre des décisions. Mais nous n’allons pas attendre pour faire bénéficier tout de suite les personnes plus âgées de ce que vous nous avez appris en oncogériatrie. Notre ambition, sous l’autorité de Lodovico Balducci, est de définir des « critères de qualification » afin qu’ils soient pratiqués dans toutes les concertations pluridisciplinaires pour tous les patients français âgés de plus de 75 ans, en vue d’estimer leur risque gériatrique et s’assurer d’une prise en charge oncologique adéquate. Nous allons expérimenter dans tous les centres qui ont été soutenus et financés la validité d’une telle méthode, avec l’ambition de la généraliser à l’ensemble du système. Les bénéfices sont évidents : cette méthode améliorera la qualité de survie et la qualité de prise en compte par tous les acteurs de santé des personnes âgées dans leur singularité et dans les risques d’exclusion qu’elles peuvent avoir. Je vous remercie de votre engagement.


© 2007 médecine/sciences - Inserm / SRMS

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