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Med Sci (Paris)
Volume 17, Number 12, Décembre 2001
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Page(s) | 1239 - 1241 | |
Section | Éditorial | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/200117121239 | |
Published online | 15 December 2001 |
L’os, un domaine qui émerge
Inserm U. 349, Centre Viggo-Petersen, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris Cedex 10, France
L’os a longtemps était considéré comme un tissu inerte, fossilisé, peu important et assez délaissé par nos instances scientifiques expliquant sans doute pourquoi trois des auteurs des articles de ce numéro sur le tissu osseux sont des Français conduisant leur recherche aux États-Unis. Or depuis 5 ans le squelette monte sur le devant de la scène.
L’ostéoporose, une maladie qui peut être traitée
Tout d’abord, sur le plan clinique l’ostéoporose, longtemps considérée comme une manifestation bénigne du vieillissement apparaît, après que les épidémiologistes lui aient consacré de nombreux travaux, comme une pathologie ayant une morbidité et une mortalité importantes, qu’il s’agisse de la fracture du col du fémur ou des tassements vertébraux. La mise au point d’un outil performant pour le diagnostic, l’absorptiométrie aux rayons X, a permis de faire un grand pas dans la prise en charge de cette maladie. Cependant, la mise au point de stratégies cohérentes et remboursées de dépistage à l’échelon national reste un enjeu pour cette pathologie encore trop peu prise en compte.
Parallèlement, la recherche active des compagnies pharmaceutiques a conduit au développement de nouvelles classes thérapeutiques, les bisphosphonates et les SERM (selective estrogen receptor modulator), permettant la prévention et le traitement de l’ostéoporose. Bien que les progrès soient immenses par rapport à la situation d’il y a dix ans, l’efficacité thérapeutique demande à être encore améliorée puisque l’incidence des fractures n’est réduite au mieux que de moitié. Il s’agit donc de faire face à de nouveaux enjeux car les molécules dont nous disposons ne sont pas assez puissantes pour permettre de traiter avec une efficacité suffisante les patients dont l’ostéoporose est détectée à un stade déjà avancé. Il est évident que l’on souhaiterait disposer d’agents qui permettent non pas seulement d’inhiber la dégradation de la matrice mais d’augmenter la synthèse de celle-ci. La molécule idéale pourrait être administrée par voie buccale, n’entraînerait pas d’augmentation parallèle de la résorption ostéoclastique et aboutirait à la formation d’une matrice ayant des caractéristiques biochimiques et biomécaniques satisfaisantes. Cette molécule qui stimulerait donc la fonction ostéoblastique pourrait bien être issue des nouvelles connaissances sur la cascade des signalisations intracellulaires induisant la fonction ostéoblastique [1].
L’ostéoblaste, une cellule plastique
Patricia Ducy, dans le laboratoire de Gérard Karsenty, a découvert en 1997, cbfa1, le premier facteur de transcription connu permettant la différenciation ostéoblastique [2]. Cette avancée majeure a permis de retracer la voie ostéoblastique parmi les 3 voies de différenciation potentielle d’une cellule ostéoprogénitrice vers un chondrocyte, un adipocyte ou un ostéoblaste. Cbfa1 semble être aussi un facteur important pour la fonction ostéoblastique qui pourrait être une cible pour les agents thérapeutiques. La cascade de facteurs de transcription démontrée au cours du développement est également impliquée dans la différenciation et la fonction ostéoblastique à l’état adulte. La réparation osseuse, un domaine important de la recherche sur le tissu osseux, est basée sur les différentes possibilités de développer des ostéoblastes à partir de cellules mésenchymateuses indifférenciées de la moelle osseuse. Elle bénéficie de cette recherche puisque ces différents facteurs de transcription sont réglés par des facteurs de croissance qui permettent de différencier ex vivo ou in vivo ces cellules médullaires sur un biomatériaux [3]. Une autre application physiopathologique importante est le déséquilibre entre différenciation adipocytaire et ostéoblastique au cours du vieillissement qui pourrait être une des cibles thérapeutiques de l’ostéoporose.
Des interactions cellulaires spécifiques
L’os est un tissu dans lequel il n’y a que deux cellules, l’une mésenchymateuse qui forme une abondante matrice dont la particularité sera de devenir minéralisée, et l’autre hématopoїétique qui dégrade cette matrice afin qu’elle soit régulièrement renouvelée. Les facteurs responsables de la régulation paracrine du tissu osseux ont été recherchés depuis longtemps. En effet, la régulation paracrine fine aboutit à une action concertée de ces deux types cellulaires et donc à un maintien de la masse osseuse. Une découverte majeure des 5 dernières années a été la cytokine RANKL qui est hautement exprimée par les précurseurs des ostéoblastes, les cellules stromales, et qui permet la différenciation en ostéoclaste d’un précurseur monocytaire qui exprime RANK, le récepteur de RANK-L. D’une manière intéressante, tout comme le M-CSF, le facteur de croissance indispensable à la différenciation des monocytes et des ostéoclastes, RANK-L est une molécule membranaire. Ceci explique rétrospectivement les expériences qui montraient que l’on ne pouvait différencier in vitro un monocyte en ostéoclaste que dans des modèles de co-cultures avec des cellules stromales et non simplement en utilisant leur surnageant. La régulation de la différenciation ostéoclastique « converge » vers cette voie RANK, RANK-L puisque la majorité des hormones et cytokines qui influent sur la différenciation ostéoclastique modulent l’expression de RANK-L [4].
Il existe de nombreuses conséquences « collatérales» à cette découverte. Tout d’abord, on peut s’attendre, si on augmente d’une manière importante le nombre de cellules stromales, à obtenir non une ostéosclérose mais une ostéoporose due à une hyperrésorption du fait du nombre important de cellules qui expriment RANK L. Ceci a effectivement été observé dans un modèle de souris transgénique qui surexprime cbfa1 dans les cellules stromales [5]. Comme le fait remarquer G. Karsenty dans ce numéro, nous avons besoin pour le traitement de l’ostéoporose de molécules qui augmentent la formation de matrice mais qui ne soient pas mitogènes pour les ostéoblastes et leurs précurseurs.
L’ostéoprotégérine, un récepteur soluble ayant un potentiel thérapeutique
Par ailleurs, il existe un troisième « acteur » du système RANK, RANK-L, l’ostéoprotégérine (OPG). Ce récepteur soluble de RANK-L est un inhibiteur puissant de la résorption osseuse et pourrait bien être un nouvel outil thérapeutique dans les pathologies où il existe une hyperrésorption. Il s’agit bien sûr de l’ostéoporose, mais aussi des arthrites et des métastases puisque non seulement les cellules stromales mais aussi certaines cellules tumorales expriment RANK-L.
Les premiers essais thérapeutiques montrent une absence d’effets secondaires extra osseux lors de l’injection de l’OPG alors que, d’une manière intéressante, RANK et RANK-L sont exprimés dans d’autres tissus. Le systéme immunitaire est aussi un tissu cible puisque RANK est exprimé par les cellules dendritiques et RANK-L par les lymphocytes T activés lors de la réaction de présentation de l’antigène. Les souris déficientes en RANK ou RANK-L ont un développement insuffisant du système immunitaire. D’une façon également surprenante, RANK-L est indispensable à la différenciation du tissu mammaire ce qui finalement n’est que le deuxième système paracrine commun à l’os et au sein puisque la PTHrP et son récepteur sont également exprimés dans le tissu mammaire [6]. Enfin, les souris dépourvues d’ostéoprotégérine ont des calcifications vasculaires importantes et ceci n’est pas corrigé par l’injection d’OPG une fois qu’elles sont apparues.
Système nerveux et tissu osseux : des points de rencontre ?
Jusqu’à maintenant le rôle hypothétique du contrôle du remodelage osseux par des neurotransmetteurs semblait mineur par rapport à la régulation endocrine par des stéroїdes, œstrogènes ou corticostéroїdes, qui ont un effet majeur sur le tissu osseux. De même, l’innervation périphérique a été largement ignorée alors que la régulation paracrine faisant intervenir le système vasculaire avait montré des interactions intéressantes. L’hypothèse de Gérard Karsenty d’un contrôle central inhibiteur de la formation osseuse par la leptine est excitante et provocatrice pour le clinicien qui voit régulièrement une association positive, et non négative, entre la masse grasse, et donc le taux circulant de leptine, et la densité osseuse. Bien que surprenante, cette hypothèse d’un contrôle neuro-endocrinien du tissu osseux pourra conduire à mettre en évidence d’autres facteurs centraux entraînant un contrôle cette fois positif de la masse osseuse. Une étude clinique montre que, chez des patientes déprimées la densité osseuse est diminuée [7] et dans de nombreuses situations pathologiques impliquant le système nerveux il existe des modifications osseuses comme le rappelle Chantal Chenu dans ce numéro.
Ossification de membrane et différenciation ostéoblastique
L’ossification des os du crâne a intéressé plusieurs des articles de ce numéro. Les malformations crâniennes à la naissance sont extrêmement fréquentes (1/2 500 naissances) et concernent ce phénomène par lequel les ostéoblastes se différencient directement à partir des cellules mésenchymateuses souches. Une altération de ce phénomène peut donner lieu soit à une fusion prématurée des os du crâne (craniosténose) soit à un espace inter-osseux persistant. Une minorité des craniosténoses dites syndromiques c’est-à-dire associées à d’autres malformations, ont été reliées à des mutations génétiques. Celles-ci, ainsi que des modèles murins, ont permis de mettre en évidence la cascade génétique qui conduit à l’ossification membranaire. Plusieurs facteurs de transcription, cbfa1, Msx2 et Twist sont exprimés au niveau de la voûte crânienne et plusieurs récepteurs aux facteurs de croissance FGF (fibroblast growth factor) ont un rôle majeur dans ce phénomène. Une fusion prématurée des sutures est induite par une mutation activatrice de Msx2, ou inhibitrice de Twist, le FGF agissant comme un régulateur négatif de Twist. Cette famille de facteur de croissance se retrouve avoir un rôle également majeur dans l’ossification endochondrale puisque les mutations activatrices de FGF-R3 sont responsables du nanisme le plus fréquent, l’achondroplasie.
De nouveaux gènes spécifiques de l’ostéoclaste contrôlent la masse osseuse
Outre le système RANK, RANK-L, des gènes primordiaux pour la fonction ostéoclastique ont été récemment mis en évidence comme le détaille Roland Baron dans son article. L’ostéoclaste est une cellule fascinante de par son comportement si particulier : elle est extrêmement mobile le long de la surface osseuse grâce à ses podosomes, des structures complexes comprenant des intégrines, dont l’intégrine αvβ3 des plaquettes, les proto-oncogènes c- src et c-cbl, et la tyrosine kinase Pyk-2. Le fonctionnement correct de ce système unique permettant l’adhésiondésadhésion est indispensable à la résorption [8]. Effectivement, pour résorber l’os l’ostéoclaste lui adhère telle une ventouse, et délimite un microcompartiment extracellulaire dans lequel il acidifie le minéral de la matrice pour le dissoudre puis dégrade la matrice organique, le tout grâce à un équipement en pompes, canaux et protéases qui lui est unique.
En 5 ans, il a été mis en évidence que la protéase indispensable à la résorption de l’ostéoclaste est la cathepsine K. L’acidification nécessite une sousunité de la pompe à proton vacuolaire, ATP-6 et un canal chlore CCl7, qui sont spécifiques de l’ostéoclaste ou du moins très fortement exprimés sur la bordure plissée de l’ostéoclaste. Les mutations in activatrices de chacun des gènes codant pour ces trois protéines entraînent une ostéosclérose, démontrant bien le rôle majeur de la fonction de l’ostéoclaste dans le contrôle de la masse osseuse. Il reste donc possible que des inhibiteurs d’autres protéines ostéoclastiques, en particulier de celles qui sont impliquées dans sa mobilité telles c-src ou αvβ3, puissent être des agents anti-ostéoporotiques intéressants [9]
Références
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