Numéro |
Med Sci (Paris)
Volume 17, Numéro 11, Novembre 2001
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Page(s) | 1222 - 1223 | |
Section | Nouvelles | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/200117111222 | |
Publié en ligne | 15 novembre 2001 |
Plusieurs voies pour la fibrose interstitielle pulmonaire ?
Department of Pathology, Tulane University Health Sciences Center, 1430 Tulane ave., SL-79, New Orleans, Louisiana 70112-2699, États-Unis
Il est clairement admis depuis des années que le développement d’une fibrose interstitielle pulmonaire peut être la conséquence d’agressions aussi diverses que celles qui sont provoquées par certaines drogues, des gaz oxydants, des processus infectieux ou des particules inorganiques [1]. Cette pathologie se caractérise par une inflammation alvéolaire et interstitielle qui induit une synthèse excessive de composants de la matrice extracellulaire, et donc une fibrose. Ce processus inflammatoire peut être de nature aiguë, comme dans le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte [2], ou chronique, comme dans l’asbestose [3]. Quoi qu’il en soit, le premier symptôme est le plus souvent un essoufflement, provoqué par la mauvaise diffusion gazeuse et le défaut de compliance pulmonaire. La succession des événements aboutissant au développement d’une fibrose interstitielle pulmonaire est très difficile à préciser, en particulier parce que les différentes agressions provoquent la libération simultanée de nombreux agents inflammatoires, comme les métabolites de l’acide arachidonique, les espèces réactives de l’oxygène et de nombreuses cytokines. Cette difficulté à appréhender la pathogénie de cette maladie est aussi, malheureusement, un frein pour le développement de stratégies thérapeutiques et, jusqu’à présent, aucune thérapeutique n’a fait ses preuves [1, 2].
Une étude récente apporte maintenant des éléments importants en faveur du rôle d’une cytokine inflammatoire, l’interleukine-1 beta (IL-1β), dans le développement des fibroses interstitielles pulmonaires [3]. La surexpression de cette cytokine dans les poumons de rat provoque une inflammation et le développement d’une fibrose interstitielle, qui sont responsables d’une maladie respiratoire sévère. De façon plus originale, les auteurs postulent que c’est en fait le TGF-β (transforming growth factor) qui est le vrai coupable. La technique utilisée consiste à injecter dans la trachée des animaux un adénovirus recombinant, qui contient le gène codant pour le facteur étudié [4]. Cette approche a l’avantage d’induire directement, et de façon transitoire (pendant 7 à 10jours), l’expression dans l’épithélium pulmonaire et alvéolaire de cette cytokine, qui sera donc libérée au niveau de la paroi des voies aériennes et des alvéoles et dans le tissus interstitiel environnant. L’expression élevée d’IL-1β s’accompagne d’une réaction inflammatoire aiguë et d’une destruction du tissu alvéolaire [3]. Puis, dès le quatorzième jour se développe progressivement une fibrose dont les caractères histologiques sont identiques à ceux d’une fibrose interstitielle pulmonaire. Fait important, l’apparition de la fibrose coïncide avec l’augmentation de la production de TGF-ß, alors même que l’expression de l’IL-1ß revient à une valeur normale.
J. Gauldie avait déjà obtenu, par la même approche, une fibrose interstitielle pulmonaire en administrant du TGF-β, du TNF-α (tumor necrosis factor) ou du GM-CSF (granulocyte-macrophage colony stimulating factor) [5-7]. Ainsi, l’IL-1ß s’ajoute à cette liste. Si le rôle de chacun de ces facteurs dans la pathogénie de la maladie humaine reste à établir, leur présence dans la maladie humaine en fait de bons candidats [8]. En outre, dans les modèles animaux, le TNF-α et le GM-CSF induisent, tout comme l’IL-1β, l’expression du TGF-β, la cytokine la plus puissante pour stimuler la synthèse des protéines de la matrice extracellulaire.
Comment chacune de ces cytokines stimule-t-elle une cascade qui aboutit à la fibrose ? Les voies empruntées sont-elles les mêmes ? L’approche utilisée par J. Gauldie, combinée avec l’utilisation de modèles murins, permettra probablement de détailler ces cascades d’événements et de préciser leur succession. Ainsi, nous avons montré que, contrairement aux souris sauvages, les souris invalidées pour le gène codant pour le récepteur du TNF-α ne développent pas de fibrose pulmonaire sous l’action de la bléomycine, de la silice ou de l’amiante [9, 10]. Cette résistance au développement d’une fibrose s’accompagne d’une diminution du processus inflammatoire et de l’expression du TGF-α, du TGF-β et du PDGF, ce qui semble protéger les souris mutantes contre la prolifération des cellules épithéliales et mésenchymateuses conduisant à la fibrose. Si, en revanche, on surexprime le TGF-β (à l’aide d’un adénovirus recombinant) dans les voies aériennes de ces souris mutantes, une fibrose interstitielle apparaît [11]. Il semble donc que la voie du TNF-α et de son récepteur puisse être à l’origine d’une cascade d’événements conduisant à la fibrose, mais qu’en l’absence de cette voie, le TGF-ß est à lui seul suffisant pour provoquer cette pathologie. Ces résultats renforcent l’hypothèse de J. Gauldie selon laquelle le TGF-β jouerait un rôle central dans le développement de la fibrose interstitielle pulmonaire. La possibilité de détecter un effet « seuil » en fonction de la quantité d’adénovirus administré permettra probablement de préciser quelles concentrations de peptide contrôlent le développement de la fibrose.
Il sera important dans l’avenir de préciser quelles sont, parmi ces différentes cytokines et leurs voies de signalisation, celles qui représentent les meilleures cibles pour d’éventuelles stratégies thérapeutiques. Même si l’on ne peut préjuger s’il sera plus efficace de bloquer une voie plutôt que l’autre, il apparaît clairement que les modèles expérimentaux décrits ici offrent de multiples voies pour disséquer les mécanismes physiopathologiques conduisant à la fibrose interstitielle pulmonaire.
Références
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