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Med Sci (Paris)
Volume 40, Number 3, Mars 2024
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 308 - 310 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2024021 | |
Published online | 22 March 2024 |
Quand l’ubiquitination se mêle du mélanome cutané
Un mécanisme à explorer
When ubiquitination intertwines with cutaneous melanoma: a mechanism to explore
1
Polytech Nice Sophia, Spécialité Génie biologique 5e année, Pharmacologie et Biotechnologies, Université Côte d’Azur, France
2
Centre Méditerranéen de Médecine Moléculaire, Biologie et pathologies des mélanocytes, Equipe 1, Université Côte d’Azur, Nice, France
a laura.breda@etu.univ-cotedazur.fr
b tiffany.kerdiles@etu.univ-cotedazur.fr
c charlene.meyer@etu.univ-cotedazur.fr
d laura.prugneau@etu.univ-cotedazur.fr
e ophelie.rabatel@etu.univ-cotedazur.fr
f gaelle.wagner@etu.univ-cotedazur.fr
g Imene.KROSSA@univ-cotedazur.fr
h celine.pisibon@etu.univ-cotedazur.fr
i Nicole.ARRIGHI@univ-cotedazur.fr
Le mélanome cutané est une tumeur maligne affectant les mélanocytes, les cellules spécialisées du système pigmentaire. Il représente seulement 4 % des cancers de la peau, mais il est considéré comme le plus grave en raison de son fort potentiel métastatique. En 2019, 15 513 cas de mélanome étaient recensés en France [1]. Depuis 30 ans, l’incidence ne cesse d’augmenter. D’un point de vue étiologique, l’exposition aux rayons ultra-violets (UV) reste le principal facteur de risque environnemental [2]. Néanmoins des facteurs génétiques existent, puisque le risque de développer un mélanome est doublé en cas d’antécédents familiaux. En effet, une mutation des gènes BRAF (V-Raf murine sarcoma viral oncogene homolog B) et NRAS (neuroblastoma ras viral oncogene homolog) est observée dans 50 % et 20 % des mélanomes, respectivement [3]. Cette anomalie génétique conduit notamment à une hyperactivation des voies MAPK (mitogen-activated protein kinase) et PI3K (phosphoinositol-3-kinase) induisant une prolifération accrue des cellules tumorales [4]. Actuellement, les traitements dépendent de la localisation et du stade d’évolution du mélanome. Pour des tumeurs localisées, le traitement de référence est l’exérèse chirurgicale. Tandis que pour des stades plus avancés, le traitement repose sur les thérapies ciblées et les immunothérapies. En effet, les patients atteints d’un mélanome métastatique porteurs de la mutation BRAF V600 sont traités par une combinaison d’inhibiteurs de BRAF (vemurafenib, drabrafenib) et de MEK (mitogen-activated extracellular signal regulated kinase) (trametinib, cobimetinib). Les immunothérapies, quant à elles, sont basées sur les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ou checkpoints immunitaires) tels que les anticorps anti-CTLA-4 (ipilimumab) ou anti-PD-1 (nivolumab) qui potentialisent l’immunité cellulaire antitumorale. Malgré les progrès indéniables apportés par les thérapies ciblées et les immunothérapies, 50 % des patients sont ou deviennent résistants aux traitements [5] (→). Il est donc fondamental de trouver de nouvelles approches thérapeutiques pour prévenir ou surmonter ces résistances. Ces dernières peuvent être causées par des événements épigénétiques, modifiant l’expression de gènes sans altérer leur séquence d’ADN. De plus, depuis 2017, de nombreuses études témoignent d’un lien entre le développement du mélanome et l’ubiquitination, un processus de modification post-traductionnelle.
(→) Voir la Nouvelle de C. Fourneaux et B. Dubois, m/s n° 10, octobre 2018, page 875
L’ubiquitination consiste en la fixation covalente d’une protéine d’ubiquitine aux résidus lysine de protéines cibles. Médié par différentes enzymes, ce processus régule l’expression de nombreuses protéines qui contrôlent la tumorigenèse [6]. Un grand nombre de ces enzymes qui permettent l’ubiquitination ont une expression modifiée dans le mélanome cutané et représentent donc une cible thérapeutique pertinente pour les cancers comme le mélanome.
Les enzymes de conjugaison E2, facteurs de développement du mélanome cutané
Les enzymes E2 sont impliquées dans la conjugaison de l’ubiquitine et des molécules ubiquitine-like, telles que SUMO (small Ub-related modifier), aux protéines cibles. Une augmentation d’expression de ces enzymes a été observée dans le mélanome cutané in vitro et in vivo. Ces enzymes, dont UBE2T (Ub-conjugating enzyme E2-T), UBE2N (Ub-conjugating enzyme E2-N), UBE2C (Ub-conjugating enzyme E2-C), UBE2I (Ub-conjugating enzyme E2-I), UBE2S (Ub-conjugating enzyme E2-S) et RAD6, sont impliquées dans le cycle cellulaire, la réparation d’ADN, l’apoptose et la stimulation de voies de signalisation oncogéniques (MEK, ERK, AKT, etc.) [7,8]. La surexpression de ces enzymes est corrélée à une augmentation de la transition épithélio-mésenchymateuse, processus clé de la progression et de la résistance des cellules de mélanome aux traitements actuels. Par conséquent, les cellules tumorales acquièrent des propriétés de prolifération et de migration accrues pouvant conduire à la formation de métastases et aggravant ainsi le pronostic du patient. Ainsi, l’utilisation d’inhibiteurs d’enzymes E2 semble être une perspective intéressante dans le traitement du mélanome cutané. Cependant, très peu d’inhibiteurs ciblant ces enzymes sont actuellement disponibles, aucun n’ayant déjà été utilisé dans le cadre du cancer.
L’implication des ligases E3 dans le mélanome cutané
Les enzymes E3 sont des ligases de la troisième étape de l’ubiquitination qui permettent la liaison covalente de l’ubiquitine sur la protéine cible (Figure 1). Ce sont les enzymes les plus spécifiques du système d’ubiquitination, régulant la stabilité et les fonctions des protéines. Les ligases E3 sont classées en 4 familles selon le domaine de fixation du substrat : les ligases de type HECT (homology to E6-AP C-terminus), RING (really interesting new gene), U-box et PHD (plant homeodomain).
Figure 1. Le processus d’ubiquitination et son implication dans le mélanome cutané. L’ubiquitination nécessite trois étapes : l’activation effectuée par des enzymes activatrices (E1), la conjugaison par des enzymes de conjugaison (E2) et la liaison de l’ubiquitine sur la protéine cible par des enzymes ligases (E3). La déubiquitination effectuée par des déubiquitinases (DUB) est représentée comme dernière étape. Les rôles des enzymes sur le mélanome cutané sont présentés pour chaque type d’enzyme. Ub : ubiquitine, Sub : substrat, AMP : adénosine monophosphate, PP : diphosphate. (figure adaptée de [7]). |
Les enzymes E3 ont été majoritairement étudiées dans la progression cancéreuse et l’altération de l’expression de ces enzymes est impliquée dans la différenciation et la migration des cellules de mélanome ainsi que dans la voie de signalisation MAPK. En effet, la perte d’expression de FBXW7 (F-box and WD repeat-containing 7 protein), du complexe FZR1 APC/C (Fizzy-related protein 1, anaphase-promoting complex/cyclosome) ainsi que de l’ubiquitine PARK2 (parkinson protein 2) entraîne une suractivation de la voie des MAPK et une résistance aux inhibiteurs de cette voie (inhibiteurs de BRAF et MEK). De plus, Montagnani et al. ont montré que la surexpression de PARK2 est associée à une prolifération amoindrie, suggérant une potentielle approche thérapeutique via la réactivation de PARK2 [9].
Concernant la migration et l’invasion des cellules de mélanome, des études récentes montrent l’implication de FBXO22 (F-box only protein 22) et FBXO32 (F-box only protein 32) dans ces deux processus. En effet, FBXO32 favorise la migration, la prolifération et le développement tumoral des cellules de mélanome in vivo via une interaction avec des complexes de remodelage de la chromatine dont SMARCA4 (SWI/SNF related, matrix associated, actin dependent regulator of chromatin, subfamily a, member 4). De façon intéressante, FBXO32 est un gène cible de MITF, gène maître du lignage mélanocytaire. MITF est un facteur de transcription impliqué dans le contrôle du cycle cellulaire, la prolifération, la migration et l’ubiquitination des cellules de mélanome [10].
Les ligases E3 représentent donc des cibles thérapeutiques pertinentes par leur capacité à réguler la stabilité et la fonction des protéines. En comparaison à des inhibiteurs du protéasome (bortezomib), machinerie intracellulaire permettant la dégradation des protéines, les inhibiteurs ciblant les ligases E3 auraient une meilleure sélectivité et moins de toxicité. Par exemple, RO5045337 est le premier inhibiteur de MDM2, une ligase E3, qui est en première phase d’essai clinique pour le traitement de cancers [11].
Les déubiquitinases, une piste prometteuse dans la thérapie du mélanome cutané
L’ubiquitination est réversible grâce aux enzymes de déubiquitination, les déubiquitinases (DUB), qui clivent la liaison entre l’ubiquitine et le peptide cible [12]. Les DUB représentent un ensemble de familles d’enzymes impliquées dans de nombreuses voies de signalisation cellulaires liées aux cancers dont le mélanome. En effet, ces enzymes peuvent être dérégulées, ce qui peut induire des modifications de l’activité des protéines : augmentation des oncogènes et/ou diminution des suppresseurs de tumeurs. En effet, dans le mélanome, une perte d’expression de la déubiquitinase CYLD (cylindromatosis) induit la translocation nucléaire du proto-oncogène BCL-3 (B-cell lymphoma 3-encoded protein) ce qui augmente la prolifération des cellules [13]. D’autre part, une des plus grandes familles de DUB sont les USP (ubiquitin specific proteases). Une surexpression de la DUB USP4 a été identifiée dans les lignées cellulaires et les tissus de mélanome métastatiques. USP4 est capable d’augmenter les capacités migratoires et invasives des cellules de mélanome en favorisant la transition épithélio-mésenchymateuse. USP4 pourrait donc jouer un rôle d’oncogène dans le mélanome en facilitant les métastases [14]. Enfin, la protéine USP11 favorise la prolifération du mélanome en déubiquitinant NONO, une protéine surexprimée dans le mélanome et liée à un mauvais pronostic. Cibler USP11 pourrait donc représenter une nouvelle stratégie thérapeutique pour le mélanome [15].
Conclusion
Le mélanome cutané est un cancer agressif dont les thérapies sont limitées. De nombreuses études ont démontré le rôle de l’ubiquitination dans ce cancer, que ce soit au stade du développement, de la progression ou encore de la résistance [16]. En effet, dans le cas du mélanome cutané, les enzymes de l’ubiquitination (E2, E3) sont modifiées, dérégulant les voies des MAPK, la migration, la différentiation cellulaire, la réparation de l’ADN ou l’apoptose. De même, les DUB sont dérégulées offrant un environnement favorisant la progression tumorale. Cibler ces différentes enzymes serait une approche thérapeutique prometteuse, mais limitée par leur manque de spécificité. Une nouvelle approche actuellement en développement permettrait de surmonter le problème de spécificité en détournant le système ubiquitine-protéasome. Il s’agit de la technique PROTAC (proteolysis-targeting chimeras) permettant de dégrader des protéines dans des cancers très résistants aux traitements [17] (→).
(→) Voir la Nouvelle de M. Azuaga Moreso et al., page 304 de ce numéro
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des figures
Figure 1. Le processus d’ubiquitination et son implication dans le mélanome cutané. L’ubiquitination nécessite trois étapes : l’activation effectuée par des enzymes activatrices (E1), la conjugaison par des enzymes de conjugaison (E2) et la liaison de l’ubiquitine sur la protéine cible par des enzymes ligases (E3). La déubiquitination effectuée par des déubiquitinases (DUB) est représentée comme dernière étape. Les rôles des enzymes sur le mélanome cutané sont présentés pour chaque type d’enzyme. Ub : ubiquitine, Sub : substrat, AMP : adénosine monophosphate, PP : diphosphate. (figure adaptée de [7]). |
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