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Med Sci (Paris)
Volume 39, Number 3, Mars 2023
Néphrologie pédiatrique : de grandes avancées et un futur rempli d’espoir
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Page(s) | 203 - 204 | |
Section | Editorial | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2023054 | |
Published online | 21 March 2023 |
La tuberculose, l’une des plus anciennes maladies infectieuses : quelles avancées récentes majeures ?
Tuberculosis: New findings on an old infectious disease
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Professeure des Universités - Praticien Hospitalier
2
Professeur des Universités - Praticien Hospitalier
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AP-HP, Sorbonne-Université Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux, Paris, France
4
Sorbonne université, Inserm U.1135, Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Cimi) Paris, France
* alexandra.aubry@sorbonne-universite.fr
** nicolas.veziris@sorbonne-universite.fr
La tuberculose (TB) est une infection due aux bactéries du complexe Mycobacterium tuberculosis. Malgré les progrès de la lutte antituberculeuse et l’existence d’un traitement de référence instauré il y a 40 ans, on en dénombre toujours dix millions de nouveaux cas par an dans le monde et 1,5 million de décès [1]. Cela est en partie lié à la complexité du traitement antituberculeux et à sa durée (quatre antituberculeux pour une durée de six mois au minimum : isoniazide et rifampicine pendant six mois, supplémentés par de l’éthambutol et du pyrazinamide pendant les deux premiers mois), à la capacité du bacille de survivre à l’intérieur du macrophage avec un métabolisme réduit et à l’émergence de résistance aux antituberculeux. En effet, le traitement des formes MDR (multirésistantes ; résistance à au moins l’isoniazide et la rifampicine) et XDR (ultrarésistantes ; TB-MDR résistantes aux fluoroquinolones et à la bédaquiline et/ou au linézolide) est encore plus complexe et source de plus d’échecs thérapeutiques.
Cependant, ces dernières années ont été une période de grande effervescence et de grands changements dans le domaine de la tuberculose, grâce à la découverte de nouveaux antituberculeux et de régimes thérapeutiques plus courts, et grâce à une meilleure détection et une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans la résistance aux antituberculeux. Ainsi, il a été montré qu’une nouvelle combinaison d’antituberculeux permettait de réduire de six à quatre mois le traitement de la tuberculose à bacilles sensibles [2] et qu’il serait peut-être possible de le réduire à trois mois [3]. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que le traitement de quatre mois soit le nouveau traitement standard des tuberculoses à bacilles sensibles, mais cette recommandation est limitée par le fait que le laboratoire qui commercialise l’antituberculeux clé de ce traitement (la rifapentine) n’a pas demandé d’autorisation de mise sur le marché dans tous les pays, notamment en France. De façon plus spectaculaire encore, le traitement des TB-MDR et -XDR est passé d’une durée de 20 à 24 mois, une durée de traitement fondée sur une méta-analyse de cohortes, à une durée de six à neuf mois, grâce à l’utilisation de combinaisons de nouveaux antituberculeux ayant des mécanismes d’actions originaux, évalués dans des essais randomisés (essais Nix-TB, Practecal-TB ou encore BEAT). Ces nouveaux schémas très prometteurs sont d’ores et déjà recommandés par l’OMS ; la combinaison qui semble la plus efficace est celle associant bédaquiline, prétomanide, linézolide et moxifloxacine.
Ces progrès ont été rendus possibles grâce à la découverte, depuis une dizaine d’années, de nouveaux antituberculeux. Le premier de ces nouveaux antituberculeux a été la bédaquiline : il s’agit du premier représentant d’une nouvelle famille d’antituberculeux ayant un mécanisme d’action original, l’inhibition de l’ATP synthase, enzyme-clé de la chaîne respiratoire. La deuxième famille de nouveaux antituberculeux sont les nitro-imidazolés que sont le prétomanide et le délamanide. Ces molécules agissent en inhibant la synthèse de la paroi bactérienne et par empoisonnement à l’oxyde nitrique. Le dernier « nouvel antituberculeux » est le linézolide qui est une molécule repositionnée. En effet, il s’agit d’une oxazolidinone inhibant la synthèse protéique, antérieurement développée pour le traitement des infections par des bactéries à Gram positif.
Outre la démonstration de l’activité de nouvelles associations d’antituberculeux, un nouveau paradigme est en train d’émerger, le traitement personnalisé, en particulier l’adaptation de la durée du traitement à l’importance de la charge bactérienne et de l’atteinte anatomique initiale. En effet, l’analyse des résultats des essais cliniques selon le type d’atteinte anatomique et le statut immunitaire de l’hôte, couplée aux progrès réalisés dans la description précise de la diffusion lésionnelle des antituberculeux (le caséum notamment, qui est une substance blanchâtre visible macroscopiquement, résultant de lésions nécrotiques dues à M. tuberculosis), suggère fortement qu’il sera possible, dans le futur, d’individualiser la durée du traitement. La démonstration en a été apportée par l’essai SHINE qui a montré que pour les tuberculoses paucibacillaires de l’enfant, la durée de traitement pouvait être réduite de six à quatre mois. À l’inverse, plusieurs essais (Nix-TB, Truncate-TB, etc.) ont proposé avec succès une durée variable de traitement, la version la plus longue étant proposée à la minorité de patients ayant les tuberculoses les plus sévères (en particulier ceux dont l’analyse des expectorations retrouve toujours des bacilles malgré un traitement efficace en cours).
L’émergence des TB-MDR qui a eu lieu durant les années 1990 n’épargne pas les nouveaux antituberculeux. Les TB-MDR, qui représentent désormais environ 5 % des cas de tuberculose dans le monde, soit 500 000 cas par an [1], peuvent constituer la moitié des cas de tuberculose dans certains pays de l’Europe de l’Est. Cette expansion de la résistance engendre deux défis, l’un, technique, de diagnostic de la résistance, l’autre, scientifique, de compréhension de la mécanistique de cette résistance.
Le diagnostic de la résistance aux antituberculeux a longtemps reposé sur l’antibiogramme phénotypique qui consiste à étudier la croissance de M. tuberculosis en présence d’antituberculeux. La principale limite de cette technique est la lenteur de croissance de M. tuberculosis, qui a comme conséquence un délai de plusieurs semaines pour obtenir un résultat. Le développement, puis l’extension, depuis une dizaine d’années, du diagnostic génotypique ont raccourci ce délai à quelques jours, voire quelques heures. L’essor des techniques de Next-Generation Sequencing (NGS) permettant l’étude du génome complet conduit même à envisager le remplacement des techniques phénotypiques, notamment pour les antituberculeux de première ligne. Cependant, une telle évolution nécessite de connaitre parfaitement l’impact des mutations identifiées sur la résistance, ce qui est encore loin d’être le cas, même si l’OMS a récemment publié un premier catalogue des mutations trouvées dans les gènes impliqués dans la résistance aux antituberculeux, avec leur impact phénotypique. Une autre gageure reste le développement d’outils moléculaires suffisamment simplifiés pour être utilisables dans les zones à faibles ressources où se trouvent la majorité des patients présentant une tuberculose.
D’un point de vue des mécanismes moléculaires, les travaux se sont longtemps focalisés sur l’identification de gènes et de mutations impliqués dans la résistance. Des phénomènes d’adaptation de la bactérie aux antituberculeux, que l’on peut classer en trois types, pourraient aussi constituer une passerelle vers la résistance et expliquer une partie des échecs de traitement observés : (1) persistance, (2) tolérance et (3) résilience. Cette dernière, décrite très récemment par l’équipe de Sarah Fortune [4], a pour support génétique principal des mutations dans un régulateur transcriptionnel, Rv1830 (nommé resR pour resilience regulator). Les mutants resR ne présentent pas de résistance canonique ou de tolérance aux antituberculeux, mais raccourcissent l’effet post-antibiotique, permettant à M. tuberculosis de reprendre sa croissance après une exposition à un antituberculeux, plus rapidement que les souches sauvages. Le régulateur transcriptionnel resR agit en cascade avec d’autres facteurs de transcription contrôlant la croissance et la division cellulaires (en particulier whiB2 et fbiA), également soumis à une sélection positive dans les souches cliniques de M. tuberculosis. Cependant, nombre de mutations conduisant à une résistance ont un coût pour la bactérie (le fitness cost) qui pourrait limiter leur propagation. Pour contrecarrer cela, des mutations dites compensatoires restaurant la perte de fitness due à la mutation conférant la résistance peuvent être sélectionnées. C’est le cas en particulier pour la rifampicine : des mutations dans le gène rpoC, qui compensent la perte de fitness due aux mutations dans le gène rpoB conférant la résistance. Il a été montré que ces évolutions bactériennes améliorant le fitness ont été accrues dans une situation particulière, celle des prisons de certains pays d’Europe de l’Est dans les années 1990 et 2000. En Géorgie, par exemple, la forte incidence de TB-MDR dans les prisons a permis l’émergence de ces clones très « fit », qui ont ensuite pu diffuser dans le reste du pays [5].
Nul doute que les prochaines années verront de nouvelles avancées, en particulier avec le développement d’autres antituberculeux. À titre d’exemple, le télacebec, qui inhibe le cytochrome bc, est né de l’intérêt pour le développement de nouveaux antituberculeux, suscité par la bédaquiline, qui cible la chaîne des transporteurs d’électrons. Son efficacité a été démontrée chez l’homme dans un essai de phase II (évaluation de l’activité bactéricide précoce). Toutefois, la seule inhibition du cytochrome bc ne permet pas une activité antibactérienne de longue durée car le cytochrome bd peut prendre le relais du cytochrome bc. L’efficacité augmentée du télacebec vis-à-vis de mutants dont le cytochrome bd est inactivé, suggère qu’une combinaison d’inhibiteurs de deux cytochromes, bc et bd, est une piste prometteuse.
La recherche sur les nouveaux antituberculeux, les mécanismes de résistance et les tests diagnostiques est donc en plein essor. Si les moyens suffisants y sont consacrés, il est permis d’espérer que les prochaines décennies voient la pandémie tuberculeuse maîtrisée !
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent être impliqués dans les consortiums Respiri-TB et Respiri-NTM en partenariat avec la firme Janssen.
Références
- Global Tuberculosis Report 2022. World Health Organization. https://www.who.int/teams/global-tuberculosis-programme/tb-reports/global-tuberculosis-report-2022. [Google Scholar]
- Nyang’wa BT, Berry C, Kazounis E, et al. A 24-Week, All-Oral Regimen for Rifampin-Resistant Tuberculosis. N Engl J Med 2022; 387 : 2331–43. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Paton NI, Cousins C, Suresh C, et al. Treatment Strategy for Rifampin-Susceptible Tuberculosis. N Engl J Med 2023; NEJMoa2212537. [Google Scholar]
- Liu Q, Zhu J, Dulberger CL, et al. Tuberculosis treatment failure associated with evolution of antibiotic resilience. Science 2022; 378 : 1111–8. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Gygli SM, Loiseau C, Jugheli L, et al. Prisons as ecological drivers of fitness-compensated multidrug-resistant Mycobacterium tuberculosis. Nat Med 2021; 27 : 1171–7. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
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