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Med Sci (Paris)
Volume 39, Number 3, Mars 2023
Néphrologie pédiatrique : de grandes avancées et un futur rempli d’espoir
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Page(s) | 287 - 289 | |
Section | Nouvelles | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2023020 | |
Published online | 21 March 2023 |
Âge et taux de létalité des maladies infectieuses
Age and case fatality rate of infectious diseases
Biogéosciences, CNRS UMR 6282, université de Bourgogne, Dijon, France
Bien que la mortalité causée par les maladies infectieuses ait considérablement diminué au cours du siècle dernier grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène, à la découverte des antibiotiques et aux programmes de vaccination à grande échelle [1], l’histoire récente nous rappelle que l’émergence de nouveaux agents pathogènes (dont certains sont résistants aux traitements antimicrobiens actuellement disponibles) reste une menace à l’échelle planétaire [2, 3].
La mortalité induite par les maladies infectieuses varie en fonction de nombreux paramètres, à l’échelle populationnelle (par exemple, les conditions socio-économiques) ou individuelle. Là encore, la pandémie de SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) a montré l’importance de l’environnement (au sens large) et de l’existence de maladies préexistant à l’infection (comorbidités) en tant que facteurs augmentant le risque de mortalité [4, 5].
L’âge figure assurément parmi les principaux paramètres individuels contribuant au risque de mortalité consécutive à une infection. Ce constat n’est pas récent, et des études précédentes ont montré que la fonction reliant âge et mortalité induite par les maladies infectieuses n’est pas linéaire [6]. En effet, la mortalité diminue souvent avec l’âge au cours des premières années de vie et augmente ensuite avec le vieillissement (forme en J de la courbe de mortalité en fonction de l’âge). La raison souvent invoquée de cette relation non linéaire est la variation de la réponse immunitaire avec l’âge, durant l’ontogenèse et pendant le vieillissement (immunosénescence) [7].
Enfin, en plus des facteurs environnementaux et intrinsèques à l’hôte, des facteurs associés aux différents microorganismes pathogènes peuvent également expliquer le risque de mortalité âge-spécifique. Par exemple, des microorganismes provoquant des infections systémiques pourraient entraîner un risque de décès accru chez une personne âgée si la capacité de restaurer simultanément de multiples fonctions altérées par l’infection décline avec l’âge [8].
Nous avons procédé à une analyse comparative de 28 maladies infectieuses visant à identifier les facteurs, cliniques et écologiques, pouvant expliquer leur mortalité dépendante de l’âge [9]. Nous avons utilisé une base de données récente sur le taux de létalité pour chacune de ces maladies, défini comme le rapport du nombre de personnes décédées sur le nombre de personnes infectées [10]. Elle contient des données « historiques » sur les maladies infectieuses pour lesquelles on dispose aujourd’hui de vaccins ou de traitements efficaces, ainsi que des données contemporaines sur des microorganismes pathogènes qui ont émergé au cours des dernières décennies (principalement à partir de réservoirs animaux). Nous y avons ajouté des informations sur des paramètres décrivant des aspects écologiques et cliniques caractérisant chaque agent pathogène : s’il s’agit d’un virus ou d’une bactérie, la durée de la période d’incubation, la durée des symptômes induits par l’infection, si le microorganisme produit une infection locale ou généralisée, s’il a émergé récemment ou s’il a une longue histoire co-évolutive avec l’homme, s’il a un réservoir animal ou s’il infecte uniquement l’homme, et les voies de sa transmission. À l’aide de modèles statistiques appropriés, nous avons ensuite quantifié l’importance de chacun de ces paramètres en tant que prédicteur du taux de létalité âge-spécifique.
Nous avions formulé des prédictions concernant certains des paramètres pris en compte dans nos modèles. Par exemple, il était envisageable que les microorganismes produisant des infections généralisées induisent, chez les sujets âgés, une mortalité plus élevée que ceux produisant des infections locales. On pouvait également s’attendre à une mortalité chez les sujets âgés plus importante pour des microorganismes induisant des symptômes de longue durée que pour ceux induisant des symptômes de courte durée.
Notre analyse a d’abord confirmé que, pour la majorité des maladies infectieuses incluses dans la base de données, la mortalité diminue en début de vie et augmente considérablement avec le vieillissement (Figure 1). En séparant les contributions linéaires et non linéaires à la relation entre âge et taux de létalité, nous avons montré que la composante linéaire est négative pour la dengue, la coqueluche et la diphtérie, et nulle pour la poliomyélite et la fièvre de Lassa. Pour les 23 autres maladies infectieuses, la composante linéaire de la relation entre âge et taux de létalité est positive, ce qui indique une augmentation de la mortalité avec l’âge. Cependant, comme attendu, la relation entre âge et taux de létalité ne peut que très rarement être décrite uniquement par une fonction linéaire. En effet, en dehors du sida (syndrome de l’immunodéficience acquise) et de l’infection par le virus de l’encéphalite équine de l’Ouest, pour lesquels nous n’avons pas trouvé de support statistique à une composante non linéaire, cette composante est très forte pour les 26 autres maladies infectieuses et en accord avec une diminution de la mortalité au début de la vie et une augmentation durant le vieillissement (Figure 1).
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Figure 1. Taux de létalité en fonction de l’âge pour quatre maladies (typhus, variole, méningite à méningocoque, et infection par le virus Ebola) parmi les 28 maladies infectieuses étudiées. Elles ont été choisies pour illustrer la diminution initiale du taux de létalité dans les premières années de la vie et son augmentation au-delà de la classe d’âge 15-20 ans. Chaque point correspond au pourcentage de personnes décédées parmi les personnes infectées (les barres verticales indiquent les intervalles de confiance à 95 %). La courbe en trait pointillé rouge correspond à l’ajustement d’un modèle additif généralisé avec une distribution binomiale (figure adaptée de [10]). |
Parmi les caractéristiques écologiques et cliniques étudiées, les microorganismes pathogènes induisant des symptômes de longue durée sont associés à une plus forte mortalité chez les sujets âgés, un résultat conforme à notre prédiction (Figure 2). En revanche, contrairement à notre prédiction, le taux de létalité âge-dépendant ne varie pas entre les microorganismes produisant une infection généralisée et ceux à l’origine d’une infection locale. Nous avons également constaté que les agents pathogènes « émergents » sont associés à un plus fort taux de létalité chez les sujets âgés. Les raisons de cette association restent à élucider.
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Figure 2. Taux de létalité en fonction de l’âge pour des maladies infectieuses induisant des symptômes de durées différentes : moins d’une semaine (en bleu), entre une et trois semaines (en vert), plus de trois semaines (en rouge). Chaque point correspond à la moyenne (avec son erreur-type indiquée par une barre verticale) des taux de létalité pour chaque classe d’âge. La courbe en trait pointillé correspond à l’ajustement d’un modèle de mélange fini avec une distribution β-binomiale (figure adaptée de [10]). |
Certains aspects méthodologiques méritent d’être discutés. D’abord, la nature même de cette analyse comparative implique d’attribuer, pour chaque espèce d’agent pathogène étudiée, une valeur unique à des traits quantitatifs pourtant variables. Par exemple, nous avons dû résumer la durée des symptômes, qui peut bien sûr varier pour un même agent pathogène, par une seule valeur. Ensuite, l’utilisation, pour ce travail de recherche, de données « historiques » relatives à la période précédant l’utilisation des antibiotiques ou de la vaccination permet d’avoir une information sur le taux de létalité en l’absence de ces traitements, mais peut également introduire des biais liés aux changements socio-économiques et de qualité du diagnostic au cours du temps.
Malgré ces réserves inhérentes à l’approche méthodologique adoptée, notre analyse portant sur un grand nombre de maladies infectieuses, virales et bactériennes, a permis d’établir la généralité de la forme en J de la courbe représentative de la relation entre âge et taux de létalité, et de montrer que des caractéristiques écologiques (agents pathogènes émergents) et cliniques (durée des symptômes provoqués par l’infection) peuvent rendre compte de la plus grande vulnérabilité des sujets âgés à l’infection par certains microorganismes comparés à d’autres.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des figures
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Figure 1. Taux de létalité en fonction de l’âge pour quatre maladies (typhus, variole, méningite à méningocoque, et infection par le virus Ebola) parmi les 28 maladies infectieuses étudiées. Elles ont été choisies pour illustrer la diminution initiale du taux de létalité dans les premières années de la vie et son augmentation au-delà de la classe d’âge 15-20 ans. Chaque point correspond au pourcentage de personnes décédées parmi les personnes infectées (les barres verticales indiquent les intervalles de confiance à 95 %). La courbe en trait pointillé rouge correspond à l’ajustement d’un modèle additif généralisé avec une distribution binomiale (figure adaptée de [10]). |
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Figure 2. Taux de létalité en fonction de l’âge pour des maladies infectieuses induisant des symptômes de durées différentes : moins d’une semaine (en bleu), entre une et trois semaines (en vert), plus de trois semaines (en rouge). Chaque point correspond à la moyenne (avec son erreur-type indiquée par une barre verticale) des taux de létalité pour chaque classe d’âge. La courbe en trait pointillé correspond à l’ajustement d’un modèle de mélange fini avec une distribution β-binomiale (figure adaptée de [10]). |
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