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Issue
Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 12, Décembre 2020
Vieillissement et mort : de la cellule à l’individu
Page(s) 1109 - 1110
Section Mécanismes cellulaires et physiopathologie du vieillissement
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2020246
Published online 09 December 2020

Définir le vieillissement et la mort n’est pas chose aisée. Nombre d’hypothèses, nombre de théories ont été formulées pour tenter de comprendre et d’expliquer cet inéluctable processus qui ébranle et malmène le corps, depuis les composants même de la cellule jusqu’à l’organisme entier. Les « théories du vieillissement » reposent sur différents mécanismes, induits par les agressions du milieu extérieur ou programmés, menant à la raison princeps du vieillissement, la dégradation et la mort cellulaires.

Pour l’individu, le processus apparaît complexe : selon son « art de vivre », il sera confronté à des maladies qui affecteront plus ou moins sa « ressource énergétique », influençant le déclin naturel, en diminuant le temps donné à la fin de vie.

Les progrès médicaux et scientifiques permettent désormais d’aborder le vieillissement au niveau de la cellule ou de l’organe ; les mécanismes impliqués dans la sénescence cellulaire, comme ceux qui conduisent à l’altération des composants de la cellule (protéines, ADN, etc.) via des processus qui réduisent leurs fonctions ou les perturbent, avec l’induction de lésions à l’ADN, ou des anomalies de fonctionnement des mitochondries à l’origine de la production de radicaux libres. Ils peuvent aussi être programmés, comme le raccourcissement progressif des télomères, inexorable à chaque cycle de division cellulaire. Grâce à ces progrès, il est maintenant possible d’y remédier. On peut moduler l’oxydation des protéines et faire que celles qui sont altérées puissent être éliminées ; des sénothérapies, qui limitent la sénescence cellulaire, sont en cours de développement ; en modulant l’activité des caspases, il est aussi possible d’éliminer les cellules altérées par autophagie ou apoptose.

Nombre d’organes et de tissus auraient pu figurer dans ce numéro ! Mais c’est la peau qui nous est apparue le tissu le plus parlant pour suivre et décrypter le vieillissement d’une personne. Exposée aux regards, c’est un « objet » social, reflet des atteintes qui nous ont frappés, tant somatiques que psychologiques (comme le stress associé à l’eczéma, etc.). Le parcours de nos vies et le vieillissement qui l’accompagne sont ainsi visibles… au travers de nos rides, mais aussi par les troubles épithéliaux et les atteintes vasculaires qu’ils suscitent ou qu’ils accompagnent. Désormais, apparence et troubles du vieillissement sont devenus l’objet de recherches multiples. Médecins et chercheurs tentent d’en réduire (effacer ?) les effets cosmétiques, mais aussi, et surtout, les effets moins visibles qui atteignent les personnes les plus âgées, souvent dépendantes et assistées, confrontées à des problèmes dont on parle peu (escarres, dysfonction endothéliale liée à l’âge, etc.). Des progrès tant thérapeutiques que chirurgicaux ont aussi été réalisés et plusieurs molécules sont à même de remédier à ces altérations plus ou moins visibles.

Mais peut-on intervenir sur le vieillissement physiologique de l’individu (le vieillissement naturel, noté 1 dans la définition de Jean-Pierre Bouchon [1]) ? Et d’abord, comment le définir ? Des recherches pour tenter de définir biologiquement ce qu’est ce vieillissement « global » sont en cours. Nous avons déjà appris à identifier des sujets à risque de vieillissement accéléré, et la clinique s’emploie à limiter les risques de passer d’un état de vieillissement dit « robuste » à un état dit « fragile », qui nécessitera une réponse médicale. Une autre réponse repose sur la prévention des maladies chroniques et des évènements cliniques qualifiés d’aigus qui s’y surajoutent.

Mais pourra-t-on intervenir sur le vieillissement stricto sensu ? Et donc, in fine, sur la mort ? S’agit-il seulement d’accroître fortement l’espérance de vie ou de prolonger celle-ci, mais en bonne santé ? Lorsqu’Apollon accorda un vœu à la Sybille de Cumes, celle-ci demanda de devenir éternelle. Mais cela s’avéra être une grande erreur ! Car c’est l’éternelle jeunesse qu’elle aurait dû souhaiter : sa peine en fut immense, comme en témoigne un personnage de Pétrone au Ier siècle après J.C. : « J’ai vu de mes propres yeux la sibylle de Cumes suspendue dans une fiole ; et lorsque les enfants lui disaient : « Sibylle, que veux-tu ? » elle répondait : Je veux mourir… »1. Tout est dit : à quoi bon survivre en mauvaise santé ?

Un vieillissement « durable » est devenu un objectif de santé publique, comme l’a souligné Éric Gilson dans un récent éditorial de m/s [2] ().

(→) Voir l’Éditorial de E. Gilson, m/s n° 3, mars 2020, page 195

Mais que sera donc la vieillesse de demain ? Un prolongement de la vie en bonne santé, le plus longtemps possible ? Ou une transition vers la mort, une fin de vie impliquant la société et les proches dans son accompagnement ? Qu’en est-il alors des aidants, ceux qui, quotidiennement, soutiennent les personnes âgées et leur permettent de continuer ce dernier parcours de vie dans des conditions d’humanité acceptables ? Et comment penser le vieillissement de ces personnes qui, retirées de la vie active, désirent vivre pleinement cette nouvelle histoire de vie ? Mais se retirer de la vie active a-t-il un effet bénéfique ou délétère sur le « bien vieillir » ? Ces personnes sont-elles en bonne santé ? Certains, jeunes ou moins jeunes, choisissent une autre voie ;… ils préfèrent « partir ». Mais là aussi, est-il possible (et faut-il ?) les accompagner et comment ? À toutes ces questions, des réponses commencent à être données par des prises en charge psychologiques mais aussi thérapeutiques.

Et finalement, qu’est-ce que la mort ? De nombreux progrès tant médicaux que sociétaux, ont permis d’allonger l’espérance de vie, mais cet accroissement reste limité, malgré nos efforts, et peut-être a-t-il déjà atteint son maximum [3] ? La frontière séparant la vie de la mort n’est pas aisée à déterminer et les dernières avancées scientifiques rendent cette frontière toujours plus floue. Et si l’heure de notre mort était prévisible, programmée par nos gènes, et identifiable par des biomarqueurs, quelles en seraient les conséquences pour la société et pour la personne ?

Ce numéro propose différents regards et présente quelques-unes des connaissances les plus récentes sur ce sujet, riches de tant de progrès scientifiques, médicaux et sociétaux. Nous partagerons avec plaisir, avec vous lectrices et lecteurs, ces réflexions et ces questionnements tout au long de ces pages.


1

Pétrone, Satyricon, 2, 48.

Références

  1. Bouchon JP. 1 + 2 + 3. Comment être efficace en gériatrie. Rev Prat 1984 ; 34 : 888-92. [Google Scholar]
  2. Gilson E. Un objectif de santé publique : le vieillissement durable. Med Sci (Paris) 2020 ; 36 : 195-6. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Xiao Dong X, Brandon Milholland B, Vijg J. Evidence for a limit to human lifespan. Nature 2016 ; 538 : 257-9. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

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