Issue
Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 3, Mars 2020
Nos jeunes pousses ont du talent !
Page(s) 279 - 282
Section Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2020042
Published online 31 March 2020

En 2000, l’Islande fut le premier pays européen à réglementer les pratiques des biobanques par l’Icelandic Act on Biobanks n° 110/2000, suivie de l’Estonie, de la Suède et de la Finlande en 2012. Contrairement aux pays d’Europe du Nord, les biobanques françaises ne font pas l’objet d’une loi particulière. Cependant, leurs activités sont strictement réglementées. Dans ce contexte, quelles sont les contraintes légales et réglementaires des biobanques ? Pour répondre à cette question, nous définirons d’abord le cadre juridique des biobanques en France, puis nous expliquerons comment ce cadre légal garantit la protection des individus et des données personnelles.

Le cadre juridique des biobanques

À ce jour, la réglementation française repose sur deux lois présentant les procédures générales de gestion des collections d’échantillons biologiques humains à visée scientifique : la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique [1] et la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique [2]. Réformée avec la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011, le législateur a procédé à une modification ponctuelle de la loi de 2011 par la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 « autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires » [3].

Ce dispositif législatif figure dans le code civil pour les principes généraux : dignité de la personne, inviolabilité du corps humain, extra-patrimonialité du corps et de ses produits et éléments (code civil, art. 16 à 16-14). Plus largement, les biobanques sont soumises aux textes du code de la santé publique (CSP) encadrant les activités scientifiques et la recherche biomédicale subordonnée au respect des principes généraux relatifs au don et à l’utilisation des éléments et des produits du corps humain (CSP art. L 1211-1 à L 1211-9).

Les activités réglementées, les régimes de déclaration et d’autorisation

Par définition, une collection d’échantillons biologiques humains « résulte de la réunion, à des fins scientifiques, de prélèvements biologiques effectués sur un groupe de personnes identifiées et sélectionnées en fonction des caractéristiques cliniques ou biologiques d’un ou plusieurs membres du groupe, ainsi que des dérivés de ces prélèvements » (CSP art. L. 1243-3). Avant de commencer la collection, son responsable scientifique ou celui de la biobanque engage plusieurs démarches administratives :

  • la demande d’avis favorable d’un comité de protection des personnes (CPP). L’information des participants, le recueil du consentement, et le protocole de recherche, la pertinence éthique et scientifique du projet sont alors évaluées.

  • la déclaration de demande de conservation de collection auprès de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et auprès du ministère chargé de la recherche (art. 36-I de la loi du 6 août 2004) (Figure 1).

thumbnail Figure 1.

Les démarches administratives indispensables à la conservation de la collection d’échantillons biologiques humains dans une biobanque. Le consentement est signé par le patient avant le prélèvement de l’échantillon biologique. Cet échantillon peut être inclus dans une collection d’une biobanque. Au préalable, le responsable de la biobanque aura demandé l’avis favorable du comité de protection des personnes (CPP) et déclaré la conservation de la collection auprès du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et des produits de santé ainsi que de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH). La création de nouvelles données issues de la recherche est soumise pour autorisation auprès de la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Dans le cas de cellules souches embryonnaires, l’autorisation de conservation de la collection est demandée auprès de l’agence de biomédecine.

Le cas particulier des embryons et des cellules souches embryonnaires

La loi n° 2013-715 du 6 août 2013 a modifié le régime des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires [4]. Seuls sont autorisés à mener ces recherches les établissements et organismes titulaires de l’autorisation de conservation des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche ainsi que les établissements et organismes publics et privés poursuivant une activité de recherche et ayant conclu une convention avec les établissements et organismes précédents (CSP art. R 2151-3, II).

La conservation des embryons et des cellules souches embryonnaires à des fins de recherche exige une autorisation délivrée par l’agence de la biomédecine (CSP art. R 2151-20).

Tout organisme conservant des embryons ou des cellules souches embryonnaires à fin de recherche doit pouvoir justifier du recueil des consentements donnés par les géniteurs des embryons. Lorsque les cellules souches embryonnaires ont été importées, l’organisme doit être en mesure de justifier qu’elles ont été obtenues dans le respect des prescriptions du code civil, avec le consentement préalable du couple géniteur de l’embryon conçu dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, et que cet embryon ne fait plus l’objet d’un projet parental, ceci sans qu’aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, n’ait été alloué au couple (CSP art. R 2151 - 18).

La chaîne des opérations et la chaîne des responsabilités

Le responsable d’une collection doit s’assurer du respect du cadre juridique. Il est le responsable administratif. Cependant, la personne initiatrice de la collection peut également être identifiée comme responsable scientifique de la collection et peut superviser la chaîne des opérations.

Les exigences quant au nombre d’échantillons et la pertinence des projets de recherches sont déterminées par le conseil scientifique de la biobanque. Il est composé de médecins et de chercheurs, et décide de la nature et du type de prélèvements autorisés dans la biobanque.

La biobanque peut céder ses échantillons par un accord de transfert de matériel (material transfer agreement, MTA) respectant les articles L. 1243-3, L.1243-4 et R. 1243-49 du CSP. Ce document contient les références et le but du demandeur (identité du demandeur, structure de l’institution, contexte de la demande, utilisation des matériels biologiques, charges et indemnités, respect de la confidentialité). La biobanque en demandera l’autorisation auprès du ministère chargé de la recherche.

La protection des participants et des données

Selon le CSP (art L.1211-2), « le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Ce consentement est révocable à tout moment ». Le consentement du patient et la protection des données sont les piliers de la recherche biomédicale.

L’indispensable consentement du patient

L’autorisation d’utilisation d’un échantillon humain nécessite le consentement libre et éclairé de l’individu (informed consent). Le patient exprime par écrit sa volonté de participer au projet de recherche après avoir été informé de façon claire sur le but des chercheurs. À tout moment, il peut se retirer de l’étude. Ce consentement, transmis au CPP, est obligatoire dès qu’il s’agit de l’utilisation des échantillons biologiques et des données personnelles ou de recherches génétiques.

Parfois, l’échantillon peut être utile à plusieurs investigateurs. Alors, le patient est consulté à nouveau et informé du nouveau domaine d’application. En France, l’utilisation secondaire des échantillons est fondée sur le principe de non-opposition. Dans le cadre du consentement éclairé large (broad informed consent), le patient est d’accord pour que - il ne s’oppose pas à ce que - les données associées à son échantillon soient utilisées dans un projet futur. En revanche, s’il est impossible de recontacter les patients, le responsable scientifique peut demander une requalification globale d’une collection auprès du CPP, en expliquant les objectifs des nouvelles recherches et surtout la nécessité d’inclure les échantillons des patients injoignables. Le CPP peut alors accepter la requalification, sauf dans le cas des études génétiques, pour lesquelles le consentement individuel est obligatoire, ainsi que pour l’utilisation des cellules germinales.

Finalement, les principes de non-opposition et de requalification montrent les limites de traçabilité du consentement individuel. Le retour d’informations au patient est une étape longue mais indispensable pour les biobanques qui veulent accroitre la taille de leur collection. Grâce à internet, les échanges avec le patient pourraient être accélérés par le consentement électronique dynamique (electronic informed consent) [5] ().

(→) Voir le Forum de H.C. Stoeklé et al., m/s n° 2, février 2017, page 188

La food and drug administration (FDA) américaine propose des recommandations dans ce sens, destinées aux responsables scientifiques, dans ses orientations de 2016 [6]. Ce consentement électronique apporte une information au patient, enrichie en vidéos et en échanges interactifs. En temps réel, il offre une traçabilité de l’échantillon : le clinicien s’assure que le patient a bien reçu les informations relatives au projet, et les industriels suivent l’utilisation des échantillons et des données.

La protection des données associées à l’échantillon et des données personnelles

Lorsqu’un individu consent à participer à un projet scientifique, il accorde sa confiance au médecin qui assure le prélèvement et garantit la confidentialité des résultats. L’échantillon biologique est ensuite inséré dans une collection d’une biobanque. La gestion de ces échantillons nécessite l’anonymisation des données. Quel est alors le degré d’anonymat recommandé ?

La procédure de pseudonymisation est standardisée dans une biobanque. Les informations d’identité de la personne (nom, prénoms, numéro de sécurité sociale) sont codées par une clé ou un code de cryptage, le même pour un même individu. Ce codage facilite le suivi longitudinal et le retour d’information au patient. Après le traitement des échantillons, le promoteur du projet va créer de nouvelles données, qui doivent être protégées. Depuis 2018, le nouveau règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) de l’union européenne remplace la directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles et leur libre circulation [7]. Ce règlement affecte les deux pôles de la biobanque, les actions relatives aux échantillons (prélèvement, conservation, utilisation en recherche) et les activités relatives aux données personnelles associées (collecte, conservation, utilisation) [8].

S’agissant souvent de données personnelles, le traitement des données doit respecter notamment la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à « l’informatique, aux fichiers et aux libertés », version consolidée le 23 juillet 2019. La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) doit être saisie avant tout traitement de données afin de s’assurer du respect de la sécurité et de la confidentialité, ainsi que de la bonne utilisation des données personnelles, surtout s’il s’agit de données génétiques.

Les biobanques virtuelles (e-biobanking) échangent déjà des données cliniques ou des clichés d’imagerie médicale. Le partage de ces données massives (big data) nous projette dans une dynamique d’échanges en temps réel (biobank cloud) dans le monde entier. Le troisième pilier de la recherche médicale - après les échantillons biologiques et les données associées - est l’encadrement réglementaire et légal qui veille au respect des droits des personnes, en les informant sur ces droits et en leur permettant de les exercer.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Loi n° 2004–806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. NOR : SANX0300055L, JORF n° 185 du 11 août 2004, p. 14277. [Google Scholar]
  2. Loi n° 2004–800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. NOR : SANX0100053L, JORF n° 182 du 7 août 2004, p. 14040. [Google Scholar]
  3. Binet JR. Recherches sur l’embryon : fin d’un symbole éthique et abandon d’une illusion thérapeutique; à propos de la loi n° 2013–715 du 6 août 2013. JCP G 2013; 905. [Google Scholar]
  4. Arrighi N.. Les cellules souches : des innovations thérapeutiques sous contrôle. ISTE 2018 : 121–127. [Google Scholar]
  5. Stoeklé HC, Deleuze JF, Vogt G, Hervé C. Vers un consentement éclairé dynamique. Med Sci (Paris) 2017 ; 33 : 188–192. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Use of electronic informed consent in clinical investigations - Questions and answers. Guidance for institutional review boards, investigators, and sponsors. December 2016. [Google Scholar]
  7. http://www.fda.gov/downloads/drugs/guidancecomplianceregulatoryinformation/guidances/ucm436811.pdf [Google Scholar]. [Google Scholar]
  8. Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données). JOUE L119 du 4 mai 2016. [Google Scholar]
  9. Chassang G, Cambon Thomsen A, Rial-Sebbag E, Dagher G. Éthique et réglementation des biobanques de recherche. Aspects opérationnels et perspectives. Paris : Biobanques, 2016. [Google Scholar]

© 2020 médecine/sciences – Inserm

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Les démarches administratives indispensables à la conservation de la collection d’échantillons biologiques humains dans une biobanque. Le consentement est signé par le patient avant le prélèvement de l’échantillon biologique. Cet échantillon peut être inclus dans une collection d’une biobanque. Au préalable, le responsable de la biobanque aura demandé l’avis favorable du comité de protection des personnes (CPP) et déclaré la conservation de la collection auprès du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et des produits de santé ainsi que de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH). La création de nouvelles données issues de la recherche est soumise pour autorisation auprès de la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Dans le cas de cellules souches embryonnaires, l’autorisation de conservation de la collection est demandée auprès de l’agence de biomédecine.

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