Issue
Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 3, Mars 2020
Nos jeunes pousses ont du talent !
Page(s) 274 - 276
Section Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/2020040
Published online 31 March 2020

© 2020 médecine/sciences – Inserm

L’actualité scientifique vue par les étudiants du Master Biobanks and Complex Data Management

Équipe pédagogique

Paul Hofman (professeur, Université Côte d’Azur)

Marius Ilié (professeur, Université Côte d’Azur)

Elodie Long-Mira (maître de conférences, Université Côte d’Azur)

Nicole Arrighi (maître de conférences, Université Côte d’Azur)

Contact

MSc Biobanks and Complex Data Management,

Université Côte d’Azur, Centre Hospitalier Universitaire de Nice,

Hôpital Pasteur, Biobanque BB-0033-00025, masterbiobank@univ-cotedazur.fr

http://univ-cotedazur.fr/UCA/uca/en/education/informations-utiles/les-informations-utiles/biobanks-complex-data

Série coordonnée par Sophie Sibéril.

 

La collecte d’échantillons biologiques s’inscrit dans une longue tradition de conservation du vivant. Maillons essentiels de la recherche scientifique, les collections d’échantillons humains sont conservées par des structures appelées historiquement Centres de Ressources Biologiques (CRB). Après avoir défini l’organisation des biobanques, nous expliquerons comment celles-ci jouent un rôle majeur dans la recherche médicale et quels sont les nouveaux défis auxquels elles sont confrontées.

La définition des biobanques, leur structure et leur organisation

Le concept de CRB a été introduit en 2001 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pour désigner les structures qui se professionnalisent dans la gestion des ressources biologiques à des fins de recherches. Pour l’OCDE, les CRB sont des « centres de conservation de cellules vivantes, du génome de divers organismes, et d’informations sur l’hérédité et les fonctions des systèmes biologiques. Les CRB doivent satisfaire aux critères élevés de qualité et d’expertise exigés par la communauté internationale des chercheurs, et par les industriels concernant la diffusion d’informations et de matériels biologiques » [1].

Les biobanques assurent la gestion complète des échantillons et des données associées, en encadrant les pratiques de collecte et de conservation avec des procédures standardisées. Pour valoriser leurs collections et ainsi multiplier les utilisations présentes et futures des ressources biologiques, les biobanques sont organisées en réseaux nationaux et internationaux. En France, le réseau Biobanques est coordonné par l’Inserm, en partenariat avec l’Institut national du cancer, l’Institut Pasteur et l’Établissement français du sang [2]. Ces réseaux ont pour objectif de mutualiser les collections d’échantillons. Ils mettent aussi en relation les biobanques avec des partenaires industriels pour accélérer la recherche translationnelle.

Depuis une vingtaine d’années, le nombre croissant de biobanques a nécessité d’adopter une classification universelle qui améliore leur visibilité. La plus acceptée est issue du réseau européen BBMRI (biobanking and biomolecular resources research infrastructure). Elle distingue les biobanques populationnelles (pour étudier des cohortes de volontaires afin de comprendre les facteurs influençant l’apparition de maladies complexes), et les biobanques thématisées par maladie (collectant des échantillons et les informations associées de patients atteints d’une maladie spécifique) [3].

Le rôle premier des biobanques dans la recherche biomédicale

Les biobanques sont aujourd’hui reconnues comme des catalyseurs de la recherche biomédicale. Le développement rapide de ces structures est la conséquence d’un besoin croissant d’échantillons biologiques de qualité. À l’origine « entrepôts » de matériels biologiques, elles sont devenues des infrastructures de recherche à part entière. UK Biobank en est une parfaite illustration : ce projet national britannique contribue à la découverte de nouveaux traitements ciblant un large éventail de maladies liées au vieillissement. Depuis 2006, UK Biobank a collecté des échantillons auprès de plus de 500 000 participants, ainsi que de nombreuses données biologiques et cliniques. Le génotypage de l’ADN des participants a été réalisé, permettant ainsi d’accroître la valeur des cohortes [4].

À titre d’exemple d’outil de santé publique mené en France, la cohorte épidémiologique CONSTANCES rassemble les échantillons biologiques de 200 000 personnes âgées de 18 à 69 ans, issues de la population générale et inscrites au régime de la sécurité sociale, afin d’étudier les facteurs responsables de l’apparition de maladies. Cette cohorte est menée en partenariat avec l’IBBL (integrated biobank of Luxembourg) qui a fourni les kits de collecte et planifié les opérations logistiques de transport, de traitement et de conservation des échantillons. Début avril 2019, près de 250 000 tubes d’urine, plasma, sérum et couche leuco-plaquettaire provenant de 9 500 volontaires ont été conservés par la biobanque [5].

Les biobanques représentent également un enjeu capital pour le développement de la médecine personnalisée. Elles sont devenues des supports essentiels contribuant à améliorer le diagnostic : l’accès à des ressources biologiques en grande quantité permet de cibler des mécanismes biologiques impliqués dans l’apparition de maladies telles que le cancer. Cette nouvelle approche thérapeutique est fondée sur l’identification de biomarqueurs, permettant d’établir une prédiction de la réponse du patient à un traitement proposé. La découverte de nouveaux biomarqueurs candidats entraîne la mise en place d’études rétrospectives, permises par de grandes collections d’échantillons, accompagnées de données épidémiologiques, cliniques, histologiques, et génomiques précises [3].

Certains grands réseaux, comme BBMRI, plaident pour l’émergence de centres d’expertises médicale, technique, analytique et éthico-légale [6]. Par le respect de procédures standardisées, ces centres experts proposent aux chercheurs des échantillons de qualité supérieure. L’impact de la phase pré-analytique sur la qualité des échantillons stockés dans les biobanques sera développé ci-après.

Les nouveaux défis des biobanques

La force des biobanques réside dans leurs collections à grande échelle. Ces échantillons constituent un matériel précieux sur lesquels pourront être appliquées les techniques futures, qui permettront de nouvelles découvertes. Encore faut-il que l’activité des biobanques perdure. Le premier défi de la biobanque est d’inventer son propre modèle économique et de se doter des outils de gestion efficaces pour que son activité soit pérenne. Son second défi est d’encourager le don d’échantillons auprès de l’individu et plus largement de la population. Nous développerons en premier lieu la priorité d’autonomie financière des biobanques, et ensuite, les défis sociétaux auxquels elles font face.

Dans un paysage scientifique international, les biobanques doivent assurer leur développement économique. Une biobanque doit trouver l’équilibre financier qui couvre ses coûts sans pour autant réaliser de bénéfice. Ce paradoxe apparent est par ailleurs abordé [10] ().

(→) Voir la Nouvelle de H. Squalli et al., page 282 de ce numéro

Cette nouvelle discipline – Biobankonomics - répond aux questions fondamentales de l’analyse économique [7]. Quels sont les coûts ? Quels sont les financements ? Quels sont les indicateurs de performance ? Le nombre d’échantillons conservés dans la biobanque est-il le meilleur indicateur de son activité ? Nous expliquerons les outils de gestion spécifique et proposerons des solutions pour optimiser la durabilité des biobanques [10].

Depuis une vingtaine d’années, la Communauté Européenne soutient le développement des biobanques. Le programme Horizon 2020 pour la recherche et l’innovation (2014-2020) a établi trois priorités pour un financement à hauteur de 80 milliards d’euros : l’excellence scientifique, la primauté industrielle, et les défis sociétaux. Le premier de ces défis concerne la santé, le changement démographique et le bien-être. Le financement de 7,472 milliards d’euros est fléché pour la recherche biomédicale et la santé humaine [8]. La participation des biobanques y est inscrite (Programme de travail 2018-2020) en termes de collaboration avec les registres, les référentiels et les infrastructures de recherche.

Dans le domaine des biobanques, la standardisation des procédures et des principes éthiques sont étudiés par la société internationale pour les référentiels biologiques et environnementaux (International society for biological and environmental repositories, ISBER). Le guide de bonnes pratiques de l’ISBER partage les stratégies reconnues par la communauté scientifique, et aide les utilisateurs dans les démarches d’accréditation selon des standards nationaux ou internationaux [9]. Ces procédures standardisées dédiées à la gestion d’informations des biobanques seront développées par ailleurs [11] ().

() Voir la Nouvelle de C. Le Queau et al., page 285 de ce numéro

Au-delà des enjeux technologiques, les enjeux sociétaux sont à considérer et prioritairement la protection de l’individu. Un point sur l’accès à l’information concernant l’individu, le recueil de son consentement, et la garantie de la confidentialité des données fera l’objet de l’article par Messaoudi et al. dans ce numéro [12] ().

(→) Voir page 279 de ce numéro

Cette étape franchie, l’individu est assuré que ses données personnelles resteront strictement confidentielles.

thumbnail Figure 1.

Les acteurs du projet de recherche biomédicale. Le médecin prélève l’échantillon biologique en s’assurant du consentement du patient. Cet échantillon est traité et conservé par la biobanque. Le chercheur utilisera cet échantillon et les données associées à cet échantillon dans le cadre d’un projet de recherches biomédicales.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. OCDE. Les centres de ressources biologiques. Fondements du développement des sciences de la vie et des biotechnologies. Paris : OCDE, 2001. [Google Scholar]
  2. http://www.biobanques.eu/fr/nous-connaitre/infrastructure. [Google Scholar]
  3. Kinkorová J.. Biobanks in the era of personalized medicine: objectives, challenges, and innovation. EPMA J 2016 ; 7 : 1–12. [PubMed] [Google Scholar]
  4. https://www.ukbiobank.ac.uk/about-biobank-uk/. [Google Scholar]
  5. http://www.constances.fr/. [Google Scholar]
  6. Van Ommen G-J, Törnwall O, Bréchot C, et al. BBMRI-ERIC as a resource for pharmaceutical and life science industries: the development of biobank-based expert centres. Eur J Hum Genet 2015 ; 23 : 893–900. [Google Scholar]
  7. Vaught J, Rogers J, Carolin T, Compton C. Biobankonomics: Developing a sustainable business model approach for the formation of a human tissue biobank. J Natl Cancer Inst Monogr 2011 ; 2011 : 24–31. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  8. Kinkorová J, Topolcˇan O. Biobanks in horizon 2020: sustainability and attractive perspectives. EPMA J 2018 ; 23 : 345–353. [Google Scholar]
  9. Campbell LD, Astrin JJ, DeSouza Y, et al. The revision of the ISBER best practices: summary of changes and the editorial team’s development process. Biopreserv Biobank 2018 ; 16 : 3–6. [PubMed] [Google Scholar]
  10. Sqalli H, El Awadi N, Rancati. Biobankonomics et pérennité financière des biobanques. Med Sci (Paris) 2020; 36 : 282–5. [CrossRef] [Google Scholar]
  11. Le Queau C, Phillips WA, Srinivasan A. Étude du système de gestion de l’information (biobank information management system) pour les annotations clinico-biologiques des biobanques. Med Sci (Paris) 2020; 36 : 285–8. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  12. Messaoudi Z, Soltani N, Arrighi N. Bioéthique : l’existence des contraintes légales et réglementaires des biobanques. Med Sci (Paris) 2020; 36 : 279–82. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Les acteurs du projet de recherche biomédicale. Le médecin prélève l’échantillon biologique en s’assurant du consentement du patient. Cet échantillon est traité et conservé par la biobanque. Le chercheur utilisera cet échantillon et les données associées à cet échantillon dans le cadre d’un projet de recherches biomédicales.

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