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Med Sci (Paris)
Volume 36, Number 3, Mars 2020
Organoïdes
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Page(s) | 261 - 263 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2020027 | |
Published online | 31 March 2020 |
L’émergence des modèles miniatures de foie gras humain en 3D générés en laboratoire
Emergence of 3D human fatty liver models engineered in the laboratory
1
Department of Pathology, University of Pittsburgh, Pittsburgh, PA, États-Unis
2
Université de Paris, Centre de recherche sur l’inflammation, Inserm-UMR1149, 75018 Paris, France
Les organoïdes constituent une approche de choix pour modéliser a minima une maladie humaine et tester l’efficacité thérapeutique de certaines drogues. La stéatopathie métabolique ou maladie du foie gras, dont l’incidence a considérablement augmenté avec l’accroissement de l’obésité dans les pays développés, se caractérise par l’accumulation de triglycerides dans l’hépatocyte et une atteinte hépatique pouvant évoluer vers la fibrose. Il n’existe pas de traitement efficace, mais de nombreuses pistes sont actuellement explorées. Deux équipes américaines ont récemment utilisé les cellules souches pluripotentes induites (iPS) et la culture muticellulaire pour modéliser un mini-foie stéatosique par deux approches différentes, offrant ainsi de nouveaux outils pour tester les drogues en cours de développement.
Abstract
Organoids offer an elegant approach to model human diseases and test new drugs. Nonalcoholic fatty liver disease (NAFLD) whose incidence has dramatically increased in recent years with the rise of obesity, is defined by triglyceride accumulation in hepatocytes, inflammation, liver injury, and progression to fibrosis. There is currently no approved therapy but many pathways are being explored. Two American teams have created mini-steatotic livers using different approaches, both using induced pluripotent stem cells (iPS), thus offering new tools to test developing drugs.
© 2020 médecine/sciences – Inserm
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Vignette (Photo © Inserm - Inserm U49).
L’épidémie mondiale d’obésité entraîne une augmentation inquiétante du nombre de personnes atteintes de stéatose hépatique, encore appelée NAFLD (non alcoholic fatty liver disease) [1]. La NAFLD se caractérise par une accumulation excessive de triglycérides dans les hépatocytes. Elle peut évoluer vers une stéatohépatite, ou NASH (non alcoholic steatohepatitis), puis vers la cirrhose et ses complications, l’hépatocarcinome et l’insuffisance hépatocellulaire. Cette maladie est asymptomatique aux stades de NAFLD et de NASH, ce qui retarde souvent son diagnostic. Son étude est également rendue complexe en raison d’une part de son origine multi-factorielle, mêlant facteurs environnementaux (sédentarité, alimentation) et génétiques (prédisposition de régulateurs métaboliques du foie) [2] et, d’autre part de la pertinence des modèles murins qui sont majoritairement utilisés mais dont le régime alimentaire et le métabolisme diffèrent de ceux de l’homme [3]. Ainsi, les essais thérapeutiques de molécules issues des études pré-cliniques se sont le plus souvent soldés par des résultats peu concluants, voire parfois contradictoires [4].
Pour pallier cette difficulté, de nouvelles approches expérimentales ont vu le jour, combinant les dernières techniques de différenciation cellulaire avec celles des cultures multicellulaires [5, 6] (→).
(→) Voir la Synthèse de J.L. Galzi et al., m/s n° 5, mai 2019, page 467
Des mini-organes humains ont ainsi été développés en laboratoire à partir de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) [6, 7]. Ces outils sont rapidement devenus particulièrement précieux pour modéliser des maladies humaines. Ainsi, récemment, deux études « preuve de concept » ont mis en évidence le potentiel de ces nouvelles techniques dans notre compréhension de la NAFLD.
Des iPS déficientes en sirtuine pour modéliser un mini-foie stéatosique humain
Dans la première étude, que nous avons publiée dans la revue Cell Metabolism, notre équipe (Department of Pathology, University of Pittsburgh, États Unis) a eu comme objectif de modéliser une stéatose sur un mini-organe humain. Dans ce but, nous nous sommes intéressés au rôle de régulateur métabolique de la déacétylase sirtuine 1 (SIRT1) dans le développement de la NAFLD [8]. SIRT1 est en effet connue pour exercer un rôle protecteur vis-à-vis de la stéatose hépatique, en modulant différentes voies de signalisation métaboliques, en particulier au niveau du tissu adipeux et du foie. Elle joue également un rôle anti-inflammatoire au niveau des cellules macrophagiques, ce qui explique qu’en son absence, l’inflammation et le stress oxydant contribuent à la progression de la NAFLD vers la NASH [9] (→).
(→) Voir la Nouvelle de H. Gilgenkrantz et C. Perret, m/s n° 3, mars 2012, page 269
Nous avons donc modifié des cellules iPS humaines afin de contrôler à la demande, l’expression de SIRT1. Pour construire un mini-foie humain, nous avons utilisé la technique de décellularisation d’un foie de rat [10] (→)
(→) Voir la Brève de H. Gilgenkrantz, m/s n° 10, octobre 2010, page 819
afin d’obtenir une matrice cellulaire servant de support à différents types cellulaires, dont des hépatocytes humains dérivés d’iPS, des macrophages, des fibroblastes, des cellules souches mésenchymateuses et des cellules endothéliales.
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Figure 1. Intérêt des modèles de mini-foie steatosique dans le traitement de la NAFLD. L’émergence de modèles de mini-foies humains issus de cellules souches pluripotentes induites a le potentiel d’être utilisée pour : (1) tester le rôle de certains gènes dans l’origine de la NAFLD en modifiant génétiquement des cellules iPS saines (2), modéliser des mini-foies à partir de cellules souches issues de patients au foie stéatosique, afin de tester des traitements à la carte. |
Des hépatocytes humains dérivés d’iPS et invalidés pour l’expression de SIRT1 ont été utilisés pour générer de tels mini-foies. L’analyse de ces derniers a montré qu’ils se gorgeaient rapidement de gouttelettes lipidiques, modélisant ainsi une stéatose hépatique macro-vésiculaire, accompagné d’un profil de réponse proinflammatoire des cellules associées. La comparaison du profil lipidique contenu dans ces mini-foies stéatosiques reconstitués, avec des foies stéatosiques humains, a révélé une surcharge de lipides identiques et l’analyse des voies métaboliques induites, une activation de la majorité (41 sur 50) des voies stimulées dans un foie stéatosique humain. Afin d’étudier la transition entre stéatohépatite et fibrose, il sera intéressant d’intégrer à l’avenir dans ce modèle les principales cellules productrices de matrice extracellulaire, les cellules étoilées. En attendant, cette stratégie innovante consistant à modifier génétiquement des cellules iPS humaines pour étudier le rôle de certains gènes, pourrait d’ores et déjà, être testée pour créer d’autres tissus et modéliser d’autres maladies.
Des iPS de patients atteints de la maladie de Wollman source d’organoïdes de foie stéatosique
Une approche différente, suivie par Takanori Takebe (Division of Gastroenterology, Hepatology and Nutrition & Division of Developmental Biology, Cincinnati Children’s Hospital Medical Center, Cincinatti, États-Unis), également parue dans la revue Cell Metabolism, a quant à elle cherché à dériver des cellules iPS issues de patients atteints de stéatose hépatique afin de déterminer les mécanismes moléculaires et inflammatoires propres à chaque patient [11]. Takebe a tout d’abord mis un point un modèle d’organoïdes du foie dérivés d’iPS humains issus de sujets sains par différenciation séquentielle en sphéroïdes de l’intestin antérieur (foregut spheroids) puis en tissu hépatique (liver organoids). L’addition d’acides gras libres dans le milieu de culture a permis de reproduire la progression de la maladie, allant de la stéatose à la stéatohépatite et à la fibrose hépatique. Ces résultats ont ensuite été reproduits en utilisant des cellules iPS issues de patients atteints de la maladie de Wollman, dont le déficit en lipase acide lysosomale (LIPA) induit une accumulation massive de lipides dans différents organes, en particulier le foie. Cette maladie autosomique récessive concerne environ 1 personne sur 50 000 en Europe. Elle est considérée comme la manifestation la plus sévère du déficit en LIPA. Elle se manifeste dès les premières semaines de vie et mène rapidement à une insuffisance hépato-cellulaire grave. Les organoïdes hépatiques issus de foies de patients atteints de cette maladie ont été traités avec l’acide obéticholique, un activateur du récepteur nucléaire Farnésoïde X (FXR), actuellement en phase III dans les essais thérapeutiques visant à corriger la NASH. Ce traitement a permis de diminuer l’accumulation de lipides dans les organoïdes hépatiques, et a prolongé leur survie, soulignant ainsi l’efficacité potentielle de ce traitement, non seulement dans la maladie de Wollman mais également dans la NAFLD.
Une des limites de cette étude pour affirmer la pertinence pré-clinique de cette approche est cependant l’absence de caractérisation fonctionnelle du tissu qui est obtenu. Cette nouvelle technologie pourrait à l’avenir devenir un outil de médecine personnalisée, en offrant la possibilité de tester différents traitements à la carte pour chaque patient.
Conclusion
Quel que soit le type d’approche utilisée pour modéliser la NAFLD/NASH sur des tissus humains, ces technologies restent expérimentales et ont besoin d’être optimisées. En effet, la différenciation hépatocytaire de cellule iPS, semble encore incomplète, ne permettant l’obtention que de cellules hépatiques immatures, à mi-chemin entre hépatocytes fœtaux et hépatocytes adultes. Par ailleurs, l’agencement des cellules qui forment le mini-organe n’est pas toujours optimal et induit une variabilité phénotypique entre les modèles. Enfin, les mini-foies stéatosiques que nous avons décrits ici ont un temps de vie limité qui est bien inférieur à celui nécessaire pour le développement des maladies hépatiques dont le spectre, en particulier l’évolution vers une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire, n’est pas reproduit dans sa totalité. Néanmoins, l’incidence galopante de la NASH et l’absence de traitement efficace pour enrayer sa progression justifient déjà pleinement l’utilisation de ces modèles de foie humain stéatosique pour la compréhension de la maladie et le développement de nouvelles cibles thérapeutiques.
Liens d’intérêt
Les auteures déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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Liste des figures
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Figure 1. Intérêt des modèles de mini-foie steatosique dans le traitement de la NAFLD. L’émergence de modèles de mini-foies humains issus de cellules souches pluripotentes induites a le potentiel d’être utilisée pour : (1) tester le rôle de certains gènes dans l’origine de la NAFLD en modifiant génétiquement des cellules iPS saines (2), modéliser des mini-foies à partir de cellules souches issues de patients au foie stéatosique, afin de tester des traitements à la carte. |
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