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Med Sci (Paris)
Volume 35, Number 12, Décembre 2019
Anticorps monoclonaux en thérapeutique
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Page(s) | 946 - 948 | |
Section | La révolution des anticorps modulateurs de la réponse immunitaire en oncologie | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2019226 | |
Published online | 06 January 2020 |
L’immunothérapie, une révolution en oncologie
Spécificités de l’immunothérapie pour le clinicien
The revolution of immuno-oncology therapy: specificities for the physicians
1
Service de Dermatologie, CHU Lille, Lille, France
2
Service de Pneumologie et Oncologie Thoracique, CHU Lille, Lille France
3
Université de Lille, Lille, France
4
Unité Inserm 1189 OncoThAI, Lille, France
** laurent.mortier@chru-lille.fr
L’utilisation des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire a révolutionné la prise en charge et le pronostic de nombreux patients atteints de cancer. L’arrivée de ces nouveaux traitements s’est accompagnée de la découverte de nouveaux effets indésirables nécessitant des prises en charge spécifiques. De plus, l’évolution tumorale et sa surveillance sous immunothérapie est différente de celle sous traitements classiques, et ont nécessité une adaptation des critères radiologiques et du suivi des lésions tumorales. De nombreuses autres cibles thérapeutiques existent, et pourraient potentiellement être associées aux inhibiteurs des points de contrôle immunitaires. Il existe donc encore de nombreux défis à relever afin de mieux comprendre et d’optimiser l’utilisation de ces nouvelles molécules.
Abstract
The use of immune checkpoint inhibitors has revolutionized the treatment and prognosis of many cancer patients. Associated with the raise of these new treatments, new side effects have been observed, requiring specific management. In addition, the tumor evolution and its monitoring under immunotherapy differ from conventional treatments, and require an adaptation of the radiological criteria for tumor lesions monitoring. Many other therapeutic targets exist and could potentially be associated with immune checkpoint inhibitors. Many challenges still need to be overcome in order to better understand and optimize the use of these new molecules.
© 2019 médecine/sciences – Inserm
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Toxicités
Les effets indésirables des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire sont différents de ceux des chimiothérapies classiques. La levée d’inhibition du système immunitaire peut conduire à la survenue d’effets indésirables auto-immuns selon des mécanismes restant mal connus.
Ils apparaissent le plus souvent de façon retardée, habituellement dans les 12 premières semaines de traitement, mais peuvent survenir jusqu’à 6 mois après l’arrêt du traitement. Ils peuvent atteindre tous les organes, avec un tropisme particulier pour les glandes endocriniennes (thyroïdite, hypophysite), le tube digestif (colite), le foie (hépatite), les poumons (pneumopathie interstitielle) et la peau (prurit, vitiligo, rash).
Un des effets indésirables le plus fréquemment rapporté est l’asthénie (autour de 15 % pour les patients traités par anticorps anti-PD-1/PDL-1 [1,2] et jusqu’à près de 50 % pour ceux traités par les anticorps anti-CTLA-4 [3]), ainsi que l’hyperthermie (environ 10 % des patients traités par anti-PD-1).
Fréquentes mais rarement graves, les atteintes rapportées sont digestives (10 % des patients sous anti-PD-1/-PD-L1, et jusqu’à 40 % sous anti-CTLA-4), avec notamment des diarrhées et des nausées. Les atteintes cutanées rapportées par environ 40-45 % des patients sous anti-CTLA-4, et entre 10 et 20 % des patients sous anti-PD-1/-PD-L1 [4], se manifestent principalement par un prurit ou un érythème. Un vitiligo peut également survenir, associé à une meilleure réponse au traitement [5]. Les toxicités endocrinologiques sont plus fréquentes sous anti-CTLA-4 (près de 10 % des patients), à type d’hypophysites (9-18 %) ou de thyroïdites (2-10 %). On observe également, de façon plus rare, la survenue de diabètes pouvant nécessiter une insulinothérapie substitutive. Les atteintes pulmonaires surviennent chez près de 5 % des patients traités par anticorps anti-CTLA-4 ou anti-PD-1/-PD-L1. Le profil de toxicité diffère selon l’agent utilisé: les colites auto-immunes et les hypophysites semblent plus fréquentes chez les patients exposés aux anticorps anti-CTLA-4, alors que les atteintes pulmonaires auto-immunes et les dysthyroïdies serait plus fréquentes chez les patients recevant des anticorps anti-PD-1 [6]. Les données récentes suggèrent aussi que les effets indésirables auto-immuns sont plus précoces, plus fréquents et plus sévères dans les traitements anti-CTLA-4 que les traitements anti-PD-1/PD-L1. Enfin, des effets secondaires graves mais rares ont été décrits: des atteintes myocardiques pouvant se présenter sous la forme de myocardites, ainsi que des effets secondaires neurologiques, avec des atteintes centrales (encéphalites) ou périphériques (tableaux de Guillain Barré ou apparentés).
Selon la sévérité de l’atteinte, la prise en charge ira de la suspension temporaire du traitement à son arrêt définitif, associé à l’introduction d’une corticothérapie, voire d’un traitement immunosuppresseur [7].
Phénomène d’hyperprogression
Certains patients présentent une progression anormalement rapide de leur maladie sous inhibiteurs des points de contrôle immunitaires, une « hyperprogression » dont le pronostic est très péjoratif. Ce phénomène n’est pas rattaché à un type précis de néoplasie, mais il se produirait chez 8 % à 21 % des patients atteints d’un cancer pulmonaire, chez 10 % des patients traités pour un mélanome et jusqu’à 30 % des patients atteints de cancer oto-rhino-laryngologique. Les mécanismes à l’origine de ce phénomène restent imparfaitement connus, et son existence même reste discutée: l’hyperprogression se produirait également chez des patients traités par chimiothérapie ou non traités, et son mécanisme immunologique n’est, à ce jour, pas prouvé [8].
Finalement, les effets indésirables des inhibiteurs de points de contrôle restent très majoritairement d’une sévérité modérée (environ 10 % de patients déclarant un effet indésirable de grade 3 à 5 [1,2]), et la qualité de vie des patients ainsi traités est meilleure que celle des patients exposés à la chimiothérapie [9].
Marqueurs prédictifs de réponse à l’immunothérapie
Si les inhibiteurs de points de contrôle peuvent être considérés comme une révolution thérapeutique dans la prise en charge de certains cancers avancés, ils ne sont pas pour autant efficaces chez tous les patients. Nous avons vu que, s’ils sont d’une façon générale bien tolérés, ils ne sont pas non plus dénués d’effets indésirables pouvant être graves. Il s’agit donc de tenter de sélectionner les meilleurs patients candidats à cette immunothérapie.
Le taux d’expression tumorale de PD-L1 semble être un marqueur prédictif logique de réponse au traitement par anticorps anti-PD-1/PD-L1. Cependant, comme le montre l’essai Keynote-024, même dans une population très sélectionnée de patients exprimant fortement PD-L1 (supérieur à 50 %), le taux de réponse au traitement est inférieur à 50 %. Dans le mélanome, le taux d’expression de PD-L1 n’est pas corrélé au taux de réponse au traitement [10]. Plusieurs études tentent d’identifier les relations de la réponse avec la charge mutationnelle (TMB) [11], la signature génique de l’activation lymphocytaire « T eff » [12], le statut épigénétique de méthylation du gène FOXP1 sur échantillons tumoraux [13], ou encore l’évaluation de la signature radiomique1 de la lésion [14].
Évaluation de la réponse au traitement
Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire, contrairement à la chimiothérapie, n’ont pas d’action cytotoxique directe. Lors de la phase initiale du traitement, il est possible d’observer une augmentation de volume des lésions tumorales, en lien avec l’infiltration de la tumeur par les lymphocytes T, suivie d’une régression ou d’une stabilisation des lésions à l’évaluation suivante. Cet aspect de bon pronostic, appelé « pseudo-progression » peut être observé dans 5 % des cas. De nouveaux critères radiologiques (irRC, iRecist) sont en cours de validation et tentent de répondre à ces évolutions atypiques [15]. Cette « pseudo-progression » reste actuellement encore difficile à différencier d’une progression vraie en routine. L’association d’un marqueur biologique, comme le dosage de la quantité d’ADN tumoral circulant, pourrait être une aide dans l’appréciation de ces pseudo-progressions notamment dans le mélanome métastatique [16].
Peut-on arrêter l’immunothérapie ?
Il n’existe pas, à ce jour, de recommandation sur la durée optimale de traitement par inhibiteurs des points de contrôle immunitaires. Les données disponibles montrent que les patients répondeurs au traitement maintiennent cette réponse de façon prolongée. L’essai Keynote-006 [17] prévoyait, pour les patients atteints d’un mélanome métastatique inclus dans le bras pembrolizumab, un traitement durant 2 ans. Dix-huit pour cent des patients ont effectivement pu poursuivre le traitement durant 2 ans. Vingt mois après l’arrêt du traitement chez ces patients, 86 % n’avait pas présenté de rechute. Ce taux de contrôle de la maladie était encore meilleur chez les patients en réponse complète sous immunothérapie (95 %) ou chez les patients en réponse partielle (91 %). Parmi les patients en progression (18 %), 8 ont bénéficié d’un nouveau traitement par pembrolizumab: 4 ont répondu à nouveau à ce traitement, 3 ont stabilisé leur maladie et 1 seul patient a présenté une progression.
Conclusion
Les résultats des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires sont prometteurs et la gestion de leur effets indésirables de mieux en mieux codifiée. De nombreuses questions restent en suspens, telles que la recherche de marqueurs prédictifs de réponse au traitement, la personnalisation du traitement en fonction du profil tumoral ou les possibilités de combinaisons et d’arrêts de traitement.
La place des inhibiteurs des points de contrôle immunitaire dans les protocoles de traitement fait actuellement l’objet de nombreux essais thérapeutiques et devrait notablement évoluer dans les prochaines années.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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