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Med Sci (Paris)
Volume 35, Number 2, Février 2019
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Page(s) | 176 - 177 | |
Section | Repères | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2019008 | |
Published online | 18 February 2019 |
Trois chercheurs, dont un Français, récompensés pour leurs travaux sur les lasers
Three researchers, including a Frenchman, rewarded for their work on lasers
OncoThAI, Inserm U1189, Université de Lille, CHU de Lille, 1, avenue Oscar Lambret, 59000 Lille, France
Six ans après le physicien Serge Haroche, un autre Français, qui détient aussi la nationalité américaine, reçoit le prix Nobel de physique. Gérard Mourou, né en 1944 à Albertville (France), est professeur émérite à l’École polytechnique (Palaiseau, France) et ancien professeur à l’université du Michigan (Ann Arbor, États-Unis). Il partage la moitié du prix Nobel avec Donna Strickland, de l’université de Waterloo (Ontario, Canada). Née en 1959 à Guelph, au Canada, elle était alors étudiante à l’époque de ces travaux portant sur les lasers. Elle est la troisième femme seulement à être récompensée en physique, après Marie Curie en 1903 et Maria Goeppert-Mayer en 1963. L’autre moitié de cette récompense prestigieuse revient à l’Américain Arthur Ashkin, 96 ans, de l’université Cornell (Ithaca, État de New York, États-Unis). Arthur Ashkin est désormais la personne la plus âgée à voir été lauréat d’un prix Nobel, toutes catégories confondues. Ces trois chercheurs ont un point commun : ils manipulent la lumière et leurs recherches ont abouti à de nouvelles utilisations des lasers en médecine.
© 2019 médecine/sciences – Inserm
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Vignettes (Photos III. Niklas Elmehed. © Nobel Media).
Gérard Mourou et Donna Strickland
Gérard Mourou et Donna Strickland ont inventé en 1985 une technique baptisée « amplification par dérive de fréquence » (chirped pulse amplification, ou CPA en anglais) pour augmenter considérablement la puissance des lasers. Brièvement, cette technique consiste à modifier, à l’aide d’un système optique, une impulsion ultracourte initiale émise par un laser « classique ». Cette impulsion, de l’ordre de la nanoseconde, est étirée puis amplifiée et recompressée. Il est alors possible d’obtenir une impulsion lumineuse ultracourte (de l’ordre de la femtoseconde (10-15 seconde) dont la puissance peut atteindre le pétawatt (1015 W). Pour fixer les ordres de grandeur, si, en une seconde, la lumière parcourt une distance équivalente à 7 fois le tour de la Terre, en une femtoseconde, elle n’a pas le temps de traverser l’épaisseur d’un cheveu, et… à peine celle d’un virus. La puissance solaire reçue par la Terre est, quant à elle, de 175 pétawatts.
Les applications de la technique CPA sont très nombreuses : de la fusion contrôlée par confinement inertiel jusqu’à la biophysique en passant par la spectroscopie moléculaire ultrarapide. La plupart des laboratoires académiques comme industriels possèdent en général un laser à impulsions femtosecondes. Ces impulsions sont utilisées pour forer ou trancher de nombreux matériaux. En médecine, elles permettent d’inciser avec une précision inégalée les tissus biologiques sans aucun dommage pour les structures tissulaires adjacentes. Aujourd’hui, l’ophtalmologie a recours quotidiennement à ces lasers femtosecondes pour la chirurgie réfractive. L’article de Christophe Baudouin, du Centre National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts et de l’institut de la Vision à Paris nous explique en détails les bénéfices apportés par cette évolution technologique dans son domaine [1] (→).
(→) Voir l’article Nobel de C. Baudouin, page 178 de ce numéro
La coupe de l’os requise lors de nombreuses interventions chirurgicales pourrait devenir aussi très bientôt une application très utile de ces lasers [2]. On pourrait aussi en citer de très nombreuses autres, telles que la microscopie à deux photons, une technique d’imagerie par microscopie à fluorescence qui permet une image d’un tissu vivant à une profondeur d’un millimètre.
L’interaction d’une impulsion laser femtoseconde avec une cible solide peut aussi induire une émission intense de rayonnement X dans la gamme de quelques dizaines de kiloélectronvolts (keV, soit mille électronvolts). Ce type de source présente potentiellement plusieurs avantages sur les installations X conventionnelles en termes de performances et de coût. À Bordeaux par exemple, le projet Xpulse vise à développer un système innovant d’imagerie médicale par rayons X obtenus au moyen d’impulsions femtosecondes pour une application dans la détection précoce du cancer du sein. La résolution de ces systèmes, supérieure à la radiographie standard, devrait permettre de détecter des cancers du sein de petite taille à des stades plus précoces1.
Arthur Ashkin
L’Américain Arthur Ashkin, chercheur à la retraite des laboratoires Bell (aux États-Unis), a quant à lui été récompensé pour ses travaux novateurs en optique non-linéaire ayant mené à l’invention des pinces optiques (optical tweezers, en anglais). Elles sont utilisées pour la micromanipulation d’atomes dans les condensats de type Bose-Einstein2 ou d’éléments biologiques, tels que des cellules vivantes, mais aussi des virus ou des protéines. Arthur Ashkin a en effet réussi à démontrer qu’un laser pouvait exercer une force suffisante (pression de radiation) sur une sphère pour la mettre en mouvement ou la faire se déplacer, comme si on la tenait à l’aide d’une petite pince. Les forces générées par les pinces optiques sont typiquement équivalentes aux forces mises en jeu dans un grand nombre de processus cellulaires (adhérence, mécanique du cytosquelette, motricité, fonctionnement des moteurs moléculaires, etc.) [3].
En 1987, Ashkin a réussi à capturer avec cette technique des bactéries vivantes sans les endommager et en conservant un milieu stérile. Ce nouvel outil est maintenant utilisé quotidiennement par de très nombreux chercheurs, notamment en biologie, car ces pinces s’intègrent facilement dans des systèmes d’imagerie microscopique auxquels elles ajoutent la capacité de manipuler et de contrôler à l’échelle nanométrique les objets observés. Il a ainsi été possible de séparer les brins de la double hélice de l’ADN grâce à l’action d’une force mécanique exercée avec une pince optique. On a pu ainsi déterminer la force avec laquelle sont liées les paires de bases azotées et établir que ces forces variaient selon la séquence de paires de bases.
Un autre grand domaine d’applications concerne l’étude et la fabrication de nano- ou de micromoteurs pour la micro-fluidique. Cette technique, combinée à l’utilisation des pinces optiques, est à la base des micro-laboratoires (lab-on-a-chip), des laboratoires utilisant des microtechniques, miniaturisant les méthodes des laboratoires conventionnels.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
La condensation de Bose-Einstein a été imaginée par Albert Einstein et le physicien indien Satyendranath Bose dès 1924. En refroidissant un nuage d’atomes à une température proche du zéro absolu, un tel condensat, état de la matière qui n’est ni solide ni liquide mais ressemblerait plutôt à un gaz pris en masse, a été produit.
Références
- Baudouin C.. Arthur Ashkin, Gérard Mourou, Donna Strickland, Prix Nobel de physique 2018: un Nobel, des applications. Med Sci (Paris) 2019 ; 35 : 178–180. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
- Gill RK, Smith ZJ, Lee C, Wachsmann-Hogiu S. The effects of laser repetition rate on femtosecond laser ablation of dry bone: a thermal and LIBS study. J Biophotonics 2016 ; 9 : 171–180. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Galaup JP. La pince optique. Photoniques 2013 ; 66 : 51–55. [Google Scholar]
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