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Med Sci (Paris)
Volume 34, Number 5, Mai 2018
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 403 - 405 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/20183405011 | |
Published online | 13 June 2018 |
Le système CRISPR/Cas : un outil d’édition des génomes pour le développement de modèles animaux d’infections virales
The CRISPR/Cas system: a genome editing tool to develop animal models of viral infections
École normale supérieure de Lyon, département de biologie, Master biologie, Lyon, France
Le bêta-coronavirus MERS (middle east respiratory syndrome), ou MERS-CoV, est un pathogène émergent qui frappe la région du Moyen-Orient depuis 2012. Depuis sa découverte, le virus s’est répandu dans plus de 20 pays. Il a infecté plus de 800 individus et est mortel dans 35 % des cas [1]. C’est une source d’inquiétude pour l’OMS (Organisation mondiale de la santé) car son taux de reproduction de base (R0, correspondant au nombre moyen de nouveaux cas d’infection engendrés par un individu infecté au cours de sa période d’infectiosité) est passé de 0,79 à plus de 2 au cours des dernières années [2]. MERS-CoV a été transmis à l’homme par le dromadaire, un de ses principaux réservoirs. Cependant, la plupart des cas décrits sont dus à une transmission inter-humaine. Ce virus cause en général des infections respiratoires aiguës, allant jusqu’à la pneumonie, mais peut également être responsable de symptômes gastro-intestinaux.
MERS-CoV est un virus enveloppé d’une centaine de nanomètres de diamètre. Il présente à sa surface des glycoprotéines Spike qui possèdent un domaine RBD (receptor-binding domain) capable de lier la glycoprotéine membranaire DPP4 (dipeptidyl peptidase 4) à la surface des cellules cibles [1]. La liaison entre Spike et DPP4 permet au virus d’infecter un large spectre de cellules cibles.
Modélisation de l’infection par MERS-CoV chez la souris grâce à CRISPR/Cas
Étape 1 : modifier le récepteur DPP4
Afin de mieux comprendre le cycle de réplication du virus et de contribuer au développement préclinique de stratégies thérapeutiques, il est nécessaire de disposer d’un modèle animal dans lequel MERS-CoV se réplique et induit des pathologies représentatives de la maladie chez l’homme. Or, la protéine virale Spike est incapable de se fixer au récepteur DPP4 murin [3]. Le virus ne peut donc pas se répliquer dans les modèles habituellement utilisés en laboratoire comme la souris. Des modèles de primates non-humains comme le macaque rhésus [4] et le ouistiti commun [5] ont été développés, mais leur utilisation pose des questions éthiques et pratiques. C’est dans ce contexte que les auteurs de cette étude présentent le développement d’un nouveau modèle animal pour le MERS-CoV obtenu à l’aide de la stratégie d’édition génétique CRISPR/Cas [6].
En effet, les auteurs ont généré une protéine DPP4 murine interagissant efficacement avec le virus. Pour cela, ils ont modifié le gène mDPP4 en insérant deux codons correspondant à ceux codant la séquence humaine aux positions 288 et 330. Ces deux codons correspondent à la région qui interagit avec le RBD de la protéine virale Spike. Au cours d’une étude préalable, les auteurs ont vérifié in vitro que ce récepteur DPP4 chimérique était capable de lier les protéines Spike, rendant les cellules murines permissives [7]. Ensuite, à l’aide de la technologie CRISPR/Cas9, ils ont obtenu des lignées de souris exprimant ce récepteur DPP4 chimérique à la place de la protéine murine. Ces lignées de souris sont hétérozygotes ou homozygotes pour le gène muté. Dans ces lignées, la version chimérique de la protéine DPP4 est exprimée et elle conserve ses fonctions normales, à savoir son rôle dans le maintien de la glycémie [8] et dans la régulation du système immunitaire [9]. Après avoir réalisé ces contrôles, les auteurs ont montré que le virus se réplique de façon efficace chez ces souris. Cependant, l’infection ne conduit au développement d’aucun des symptômes caractéristiques de l’infection chez l’homme, limitant ainsi l’intérêt préclinique du modèle.
Étape 2 : accroître la pathogénicité du virus
Pour augmenter la pertinence de ce modèle, les auteurs ont cherché à augmenter la pathogénicité de la souche virale utilisée chez la souris. Chez l’homme, un hôte auquel le virus est adapté, la pathogénicité de MERS-CoV est engendrée par une réplication élevée du virus. Pour obtenir une souche virale se répliquant mieux chez la souris, c’est-à-dire plus adaptée à la souris, les chercheurs ont utilisé une caractéristique intrinsèque des virus : l’évolution très rapide de leur génome, permettant une adaptation rapide à un nouvel hôte par sélection naturelle in vivo. Ils ont donc mis en œuvre un protocole appelé le passage en série : des souris dont le récepteur DPP4 est modifié par CRISPR-Cas9 sont infectées par la souche virale de départ, puis le virus produit est récolté et on réitère cette manipulation quinze fois. À l’issue de ces passages, la pathogénicité du virus ainsi obtenu est caractérisée. Comme espéré, la capacité du virus à se répliquer a augmenté et on observe désormais qu’une inflammation se développe et que les capacités pulmonaires des souris sont affectées. Les symptômes humains ont donc été reproduits et le modèle murin modifié semble maintenant bien plus pertinent pour l’étude du virus MERS-CoV.
Un modèle animal précieux pour la modélisation thérapeutique
Les auteurs ont ensuite poursuivi la validation de leur modèle en y évaluant l’efficacité des traitements démontrés comme efficaces dans d’autres modèles. D’une part, une immunothérapie passive fondée sur l’injection de l’anticorps monoclonal humain 3B11 est testée. Cet anticorps neutralisant est dirigé contre la protéine virale Spike et sa fixation empêche l’interaction de la protéine avec le récepteur DPP4. Cela bloque donc l’entrée du virus dans la cellule et inhibe ainsi la réplication virale. Ce traitement avait été validé sur un modèle de primates non-humains [10]. D’autre part, une immunisation active basée sur des pseudo-particules virales exposant la protéine Spike à leur surface (VRP, venezuelan equine encephalitis replicon particles) est testée. Le virus équin est inoffensif pour la souris et est donc utilisé uniquement comme vecteur de Spike. Cette immunisation induit la production d’anticorps dirigés spécifiquement contre Spike qui permettraient d’inhiber la réplication virale lors d’une infection ultérieure par MERS-CoV, comme cela a été précédemment démontré dans un modèle murin [11]. De façon intéressante, dans les groupes de souris traités par ces deux approches, les symptômes résultant d’une infection par MERS-CoV sont réduits : l’obstruction des voies respiratoires est nulle, similaire à celle de souris non infectées. De plus, le virus se réplique beaucoup moins efficacement chez les souris ayant reçu ou produit des anticorps : le titre viral est divisé par 107. Il apparaît donc que l’immunisation a été efficace dans les deux cas.
L’infection par MERS-CoV dans cette lignée de souris développée grâce au système CRISPR/Cas9 permet donc une bonne modélisation de l’infection par MERS-CoV chez l’homme : le virus s’y réplique efficacement, les symptômes sont reproduits et l’efficacité des traitements peut y être mesurée. Ainsi, l’introduction de la technique CRISPR/Cas en virologie peut-elle participer à la mise en place rapide de modèles animaux innovants.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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