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Med Sci (Paris)
Volume 29, Number 8-9, Août–Septembre 2013
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Page(s) | 683 - 684 | |
Section | Éditorial | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2013298001 | |
Published online | 05 September 2013 |
Repenser le traitement du diabète pour mieux soigner les patients
A patient-centered approach for the treatment of diabetes
IRIS 53, rue Carnot 92150 Suresnes, France
Il y a 200 ans, le 12 juillet 1813, à Saint-Julien en Beaujolais, naissait Claude Bernard. Dans les travaux qu’il résuma en 1865 dans « Introduction à l’étude de la médecine expérimentale » [1], celui-ci relate comment il s’est intéressé à l’absorption du sucre, à la nature du suc pancréatique, à la régulation du taux de glucose sanguin et à son élimination rénale. Sur la base de ses travaux expérimentaux, Claude Bernard conclut que « ce n’est qu’en passant dans le milieu intérieur que les influences du milieu extérieur peuvent nous atteindre ». Le diabète, considéré comme une priorité par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) [2], est une illustration de cette conclusion.
Seule la moitié des diabétiques est diagnostiquée et de nombreux patients traités sont mal contrôlés et développent des complications. La prise en charge des malades, quelle que soit la stratégie thérapeutique envisagée, doit être améliorée et adaptée du mieux possible aux caractéristiques des patients. Face à l’épidémie croissante de diabète de type 2, revenir à la physiologie telle qu’enseignée par Claude Bernard devrait permettre de mieux comprendre la maladie et, ainsi, ouvrir de nouvelles voies de recherche visant à mieux traiter les malades.
Le traitement du diabète de type 2 aujourd’hui : des recommandations de traitement révisées
Le diabète de type 2 est une maladie métabolique caractérisée par une hyperglycémie chronique, résultant d’une altération de la masse et de la fonction sécrétoire des cellules β pancréatiques, d’un défaut multi-hormonal (insuline, glucagon, GLP-1…) et d’une résistance à l’insuline au niveau de ses tissus cibles (foie, tissu adipeux et muscles).
Dans un article commun, des experts de l’ADA (American diabetes association) et de l’EASD (European association for the study of diabetes) ont proposé de nouvelles recommandations de traitement [3]. Dans ces recommandations, qui sont le fruit d’une méta-analyse reposant sur 140 essais cliniques et 26 études observationnelles, l’état général du patient est considéré avec une approche holiste de la maladie. Si l’objectif principal des stratégies thérapeutiques envisagées est d’obtenir un niveau d’hémoglobine glyquée (HbA1c)1 inférieur à 7 %, il faudrait atteindre une HbA1c de 6,0 à 6,5 % chez le patient jeune n’ayant pas ou peu de pathologies associées. En revanche, cet objectif doit être personnalisé en fonction du contexte clinique et une valeur d’HbA1c de 7,5 à 8,0 % est tolérée chez les patients âgés présentant plusieurs co-morbidités, ou des risques d’hypoglycémies sévères.
La première approche de tout traitement du diabète consiste en l’adoption par tous les patients d’un régime alimentaire sain, d’un style de vie équilibré et d’une activité physique régulière. Même si chez des patients diabétiques suivis pendant une période de 10 ans, il apparaît que la mortalité d’origine cardiovasculaire n’est pas modifiée par une intervention diététique et physique intensive [4], les bienfaits en termes de contrôle de la glycémie, de perte de poids ou de qualité de vie sont maintenus. Les patients chez qui l’amélioration du style de vie est insuffisante doivent se voir proposer une approche thérapeutique, dans l’objectif de contrôler et de stabiliser la glycémie, d’éviter les symptômes hyperglycémiques et de prévenir ou de retarder l’apparition des complications. Dans ces recommandations, la metformine reste le traitement de première ligne, sauf en cas de contre-indication. En fonction du niveau d’HbA1c et des objectifs glycémiques fixés, une seconde ligne de traitement (bi-thérapie), puis différentes associations en multi-thérapie sont proposées avant d’utiliser en dernier recours des approches plus ou moins complexes de traitement par l’insuline [3]. L’approche personnalisée décrite dans ces recommandations repose sur les objectifs recherchés par le thérapeute pour un patient donné, sachant que les produits entraînent pour la plupart une réduction d’HbA1c d’environ 1 % chez des patients déjà traités par metformine. Plusieurs traitements sont alors envisageables : les produits favorisant la sécrétion d’insuline par le pancréas comme les sulfonylurées, les thiazolidinediones, qui augmentent la sensibilité à l’insuline des tissus périphériques, ou des approches plus récentes agissant sur la voie des incrétines. Parmi ces possibilités, le gliclazide, sur la base d’une analyse comparative des sulfonylurées et en fonction des preuves disponibles pour les autres traitements, est le seul retenu par l’OMS dans la nouvelle édition de la liste des médicaments essentiels [5]. Les messages principaux de ces recommandations sont une prise en compte du diabète et du patient dans leur globalité, dès la première visite, et l’établissement de la stratégie à adopter, dans le but d’atteindre un contrôle glycémique correspondant à un objectif fixé. Une implication des patients et une éducation thérapeutique sont des éléments du traitement à inclure dans le choix de la stratégie à suivre.
De nouveaux traitements mis à disposition des patients
Au cours de la dernière décennie, les nouveaux traitements mis à disposition des patients sont principalement les stratégies basées sur les incrétines avec les agonistes du GLP-1 et les inhibiteurs de la DPP-IV, ainsi que les approches conduisant à une élimination urinaire du glucose accrue par inhibition du co-transporteur sodium-glucose.
Parmi les incrétines sécrétées au niveau gastro-intestinal après la prise d’un repas, le GLP-1 stimule la sécrétion d’insuline, inhibe la sécrétion de glucagon, ralentit la vidange gastrique et augmente la masse des cellules β du pancréas en stimulant leur néogenèse et les protégeant contre l’apoptose. Cependant, la dégradation rapide du GLP-1 par l’enzyme dipeptidylpeptidase-IV (DPP-IV) limite son utilisation in vivo. En conséquence, deux approches ont été suivies : le développement d’analogues du GLP-1 résistant à la dégradation par la DPP-IV et le développement d’inhibiteurs de cette enzyme [6]. Aujourd’hui, plusieurs agonistes du GLP-1 sont disponibles sur le marché ou en développement clinique. Les différences entre les produits reposent sur leurs fréquences d’administration qui peuvent aller d’une injection quotidienne à une injection mensuelle, voire trimestrielle, sur la base d’innovations technologiques au niveau des procédés utilisés pour la mise en forme pharmaceutique. Très récemment, l’évolution la plus marquée de cette classe est l’apparition de produits agonistes du GLP-1 actifs par voie orale [7]. Jusqu’à aujourd’hui, les traitements disponibles ciblant les incrétines, administrés par voie orale, reposent sur les inhibiteurs de DPP-IV. Plusieurs produits sont disponibles dont les premiers sont la sitagliptine et la vildagliptine.
Dès 1938, la régulation de l’excrétion rénale du glucose a été suggérée comme pouvant moduler la glycémie [8]. C’est toutefois l’identification du co-transporteur sodium-glucose, SGLT2, au début des années 1990 [9], qui a conduit à proposer la réduction de la réabsorption du glucose au niveau des tubules rénaux comme approche thérapeutique. De nombreux inhibiteurs spécifiques de SGLT2, tels que la dapagliflozine, ont, depuis, confirmé l’intérêt de cette piste en montrant une réduction d’HbA1c chez les patients diabétiques.
Un champ d’investigations ouvrant de nombreuses perspectives
Si l’on se rapporte à Claude Bernard [1], « on ne peut juger de l’influence d’un remède sur la marche et la terminaison d’une maladie, si préalablement on ne connaît la marche et la terminaison naturelles de cette maladie ». Les approches décrites dans ce numéro de médecine/sciences, en ligne avec cette vision, apportent des éléments qui concourent tous à expliquer les mécanismes impliqués dans l’histoire naturelle du diabète, dans le but d’identifier des thérapies plus efficaces et mieux adaptées aux patients diabétiques.
Au-delà des signes cliniques et des symptômes couramment utilisés pour diagnostiquer les patients diabétiques, la connaissance de la biologie intrinsèque de la pathologie permettra de mieux caractériser les malades diabétiques. L’étude des co-morbidités et des relations entre les pathologies, à partir des données recueillies chez les malades, représente la meilleure approche pour proposer une nouvelle taxonomie et préciser les populations de malades partageant les mêmes perturbations moléculaires et susceptibles de répondre aux mêmes traitements. De nouvelles stratégies intégrant l’imagerie de la masse fonctionnelle des cellules β du pancréas, l’identification de marqueurs prédictifs de progression du diabète ou encore une observation de l’ensemble des « phénotypes » du patient sont requises pour, en recherche clinique, qualifier le niveau d’efficacité des traitements. Enfin, l’intégration de toutes les informations obtenues au niveau des études épidémiologiques, cliniques et expérimentales ouvre la perspective de modeler la pathologie, permettant ainsi de générer ou de valider des hypothèses nouvelles. Toutes ces pistes permettent d’espérer la découverte de nouveaux traitements du diabète pour mieux soigner les patients diabétiques.
Liens d’intérêt
Les trois auteurs sont salariés de l’Institut de Recherches Internationales Servier.
L’HbA1c représente la fraction érythrocytaire d’hémoglobine liée au glucose. Compte tenu de la durée de vie moyenne des globules rouges, la mesure de l’HbA1c, exprimée en pourcentage par rapport à l’hémoglobine totale, permet d’apprécier l’équilibre glycémique des deux à trois mois précédant le prélèvement sanguin.
Références
- Bernard C. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale. Paris : J.B. Baillière et fils, 1865. http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40045007x [Google Scholar]
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