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Med Sci (Paris)
Volume 29, Number 4, Avril 2013
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Page(s) | 417 - 424 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/2013294016 | |
Published online | 26 April 2013 |
Adiponectine et résistine
Un rôle dans les fonctions de reproduction ?
Adiponectin and resistin: a role in the reproductive functions?
Unité de physiologie de la reproduction et des comportements, UMR 6175 Inra-CNRS-université François Rabelais de Tours, 37380 Nouzilly, France
Les adipocytokines sont des hormones principalement produites par le tissu adipeux blanc, un organe endocrine impliqué dans l’homéostasie énergétique. Elles jouent un rôle important dans le contrôle, non seulement du métabolisme lipidique et glucidique, mais aussi du fonctionnement des gonades et de l’axe hypothalamo-hypophysaire. En effet, certaines adipocytokines, comme l’adiponectine et la résistine, régulent la stéroïdogenèse, la maturation des cellules germinales et la sécrétion des hormones gonadotropes chez différentes espèces. Ainsi, elles pourraient faire le lien entre la reproduction et le métabolisme énergétique, et être à l’origine des infertilités rencontrées dans certains troubles métaboliques, comme l’obésité ou le syndrome des ovaires polykystiques.
Abstract
Adipokines are hormones mainly produced by the white adipose tissue, an endocrine organ involved in energy homeostasis. They play an important role in the regulation of lipid and glucose metabolisms, in inflammation and immune disorders. New roles for adipokines have recently emerged in the field of fertility and reproduction. Indeed, adipokines such as adiponectin and resistin are able to regulate the functions of male and female gonads and of the hypothalamic-pituitary axis. For example, they modulate steroidogenesis of gonadic somatic cells, germ cell maturation and secretion of gonadotrope hormones in various species. The reproductive system is tightly coupled with energy balance, and thereby metabolic abnormalities can lead to the development of physiopathological situations such as the polycystic ovary syndrome (PCOS). Obesity and overweight are significantly involved in the declining natural fertility and decrease the effectiveness of treatments. Women with obesity and/or PCOS have abnormal plasma adiponectin and resistin profiles. Thus, these adipokines could be a link between reproduction and energy metabolism and could partly explain some infertility related to obesity or PCOS.
© 2013 médecine/sciences – Inserm / SRMS
Vignette (Photo © Inserm - Philippe Valet).
L’adiponectine et la résistine sont deux adipocytokines, hormones sécrétées par le tissu adipeux. Elles induisent des effets opposés sur la régulation de la sensibilité à l’insuline. L’adiponectine améliore la sensibilité à l’insuline alors, qu’à l’inverse, la résistine induit un état d’insulinorésistance.
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L’adiponectine est une protéine de 244 acides aminés majoritairement produite par le tissu adipeux blanc, mais elle est aussi retrouvée dans d’autres tissus comme l’os et le muscle [1, 2] (Figure 1). Chez l’homme, le niveau d’expression de son ARN messager varie selon la localisation, puisqu’il est plus faible dans le tissu adipeux viscéral que dans le tissu adipeux sous-cutané, que les sujets soient minces ou obèses. L’adiponectine est impliquée dans le métabolisme lipidique et glucidique, et semble jouer un rôle primordial dans la physiopathologie de l’obésité, du diabète de type 2 et de la maladie coronarienne. Chez un homme sain, l’adiponectinémie est de l’ordre de 5 à 30 mg/L, ce qui représente 0,01 % des protéines plasmatiques totales. Une adiponectinémie basse est prédictive d’une insulinorésistance ou d’un diabète de type 2. L’adiponectine plasmatique existe sous diverses formes moléculaires : forme monomérique et multimérique (monomères d’adiponectine organisés en une structure plus complexe grâce à des ponts disulfures), que l’on peut classifier en haut poids moléculaire (HMW), en poids moléculaire moyen (MMW), et en bas poids moléculaire (LMW). Pour agir au niveau cellulaire, l’adiponectine se fixe principalement sur deux récepteurs, AdipoR1 et AdipoR2, préférentiellement exprimés dans le muscle et le foie, respectivement. Les AdipoR sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires, mais présentent une topologie inversée par rapport aux récepteurs de même type associés aux protéines G : la partie amino-terminale est intracellulaire et la partie carboxy-terminale extracellulaire [3]. Une fois activés, les AdipoR lient une protéine adaptatrice, APPL, qui relaye l’activation d’une adenosine monophosphate activated kinase (AMPK) [4]. L’AMPK est un composant majeur de la voie de signalisation de l’adiponectine impliquée dans ses effets métaboliques.
Figure 1. Lieu de production, exemples de cibles et rôles de l’adiponectine et de la résistine dans les tissus périphériques. L’adiponectine majoritairement produite par le tissu adipeux est aussi trouvée dans d’autres organes comme le muscle et l’os. L’adiponectine présente des propriétés de sensibilisation à l’insuline, et sa concentration est diminuée en cas d’obésité souvent associée à une insulinorésistance. Elle agit via ses récepteurs AdipoR1 et AdipoR2 et améliore l’entrée cellulaire du glucose et l’oxydation des acides gras au niveau des muscles et du foie. La résistine est majoritairement produite par les macrophages et la moelle osseuse chez l’homme, et les adipocytes chez la souris. Chez cette dernière, elle est fortement impliquée dans les phénomènes d’insulinorésistance et d’adipogenèse, alors que chez l’homme son rôle est moins clair. ROR1 : receptor tyrosine kinase-like orphan receptor 1 ; TLR4 : Toll-like receptor 4.
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La résistine est une protéine de 108 acides aminés chez l’homme et de 114 acides aminés chez la souris, qui appartient à la famille des resistin-like molecules ou FIZZ (found in inflammatory zone) [5]. Elle est constituée d’homodimères reliés par des ponts disulfures. Chez la souris, la résistine est directement produite par les adipocytes alors que chez l’homme, elle est exprimée dans les cellules de la moelle osseuse et les macrophages qui la transportent jusqu’aux adipocytes (Figure 1) [6, 7]. La résistine est corrélée au degré d’insulinorésistance chez la souris, alors que les données chez l’homme sont plus contradictoires. Chez la souris, son taux diminue sous l’influence des thiazolidinediones (qui améliorent la sensibilité à l’insuline) ; inversement, il est augmenté en cas d’obésité. Très peu d’informations sont connues à ce jour quant au mode d’action de la résistine. Aucun récepteur n’a été clairement identifié, et la voie de signalisation utilisée demeure tout aussi obscure. Des études récentes suggèrent que la résistine pourrait se lier au récepteur tyrosine kinase ROR1 (receptor tyrosine kinase-like orphan receptor 1) dans la lignée murine de préadipocytes 3T3-L1 [8], ou encore au récepteur TLR4 (Toll-like receptor 4) dans l’hypothalamus de souris [9].
Dans cette synthèse, nous rapporterons brièvement les rôles connus des adipocytokines adiponectine et résistine dans le métabolisme énergétique et la reproduction chez la femelle et le mâle. Puis nous décrirons le lien qu’elles pourraient établir entre ces deux fonctions, ainsi que leur possible implication dans le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) chez la femme et les infertilités liées à l’obésité.
Rôle de l’adiponectine et de la résistine dans la régulation du métabolisme énergétique
L’adiponectine limite la prise de poids chez des rongeurs recevant un régime riche en graisses et en sucres, et il existe une relation inverse entre la résistance à l’insuline et les concentrations plasmatiques d’adiponectine [10]. La suppression de l’expression d’AdipoR1 et d’AdipoR2 s’accompagne d’une diminution de l’activité de PPARα (peroxisome proliferator-activated receptor α), de l’oxydation des acides gras et de l’utilisation du glucose [11]. De plus, Civitarese et al. [12] ont observé que l’expression des deux récepteurs est diminuée chez les sujets ayant des antécédents familiaux de diabète de type 2. Ces données confèrent ainsi à l’adiponectine un rôle protecteur contre le développement du diabète de type 2. En fait, l’adiponectine peut être considérée comme un agent antidiabétique qui augmente la sensibilité à l’insuline en activant l’AMPK. Dans le foie, l’adiponectine augmente la phosphorylation du récepteur à l’insuline, l’oxydation des acides gras, et diminue la néoglucogenèse [13, 14]. Dans le muscle, l’activation de l’AMPK par l’adiponectine conduit à l’inactivation de l’acétylCoA, ce qui augmente l’oxydation des acides gras [14, 15]. Dans ce tissu, l’adiponectine favorise également l’utilisation du glucose en facilitant la translocation des transporteurs GLUT4 sensibles à l’insuline [16].
Chez l’homme, le rôle de la résistine dans le métabolisme est moins connu que celui de l’adiponectine. Chez la souris obèse, la concentration sérique de résistine est augmentée [17]. Chez ces animaux, l’administration d’un anticorps antirésistine corrige le taux de glucose circulant et améliore la sensibilité à l’insuline, mais l’administration de résistine recombinante n’entraîne qu’une intolérance au glucose. Chez l’homme, l’hypothèse selon laquelle la résistine serait une hormone principalement inductrice d’insulinorésistance reste à confirmer.
Rôle de l’adiponectine et de la résistine dans les fonctions centrales de la reproduction
Pour contrôler les fonctions de la reproduction, l’adiponectine et la résistine pourraient également agir sur l’axe hypothalamo-hypophysaire (Figure 2). En effet, l’adiponectine, AdipoR1 et AdipoR2 et la résistine sont présentes dans l’hypothalamus et l’hypophyse chez l’homme et les rongeurs (pour revue voir [18]). Des études in vitro montrent que l’adiponectine, en activant l’AMPK, réduit la sécrétion in vitro de GnRH (gonadotropin releasing hormone) par les cellules hypothalamiques GT1-7. Ces effets pourraient s’expliquer par une inhibition de l’expression du gène KISS1 qui joue un rôle central dans la régulation de l’axe gonadotrope [19] (→). De plus, l’adiponectine inhibe également la libération de LH (luteinizing hormone) qu’elle soit basale ou induite par le GnRH dans la lignée murine gonadotrope LβT2 [20]. Au niveau de l’hypophyse, l’expression de la résistine est faible à la naissance chez la rate et augmente jusqu’à l’âge de 28 jours. Elle augmente au sevrage chez la femelle et à la puberté chez le mâle. De plus, sa concentration hypophysaire est deux à trois fois plus importante chez les mâles que chez les femelles. D’autre part, la résistine diminue in vitro l’expression des récepteurs AdipoR1 et AdipoR2 dans les cellules hypophysaires de rat en culture [21]. Le rôle de la résistine au niveau hypothalamique et hypophysaire reste à déterminer.
(→) Voir m/s n° 3, vol. 29, mars 2013, page 242
Figure 2. Schéma résumant les effets de l’adiponectine et de la résistine au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’adiponectine et la résistine sont présentes dans le liquide céphalorachidien, ainsi qu’au niveau des cellules hypothalamiques et hypophysaires où sont aussi exprimés les récepteurs AdipoR1 et AdipoR2. L’adiponectine réduit, via l’AMPK, les secrétions hypothalamiques de GnRH et la transcription du gène KISS1 in vitro dans les cellules GT1-7. Dans la lignée hypothalamique murine N1, une surexpression ou une inhibition de la résistine modifie l’expression des neuropeptides POMC et NPY, et aussi de l’adiponectine. Enfin, la résistine pourrait diminuer l’expression des récepteurs de l’adiponectine dans les cellules hypophysaires de rat. LH : luteinizing hormone ; NPY : neuropeptide Y ; AMPK : adenosine monophosphate activated kinase ; POMC : proopiomélanocortine ; GnRH : gonadotropin releasing hormone. |
Rôle de l’adiponectine et de la résistine au niveau des gonades
L’ovaire
L’adiponectine est, avec la leptine, l’adipocytokine qui a été la plus étudiée au niveau des cellules ovariennes. Dans l’ovaire (Figure 3), l’adiponectine a été identifiée dans le liquide folliculaire (femme et truie) [22, 23]. Elle est exprimée dans différents compartiments : l’ovocyte (rate) [24], le corps jaune [24], les cellules de la thèque (poule et rate) [24, 25], et très faiblement dans les cellules de la granulosa de poule (à tous les stades du développement folliculaire) et de rate. Les récepteurs AdipoR1 et AdipoR2 ont été identifiés dans différents types cellulaires du follicule (ovocyte, cumulus oophorus, cellules de la granulosa et de la thèque) et dans le corps jaune chez différentes espèces (rate, vache, truie, poisson, poule) y compris chez la femme. Le rôle de l’adiponectine a été étudié in vitro dans la stéroïdogenèse des cellules de la granulosa et de thèque et dans la maturation ovocytaire chez plusieurs espèces. Chez la rate et la femme, l’adiponectine augmente la sécrétion de la progestérone et celle de l’œstradiol en réponse à l’IGF-1 (insulin like growth factor-1) [23]. Chez la rate, cette augmentation s’explique par une augmentation de la signalisation du récepteur de l’IGF-1, et, chez la femme, par une augmentation de l’expression de l’enzyme aromatase responsable de la biosynthèse d’œstrogènes. Dans la lignée de granulosa humaine KGN, l’inactivation spécifique d’AdipoR1 et d’AdipoR2 montre qu’AdipoR1 est impliqué dans la survie cellulaire, alors qu’AdipoR2 est préférentiellement impliqué dans la stéroïdogenèse [26]. En 2008, Gutman et al. [27] ont montré une augmentation de la concentration de l’adiponectine dans le liquide folliculaire en réponse aux gonadotropines ovariennes après administration de LH recombinante. Chez la vache, l’adiponectine diminue in vitro la production des stéroïdes par les cellules de la thèque en réduisant l’expression des récepteurs de la LH et des enzymes CYP11a1 (cytochrome P450, famille 11, sous-famille a, polypeptide 1) et CYP17a1 (cytochrome P450, famille 17, sous-famille a, polypeptide 1) [28]. Dans les cellules de granulosa de porc cultivées in vitro, 1’adiponectine augmente 1’expression de molécules impliquées dans 1’ovulation, telles que Cox2 (cyclooxygénase 2), PGE2 (prostaglandine E2) et EGF (epidermal growth factor) [22]. Lors de protocoles de fécondation in vitro chez la femme, la souris et le porc, 1’adiponectine améliore la maturation ovocytaire et le développement de l’embryon [29, 30]. Chez cette espèce, plusieurs polymorphismes des gènes codant pour l’adiponectine et ses deux récepteurs ont été identifiés. Certains variants et haplotypes identifiés sont associés à des tailles de portées plus grandes, un plus petit nombre de porcelets mort-nés et momifiés, et un intervalle sevrage-œstrus plus court [31].
Figure 3. Schéma illustrant les effets de l’adiponectine et de la résistine au niveau de l’ovaire. Au niveau ovarien, l’adiponectine et ses récepteurs ont été identifiés dans différent types cellulaires, tels que l’ovocyte, les cellules de la granulosa et les cellules de la thèque. Le système adiponectine est aussi présent au niveau de l’utérus. Au niveau des cellules de la thèque, il a été montré que, chez la vache, l’adiponectine diminue la sécrétion des stéroïdes. Chez la femme, la résistine, en présence ou non de forskoline et d’insuline, augmente l’activité de la 17-α-hydroxylase. D’autre part, il a été montré dans des études in vitro sur des cellules de la granulosa que l’adiponectine augmente, en réponse à l’IGF-1, la sécrétion de stéroïdes chez la poule, la rate et la femme. Quant à la résistine, elle exerce, en réponse à l’IGF-1, des effets variables sur la sécrétion de stéroïdes suivant les espèces. Enfin, l’adiponectine améliore la maturation ovocytaire (femme, souris), ainsi que le développement embryonnaire (femme, souris, porc). E2 : œstradiol ; P4 : progestérone; IGF-1 : insulin like growth factor ; MIV maturation in vitro. |
Figure 4. Schéma illustrant les effets de l’adiponectine et de la résistine au niveau du testicule. L’adiponectine, l’AdipoR1, l’AdipoR2 et la résistine sont retrouvés au niveau des cellules testiculaires. L’adiponectine est localisée au niveau de cellules de Leydig, alors que ces récepteurs sont présents dans les tubes séminifères. L’adiponectine diminue la production de testostérone in vitro. L’absence d’AdipoR2 chez la souris conduit à une aspermie et une atrophie des tubes séminifères. La résistine est détectée dans les cellules de Leydig et à l’intérieur des tubes séminifères dans les cellules de Sertoli. Son rôle reste encore à déterminer. |
La résistine est présente dans le liquide folliculaire, l’ovocyte, les cellules de la thèque et le corps jaune chez la rate et la vache [32]. Contrairement à la rate, elle est retrouvée dans les cellules de la granulosa chez la femme et la vache. Dans les cellules de thèques humaines en culture, la résistine augmente l’expression de la 17-α-hydroxylase en présence de forskoline et/ou de forskoline + insuline, suggérant un rôle de la résistine dans la production d’androgènes [33]. Chez la vache et la rate, la résistine module différemment la steroïdogenèse et la prolifération des cellules de la granulosa en réponse à l’IGF-1, suggérant un effet dépendant de l’espèce [32].
Le testicule
Même si la plupart des études sur les adipocytokines se sont principalement focalisées sur l’ovaire, des travaux montrent la présence de l’adiponectine, d’AdipoR1, d’AdipoR2 et de la résistine au niveau des cellules testiculaires. Dans le testicule de rat, l’adiponectine est surtout présente dans les cellules interstitielles de Leydig, alors que ses récepteurs (et principalement AdipoR1) sont présents dans les tubes séminifères [34]. L’adiponectine diminue in vitro la production de testostérone en présence ou non d’hCG (hormone chorionique gonadotrope), alors qu’elle n’a aucun effet sur l’expression des gènes codant pour l’AMH (hormone anti-mullérienne) et le SCF (stem cell factor), spécifiques de la cellule de Sertoli [34]. Chez la souris, la déficience en récepteur AdipoR2 conduit à une atrophie des tubes séminifères et à une aspermie sans modification de la concentration de testostérone [35]. Chez le poulet, des travaux montrent une augmentation des récepteurs de l’adiponectine au cours de la maturation sexuelle, et suggèrent un rôle de l’adiponectine dans la stéroïdogenèse, la spermatogenèse, la fonction des cellules de Sertoli et la motilité des spermatozoïdes [36]. Dans le testicule de rat, la résistine est localisée dans les cellules de Leydig et les cellules de Sertoli à l’intérieur des tubes séminifères. Son expression est régulée par le jeûne, les gonadotrophines et la leptine. De plus, elle varie au cours du développement postnatal atteignant un maximum à l’âge adulte [37]. Ainsi, l’adiponectine et la résistine produites localement ou par voie endocrine sont des senseurs énergétiques capables de réguler les fonctions gonadiques femelles et mâles (Figures 3 et 4).
Rôle de l’adiponectine et de la résistine au cours de l’implantation de l’embryon et de la formation du placenta
Implantation de l’embryon
L’adiponectine et ses récepteurs sont exprimés dans l’utérus de différentes espèces (lapin, porc, homme et rongeurs). Chez la femme, une forte expression des récepteurs a été observée dans l’endomètre pendant la période de l’implantation de l’embryon. Une étude récente indique que l’expression d’AdipoR1 et AdipoR2 est diminuée (60 %) dans l’endomètre des femmes en échec d’implantation après une procédure de FIV (fécondation in vitro) pour infertilité comparée à l’expression dans l’endomètre de femmes fertiles [38]. D’autre part, les taux plasmatiques d’adiponectine sont fortement diminués chez des patientes atteintes de diabète gestationnel, du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), mais aussi d’endométriose et de cancer de l’endomètre (voir [18]). Ces études suggèrent qu’une modification de l’expression de l’adiponectine et/ou de ses récepteurs pourrait être impliquée dans la réceptivité endométriale [38, 39]. De plus, une dérégulation de l’expression de ce système pourrait survenir dans certaines conditions pathologiques associées à des fausses couches ou à des pathologies de l’implantation [39]. Contrairement à l’adiponectine, peu de données sont disponibles à ce jour sur un rôle potentiel de la résistine lors de l’implantation de l’embryon.
Placenta
L’adiponectine, AdipoR1 et AdipoR2, ainsi que la résistine ont été identifiés dans le placenta chez la femme et la rate [40]. Dans le placenta de femme, la résistine et l’adiponectine sont principalement exprimées par les cellules trophoblastiques. La résistine est aussi présente dans la membrane amniotique. Dans le placenta de rate, l’expression de l’ARN messager de l’adiponectine augmente au cours de la gestation puis diminue lors d’une restriction alimentaire. En revanche, celle d’AdipoR2 diminue et n’est pas affectée par la restriction alimentaire [40]. L’adiponectine diminue la prolifération in vitro des lignées trophoblastiques JEG-3 et BeWo [41], stimule la différenciation du trophoblaste villeux en syncytiotrophoblaste et favorise la sécrétion d’hormones placentaires, de l’hCG (hormone chorionique gonadotrope), et de leptine. Le profil d’expression de la résistine placentaire n’est pas encore connu. Cependant, une étude montre que la résistine est capable de moduler le transport du glucose dans les cellules trophoblastiques humaines.
Adiponectine et résistine : quelle implication dans les infertilités liées à l’obésité, à l’insulinorésistance et au syndrome des ovaires polykystiques ?
De nombreuses études épidémiologiques sur de grandes cohortes de femmes enceintes ont parfaitement démontré le lien entre l’indice de masse corporelle au moment de la conception et les chances de grossesses. Le risque de mettre plus d’un an à concevoir est augmenté de 27 % en cas de surpoids et de 78 % en cas d’obésité [42]. Les patientes obèses, enceintes après un traitement d’infertilité, ont un taux significativement plus élevé de fausses couches spontanées, taux qui est corrélé à l’importance de l’obésité. L’obésité peut affecter le tissu reproducteur à différents niveaux chez la femme : ovocyte, embryon, placenta et environnement utérin. Chez l’homme, une étude récente réalisée en France chez près de 2 000 individus, présentée à l’European society of human reproduction (ESHRE) en juillet 2011, indique que le surpoids entraîne une modification des paramètres du sperme, du fait probablement de désordres hormonaux ; les déficits en nombre, en mobilité et en vitalité des spermatozoïdes qui sont observés entraînent une réduction de la fécondité [43]. Il est difficile, pour l’instant, de décrire les mécanismes par lesquels l’obésité ou le surpoids affecte la qualité des gamètes mâles et femelles. Il peut s’agir de l’altération des concentrations plasmatiques des hormones de la reproduction et du métabolisme. En effet, le tissu adipeux est un site de production d’hormones stéroïdiennes, mais aussi d’adipocytokines dont les profils d’expression tissulaire et/ou plasmatique sont modifiés par l’obésité. L’excès de graisse favorise le métabolisme des œstrogènes en deux types d’hydroxyœstrogènes moins actifs, le stockage des hormones stéroïdes dans le tissu adipeux et modifie l’insulinosensibilité et la sécrétion de la SHBG (sex hormone-binding globulin), une protéine de liaison aux hormones sexuelles (testostérone et œstradiol) (pour revue voir [44]). Comme nous l’avons décrit ci-dessus, l’adiponectine et ses récepteurs, et la résistine sont exprimés par les tissus reproducteurs. Ainsi, ces hormones pourraient agir localement par voie paracrine ou autocrine, ou par voie endocrine sur les cellules de l’axe gonadotrope. Une obésité est souvent observée chez les patientes atteintes du SOPK (syndrome des ovaires polykystiques). Ce syndrome comporte à la fois des troubles de la fertilité et des troubles du métabolisme. Les patientes, 5-10 % des femmes en âge de procréer, présentent une hyperandrogénie, leurs cycles sont irréguliers (témoin de l’oligo-anovulation) et leurs ovaires micropolykystiques à l’échographie. Dans le SOPK, la concentration de l’adiponectine est diminuée indépendamment de l’indice de masse corporelle, mais est associée à l’obésité abdominale et à l’hyperandrogénie [45]. L’adiponectinémie est également diminuée chez un modèle murin de SOPK [46]. De plus, dans ce syndrome, un traitement par la metformine, antidiabétique de la famille des biguanides qui améliore la sensibilité à l’insuline et active l’AMPK, augmente dans certaines études le taux d’ovulation [47], et aussi l’adiponectinémie [48]. Quelques travaux ont également relié les taux plasmatiques de la résistine avec le SOPK. Ainsi, l’adiponectine et la résistine, comme d’autres adipocytokines, pourraient être un lien physiopathologique entre les anomalies métaboliques (insulinorésistance et obésité) et les troubles de la fertilité constatés chez les patientes souffrant d’un SOPK.
Conclusions et perspectives
Plusieurs travaux ont montré la présence de l’adiponectine, de ses récepteurs et de la résistine au niveau de l’axe gonadotrope. Une hypothétique régulation centrale de la fonction de reproduction par ces deux adipocytokines semble possible, mais reste à explorer. Au niveau des gonades, l’adiponectine et la résistine régulent in vitro la stéroïdogenèse, ainsi que la maturation ovocytaire et le développement embryonnaire. Chez la femme, l’adiponectine pourrait jouer un rôle dans le développement embryonnaire pré-implantatoire. D’autre part, l’adiponectine émerge comme un nouveau régulateur positif de la fonction trophoblastique qui favorise la formation d’un placenta fonctionnel. Ainsi, comme dans le cas du syndrome métabolique, l’adiponectine ou ses analogues (adiponectine recombinante, agoniste des récepteurs de l’adiponectine) pourraient être utilisés dans le traitement de certaines infertilités. Enfin, il convient de s’interroger sur le rôle des autres adipocytokines (visfatine, chémérine, omentine, etc.) dans les pathologies du système reproducteur liées à l’insulinorésistance et à l’obésité.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
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Liste des figures
Figure 1. Lieu de production, exemples de cibles et rôles de l’adiponectine et de la résistine dans les tissus périphériques. L’adiponectine majoritairement produite par le tissu adipeux est aussi trouvée dans d’autres organes comme le muscle et l’os. L’adiponectine présente des propriétés de sensibilisation à l’insuline, et sa concentration est diminuée en cas d’obésité souvent associée à une insulinorésistance. Elle agit via ses récepteurs AdipoR1 et AdipoR2 et améliore l’entrée cellulaire du glucose et l’oxydation des acides gras au niveau des muscles et du foie. La résistine est majoritairement produite par les macrophages et la moelle osseuse chez l’homme, et les adipocytes chez la souris. Chez cette dernière, elle est fortement impliquée dans les phénomènes d’insulinorésistance et d’adipogenèse, alors que chez l’homme son rôle est moins clair. ROR1 : receptor tyrosine kinase-like orphan receptor 1 ; TLR4 : Toll-like receptor 4. |
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Figure 2. Schéma résumant les effets de l’adiponectine et de la résistine au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’adiponectine et la résistine sont présentes dans le liquide céphalorachidien, ainsi qu’au niveau des cellules hypothalamiques et hypophysaires où sont aussi exprimés les récepteurs AdipoR1 et AdipoR2. L’adiponectine réduit, via l’AMPK, les secrétions hypothalamiques de GnRH et la transcription du gène KISS1 in vitro dans les cellules GT1-7. Dans la lignée hypothalamique murine N1, une surexpression ou une inhibition de la résistine modifie l’expression des neuropeptides POMC et NPY, et aussi de l’adiponectine. Enfin, la résistine pourrait diminuer l’expression des récepteurs de l’adiponectine dans les cellules hypophysaires de rat. LH : luteinizing hormone ; NPY : neuropeptide Y ; AMPK : adenosine monophosphate activated kinase ; POMC : proopiomélanocortine ; GnRH : gonadotropin releasing hormone. |
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Figure 3. Schéma illustrant les effets de l’adiponectine et de la résistine au niveau de l’ovaire. Au niveau ovarien, l’adiponectine et ses récepteurs ont été identifiés dans différent types cellulaires, tels que l’ovocyte, les cellules de la granulosa et les cellules de la thèque. Le système adiponectine est aussi présent au niveau de l’utérus. Au niveau des cellules de la thèque, il a été montré que, chez la vache, l’adiponectine diminue la sécrétion des stéroïdes. Chez la femme, la résistine, en présence ou non de forskoline et d’insuline, augmente l’activité de la 17-α-hydroxylase. D’autre part, il a été montré dans des études in vitro sur des cellules de la granulosa que l’adiponectine augmente, en réponse à l’IGF-1, la sécrétion de stéroïdes chez la poule, la rate et la femme. Quant à la résistine, elle exerce, en réponse à l’IGF-1, des effets variables sur la sécrétion de stéroïdes suivant les espèces. Enfin, l’adiponectine améliore la maturation ovocytaire (femme, souris), ainsi que le développement embryonnaire (femme, souris, porc). E2 : œstradiol ; P4 : progestérone; IGF-1 : insulin like growth factor ; MIV maturation in vitro. |
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Figure 4. Schéma illustrant les effets de l’adiponectine et de la résistine au niveau du testicule. L’adiponectine, l’AdipoR1, l’AdipoR2 et la résistine sont retrouvés au niveau des cellules testiculaires. L’adiponectine est localisée au niveau de cellules de Leydig, alors que ces récepteurs sont présents dans les tubes séminifères. L’adiponectine diminue la production de testostérone in vitro. L’absence d’AdipoR2 chez la souris conduit à une aspermie et une atrophie des tubes séminifères. La résistine est détectée dans les cellules de Leydig et à l’intérieur des tubes séminifères dans les cellules de Sertoli. Son rôle reste encore à déterminer. |
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