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Editorial
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 29, Mars 2013
Mucormycoses
Page(s) 3 - 4
Section Édioriaux
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/201329s101
Published online 13 March 2013

Les mucormycoses sont des infections fongiques invasives sévères liées à des champignons filamenteux de grand diamètre et à croissance rapide, les Mucorales. Ceux-ci sont présents de manière ubiquitaire dans le sol et dans de nombreux aliments et sont responsables d’infections communautaires ou liées aux soins, parfois micro-épidémiques. La physiopathologie de cette mycose systémique, se manifestant par une vascularite infectieuse nécrosante extensive, reste mal connue. Ainsi, bien que l’on connaisse l’importance de la défense immunitaire innée dans la prévention des mucormycoses et notamment des polynucléaires neutrophiles et des monocytes et macrophages alvéolaires, les mécanismes intimes d’interaction des Mucorales avec ces cellules restent en grande partie inconnus. De même, les conditions de pénétration des Mucorales dans l’organisme, notamment au niveau des cellules épithéliales des sinus de la face (en particulier chez les sujets diabétiques) ou au niveau de l’épithélium bronchique (en particulier chez les patients neutropéniques) restent sans réponse aujourd’hui. Le tropisme vasculaire de cette maladie qui en fait la particulière sévérité est lié à l’interaction des Mucorales avec la cellule endothéliale par l’intermédiaire d’au moins un récepteur caractérisé pour Rhizopus oryzae comme GRP78. De manière intéressante, il a été récemment montré que l’augmentation de la glycémie et du fer libre régulaient ce récepteur ; le fer libre, ou dissocié de la transferrine, agissant de plus comme un facteur de croissance des Mucorales. De nombreux progrès sur la connaissance de la virulence de ces champignons proviendront de leur séquençage.

Les mucormycoses surviennent le plus souvent chez des sujets immunodéprimés, principalement atteints d’hémopathies malignes, neutropéniques ou non, et alors souvent allogreffés de cellules souches périphériques ou chez des sujets diabétiques déséquilibrés avec ou sans acido-cétose. Parfois, plusieurs facteurs de risque sont présents, ce qui représente par ailleurs un facteur pronostique péjoratif supplémentaire. Les mucormycoses surviennent enfin, dans environ un cas sur cinq, dans un contexte post-traumatique tellurique et alors souvent chez des sujets immunocompétents ou à l’occasion d’événements climatiques d’ampleur (citons les infections à Apophysomyces elegans après le Tsunami au Sri Lanka ou, plus récemment, des cas groupés de mucormycoses cutanées à Apophysomyces trapeziformis après la tornade survenue au Missouri en 2011).

C’est le mérite de la présente monographie en langue française publiée dans médecine/sciences que de faire le point sur une mycose systémique émergente sur le plan international et de pronostic redoutable. J’ai ainsi souhaité rassembler des experts français de son épidémiologie, de son diagnostic au laboratoire, de ses caractéristiques cliniques et radiologiques et de son optimisation thérapeutique tant médicale que chirurgicale.

L’incidence des mucormycoses augmente de manière significative dans la population générale ainsi que leur létalité ; rares chez les enfants, leur taux d’incidence augmente avec l’âge et de plus de 10 % par an chez les sujets atteints d’hémopathies malignes en France comme le soulignent ici Dounia Bitar et Didier Che () [1]. En parallèle, l’incidence des mucormycoses augmente notablement en Inde chez les adultes diabétiques, vus à un stade tardif, alors même que l’incidence du diabète elle-même augmente. Tout concourt alors pour que cette infection constitue un enjeu de santé publique dans ce pays.

(→) Voir page 7 de ce numéro

Il importe par ailleurs que cliniciens et radiologues puissent évoquer le plus précocement possible le diagnostic en l’absence de biomarqueur sanguin spécifique, désormais à la différence d’autres infections fongiques invasives, dans un contexte d’hôte déficient et devant des lésions extensives, nécrotiques, notamment sinusiennes, pulmonaires et/ou cutanées comme le souligne l’équipe du CHU de Strasbourg autour de Raoul Herbrecht () [2]. Une fois le diagnostic suspecté, il importe de le confirmer rapidement au laboratoire de microbiologie et/ou d’histopathologie. C’est le mérite de la synthèse de Dea Garcia-Hermoso du Centre national de référence mycoses invasives et antifongiques à l’Institut Pasteur (→→) [3] de souligner l’importance des conditions optimales de réalisation d’un bon examen microscopique, de la mise en culture de l’échantillon et de la mise en évidence de la morphologie évocatrice du champignon et de son impact tissulaire sur la biopsie. Son article présente de plus les clés de l’identification morphologique en culture et rappelle que bien qu’en plein essor et prometteuses, les approches diagnostiques moléculaires sur tissus pathologiques restent malheureusement encore non standardisées.

(→) Voir page 19 de ce numéro

(→→) Voir page 12 de ce numéro

Enfin, les équipes de maladie infectieuse de l’hôpital Necker-Enfants malades () [4] et d’ORL de l’hôpital Lariboisière () [5] autour de Philippe Herman et Romain Kania qui collaborent depuis une dizaine d’années dans l’optimisation de la prise en charge thérapeutique des mucormycoses présentent une synthèse des avancées thérapeutiques médicales et chirurgicales.

(→) Voir pages 25 et 31 de ce numéro

J’insisterai ici sur l’importance de la correction du défect immunologique si celle-ci est possible (épargne cortisonique, contrôle de l’acidose, du diabète), du traitement antifongique précoce et à posologies adaptées ; actuellement, un dérivé lipidique d’amphotéricine B à la dose maximale tolérable et de la chirurgie de résection large si celle-ci est possible rapidement.

Deux innovations françaises méritent d’être soulignées ici, la fin d’un essai thérapeutique multicentrique AmbiZygo testant l’efficacité et la tolérance de l’AmBisome® à fortes doses qui a permis pour la première fois de rassembler quarante patients atteints de cette infection rare (Fanny Lanternier et collaborateurs) et la mise en place prochaine du programme hospitalier de recherche clinique MICCA (Romain Kania et Fanny Lanternier) qui teste l’importance de la chirurgie endonasale itérative pour le contrôle des localisations rhino-orbitaires des mucormycoses. Je ne peux terminer cet éditorial sans remercier avec une très vive émotion l’Association Marie-Bertille, du nom d’une jeune patiente, malheureusement victime d’une mucormycose extensive, qui rassemble ses parents et frères et sœurs. Son objectif est de mieux faire connaître, comprendre, soigner et guérir cette infection fongique invasive, de pronostic encore redoutable, en soutenant les initiatives de recherche sur cette maladie [6]. C’est l’Association Marie-Bertille qui a soutenu financièrement la publication de cette monographie actualisée. Puissiez-vous lui réserver un accueil attentif !

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Bitar D, Che D. Épidémiologie des mucormycoses en France métropolitaine, 1997–201. Med Sci (Paris) 2013 ; 29 (suppl 1) : 7–12. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Herbrecht R, Sabou M, Ledoux MP. Aspects cliniques et radiologiques des mucormycoses. Med Sci (Paris) 2013 ; 29 (suppl 1) : 19–24. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Garcia-Hermoso D. Diagnostic microbiologique des mucormycoses. Med Sci (Paris) 2013 ; 29 (suppl 1) : 13–18. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Pilmis B, Lanternier F, Lortholary O. Mucormycoses : actualités thérapeutiques. Med Sci (Paris) 2013 ; 29 (suppl 1) : 25–30. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Vironneau P, Verillaud B, Tran H, Altabaa K, Blancal JP, Sauvaget E, Herman P, Kania R., Mucormycoses rhino-orbito-cérébrales : traitement chirurgical, état de l’art. Med Sci (Paris) 2013 ; 29 (suppl 1) : 31–35. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Allemand JB, Allemand B. Marie-Bertille. Med Sci (Paris) 2013 ; 29 (suppl 1) : 5–6. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]

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