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Med Sci (Paris)
Volume 28, Number 11, Novembre 2012
Lames virtuelles en pathologie
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Page(s) | 983 - 985 | |
Section | M/S Revues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/medsci/20122811018 | |
Published online | 12 November 2012 |
Lames virtuelles en pathologie
Télépathologie par lames virtuelles ou le diagnostic anatomo-pathologique en réseau numérique
Telepathology with virtual slides
1
Service de pathologie, hôpital Saint-Louis (AP-HP) et Université Paris-Diderot, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris, France
2
Direction de la politique médicale, télémédecine AP-HP, Paris, France
3
Service de pathologie, hôpital Saint-Antoine (AP-HP), Paris, France
4
Centre de compétences et de services du système d’information patient (CCS SI) AP-HP, Paris, France
5
DIH-HEGP AP-HP, Inserm UMRS 872, Université Paris-Descartes, Paris, France
6
Service de pathologie, centre hospitalier Montfermeil, France
7
Service de pathologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France
8
Service de pathologie, hôpital Bichat, Université Paris-Diderot, Paris, France
9
Service de pathologie, hôpital Pitié-Salpêtrière, Université Pierre et Marie Curie, Paris, France
10
Service de pathologie, hôpital de Bicêtre, Université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre, France
Les enjeux du diagnostic à distance
L’anatomopathologiste est un médecin spécialiste qui fait le diagnostic des maladies par l’examen au microscope de prélèvements tissulaires ou cellulaires [1]. L’impact de ce diagnostic et du compte rendu qui en découle est souvent déterminant pour la prise en charge du patient. Les outils et les modes d’organisation permettant d’établir un diagnostic anatomopathologique de qualité sont donc des enjeux majeurs de santé publique. Dans la majorité des cas, le diagnostic peut être fait aisément par un seul pathologiste à l’aide de son microscope photonique. Il existe toutefois des situations où ce schéma simple n’est pas applicable : il s’agit tout d’abord des cas pour lesquels le diagnostic est difficile et le pathologiste initial (le requérant) souhaite prendre l’avis d’un 2e collègue (le requis). Ce 2e collègue, souvent expert dans son domaine, ne travaille pas forcément sur le même site. Il faut alors souvent transférer les lames par courrier, procédure qui peut être longue et ne permet d’avoir qu’un seul avis. Une autre situation à problème survient lorsqu’un examen anatomopathologique urgent est nécessaire pour la prise en charge du patient, mais qu’il n’y a pas d’anatomopathologiste sur place : par exemple, quand un chirurgien souhaite obtenir un diagnostic rapide sur une lésion prélevée en per-opératoire (examen extemporané) [2] (→). Cette situation peut être résolue si un anatomopathologiste peut néanmoins se déplacer, mais le temps consacré au déplacement est au détriment du reste de l’activité du médecin.
(→) Voir l’article de B. Têtu et al., page 993 de ce numéro
Dans ces deux situations, une réponse aux problèmes rencontrés pourrait être apportée si un pathologiste pouvait faire un diagnostic à distance permettant, soit une 2e expertise distante pour le cas difficile, soit un diagnostic initial distant dans le cas de l’examen extemporané.
Les lames virtuelles en réseau : une révolution pour la télémédecine
Les débuts de la télémédecine remontent à la fin des années 1950, mais les 1re expériences de télépathologie sont plus tardives : elles remontent aux années 1980 aux États-Unis [3], et au début des années 1990 en France sous l’impulsion de l’ADICAP (Association pour le développement de l’informatique en anatomie et cytologie pathologiques). Ces essais se fondaient souvent sur l’utilisation d’un microscope contrôlé à distance ou sur des photographies de champs microscopiques choisis. Toutefois, la lourdeur de mise en œuvre et le temps nécessaire à l’analyse de chaque cas n’ont pas convaincu la communauté anatomopathologique à l’époque. Les lames virtuelles en réseau constituent une véritable percée technologique des années 2000. Elles font l’objet de l’article de D. Ameisen et al. [4] dans ce numéro (→).
(→) Voir page 977 de ce numéro
Les lames virtuelles présentent désormais toutes les qualités pour que la télépathologie se développe dans la pratique quotidienne des anatomopathologistes [5, 6]. Elles ont été validées par les anatomopathologistes comme étant aussi fiables que l’examen avec un microscope photonique [7], voire plus riches d’informations dans certaines situations [8]. Elles apportent donc une réponse possible aux deux situations décrites plus haut. En effet, (1) la téléexpertise permettra de mieux répondre à l’augmentation des exigences de qualité associée au diagnostic anatomopathologique, ainsi qu’à l’augmentation de la complexité des pathologies. De plus, (2) le télédiagnostic initial sera un outil pouvant accompagner certaines restructurations et remédier partiellement à une répartition non homogène des anatomopathologistes sur le territoire, en partie liée à une démographie déclinante dans cette discipline [2] (→). Au-delà des très nombreuses applications pour la pédagogie [9] (→→) et la recherche [10] (→→→), les lames virtuelles sont d’ores et déjà utilisées dans plusieurs situations diagnostiques. En France, le réseau MESOPATH de relecture des mésothéliomes, coordonné par le Pr Galateau à Caen, est totalement basé sur la technologie des lames virtuelles et s’intègre également dans un réseau international d’experts. Des demandes d’avis de diagnostic anatomopathologique sont déjà traitées dans d’autres domaines variés dans des cadres en cours de structuration. Les examens extemporanés par lames virtuelles commencent, quant à eux, à être réalisés de manière plus régulière entre certaines structures, par exemple entre les deux centres hospitalo-universitaires (CHU) de Clamart (Antoine Béclère) et du Kremlin-Bicêtre en région parisienne.
(→) Voir l’article de B. Têtu et al., page 993 de ce numéro
(→→) Voir l’article de B. Vergier et C. Guettier, page 986 de ce numéro
(→→→) Voir l’article de A. Janin et al., page 990 de ce numéro
Les lames virtuelles : évolutions à court et moyen termes
Les enjeux à court et moyen termes sont peut-être plus de nature organisationnelle que technologique, l’enjeu étant d’arriver à faire travailler ensemble des structures de santé ayant des modes d’exercices et des statuts différents. Il s’agira alors de mettre en place des réseaux d’expertise multi-spécialité permettant de répondre à des besoins d’échange, non plus sur un projet ciblé, mais à une échelle plus globale, reproduisant ainsi le mode d’exercice quotidien des anatomopathologistes et répondant à une vraie problématique de santé publique. Des réseaux de ce type sont déjà en place par exemple au Canada [2, 11] ou en Espagne [12].
La mise en place des réseaux de télépathologie utilisant les lames virtuelles doit satisfaire à plusieurs exigences réglementaires et technologiques.
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Le site requérant doit disposer d’une plateforme de macroscopie et de visioconférence, d’un scanner de lames et d’un logiciel de mise en ligne en interface avec le système de gestion du laboratoire local. Ces différents systèmes doivent respecter des standards internationaux d’échange et de sécurité des données de santé [13, 14]. Assurer le bon fonctionnement de l’ensemble passe également par des personnels formés à ces nouvelles technologies, posant la question très actuelle des nouveaux métiers de la santé autour des technologies numériques.
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Le site requis doit disposer d’une station de télépathologie permettant une visualisation ergonomique des lames virtuelles et la réalisation aisée d’un compte-rendu.
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La notion de 2e avis ou d’expertise est évidemment liée à la définition du statut d’expert, en cours de formalisation par les instances représentatives de la discipline, et à la reconnaissance du travail de l’expert. À cet égard, la consultation de 2e avis a obtenu en 2009 un avis favorable de la Haute autorité de santé (HAS) pour une inscription de cet acte à la nomenclature. Le 2e avis par télépathologie, évoqué dans la recommandation de la HAS, fera prochainement l’objet d’une autre démarche spécifique de la Société française de pathologie afin qu’il fasse lui aussi l’objet d’une recommandation.
Les lames virtuelles : évolution à long terme
À plus long terme, il est probable que la plus grande partie des documents anatomopathologiques macroscopiques ou microscopiques feront l’objet d’une acquisition numérique et permettront un exercice essentiellement « digital » de la discipline, à l’instar de la pratique actuelle en radiologie. Toutefois, outre les coûts d’équipement qui restent élevés, la microscopie digitale comporte encore quelques verrous technologiques qu’il faudra lever. Ainsi, la fluidité de la visualisation des lames virtuelles, si elle ne pose pas de problème en situation d’expertise sur un seul cas, reste encore un peu lente pour une utilisation extensive sur de nombreux cas, comparée à la rapidité de déplacement d’une lame d’un microscope photonique. Il faudra pour cela travailler sur les bandes passantes des réseaux. Il faudra aussi travailler sur les algorithmes permettant d’afficher des champs choisis à partir d’une lame virtuelle de très grande taille, et développer des algorithmes « intelligents » permettant un affichage optimisé des régions d’intérêt probables en fonction du type de pathologie étudié. Il sera également nécessaire de généraliser l’acquisition numérique en z-stacking, c’est à dire la numérisation d’une lame à plusieurs focus très proches pour explorer ainsi l’épaisseur d’une coupe tissulaire ou d’une cellule. Bien sûr, cela générera des temps de numérisation et des volumes de stockage plus importants. Cette contrainte de volumétrie, probablement secondaire dans les années à venir, reste encore importante actuellement. Les groupes de travail sur la télépathologie font des propositions pour mieux gérer les documents numériques que l’on gardera effectivement, et ceux que l’on pourra supprimer, sachant que la lame de référence (physique) sera toujours gardée pendant plusieurs années. Il faut enfin savoir que tout ne pourra pas se faire par l’image numérique en anatomie pathologique, car l’objet sur lequel se fonde le diagnostic reste l’échantillon tissulaire, bien physique celui-là, et que le besoin fréquent de réaliser une coloration ou un marquage complémentaire sur un échantillon nécessitera toujours de retourner au tissu.
Conclusion
Ainsi, le diagnostic anatomopathologique est au début d’une grande révolution numérique. L’utilisation d’outils puissants de numérisation et de communication s’appuyant sur des réseaux professionnels structurés va peu à peu modifier en profondeur l’exercice de cette discipline, pour le plus grand bénéfice des patients qui y gagneront en rapidité et en fiabilité de leurs diagnostics.
Pour autant, aussi puissants que soient les nouveaux outils de la télépathologie, le métier d’anatomopathologiste gardera toujours un contact étroit avec l’échantillon tissulaire ou cellulaire du patient car, si l’image est importante, elle ne résume pas toute la complexité d’un tissu ou d’une cellule qui reste avant tout un édifice moléculaire complexe et vivant.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
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