Imagerie et cognition
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Editorial
Issue
Med Sci (Paris)
Volume 27, Number 1, Janvier 2011
Imagerie et cognition
Page(s) 5 - 6
Section Éditoriaux
DOI https://doi.org/10.1051/medsci/20112715
Published online 10 February 2011

Le comportement humain émane entièrement du fonctionnement du système nerveux, mais les mécanismes mis en jeu restent en grande partie mystérieux. L’étude du fonctionnement cérébral demeure ardue. Composé d’une myriade de neurones aux propriétés intrinsèques variées et dont les connexions synaptiques peuvent en permanence se modifier, le cerveau offre au chercheur un visage différent selon que ce dernier l’étudie au niveau moléculaire, cellulaire, systémique, comportemental ou clinique. L’intégration de ces différents aspects en un tout cohérent reste un défi majeur, qui n’est pour l’heure que très partiellement relevé. En outre, l’accès nécessairement limité au cerveau humain en complique singulièrement son exploration. Hormis des études biopsiques ou autopsiques et de rares études neurophysiologiques de patients chez lesquels des électrodes ont été implantées (dans un but thérapeutique), la connaissance du cerveau humain ne progresse que par l’hypothèse parcimonieuse d’une conservation phylogénétique du fonctionnement cérébral, par l’observation comportementale et clinique et par les études de neuro-imagerie.

La revue médecine/sciences publie, dans ce premier numéro de 2011 [1, 2] et dans les suivants, une série d’articles sur l’étude du fonctionnement cérébral humain par les techniques de neuro-imagerie. Cette série fait le point de progrès réalisés dans différents domaines de la psychologie, de la neurologie ou de la psychiatrie. La neuro-imagerie a pris son essor avec la mise au point et l’amélioration progressive, depuis une vingtaine d’années, de l’analyse statistique de données hémodynamiques, métaboliques (SPECT, TEP, IRMf, imagerie optique) ou électromagnétiques (EEG, MEG) [3]. Les résultats obtenus ont considérablement modifié notre vision du cerveau humain. Loin de se limiter à cartographier le cerveau, ils ont révélé ou confirmé les principes fondamentaux de l’organisation fonctionnelle cérébrale qu’illustrent, dans des domaines divers, les articles proposés dans cette série.

Quatre grands principes en forment la trame.

1. Structure et fonctions cérébrales sont intimement liées. À titre d’exemple, la taille de l’hippocampe des taximen londoniens est proportionnelle à leur expérience dans le métier [4] et les apprentis jongleurs voient leur cortex se modifier en quelques semaines d’entraînement [5]. Des exemples pathologiques seront abordés dans cette série : anomalies cérébrales structurelles du jeune schizophrène () et du patient suspect de la maladie d’Alzheimer ().

(→) Voir Jean-Luc Martinot et Stéphanie Mana, m/s n° 4, avril 2011

(→) Voir Gaël Chetelat, m/s 2011 (sous presse)

2. L’organisation fonctionnelle du cerveau humain adopte, comme chez d’autres mammifères, deux principes fondamentaux : la spécialisation et l’intégration fonctionnelle [6]. Le premier indique que des aires cérébrales particulières traitent un type donné d’information. Le second insiste sur les interactions qui surviennent entre régions cérébrales, chacune modifiant son activité selon le contexte fourni par d’autres. Dans cette série, deux systèmes cérébraux serviront d’exemples : celui de la douleur [2] () et celui des émotions ().

(→) Voir l’article de Roland Peyron et Isabelle Faillenot, page 82 de ce numéro

(→) Voir Swann Pichon et Patrick Vuillleumier, m/s 2011 (sous presse)

Dans les deux cas, les connaissances acquises chez le volontaire sain sont mises à profit pour mieux comprendre la pathologie.

3. Le cerveau est maintenant conçu comme un ensemble de réseaux hiérarchiques et récurrents, perpétuellement actifs et dont l’activité fournit un modèle, en permanence remis à jour, de l’environnement, des intentions d’autrui et des conséquences des actions individuelles [7]. L’exploration de l’activité spontanée du cerveau et de son influence sur le traitement des afférences sensorielles est ainsi devenue l’un des axes principaux de recherche de la neuro-imagerie, comme l’illustrera Andréas Kleinschmidt dans un prochain numéro ().

(→) m/s 2011 (sous presse)

L’importance de ces études dans l’étude des phénomènes conscients est souvent évoquée, comme en témoigne l’étude des patients en état végétatif, présentée ce mois-ci dans l’article de Marie Thonnard et al. ().

(→) Voir page 77 de ce numéro

4. Le cerveau est éminemment plastique et son fonctionnement change au gré des apprentissages. Les différents systèmes de mémoire sont systématiquement sondés, durant les phases d’encodage, de consolidation ou de rappel de l’information. Dans cette série, Julien Doyon () détaillera les corrélats neuronaux associés à l’apprentissage moteur et à sa consolidation. L’importance de cette plasticité est maintenant étudiée, afin d’évaluer la revalidation de patients cérébro-lésés [8], mais aussi pour optimiser les méthodes pédagogiques comme l’illustrera Olivier Houdé ().

(→) m/s 2011 (sous presse)

(→) m/s 2011 (sous presse)

De nombreux autres champs de recherche auraient pu être abordés, tels le décodage de l’activité cérébrale [9], le langage, les fonctions exécutives, les neurosciences sociales, etc. Il n’est pas impossible que ces sujets soient présentés ultérieurement, au gré de l’intérêt que vous porterez à cette première séries d’articles.

Conflit d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

Références

  1. Thonnard M, Boly M, Bruno MA, et al. La neuro-imagerie, un outil diagnostique des états de conscience altérée. Med Sci (Paris) 2011 ; 27 : 77-81. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Peyron R, Faillenot I. Imagerie fonctionnelle cérébrale appliquée à l’analyse des phénomènes douloureux. Med Sci (Paris) 2011 ; 27 : 82-7. [CrossRef] [EDP Sciences] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Frackowiak RS, Friston KJ, Frith CD, et al. Human brain function. London : Academic Press, 2004. [Google Scholar]
  4. Maguire EA, Gadian DG, Johnsrude IS, et al. Navigation-related structural change in the hippocampi of taxi drivers. Proc Natl Acad Sci USA 2000 ; 97 : 4398-403. [Google Scholar]
  5. Draganski B, Gaser C, Busch V, et al. Neuroplasticity: changes in grey matter induced by training. Nature 2004 ; 427 : 311-2. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  6. Friston KJ. Modalities, modes, and models in functional neuroimaging. Science 2009 ; 326 : 399-403. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  7. Friston K. The free-energy principle: a rough guide to the brain? Trends Cogn Sci 2009 ; 13 : 293-301. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  8. Ward NS, Brown MM, Thompson AJ, Frackowiak RS. Neural correlates of motor recovery after stroke: a longitudinal fMRI study. Brain 2003 ; 126 : 2476-96. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  9. Haynes JD, Rees G. Decoding mental states from brain activity in humans. Nat Rev Neurosci 2006 ; 7 : 523-34. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

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